Samedi 31 août

Cher journal,

Aujourd'hui à midi, c'était le repas familial de la semaine. C'est-à-dire la réunion au sommet pour voir si nous avions tous survécu à notre première semaine en terrain inconnu. Grand-Maman était là aussi et a apporté les caraques pour le dessert. Nous habitons plus près de chez elle, qu'avant, ce qui fait qu'elle peut plus facilement venir nous rendre visite. Ce n'est pas pour me déplaire. La visite de Grand-Maman est toujours synonyme de délice gustatif et de bonne humeur communicative. Je ne sais pas laquelle de ses deux occurrences à réussi à convaincre Dame Myriam de se joindre à nous, simples mortels, pour le diner, mais toujours est-il qu'elle y est parvenue. À moins que Maman ait tiré quelques ficelles.

Nous étions tous assis autour de la table du salon à savourer nos pâtisseries lorsque Papa a tapé sur la table de ses larges mains, en demandant d'un ton joyeux, les yeux pétillants:

- Alors la petite famille, comment c'est passé cette semaine?!

- Super sympa! s'est exclamée Imelda, hyper en enthousiaste. Je suis allée visiter l'Uni, c'est top et je me suis inscrit au cours d'agrès avancé. J'ai fait trois séances, c'est top pour se remettre à niveau!

J'ai souri. J'étais contente pour elle, le sport, c'est sa vie. En troisième année à l'Uni pour devenir prof d'éducation physique, elle ne fait littéralement que ça.

- Il y a des gens sympas? ai-je demandé.

- Oui, j'ai déjà plein de connaissance, ils sont super accueillants, c'est fou !

- Oh je suis contente pour toi ma chérie...

Maman semblait presque émue. Elle et ma soeur ainée se ressemblent beaucoup, que ce soit par leurs cheveux blonds, lisses et longs ou leur attrait pour ce qui touche à l'enseignement.

- Génial ! Et toi Myriam, as-tu pu profité de ta semaine pour te reposer un peu?

Aïe, mon père avait dit le mot interdit.

- Mais oui bien sur Papa, je me prélasse les pieds en éventail histoire d'avoir bien le temps de tout oublier pendant l'été!

Et c'était reparti pour un tour.

- Je pense que tu peux t'octroyer un peu de repos, tu sais... Tu as déjà travaillé la majeure partie de l'été, tu peux te poser un peu bon sang!

- Tu penses? Elle a haussé un sourcil, ironique. Tu veux que je te rappelle à combien est le taux d'échec en deuxième année de médecin Papa? Je ne peux pas me permettre de me relâcher.

- Je comprends, mais quand même, tu vas finir par faire un burn-out si tu continues toute l'année dans cette vaine!

Son ton était presque tranchant, mais ses yeux inquiets. Il a échangé un regard avec Maman. Myriam a ricané, dédaigneuse:

- Tu comprends? Mais bien sûr... Comme si tu pouvais comprendre. Rappelle-moi ton métier déjà? Ah oui, charpentier... Excuse-moi d'avoir un peu plus d'ambition que ça Papa.

Ta gueule Myriam!

J'ai craché ses mots du fond du coeur sans prendre le temps de réfléchir et l'ai dévisagée bouche bée. Comment pouvait-elle dire une chose pareille ?! Mon père adore son métier et en est très fier, à juste titre je trouve. Comment pouvait-elle le rabaisser ainsi sous prétexte qu'il n'avait pas fait d'étude supérieure? Le silence s'était fait autour de la table. Ma soeur m'a foudroyé de son regard noisette. J'ai fait de même. Maman fixait sa fille cadette comme si elle la découvrait pour la première fois. Grand-Maman semblait soudainement très intéressée par ses pieds et Imelda par le plafond. Papa a passé une main dans ses épais cheveux bruns soupirant comme pour se calmer. Il commença à parler, d'une voix grave et vibrante de colère, appuyant fortement ses points sur la table.

- Amandine, je vois bien que tu as été choquée, mais ce n'est pas une raison pour réagir de la sorte...

C'était injuste, je le défendais et je me prenais des reproches. Papa a continué:

- Je suis extrêmement déçu Myriam. Ta mère et moi avons toujours essayé de vous inculquer des notions de tolérance des choix d'autrui... Je ne pensais pas que mon métier puisse te dégoûter à ce point. Parce que moi, tu m'entends, que tu deviennes médecin, fleuriste ou éboueuse, j'aurais eu la même estime pour toi, si c'était ton choix. J'ai choisi il y a des années de faire un métier qui me passionnait et qui me passionne toujours. Je ne pensais pas qu'un jour ma propre fille insinue que je devrais en avoir honte. Je n'en ai pas honte et je n'en aurais jamais. Tu as vingt et un ans. Tu es donc responsable de tes paroles et de tes actes. Je sais que tu subis beaucoup de pression et que nous ne faisons pas forcement toujours tout juste, mais dans ces cas là, j'aimerais que tu nous dises ce que tu as sur le coeur plutôt que te réfugier dans des sarcasmes qui sont aux antipodes de nos valeurs. Nous ne t'avons pas éduqué comme ça !

L'atmosphère était électrique. J'ai senti les larmes me monter aux yeux et je me suis mordu la lèvre. Aussi loin que je me souvienne je crois que c'était la première fois que je voyais mon père en proie à une colère aussi glaçante et contenue.C'est un être solaire qui a toujours un mot pour rire. Le voir ainsi m'a fait du mal. Myriam s'est levée, droite comme un i et a quitté la table sans un mot. Maman a pris la main de Papa.

- J'irai lui parler quand elle se sera un peu calmée. Je suis sûre qu'elle ne pensait pas ce qu'elle a dit.

- Tu as sûrement raison, mais ça veut aussi dire que je n'ai pas vu à quel point ses études la stressent...

- Tu n'as pas à t'en vouloir Papa, elle est grande, elle peut gérer et prendre sur elle... Quand elle aura mis sa fierté de côté, elle saura demander de l'aide si jamais, a déclaré Imelda en levant les yeux au ciel.

- Et toi Amandine, comment c'est passé ta semaine? a demandé Maman pour changer de sujet.

- Oui c'est vrai avec tout ça on ne t'a pas demandé, pardon ma Louloute !

- Ça va Pap's j'ai dix-sept ans pas cinq ai-je ri pour détendre l'atmosphère.

Je leur ai raconté en vitesse ma première semaine, j'ai fait un baiser sur la joue de Grand-Maman et je suis montée dans ma chambre. En passant devant la porte entrebâillée de la chambre de Myriam, j'y ai jeté un coup d'oeil. Elle était à son ordi en train de bosser, mais ses doigts tremblaient en tapant sur son clavier.

Tu sais, même si elle est parfois chiante, ma soeur est loin d'être une mauvaise personne. Elle m'inquiète...

Bises!

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