Vendredi 30 août

Cher journal,

Je suis couchée sur mon lit, les pieds contre le mur. Crois-moi, ce n'est pas une position incroyable pour écrire. Mais c'est enfin le week-end, je me fais plaisir.

J'ai eu ma première période d'option complémentaire aujourd'hui. Roxie a eu l'air déçue en apprenant que nous n'avions pas choisi la même. J'avoue que je l'étais aussi. Mais en même temps, quelle idée a-t-elle eu de prendre italien? Elle a déjà trois langues étrangères par semaine et elle en choisit une de plus? C'est du suicide!

Sa raison:

« Mes grands-parents maternels sont italiens! je me dis que ça pourrait être top d'apprendre à me débrouiller un peu dans leur langue pour qu'ils ne soient pas toujours obligés eux de parler le français! »

C'est très chou, j'avoue... Respect à elle.

Mais moi, je n'aurais pas pu. Déjà parce que mes grands-parents maternels sont décédés bien avant ma naissance, et ensuite parce que je suis une quiche absolue en langue. La tartiflette de l'anglais et de l'allemand. Mais bon personne n'est parfait. Le truc c'est que je ne suis pas non plus douée en maths. Donc je compte sur mes notes bloquées de l'année passée et le français, l'option et l'histoire pour compenser cette année... Je sens que ça va être l'éclate. Note l'ironie.

J'avais espéré être autrement avec Marie. Ou même avec Icar, histoire de ne pas être seule dès le départ, mais ils sont les deux en géo.

Je suis donc arrivée dans la salle d'option complémentaire, que j'ai trouvée du premier coup merci seigneur, cherchant vainement une tête connue. Peine perdue. En plus, il ne restait qu'une seule place libre, à côté d'un jeune homme très occupé à dormir contre le rebord de la fenêtre. Je me suis assise essayant de me faire discrète. Sauf que ma chaise a raclé le sol avec un grincement sinistre. Mon voisin a sursauté et relevé la tête vers moi. Le visage à moitié caché sous une capuche vert-caca-pomme, il a demandé:

- Chuis où?

- Euh en classe. On va bientôt commencer le cours...

- OK. Tu me réveilles quand ça commence?

- D'accord.

Je ne suis pas sûre qu'il ait fait attention à la réponse, la tête appuyée contre la vitre, il somnolait déjà. Quelle drôle d'énergumène... Je n'avais plus voir de lui qu'un menton fin, qu'un nez un poil tordu et des taches de rousseurs, mais déjà je l'imaginais avec un béret sur la tête et une toile devant lui. L'archétype de l'artiste.

La prof est entrée d'un pas bondissant et j'ai vite donné un coup de coude à Van Gogh.

Elle s'est mise à nous parler du programme de l'année avec entrain. C'était une toute petite femme un peu ronde qui parlait avec les mains. Je l'ai tout de suite aimée.

- Nous n'allons pas parler des l'Histoire avec un grand H mes chers, mais des histoires précises qu'il y a eu dans l'Histoire! À commencer pas l'histoire des agents secrets !

La classe a frémi. Ça s'annonçait bien. J'ai à nouveau regardé mon voisin et ai remarqué qu'il dormait. Je lui ai pris l'épaule et l'ai secoué. Un peu trop fort apparemment vu la grimace qu'il fit en s'éveillant.

- J'ai encore dormi?

- Oui.

- Merci.

- De rien.

Nous avions le dialogue le plus bizarre du monde. Il a bougé et une boucle brune cuivrée s'est échappée de sa capuche.

- Je m'appelle Alsham, enchanté.

- Moi c'est Amandine, enchantée.

Puis nous n'avons plus échangé un mot de la période, pris par le cours.

J'ai mangé avec Roxie, Marie, et une de leurs amies à midi et nous sommes allés en cours normalement d'après-midi.

Ce soir en rentrant à la maison, j'étais à la fois fatiguée et contente. Fatiguée de ma semaine et contente d'avoir fait de nouvelles connaissances.

J'ai pris mon natel et vu qu'on m'avait ajouté au groupe classe de la 3M11 et à celui de mon OS philo-psycho. Sur le groupe classe, il y avait vingt personnes. Deux contacts étaient déjà inscrits sur mon téléphone, celui de Roxie et celui de Marie. Nous avions échangé nos numéros en début de semaine. Je pense que c'est la rousse qui m'a ajoutée. Les dix-sept autres numéros étaient inconnus. En détaillant les photos de profils, j'ai pu reconnaitre certains camarades que j'ai enregistrés. Icar posait avec son chien, un border collie super mignon et j'ai eu de la peine à déterminer qui des deux avait la plus grande tête d'imbécile heureux et le poil le plus ébouriffé...

 Je me marre actuellement toute seule en écrivant ça.

Roxie a un statut qui dit un truc du style « Souris à la vie et elle te sourira ». C'est à la fois niais et chou. Ça lui correspond bien. La blonde n'a qu'un point.

Arès quelque minutes de recherche, je me suis retrouvé avec plus que neuf numéros inconnu. C'est déjà ça, le reste viendra avec le temps.

Par contre, comment avais-je pu être ajoutée au groupe d'OS étant donné que je ne connaissais personne et que personne n'était venu me demander mon numéro ? J'ai fait défiler les seize numéros inconnus. Soudain, mon pouce s'est arrêté sur une photo de profil. Un grand brun musclé, aux yeux bleus, accoudés à un panier de basket le ballon sous le bras. Pouvait-on faire plus cliché? Non. Pouvait-on faire plus Roméo? Non plus. Il avait dû être absent au premier cours...

Je ne savais pas trop si j'étais contente ou pas qu'il soit dans mon option. D'un côté il était plutôt sympa, mais de l'autre il était lui. Un type qui avait tout pour faire partie des dits « populaire ».

Je sais ce que tu te dis. Pourquoi s'embêter avec des histoires de gamin d'école obligatoire? Tu sais, moi aussi j'ai cru naïvement qu'en entrant au gymnase les gens auraient soudainement la maturité d'arrêter de se juger les uns les autres et de rejeter les gens un peu différents. Mais j'avais tort. Dans notre classe, je parie qu'un tiers des élèves a déjà atteint sa majorité et que les neuf dixièmes l'auront avant leur certificat de fin d'études, leur bac. Je fais partie des neuf dixièmes. Est-ce que ça fait de nous des adultes responsables, je n'en suis pas si sûre. Avons-nous grandi? Assurément. Sommes-nous près à voler de nos propres ailles? Certain le croient... Perso je n'en sais rien. Il est encore trop tôt pour le dire. Mais toujours est-il que la notion de popularité ne s'est pas arrêtée à la fin de l'école obligatoire et loin de là !

Ceci dit, dans la 3M11 les gens ont l'air d'assez bien s'entendre et de se respecter, ce qui est cool. Je pense être bien tombée. Seulement Roméo n'en fait pas partie de cette classe.

Pendant que je réalisais qu'il y avait très peu de chance pour que Cliché sur Pattes et moi devenions réellement amis, et que je m'apprêtais à l'entrer tout de même dans mes contacts, Myriam est entrée sans frapper.

- Amandine t'as pas du Tippex?!!!

J'ai sursauté et mon doigt glissé du « Ajouter aux contacts » au « Appeler le numéro ».

- Merde, merde, merde, merde, merde, merde!!!!!!!!!!

J'ai tapé du mon natel comme une malade en panique totale. J'ai réussi à raccrocher avant la deuxième sonnerie, le coeur battant la chamade. J'ai laissé tomber l'appareil sur le lit avant de m'y laisser choir à mon tour.

Ma soeur m'a regardée comme si j'étais une folle sortie de l'asile. Puis elle a haussé les épaules.

- Alors ce Tippex?

Je te l'ai dit, Myriam n'a pas ou plus de temps à perdre pour quoi que ce soit. J'ai vaguement désigné le pot à crayon sur mon bureau de la main, mortifiée.

J'étais censée faire quoi maintenant ?

Le rappeler pour lui dire que je n'avais pas fait exprès de l'appeler? Gênant et stupide.

Ne rien faire et prendre le risque qu'il appelle lui-même pour voir si ce n'était pas important? Méga gênant. Lui envoyer un sms pour lui dire que ce n'était pas voulu? Un peu gênant, mais ça semblait encore la même solution.

J'ai déverrouillé mon natel. Mon coeur a fait un grand bond dans ma poitrine. J'avais un nouveau message.

« J'ai un reçu un appel de ce numéro, c'est qui? »

En panique, j'ai appelé la personne qui gérait le mieux les imprévus de mon répertoire. Judith. Elle a répondu à la neuvième sonnerie.

- Amandine, quoi de neuf?

- J'ai un monstre problème!

- Raconte.

Je lui ai détaillé la scène. Elle s'est marrée à l'autre bout du fil.

- Si c'est que ça, c'est pas la mort...

- Mais je réponds quoi?!

- Bah tu dis que c'est toi.

- Mais il va croire que j'ai quelque chose à lui dire si je l'ai appelé.

- Bah tu lui dis que c'était pas voulu...

- Mais c'est gênant!

- Pas plus que ça... C'est qui ce type.

- C'est Roméo.

- C'est qui ça? Tu nous en as déjà parlé?

- Oui, le type de la porte. Et de la gym...

- Ahh bah du coup il est habitué! Jamais deux sans trois... rigola-t-elle.

- Merci de ton soutien!

- Roo ça va relaxe, un appel à côté n'a jamais tué personne. Tu lui envoies un « Salut, c'est Amandine, j'ai appuyé sur le mauvais bouton. » Et c'est plier.

- Attends y a un autre souci.

- Lequel?

- Je ne crois pas qu'il sache mon nom en fait...

- Bah c'est pas grave tu lui dis que tu es dans sa classe d'OS et ça passe.

- OK je vais faire ça... merci, à plus, bisous!

- Bisous!

J'ai donc envoyé:

« Salut, désolée j'ai fait une fausse manip... C'est Amandine, la nouvelle on est en OS ensemble. Bonne soirée! »

Quelques minutes plus tard, il a répondu:

« Ah ok pas de souci. Bonne soirée à toi aussi! »

J'ai pu de nouveau respirer normalement.

Voilà mon petit journal c'est tout pour aujourd'hui.

Bye!

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