Chapitre 28 : Le héro ailé


Faisant les cent pas dans la chambre, je commence à m'énerver contre moi-même. Assis sur le lit, les jambes pendues dans le vide, Yuga me regarde.

- Ce n'est pas que je n'aime pas te regarder, mais tu commences à me donner le tournis. Je pousse un petit cri de rage, et repose mon dos contre l'armoire, croisant les bras sur mon torse. Détends-toi.

- Comment veux-tu que je me calme ? Dis-je agressif. J'ai laissé mes compagnons et mon oncle à l'arrière pendant que moi je suis au chaud, à me faire un sang d'encre pour eux.

- Ils te l'ont dis pourtant, rien ne va leur arriver. Ils sont forts tes compagnons. Nous parlons tout de même du roi et du commandant. Je baisse les yeux, regardant mes pieds bêtement. Peut-être qu'au final, ce n'est pas si grave. C'est peut-être l'œuvre de quelque homme. Il se lève et s'approche de moi. Tu as besoin de te changer les idées.

- C'est gentil à toi, Yuga, mais je ne suis vraiment pas d'humeur.

Il secoue la tête, et me prend par les épaules, alignant nos yeux.

- Que dirais-tu de visiter la bibliothèque ? Je le regarde ahuris, comme si il me sortait une énorme bêtise, et il poursuit. Tu dis avoir soif de connaissance, et moi je te propose la bibliothèque royale, et c'est comme ça que tu me regardes ?

Finalement, je prends conscience de ses paroles, et le regarde à mon tour, droit dans les yeux.

- Il y a une bibliothèque dans le château ? Yuga hoche la tête, un fin sourire sur le visage.

- Évidement ! Ils ne te l'ont jamais montrée ? Je fais non de la tête, et Yuga fronce les sourcils. Bizarre... Peut-être ont-ils oubliés. Enfin, peu importe, allons nous plonger dans une mer d'encre et de mot. Je rigole en le voyant virevolter vers la porte, faisant se lever le bas de sa tunique, alors qu'il m'ouvre et me fait une révérence. Si Monsieur veut bien se donner la peine.

Je rigole, peut-être un peu trop bruyamment car en sortant, les gardes nous dévisagent.

- Ce que tu peux être bête. Il sourit continuellement, et prend ma main dans la sienne.

- Quand je suis dans mon magasin, je me dois d'être professionnel mais en dehors de ça, j'ai une toute autre personnalité.

- Je vois ça. Dis-je en marchant à ses côtés, nos doigts liés. Cela pourrait être gênant, mais à force, je me suis habitué aux contacts et à la proximité des autres. Yuga ne voit rien de déplacé dans ce geste et au final, moi non plus.

Nous arpentons les couloirs en regardant autour de nous. Pour Yuga, je ne sais pas si c'est la première fois qu'il vient ici, puisqu'il semble connaître le chemin. Pour moi, c'est une toute autre histoire. C'est seulement la deuxième fois que je visite le château, et la première fois était assez brève. Je ne connais pas encore les lieux par cœur, mais il me tarde de les découvrir. Main dans la main, le pas léger, nous suivons une route calme, couleur chaude et chatoyante nous entourant. Les rideaux sont tirés, me permettant de regarder dehors et de voir la lumière vif du soleil. Les tableaux semblent tout aussi ravis de recevoir les rayons blancs, et je me permet de les regarder avec une pointe de mélancolie. Des portraits familiaux, des scènes printanières et même un paysage enneigé montrant Oranaï dans toute sa splendeur. Je me mettrais presque à danser tellement le cadre et la joie de vivre de Yuga se répercutent sur moi. C'est comme si, au fond de moi, j'essaie d'oublier ce qu'il se passe dehors, à quelque kilomètre d'ici, et finalement, ce n'est pas plus mal. Si je me met à me morfondre, je risque d'être malade pour absolument rien. Fredonnant un air que je ne connais pas, il me regarde du coin de l'œil et sourit. Soudain, il se met à me faire tourner, et je rigole à gorge déployée. Il essaie lui aussi de penser à autre chose, et sa technique est infaillible.

- Je ne sais pas danser. Dis-je alors qu'il me fait tourner plusieurs fois, me donnant le tournis.

- Pas besoin de savoir, laisse toi simplement guider. Une main sur les hanches, l'autre sur son épaule, il se remet à fredonner, et nous nous mettons à danser comme deux fous sur la tapis rouge du couloir immense. Nous rigolons et sourions, la situation nous faisant rire inlassablement. Mon cœur perd un poids énorme, tandis que Yuga déploie ses ailes et nous fait voler pendant quelque seconde. Il le refait plusieurs fois, nous donnant l'impression de planer dans les airs. Je me laisse guider, acceptant d'être mené.

C'est en tournoyant et dansant que nous finissons devant une porte à semi-ouverte. Le bois est parsemé de dessin en relief et de rubis brut. Il pousse la porte de sa queue, et nous ne nous arrêtons pas. Nos pieds ne veulent plus s'arrêter. Par peur que nos pensées noires reviennent, nos corps continuent de danser pour nous apaiser. Quand il arrête de fredonner, me penchant en arrière pour enfouir sa tête dans mon cou, je sens son sourire contre ma peau. Il me remet droit, mes pieds encrés dans le sol, et replie ses ailes.

- Tu es un très bon danseur. Dis-je en penchant ma tête sur le côté, légèrement essoufflé.

- Merci, mais je ne fais que reproduire ce que l'on m'a appris quelques années auparavant.

Nous nous approchons d'une table centrée au beau milieu des étagères colorés, alors qu'un vitrail laisse la lumière pénétrer dans la pièce. Un dragon doré, chevauché par un homme est représenté. J'imite Yuga, m'asseyant en face de lui, délaissant le dragon.

- C'est l'homme dont tu nous parlais la dernière fois qui t'a appris la danse ? Il s'apprête à parler, mais se ravise. Élégamment, il croise les jambes et pose ses mains sur ses genoux.

- Oui, c'était il y a bien longtemps déjà. Il lève les yeux, regardant l'étage du dessus, où d'autres étagères légèrement en désordre trône entre les sièges.

- Tu pourrais me parler de lui ? Il paraît surpris, mais m'accorde un léger hochement de tête.

- Tu sais, il n'y a pas grand chose à raconter. C'était un chevalier, et moi un jeune couturier. Il ferme les yeux, et fronce les sourcils. Serait-il en train de se remémorer la scène ? Il était crasseux, et couvert de sang. J'étais un peu perdu, n'ayant jamais croisé d'humain de ma vie. Il ne m'avait pas l'air méchant, seulement perdu. Il rouvre les yeux, un éclair traverse ses prunelles. Je l'ai conduis dans une clairière où une rivière passait. Je l'ai nettoyé et soigné comme j'ai pu. Nous n'avons échangé aucun mot ce jour là. Je suis parti, sentant son regard brûler mon dos. Il pose une main sur son menton et souris. Je le regarde, attendri. Trois jours plus tard, j'avais encore du travail, mais l'envie de savoir si il était toujours là consumait mon corps. Quand je suis arrivé, il était bien là. Il s'était débarrassé de son armure et ne portait qu'un vieux vêtement. Il se réajuste sur sa chaise et fait claquer sa queue dans un bruit impatient. Je ne sais pas si c'est parce qu'il me faisait pitié, mais je l'ai aidé. J'ai recousu son vêtement, et je lui ai même donné des tissus. Au moment de nous quitter, la nuit étant sur le point de tomber, il m'a agrippé le bras.

Yuga s'arrête de parler, et je vois ses yeux devenir humide. Je m'approche de lui pour déposer ma main dans la sienne, et au moment où notre peau se touche, il referme ses doigts sur les miens.

- Cela aurait pu paraître soudain. Peut-être avait-il peur de la mort. Mais cette nuit fut la plus belle de toute mon existence. Il essuie ses yeux, attrapant une goutte d'eau. Il m'a marqué la peau, comme une promesse. Nous avons ensuite passé la matinée à discuter, comme si nous nous connaissions depuis toujours. Pour moi, il n'était pas un humain. Il était Rekīa, mon compagnon. Sa voix se brise, mais il continue. Nous nous sommes quittés le surlendemain, et après, huit jours ont passés. Quand j'ai pu enfin me libérer pour le rejoindre, il n'était plus là. Plus d'armure, ni de vêtement. Même pas une goutte de sang.

Il se réinstalle et nos mains se quittent.

- Je n'ai jamais su pourquoi, ni où il est allé. J'aime à me dire qu'il est quelque part, pour ne pas imaginer le pire. Il plonge ses yeux bleues dans mes émeraudes et sourit tristement. Ne te dis jamais que tes compagnons sont en danger et ne penses jamais au pire tant que tu ne l'as pas vu de tes propres yeux.

- Yuga, je suis désolé. Je ne voulais pas que tu sois triste par ma faute.

- Je ne suis pas triste, enfin, pas entièrement. L'attente et l'incertitude me ronge. Peu importe le temps qui passe ou qui toque à ma porte, c'est lui et cela restera lui jusqu'à la fin. Il se lève et marche jusqu'au vitrail, les mains dans le dos.

- Alors c'est vrai, vous avez un partenaire à vie ? Il me regarde de trois quart.

- Notre cœur est fait pour aimer, même si il peut parfois se noircir de chagrin. Un partenaire, ou bien plusieurs, cela dépend des besoins de ton cœur et du destin.

- Tu ne comptes jamais trouver quelqu'un d'autre ?

- Ce serait égoïste de ma part. Puis, je ne peux pas tromper mon cœur. Il se retourne entièrement et dandine de la tête. Ne sois pas triste pour moi, j'ai appris à vivre avec ce besoin.

- Tu es mon ami, Yuga. C'est normal que ta tristesse me touche à ce point. Il vient s'asseoir sur la table, et se penche en souriant.

- Nous sommes amis ? Je rougis, et bredouille.

- Oui, enfin, seulement si tu le souhaites. Il s'empresse de me couper la parole.

- Je te taquine, c'est avec joie que j'accepte ton amitié. Il baisse la tête et croise les bras. Bon, essayons d'être un peu plus gaie. Je me lève, et il suit mes mouvements. Tu cherches un ouvrage en particulier ? Je m'approche des livres et me délecte de leur odeur. Celle de l'encre, du vieux papier et de la couverture.

- Pas spécialement mais... Je penche ma tête pour lire la reliure et fais une grimace, ne comprenant pas un seul mot. Vous parlez une autre langue que la mienne ? Je vois Yuga prendre ses aises, se couchant à moitié sur la table, faisant fi de la bienséance.

- Tu dois sans doute parler du Drākõnien. Les plus jeunes apprennent le japonais en plus de notre langue. Seul les plus âgés parlent l'ancien Drākõnien. On dit même que nos ancêtres parlaient la langue des dragons. Je bois ses paroles alors qu'il agite ses jambes. Tu ne trouveras aucun livre en langue humaine. Je fais la moue et il poursuit. C'est pour une bonne raison, nous ne voulons pas que les humains connaissent nos secrets. Il saute sur ses pieds et s'approche de moi. De plus, tu es le premier humain à venir ici.

Je recule de l'étagère que Yuga semble trouver intéressante, et m'approche d'un pupitre près du vitrail, pour ne pas dire qu'il trône juste en dessous. Je monte sur l'estrade, et caresse de la pulpe de mes doigts le vieux grimoire. À force d'être lu, la reliure est usée alors que les pages ont étés rongées par le temps et l'usure. Je l'ouvre des deux mains, car la couverture est épaisse et lourde. Je suis assez étonné de voir que le titre est en grand, mais surtout, en langue humaine.

- Yuga, tu connais ce livre ? Le Drākõn éclatant m'accorde un regard et repose l'ouvrage qu'il tient.

- Et bien, tu ne commences pas par le plus facile. Il s'approche et se met derrière moi, et dépose sa tête sur mon épaule.

- Tu l'as déjà lu ?

- Non, il est réservé aux membres du Grand Conseil.

- Oh... Ne voulant offenser personne, je m'apprête à le refermer mais Yuga pose sa main sur la mienne. Que fais-tu ?

- Tu ne vas pas me dire que ce titre ne titille pas ta curiosité ? Il joue de ses sourcils et je dépose mes yeux sur la page jaunie.

" La légende d'Ateas "

- Ateas n'est pas le dragon originel qui s'est transformé en homme pour vivre parmi les humains ? Yuga lit à son tour et se met à mes côtés, collant nos épaules.

- C'est bien lui, tes compagnons t'en ont parlés je suppose ?

- C'est Eijiro qui m'a fait la leçon un soir. Je fais défiler les premières pages qui représentent une multitude de dessins. Malheureusement pour moi, le reste n'est pas dans ma langue.

- Tu penses pouvoir le lire ? Comme moi il dépose ses doigts sur les lignes et trace les mots.

- Pourquoi pas, ça peut être divertissant. Je pars m'asseoir sur une chaise que j'avance le plus possible de lui alors qu'il se place bien droit. Il racle sa gorge et commence la lecture.

- Il fut un temps où humain et dragon s'aimaient et dansaient ensemble. Femme et homme, ils se mêlaient aux dieux ailés leur offrant connaissance, chaleur et parole. En contrepartie, les dragons leur offraient passion, magie et amour. Cette entente devint une promesse. De l'union des dragons et des humains, une nouvelle espèce, mélange de leur sang, naquit. Les Drākõn. Des humains ils gardèrent leur corps ainsi que la possibilité de parler. Des dragons ils gardèrent leur force ainsi que leur pouvoir. Yuga se stoppe, tournant la page avec précaution. Durant des décennies, ils continuèrent de vivre ensemble dans la joie et l'abondance, jusqu'à ce que la jalousie voit le jour. Mélange de peur et d'envie, une partie de l'humanité rejeta les dragons. Vivant reclus, les dragons et les humains trouvèrent refuge dans la montagne la plus haute. La paix ne dura pas.

Yuga fait une pose, reprenant son souffle, et tourne la page une nouvelle fois.

- Une guerre des plus sanglantes, presque un massacre. La terre se baigna de sang, et le ciel devint orageux. Pendant des lunes, le sang coula à flot. Les dragons, qui s'étaient jurés de ne jamais user de leur puissance contre l'humanité, se laissèrent tuer. Protégeant leur bien-aimé, ainsi que leur descendant, ils creusèrent la roche aussi loin que leur griffe le put. Ainsi, ils mirent leurs compagnons en sûreté.

Il m'accorde un regard, et poursuit.

- Ateas, mon bien aimé, décida de rester auprès de nous pour nous protéger. De son feu il nous tint au chaud aussi longtemps qu'il le put. Contrairement aux humains, sa vie était éternel. Bientôt, nous commençâmes à nous habituer à la vie souterraine, si bien que certains de nos enfants naquirent avec des facultés bien particulière. Le temps défilant, je voyais mes six enfants grandir alors que Ateas restait jeune et beau. Ma peau devenait flétrie et mes yeux commençaient à me faire défaut.

Yuga passe une main dans ses cheveux, une nouvelle page se tourne.

- Dans un dernier souhait, sachant que la vie allait bientôt me quitter, je demandais à être enterré dans la roche, à même la montagne. Ateas ne voulant pas me quitter, voulut me rejoindre mais je l'interdis. Sachant qu'il ne me laisserais pas faire, je quittais les terres rocheuses pour le volcan, laissant derrière moi mes enfants et mon compagnon, ne voulant pas qu'ils me voient ainsi. J'ai apporté avec moi quelques pages pour écrire mon histoire, avant que mes doigts ne faiblissent. De moi-même, j'ai trouvé refuge dans une grotte à l'abandon et j'attends ma mort.

- Yuga, continue. Le Drākõn semble émue, tout comme moi, mais il poursuit.

- J'ai trouvé Zéïor quatre jours après sa disparition. Étendu, quelques papyrus à ses côtés, son souffle l'avait quitté. Ateas m'avait défendu de quitter la montagne pour chercher mon frère, mais je ne l'avais pas écouté. Nous savions tous que sa disparition l'affectait terriblement, mais il agissait en tant que roi. C'est ce qu'il était pour nous. Non pas un dieu, mais un roi. J'enterrais alors la dépouille de mon frère, là où il avait souhaité mourir. Accompagné de quelques hommes, nous fîmes en sorte de rendre l'endroit magnifique. Peinture, dessin, et offrande, nous voulions qu'il se sente apaisé. Quand nous sommes rentrés, évitant les troupes ennemies, Ateas ne fut pas surpris de la nouvelle. Il avait senti son compagnon mourir. Ses enfants, maintenant tous âgés, virent leur père changer, tout comme moi. Le dragon doré ne parvint plus à dormir, et encore moins à manger. Nous regardions notre roi dépérir tandis que dehors, la guerre faisait encore rage. Ateas, pourtant encore bien vivant, demanda à ce que nous lui construisons une tombe digne d'un roi. Il nous fallut une décennie pour la construire durant laquelle chacun de ses fils trouvèrent un mari. Ateas nous fit alors part de ses dernières paroles, ainsi que d'un rêve qu'il faisait.

Yuga tourne plus de page, et de là où je suis, je vois plusieurs dessins.

- Cette tombe, n'en ai pas une. Ce lieu sera mon refuge, à l'abri des humains et des Drākõn. Mon corps reposera dans ces ruines, et cela jusqu'au jour où le destin devra changer. La porte sera scellée, et ma magie me gardera en vie. La guerre durera des siècles, et personne ne pourra l'en empêcher. Vivre dans la peur, vous devrez. Notre sauveur n'est pas encore né, mais le destin est déjà tracé. Il ne pourra choisir sa voie, mais ce sera à lui de faire un choix. Éclairé par les âmes du destin, guidé par l'éclair violet, il saura où trouver des réponses. Il mettra fin à ce conflit, et cela pour l'éternité. Comme demandé, nous avons retranscrit ces paroles ainsi que nos aventures, pour qu'ainsi, ce héro puisse un jour venir à nous. Ateas, avant que la porte ne se referme, regarda son aîné, Zachīā, et lui dit :
Mon fils, sache que tu es désormais le nouveau roi. Tes descendants auront une vie prospère et riche. Un jour, les pétales tomberont du ciel, d'un rose poudré, tu ne pourras pas l'oublier. Guette ce jour, et ce jour là, attend dix huit années. Il demanda à son fils de le dire à ses frères pour que ainsi, chaque membre de la famille guette ce jour, sans savoir ce qui allait se passer.

Je le vois tourner les pages frénétiquement, à la recherche d'une suite.

- C'est tout ? Je demande incertain.

- Attend, il reste quelques phrases à la fin.

Yuga se penche en avant pour mieux lire.

- Le héro, survolant les terres, accompagnera le dieu céleste. De sa présence, les portes s'ouvriront, et de sa sagesse, les êtres l'écouteront. Les pétales seront le commencement, les âmes seront son repaire, et l'éclair violet, son étoile.

Yuga referme le grimoire, et fronce les sourcils. Il m'adresse un regard perplexe.

- J'ai compris le début, mais la fin était du charabia pour moi.

Je me lève, lui dérobant sa place, et regarde le livre. Certains éléments, aussi impossible que cela puisse paraître, me semble familier.

- Qu'est-ce que peuvent représenter "les âmes du destin" ? Yuga réfléchit et touche son menton.

- J'ai traduit du mieux que j'ai pu mais ce caractère se lit de deux manières, destin ou défunt.

- Les âmes du défunt... L'éclair violet... Les pétales... Yuga, cela ressemble à une prophétie. Un air grave traverse son visage tandis qu'il secoue la tête.

- Ne raconte pas de bêtise, c'est seulement de vieux torchons écris par nos ancêtres.

Je me met à réfléchir extrêmement vite, et plusieurs flash me traverse l'esprit.

- Yuga, le jour où je suis venu au monde, dehors il pleuvait des pétales de fleurs. Il me regarde sans comprendre et je poursuis. Hier, j'ai rencontré un parent à moi à Aquariã, et il m'a affirmé que dix huit ans ont passés depuis. Yuga semble comprendre et il pose sa main sur sa bouche. Et il y a deux jours, il pleuvait des pétales alors qu'il n'y avait aucun arbre fleurie. Juste après, un papillon violet est apparu.

- Et les âmes des défunts ?

Je fronce les sourcils, et me remémore un dicton que j'ai entendu étant plus jeune.

- Dans les ruines de Rokiā, des lucioles ont étés placés. Je pensais que c'était pour éclairer, mais après j'ai vu les torches. On dit que les lucioles n'apparaissent que le soir car elles sont la réincarnation des défunts et...-

- Elles nous guident à travers la nuit. Termine Yuga pour moi. C'est insensé, Izuku. Comment pourrais-tu être le héro de la prophétie ?

- C'est écrit noir sur blanc. Ateas n'avait pas un rêve récurant, mais une vision de l'avenir. C'était un dragon qui usait de magie. Il a vu l'avenir.

Nous arrêtons de parler, et j'essaie de comprendre ce que je dois faire, où je dois aller.

- Dans le grimoire, il parle d'une tombe, celle où Zéïor repose. Je serais prêt à parier que c'est les ruines de Oranaï. Yuga vient vers moi, et ouvre le livre à la page où les croquis sont présents. Leur vision était plus archaïque mais c'est bien le volcan de Oranaï. J'ai déjà visité les ruines et ils ont bien trouvés plusieurs tombes, dont celle d'un humain. Je retrace les coups de crayon avant que Yuga ne change de page. Et l'endroit où tu es censé te rendre ne peut être que les ruines de Rokiā. Là-bas, il y a les lucioles ainsi qu'une porte scellée.

Nous arrêtons de parler et de réfléchir durant un court instant.

- Et si j'avais faux ? Dis-je en me rongeant les ongles. Je suis peut-être en train d'interpréter et de divaguer. C'est la peur qui doit me faire délirer.

- Et si tu avais raison ? Yuga pose sa main sur ma joue et secoue la tête. Écoute, cela semble farfelue et tiré par les cheveux cette histoire, mais si il existe un moyen d'arrêter tout ça, et que ce moyen, c'est toi, je suis prêt à croire l'impossible.

Nous descendons et restons devant la grande porte, sans savoir quoi faire.

- Comment allons-nous à Rokiā ?

- Tu veux t'y rendre maintenant ? Demande t-il en hurlant presque. Devant mon mutisme, il enchaîne. Cela risque d'être compliqué mais pas impossible. Mais toi et moi n'avons pas l'autorité nécessaire.

Au même moment, alors que je me demande encore si ces mots n'étaient pas qu'une pure coïncidence, Lindel apparaît devant nous, un livre à la main. Il me regarde surpris, et dévisage Yuga.

- Izuku, ravie de te voir. Quand ses yeux se posent sur mon acolyte, je ne parviens pas à déchiffrer son regard. Mon frère.

Je recule la tête, et les regarde tour à tour.

- "Mon frère" ? Je demande à Yuga qui lève la main.

- Ce serait trop long à t'expliquer. Dit-il en m'accordant une petite tape sur l'épaule.

- Je peux savoir ce que vous faites là ? Nous nous échangeons un regard, et je comprends que c'est à moi de jouer.

- Je peux comprendre que ce que je t'apprêtes à te raconter peut sembler fou, mais Yuga et moi pensons que la clé de la victoire, ainsi que de la paix, se trouve à Rokiā, dans les ruines. Lindel croise les bras, et tapote du pied.

- Voyez-vous ça. Je vois immédiatement qu'il me prend pour un fou.

- Je sais que nous ne sommes pas proche, mais que tu apprécie mes compagnons alors s'il te plaît, j'ai besoin de ton aide pour aller à Rokiā. Je vois que son visage reste impassible et cela me frustre. Yuga vient à mon secours.

- Je sais que je suis la dernière personne que tu souhaites voir, mais écoute le. Lindel passe de Yuga à moi, et attend dans le silence.

- Nous avons lu le grimoire et je sais que c'est interdit mais j'ai bien fait. La prophétie narré à l'intérieur me concerne. Les événements décrits me concernent directement. Il dépose le livre sur une commode à côté de nous et prend la parole.

- Tu es en train de me dire que tu as lu le livre sacré d'Ateas, et que tu es le héro qui va guider mon peuple ? Je me mord la lèvre, et hoche la tête. Avec vous bu ? Nous soupirons, comprenant qu'il est plus que retissant.

- Je ne suis pas dément, et encore moins un menteur. Toute ma vie, j'ai pensé que je ne valais rien et que j'étais inutile. On n'arrête pas de me dire que ce n'est pas eux qui m'ont trouvés mais moi. Je pense que mon destin est écrit depuis toujours, depuis le jour où les pétales sont tombés. Je suis le héro de la prophétie, celui qui guidera les peuples.

Lindel ferme les yeux, lève la tête, et souffle bruyamment.

- Je pensais avoir tord, mais j'ai eu raison. Il pose ses mains sur mes épaules et hoche la tête. Le jour où je t'ai vu pour la première fois, je l'ai sentie. J'ai sentie que tu étais différent. Ceux qui siègent au Grand Conseil sont les descendants direct des dragons originels. Nous sentons et percevons des choses que personne ne voit.

- Alors, ce jour là, vous saviez tous ? Demande Yuga près de moi.

- Nous ne voulions pas faire des conclusions hâtives car ta naissance et ton âge étaient flous. Je pense que le temps est venu. Il fait voler son habit de sage, pour laisser place à une tunique moins habillé, et plus affriolante. Tu dis devoir te rendre à Rokiā ? Alors vous y allons.

Nous le suivons dans les couloirs, alors qu'il court plus vite que nous.

- Et si par malheur, j'avais tord ?

- Qui ne tente rien, n'a rien, Izuku. Me répond Yuga à mes côtés.

- De toute façon, tout Drākõnia est retourné. Dit Lindel en nous ouvrant la porte principale.

- Comment ça ?

- À Yulïna, ce n'est pas quelques hommes qui ont pénétrés les terres. Le roi de Drakna a levé une armée. À l'heure où je vous parle, le sang coule.

Je sens mon corps vacillé, tandis que Yuga pose une main sur mon épaule pour m'empêcher de tomber.

- Izuku, tu vas bien ?

Non, je ne vais pas bien, avais-je envie de lui réponde. Non, cela ne va pas du tout.

Drākõnia et Drakna sont en guerre.

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Un chapitre fort en émotion et une nouvelle couverture ! Qu'en pensez-vous ?

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