Chaque participants est appelé dans la salle du Conseil. Certains en ressortent heureux avec leur diplôme en main et d'autres défaits, l'air déprimé.

Ceux qui ont réussi auront trois jours de répit avant de partir pour leur nouvelle vie. Une vie libre. Au début ils seront formés dans des équipes provisoires sous la tutelle d'un instructeur. Puis s'ils sont jugés aptes, il partiront dans des missions plus complexes. Seuls quelques uns pourront devenir des chasseurs de haut niveau ou des chaperons émérites.

Certains seront même agents dormants et on ne les appelera qu'une ou deux fois dans leur vie mais ils devront être prêts à n'importe quel moment. Les mamans qui font les courses, les grands-pères sur leurs bancs, les hôtesses de caisses ou les chauffeurs de bus : ils sont tous prêts, dans leur vie de tous les jours à l'extérieur, à agir si on les appelle à devenir ce pour quoi ils ont été formés.

Moi, je rêve aussi d'aller dehors. On dit que certains ont des vies agréables et qu'ils ont des enfants ou des métiers qu'ils aiment. Rien ne les distingue des autres citadins... Si ce n'est parfois leur aura d'animal totem qui les trahit.

Je veux tellement sortir. Je veux voir les montagnes ou les lions d'Afrique. Parcourir les steppes, courir sur les plages et monter en haut d'immenses tours de verre.

Dessin de BloodOfGalaxy

Texte de homonculusnoir :

Soudain mon épaule en rencontre une autre. La bousculade est légère et involontaire, mais je réponds par réflexe :

- Pardon

Je n'obtiens pas de réponse ou de réaction. A la place un regard brun terne se plante dans le mien, il est auréolé d'un orange malsain et souligné par des cernes d'insomniaque. Un sourire tordu m'est rendu, une sale plaie taillée dans ce visage trop maigre. J'ai un mouvement de recul en reconnaissant ma camarade de classe, Ira Felisica, le renard charbonnier...

L'apparence et le caractère de cette fille font peur à tout le monde et elle semble apprécier cet effet. Cette villageoise me déteste, comme tous les autres.

Elle me dévisage des pieds à la tête et ouvre enfin la bouche, mais pas pour des excuses...

- Salut Blanchette! Pas trop stressée par l'imminence des résultats?

Le surnom me fait grincer des dents. Je m'apprête à passer mon chemin puisque l'ignorance est le meilleur des mépris, lorsque je suis cueillie par son venin.

- Toi pourtant... c'est pas comme si tu risquais d'être recalée! Une planquée d'étrangère dans ton genre est sûre d'avoir réussi. Arrête la comédie, et laisse l'anxiété à ceux qui la subissent de façon légitime!

Ses flèches de provocations se fichent dans le mille. Je me retourne, son ton suggestif et moqueur me passe au dessus de la tête.

- Tu insinues quoi exactement, Ira?

Elle affiche un air faussement effrayé, que sa réplique acerbe et haut-perchée dément sans mal.

- Oh! J'ai vexé la sorcière, pauvre de moi ! Vas-tu me maudir ? Pitié au secours! Hahaha... Je ne fais que dire la vérité Blanchette! Épargne moi un discours sur les décisions impartiales du jury et autres balivernes. Tu n'es pas de ce village et tout le monde sera ravi de se débarrasser de ta présence! C'est encore mieux si tu peux nous rendre service au dehors sans qu'on ait à te voir! Et... cerise sur le gâteau : ton mouton est là pour te protéger pas vrai? Vous êtes scotchés l'un à l'autre depuis que vous êtes mioches, y'a pas de raisons que ça change!

Elle prend des allures ostentatoires et empreinte une voix théâtrale.

-Mesdames, messieurs, Shawn considère notre chère sorcière comme sa précieuse possession! Il va utiliser l'influence de sa Môman et son statut de premier chasseur pour être certain de garder son toutou blanc!

Je me retiens de lui mettre mon poing dans la figure. Cette garce délire, elle médit de Shawn sans rien savoir de lui ou de se qu'il a enduré avec sa mère. La langue de vipère continue toujours, mimant une expression après l'autre, jouant avec mes nerfs. Elle est si vive dans son débit de parole que je ne peux pas en placer une.

- D'ailleurs, en parlant de ce trèèèès cher Shawn... tu crois que tu vas être capable de partager? Cette souris est si mignonne! Il ne faudrait pas que des conflits émotionnels viennent ruiner votre travail d'équipe! Ce serait si bête... Si elle te le vole, tu ne vas pas laisser faire, hein? Toi non plus tu n'es pas un renard roux, tu ne pardonnes pas. Quelle chanceuse tu fais ! Ton pelage est toujours immaculé et brillant, tu attendris ton entourage proche. Au final ceux sont eux qui te pardonnent tes caprices et te chérissent! Toi tout va bien... Cela doit être tellement confortable d'être maculée de boue seulement sur l'intérieur.

- Tais-toi!

Elle ignore l'avertissement, se rapproche, et pose sa paume contre sa poitrine. Moi je ne sais pas comment échapper à ses mots et à ses yeux monstrueux.

- Non, je ne me tais pas. Moi, j'assume ce que je pense et le dis tout haut, alors ouvre grand tes oreilles ! J'assume la crasse de mon âme, je me roule dedans et me pavane dans toute ma répugnance. Je suis la Noiraude, une renarde aussi mais bien différente de toi et contente de l'être. Moi, il y a de fortes chances que je sois recalée, comme la majeure partie des aspirants, toi non. Prends ça pour de la jalousie puérile si ça te chantes. Moi, je n'use pas de pistons ou de relations. Je suis orpheline aussi, mon histoire n'est pas toute rose, mais je n'en use pas pour apitoyer les autres sur mon sort !

Alors dis moi, cette question me taraude depuis longtemps, de nous deux, qui est la renarde la plus tricheuse et sournoise ?

Trop c'est trop.

Mon bras part et la gifle magistrale, la plus belle de toute ma vie, siffle dans l'air avant de s'écraser contre sa joue creuse. Sa tête est jetée vers la droite, un sentiment mélange de haute satisfaction et de soulagement intense apaise mon cœur du poids que son discours y faisait peser. Elle n'est personne pour me juger, elle ne sait rien de moi et prétend tout savoir. Elle m'accuse et me dénigre à son bon plaisir, hors de question que je la laisse faire. Le soufflet m'a fait un bien fou... je lui en collerai bien une deuxième. Ma paume m'élance pourtant les picotements me procurent un certain bien-être.

- Ta haine, je n'en ai pas besoin, vas jouer dans un terrier !

Shawn apparaît derrière moi . Je suis rouge de colère et haletante. La brune se tient le visage, agitée de soubresauts. Des iris gris et curieux se penchent sur moi et me calment aussitôt.

- Diane, que se passe-t-il?

Je la regarde, elle. Je prends d'abord ses convulsions pour des sanglots, et pas une once de regret ne me traverse. Puis son rire retentit, léger et contenu, puis déployé et irrépressible. Elle pique un fou rire, un rire dément. La foule autour de nous est trop agitée pour avoir remarquer l'événement, mais nous, nous contemplons effarés, cette dingue hilare se redresser, la joue déjà tuméfiée.

Le rouge donne un peu de vie à son teint de cadavre, mais ses gloussements me donnent des frissons dans le dos. Je tente de rester stoïque maintenant que Shawn est là. Je me suis assez donnée en spectacle hier soir pas la peine d'en remettre une couche.

La Noiraude attrape ma manche et se penche à nouveau vers moi.

- Ça y est ? C'est moi la méchante, maintenant ? Avoue que ça t'arrange de pouvoir traiter quelqu'un comme tout le monde te traite... ça soulage un bon coup, n'est-ce-pas ? Tu veux pas m'en mettre une deuxième par hasard ?

Elle se tapote la pommette meurtrie, et me nargue d'un rictus vainqueur. Je n'ai aucune envie de réagir à son petit jeu, elle trouve le moyen de doubler son offensive malgré mon silence.

- Mais tu ne vas rien faire, pas vrai ? Il ne faut pas désillusionner ton prince charmant qui vient d'accourir ! Alors Shawn, tu la sors enfin de son donjon ta princesse? On a même la fée en tutu rose, armée de son sucre d'orge.

Elle est fatiguée de vivre ma parole!  En une phrase elle vient de se mettre à dos tout notre groupe et elle n'en a pas terminé...

- Cela doit être particulièrement rabaissant pour un loup... de se faire envoyer au tapis par un mouton tremblant. Quoi, Shawn? Tu l'a attaqué pendant son sommeil? Ou il était si piteux qu'il ne s'est pas méfié?

Mimi mange une tartelette à la fraise  et n'a cure de ce qui vient d'arriver. La verve a glissée sur elle, il faut qu'elle me donne la recettes de son écoute filtrée.

(Fin du texte de homonculusnoir)

Dessin de Bouclesnoires

Shawn se tourne vers moi : 

- Diane ! Tu ne dois pas faire de scandale maintenant.

- Mince ! s'exclame Mimi. Une si bonne tartelette aux fraises ! Quelle dommage ! Et puis ça colle dans les cheveux !

Nous contemplons à présent Mimi qui secoue ses boucles roses et Ira avec une tartelette brisée sur la tête.

- N'embête pas ma BFF, sinon la bonne fée en tutu que je suis va vraiment se fâcher. Et tu ne veux pas que l'identité qu'on t'attribuera dans le monde des villes soit déjà détruite sur les réseaux sociaux avant même ta sortie du village, pas vrai ? Je peux devenir pirate informatique, si tu n'aimes pas les fées !

- Allons-y, dit Shawn en nous poussant vers le bâtiment principal.

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Merci à homonculusnoir pour son texte ! N'hésitez pas à proposer les vôtres et vos dessins !