XI- Une dernière danse

La route jusqu'à Anchorage leur prit plusieurs jours et Mila vit bien que, durant le trajet, Sébastien rongeait son frein. Lyse, elle, s'enfermait et un air sombre mais déterminé envahissait son visage à mesure qu'ils s'approchaient de leur destination. 

Finalement, ils parvinrent au complexe où avaient travaillé Sébastien et Lyse, et s'arrêtèrent un peu en retrait. Mila n'en revenait pas de la taille des bâtiments, tout était tellement gigantesque... notamment les deux tours au milieu du complexe...

- C'est là, dit laconiquement Sébastien tandis qu'Adam arrêtait le moteur de la voiture. 

- Il faut que vous nous laissiez là et partiez, ajouta Lyse.

- Qu'on vous laisse là ? s'étrangla Mila. On ne vient pas avec vous ?

- Non, dit doucement Sébastien. C'est bien trop dangereux pour vous. Je vais nous faire entrer, Lyse et moi, avec un passe anonyme que j'ai réussi à récupérer. Du coup, on ne s'apercevra pas tout de suite de notre présence...

- Mais bon sang, Seb, qu'est-ce qui se passe là-bas? supplia Mila . Qu'est-ce que tu nous cache?

Sébastien se contenta de la regarder tristement et ouvrit sa portière. Lyse lâcha: 

- C'est à nous de faire en sorte que ce qui se passe là-bas cesse aujourd'hui. Vous n'en entendrez plus parler. 

- Au revoir, j'espère, lança Sébastien. 

- Bonne chance, lui dit Adam. Je ne sais pas pourquoi au juste, mais bonne chance. 

Mila vit les deux s'éloigner, sans réussir à articuler un mot. Et puis, ce fut trop tard. Ils avaient disparu.


SEBASTIEN

Sébastien utilisa le passe pour déverrouiller une des portes de service, et Lyse et lui réussirent à s'introduire dans le complexe d'Anchorage.

- On est de retour, chuchota-t-il.

- Oui, répliqua Lyse. Combien de temps a-t-on avant qu'ils nous repèrent, selon toi?

- Pas grand-chose. 

Sébastien avait le cœur au bord des lèvres. Il avait toujours connu ces lieux par cœur, et pourtant à présent, ils lui paraissaient étrangers...

Pire encore, dangereux.

- Dépêchons-nous. 

Passant par des couloirs secondaires, ils évitèrent de croiser des employés. Ils approchaient du coeur du bâtiment, où se trouvait la banque de données informatiques qu'il envisageait de pirater, lorsque, essayant d'ouvrir une porte, ils n'y parvinrent pas. 

- Putain, lâcha Sébastien.

Le passe aurait dû ouvrir la porte, et il n'avait pas marché. Le jeune homme ne voyait qu'une seule explication. 

- Lyse, ils ont bloqué les accès. Ils savent qu'on arrive. 

Sa compagne blêmit:

- Alors,on n'y arrivera pas, c'est ça ? 

- Non.

Et inutile de songer à faire demi-tour. Les gardes devaient déjà être en route pour les arrêter. 

- Viens! s'exclama-t-il en tirant Lyse vers la salle informatique vide, juste à côté. On ne peut peut-être pas s'en sortir mais... On peut toujours essayer de prévenir les gens... Viens Lyse, j'ai eu une idée ! On va essayer de contacter quelqu'un.. Lui laisser un message!

- Et ce sera notre dernier acte.

- Oui, reconnut Sébastien. Mais il en vaudra la chandelle.

Il se rua vers l'un des postes, qu'il avait souvent vu Tom utiliser, et l'alluma. Il put ouvrir sa propre session: encore heureux, ses supérieurs avaient négligé de la bloquer...

Il brancha la webcam, puis le logiciel d'enregistrement. Voyant la petite lumière de la caméra s'allumer aussitôt, il ne put retenir un soupir de soulagement: au moins, il ne perdait pas de temps...

A présent, il devait se lancer. Le temps pressait!

- Je m'appelle Sébastien Deneuve, commença-t-il, et nous nous trouvons actuellement à Anchorage. Vous devez savoir... Bon sang, par où commencer? On n'a plus le temps...

Tout ce qu'il aurait voulu dire se mélangeait, à présent... Dans l'urgence, il ne savait plus par quoi débuter!

Il regarda Lyse, et celle-ci lui lança d'un ton pressant:

- Sébastien, ce n'est pas compliqué, ils vont lancer des clones sur le monde, déjà s'ils veulent les arrêter, il faut savoir d'où ils viennent!

- Lyse a raison. Je vais essayer de résumer la situation. A Anchorage se trouve un laboratoire secret. Un très grand centre d'études, par lequel j'ai été recruté... Ce laboratoire nous l'avait caché, mais il expérimente en réalité le clonage humain. Le clonage humain, pour des fins que nous soupçonnons très sombres... Peut-être l'Etat lui-même est-il impliqué... Il y a peu de temps,nous avons essayé de prévenir la population, via une chaîne de télévision, mais nous n'avons pas pu mener ce projet à bien car les responsables du programme nous avaient déjà repérés et nous étions déjà recherchés... Le projet n'est pas encore entièrement achevé, c'est pourquoi nous sommes revenus malgré tout, pour tenter d'y mettre fin. Et nous avons échoué, malheureusement. Nous sommes bloqués dans le complexe d'Anchorage, et il est trop tard pour nous. Mais il n'est pas trop tard pour vous. A Anchorage, j'ai vu souffrir les Versions Bêta... Ce qui se trame ici... C'est inhumain. Il faut y mettre fin avant que les autres phases du projet ne se mettent en place. Si vous le pouvez, si vous connaissez des personnes influentes, des personnes de confiance, dites-leur de tourner le regard du gouvernement vers Anchorage, et le futur projet Avalon. Et de ne pas simplement le regarder en surface. D'aller sur place, se rendre compte, demander des explications. Je n'ai vu que les expérimentations des Versions Bêta, mais c'est déjà trop. J'étais venu pour changer le monde, pour le meilleur. Pas pour cautionner des actes d'une telle froideur. Il faut arrêter ceux qui poussent ce projet à continuer.

Une détonation retentit, et Sébastien suursauta. Lyse se pencha vers lui, en armant son pistolet.

- Sébastien, lâcha-t-elle d'une voix rauque, mais sûre d'elle, ils sont presque là. Tu dois envoyer le mail maintenant.

Le jeune homme ferma brièvement les yeux, puis les rouvrit et reprit:

- Qui que vous soyiez, si vous pouvez faire quelque chose, je vous en conjure, faites-le. Que toutes ces souffrances dont j'au refusé de rester témoin cessent. Pour que notre sacrifice, à Lyse et moi, n'ait pas été vain.

Il marqua une pause.

- Adieu. En espérant que vous parviendrez à rendre ce monde meilleur.

Les mains glacées, Sébastien arrêta la vidéo. Puis il téléchargea le fichier sur sa boîte mail et remplit la barre de destinataires avec tous les contacts dignes de confiance qu'il avait.

Appuya sur <ENVOYER>.

Le logo de l'envoi en cours s'afficha.

Les bruits de pas étaient de plus en plus proches.

L'envoi était toujours en cours.

- Mais pourquoi ça ne s'envoie pas tout de suite, bon sang! jura Sébastien. Lyse, ça devrait...

- Sébastien, on doit y aller. On a fait ce qu'on pouvait. Maintenant, il faut affronter la fin de tout ça la tête haute, en regardant tous ces salauds droit dans les yeux, OK?

- OK, acquiesça finalement le jeune homme.

Il n'y avait plus rien qu'il puisse faire. Le mail était en cours d'envoi, il ne pouvait rien accélérer.

Il rejoignit Lyse près de la porte de la salle informatique.

- Je devrais pouvoir en avoir quelques-uns avant de... souffla Lyse.

Elle ne finit pas sa phrase. La porte explosa.

"Ils y vont fort, pensa Sébastien. Ils sont vraiment décidés à ce que leurs petits secrets ne sorte pas de la tour."

Il sourit. Peut-être avait-il réussi à leur mettre des bâtons dans les roues. Pour les Versions Bêta. Pour leur faire payer toute la souffrance que ces pauvres êtres avaient endurée.

Et sa dernière, toute dernière pensée fut pour Mila.

Il était heureux de l'avoir revue.



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