Cher journal,

J'ai eu la flemme d'écrire hier. De toute façon c'était une journée de cours comme les autres. Là, comme je n'ai pas encore de devoir à faire, je peux te raconter mon premier cours de gym. Premier cours de gym depuis un très long moment d'ailleurs, car les trois derniers mois de l'année scolaire passée, j'en ai été dispensée à cause de ma clavicule cassée ( pour la deuxième fois ).

Ça t'étonnera peut-être, mais j'aime bien la gym. Je crois que c'est surtout la gym qui ne m'aime pas. Actuellement, en regardant mon horaire de cours pour l'année, je crois même que ce sera mes périodes préférées de la semaine.

En arrivant dans les vestiaires ce matin, j'ai vite compris que nous étions jumellés à la 3M10, notre classe parallèle, vu le nombre de filles qui se déshabillaient dans les vestiaires trop petits de la salle de gym. À côté de moi, Marie a pesté en se prenant le soutien-gorge d'une fille de l'autre classe dans la figure :

- C'est quand même abuser. Dans ce gymnase, il y a peut près deux fois plus de filles que de mecs. Si si, j'ai calculé, et tu crois qu'on aurait le droit à des vestiaires deux fois plus grands? Et ben non, à croire que ça les amuse de nous laisser moins d'espace vital que les cochons après les nouvelles normes sanitaires!

- J'avoue que c'est pas ouf...

Je suis allée me changer dans les toilettes. Je suis pudique, je n'aime pas trop dévoiler mon corps aux autres, même si ce sont de jeunes femmes comme moi. J'ai beau avoir la peau dure à force, je n'ai jamais réussi à accepter totalement mes cicatrices.

Quelques minutes plus tard, nous étions tous en lignes dehors sur le bord de la pelouse du terrain de foot, en habit de sport, à écouter le prof nous rappeler les règles de l'ultimat-freezbie.

Puis nous avons commencé à jouer. Roxie était dans mon équipe, mais j'ai bien vite compris en voyant sa tête paniquée dès que quelqu'un lui faisait une passe, qu'elle n'était pas vraiment dans son élément. Moi je m'amusais bien. J'aime beaucoup les jeux d'équipe...

Au bout d'un certain temps, les équipes ont tourné et nous nous sommes retrouvés, Roxie, une fille de notre classe (Sylvie je crois), un gars que je ne connaissais pas et moi contre Marie, une fille de l'autre classe, un garçon de l'autre classe qui me disait vaguement quelque chose et Icar. Celui-ci nous a offert un sourire éclatant et un regard de défi:

- Alors les gars, prêts à vous faire atomiser?

Roxie hoché la tête l'air déjà désespéré. J'ai rétorqué, soudainement prise d'une envolée lyrique:

- La bave du crapaud n'atteint pas la blanche colombe !

La rousse a pouffé, ainsi que le gars que je ne remettais pas totalement. Marie, elle, s'est contentée de lever les yeux aux ciels.

- Je n'en attendais pas moins de toi T rex! a ricané le blond.

Puis nous nous sommes lancés à corps perdu dans la bataille. Oui, la bataille. Nous avons couru dans tous les sens, marquant efficacement l'adversaire, refusant de lâcher quoi que ce soit. Sauf Roxie qui semblait plus courir au hasard qu'autre chose. J'ai senti la sueur me couler dans les yeux et mon souffle devenir rauque.

Le type que je reconnaissais plus ou moins était de loin le meilleur joueur, ce con semblait flotter plus que courir, presque gracieusement. Moi, jalouse des sportifs? Non, bien sûr que non, où vas-tu chercher ça?

Par contre, le blond était aussi en nage que moi. J'avoue, ça m'a fait plaisir. Le score était serré, l'arbitre nous a annoncé qu'il ne restait qu'une minute de jeux. Marie a alors lancé le freezbie de toutes ses forces vers notre ligne de but. Icar c'est élancé à sa suite et ni une ni deux je l'ai talonné. Nous avons couru comme des dératés. Le freezbie a commencé à descendre vers le sol alors j'ai bondi en avant pour l'intercepter au vol...

En même temps qu'Icar...

En même temps que le sportif qui nous avait rattrapés...

Nous nous sommes heurté de plein fouet, moi au centre. Je me suis mordu la langue sous le choque et avant que j'ai pu comprendre ce qui m'arrivait, nous nous sommes écroulés telles des quilles sur le gazon à quelques mètres du zreezbie. « Mister sportif » a roulé sur le côté en se relevant et j'ai pu à nouveau respirer sans son poids sur mon dos. Il m'a tendu la main.

Dans un état second, je me suis dépêchée de me relever pour ne pas écraser plus que de raison le bond, les joues rouges et le coeur battant.

- Désolée...

- Pas de souci c'est les risques du métier! a-t-il rétorqué goguenard en crachant de l'herbe.

C'est alors que j'ai vu la main que Sportif tendait toujours vers moi. Et par réflexe, je la lui ai serrée et secouée comme pour dire bonjour.

Attends, mais je fais quoi, là?

Je l'ai lâché précipitamment et ai levé la tête vers lui. Il passait sa main dans cheveux bruns savamment coiffés malgré notre match endiablé (ne me demande pas comment il a fait), et me jugeait de ses yeux bleus, mi-surpris mi-hilare. C'est là que j'ai retrouvé pourquoi j'avais l'impression de l'avoir déjà vu...

C'était le mec qui m'avait vu galérer avec la porte.

Eh merde...

Finalement, l'hilarité a semblé prendre le pas sur la surprise et il a rigolé doucement. Était-ce légal un sourire Colgate pareil? Le type aurait pu jouer dans une pub de dentifrice.

De mon côté je ne savais plus où me mettre. Icar a pour une fois sauvé la situation en intervenant, ses yeux bleus brillants de malice:

- Quel acharnement petit dino! Je n'aurai pas cru!

- C'est ça rigole... Je ne suis pas seule responsable! Si tu n'avais pas sauté en même temps on n'en serait pas là !

- Soit, nous sommes donc tous les deux fautifs dans ce cas! Parce que Rom c'est un Dieu, il ne s'abaisse pas à s'encoubler... Lui, il plonge pour nous protéger de son corps musclé...Aïe!

« Rom » venait de lui donner une tape à l'arrière de la tête.

- T'es con, a rigolé le brun.

J'ai souri à mon tour. Ils étaient marrants.

- Bon pendant que vous tirez ça au clair, moi je vais aller me changer! Et encore désolée.

- Pas graves! ont-ils répondu dans un bel ensemble.

Je me suis éloignée et Roxie a couru vers moi, inquiète.

- Ça va? Tu ne t'es pas fait trop mal?

J'ai éclaté de rire.

- Ça? Ce n'est rien du tout, crois-moi.

Son regard noisette m'a interrogé, mais je n'étais pas encore prête à tout lui raconter. Comprenant que je n'avais pas envie de développer elle a continué:

- Je vois que tu as fait la connaissance de Roméo.

- Mon Dieu même son nom est cliché! me suis-je étranglée.

La rousse a éclaté de rire.

Marie a débarqué entre nous.

- Il a surtout plus de muscle que de cerveau.

- Ne sois pas si dure...Tu ne le connais même pas!

- Je n'ai pas besoin de le connaitre, les gars de son espèce, ils ne sont pas réputés pour leurs QI... Seulement pour leur Q.

Roxie a levé les yeux au ciel.

- Tu n'en sais rien. Il est peut-être comme Icar, différant une fois qu'on le connait.

- Icar c'est un petit con qui a besoin d'attention, mais au fond il est sympa...

- Moi je les trouve plutôt marrants pour l'instant ai-je annoncé.

La rousse m'a souvenue d'un hochement de la tête et la blonde m' a offert un soupire découragé.

- Bon venez, les autres filles doivent déjà s'être changées, on aura plus de place! a dit joyeusement Roxie en nous entrainant dans son sillage.

Elle souriait, Marie ronchonnait.

Je m'habitue à leur présence à mes côtés, j'espère vraiment que nous pourrons devenir amies.

Bon je te laisse, je vais faire la cuisine avec Papa, maman a une réunion de parents peut-être qu'en alliant nos deux nullités incroyables en cuisine, nous arriverons à faire quelque chose de mangeable. Après tout, moins par moins égale plus.