X-Sébastien

MILA

Mila enroula une serviette autour de son corps et sortit de la douche.

Elle coiffa ses cheveux, qui ne dépassaient pas ses épaules maigres, et brossa ses dents. Elle rejoignit Adam, son copain, dans le salon. Il dormait sur le canapé, en ronflant légèrement. Mila le couvrit avec la couverture qui était tombée dans son sommeil. Elle contempla encore une fois la vue qui s'offrait à elle. Des immeubles s'élevaient devant elle, resplendissants, majestueux. 

Elle était venue s'installer à New York lors de l'obtention de son bac. Elle avait planifié un voyage de quatre mois aux Etats-Unis, où elle avait rencontré Adam. Lorsqu'elle était arrivée, Mila avait pour but d'améliorer son anglais. Mais elle savait, au fond d'elle, qu'elle voulait se rendre à Anchorage. Pour revoir Sébastien, qui ne les avait jamais appelés, ni elle, ni ses parents. Elle ne savait pas vraiment si elle pourrait le pardonner d'être parti sans donner aucune nouvelle, comme si leur amitié n'avait été qu'une phase éphémère de sa vie.

- Tu es réveillée ? murmura la voix grave d'Adam derrière elle.

Mila se retourna et lui offrit un sourire timide. Elle donnait des cours de français au garçon depuis trois mois, et s'était très vite attachée à lui, qui l'hébergeait en échange de ses cours. Son accent, lorsqu'elle parlait anglais, était médiocre, mais elle arrivait à communiquer facilement avec l'américain en mélangeant quelques mots de français et d'anglais.

Désormais ils étaient... Plus qu'amis.

- Je vais m'habiller, annonça la jeune fille en se rendant dans la chambre.

Elle enfila une chemise blanche et un jean noir, puis sécha ses cheveux. Elle entendit la porte d'entrée s'ouvrir par dessus le brouhaha du sèche-cheveux et la voix d'Adam crier qu'on l'attendait. Elles'étonna : elle ne connaissait personne à New York, à part quelques étudiants qui ne savaient même pas où elle logeait. Elle rejoignit donc son copain en vitesse.

Un garçon et une jeune fille attendaient sagement derrière la porte, l'air étonnés. La fille, une jolie métisse que Mila n'avait jamais vue, paraissait vraiment mal en point : elle tremblait et tenait sa jambe. Mila connaissait le jeune homme, mais ne le reconnut pas tout de suite. Adam passa un bras autour de sa taille, et elle reconnut le nouveau venu en croisant ses yeux bleus, remplis d'incompréhension.

- Sébastien ? Qu'est-ce que tu fais là ?

Elle n'était même pas en colère, mais plutôt stupéfaite. Elle rêvait de ce moment depuis deux ans, et il lui paraissait pourtant irréaliste et hors de contrôle.

- J'ai retrouvé ton adresse. Lyse est mon amie, elle est malade.

Adam les fit entrer sans vraiment poser de question, et força la jeune femme à s'allonger sur le canapé. Mila, lorsqu'elle réussit à détacher ses yeux de son ancien ami, fila dans la cuisine chercher une trousse de pharmacie. Elle prit la température de Lyse, qui avait de la fièvre. Lorsqu'elle remplissait un verre d'eau, Sébastien la rejoignit. Ils parlèrent en français.

- Comment ça va ? demanda Sébastien en baissant ses yeux noisettes.

Mila sourit timidement.

-Ça va. C'est plutôt moi qui devrais poser la question. Pourquoi tu n'es pas allé à l'hôpital ?

- N'appelle pas de médecin, s'il te plaît.

- Pourquoi ? interrogea Mila. Vous n'êtes pas recherchés quand même?

Elle rit, fière de sa blague, mais Sébastien se contenta de la fixer.

- Attends, me dis pas que c'est vrai !

Il ne répondit pas, mais hocha la tête. La jeune femme resta abasourdie.

- Vous devez partir ! s'écria-t-elle en le poussant.

Mais ses bras frêles ne firent même pas vaciller son ancien ami. Elle soupira et abandonna. Elle le convaincrait avec la seule force des mots. Elles'était doutée, en voyant Lyse traîner sa jambe, qu'elle n'était pas malade. Elle s'était pris une balle de pistolet, et essayait tant bien que mal de le cacher.

- Sébastien, soit tu me dis ce que tu es parti faire en Alaska, soit je vous mets dehors dans les cinq prochaines minutes. Je n'arrêtais pas de penser à toi, durant ces deux dernières années. Mais maintenant que tu es là, j'ai seulement envie que tu partes, que tu me laisses tranquille. Tout le monde perd des amis un jour ou l'autre. Ça ne sert à rien d'essayer de reconstruire une amitié brisée.

- Mila, si tu ne l'aides pas, Lyse va mourir.

L'interpellée se retourna, rouge de colère. Ce n'était pas sa faute s'ils avaient réussi à se faire tirer dessus!

- Adam n'est pas médecin, et moi non plus. Si tu veux qu'elle vive, tu n'as qu'à l'emmener à l'hôpital comme tout le monde. Ne me tiens pas responsable de tes conneries !

Un silence gêné s'installa entre nous. Seule la respiration saccadée de Sébastien se faisait entendre. Mila sortit quelques yaourts du frigo et le jeune homme en profita pour partir. 

Une fois seule, Mila soupira. Elle n'imaginait pas des retrouvailles aussi froides. Mais elle ne voulait causer aucun ennui à Adam à cause d'un garçon qui l'avait abandonnée quand ils avaient seize ans. Un ami qui ne l'avait jamais recontactée, puis qui débarquait chez son copain un mardi matin, comme s'il était parti la veille faire des courses, et avait oublié de rentrer. Mais deux ans, ce n'était pas rien. Du moins, pas aux yeux de Mila. 

La jeune fille prit une grande inspiration, censée lui donner du courage, et repartit vers le salon. Elle tendit un verre d'eau et un gâteau à Lyse. Cette dernière la remercia entre des grognements de douleur.

- Tu sais qu'elle risque de ne pas survivre si on ne l'emmène pas à l'hôpital ? T'es un lâche, Sébastien, mais pas au point de la laisser mourir sur un canapé.

Le garçon prit sa tête entre ses mains et s'avança vers les grandes baies vitrées. Il s'y assit et contempla les immeubles. Mila comprit qu'il réfléchissait à ce qu'elle venait de dire. Elle se retourna vers Adam et lui ordonna :

- Appelle un médecin.

Adam hésita, mais finit par sortir son téléphone et appeler. Il hocha la tête après avoir raccroché et précisa qu'il serait là dans une vingtaine de minutes. Mila rejoignit son ancien ami et s'assit en tailleur à ses côtés.

- Seb...

L'interpellé se tourna vers elle, étonné. Elle-même n'aurait jamais cru l'appeler à nouveau comme ça un jour. Ils échangèrent un petit sourire. Mila sentit son cœur se serrer. Manipuler était quelque chose qu'elle n'aimait pas. Même s'il s'agissait d'un imbécile.

- J'ai vraiment besoin de savoir ce que tu as fait là-bas. Sinon...on ne peut pas vous garder ici. Et traîner une fille blessée par balles au milieu de New York, je ne suis pas sure que ça soit une bonne idée.

- Mila, je ne peux pas te le dire. Je ne veux pas vous mettre en danger, toi et Adam.

Mila était déçue : son plan avait échoué. Elle fit semblant de comprendre les propos du garçon et se releva en posant une main protectrice sur son épaule.

- Tu peux me faire confiance, tu sais, mentit- elle, consciente que ses paroles s'opposaient à celle qu'ils avaient échangé dans la cuisine. 

Mais elle devait bien tenter le tout pour le tout.

- Je sais,répondit Sébastien dans un soupir.

- De toute manière, dit Adam, je comprends que vous vouliez faire quelque chose, mais vous devez faire une pause avant: regardez Lyse. Elle doit au moins se reposer, prendre des forces... Ici, vous êtes en sécurité. Restez un ou deux jours et...

- Adam... chuchota Mila.

Elle n'en revenait pas : il n'avait pas à prendre de risques pour un ami qu'elle n'avait pas vu depuis des années, qui avait peut-être changé radicalement...

- Ensuite, poursuivit Adam sans l'écouter, je connais des gens sur un plateau télé. Je vais les appeler, d'accord ? Comme ça, dans quelques jours on pourra s'y rendre tous ensemble et, quoi que vous ayiez à dire, vous pourrez le balancer devant la caméra. 

- Attends, commença Lyse.

- Tu ferais ça ? termina Sébastien, éberlué. 

Adam jeta un coup d'œil à Mila, puis hocha la tête :

- Tu es un ami de Mila. Alors oui, je ferais ça. Reposez-vous, Lyse et toi. Je vais appeler mes connaissances. 

- Adam, souffla Sébastien. Merci.

Le jeune homme hocha la tête et quitta la salle en sortant son téléphone. 

- Mila... murmura Sébastien. 

Elle voyait bien dans ses yeux qu'il était mal à l'aise. 

- Tu es mon ami, soupira -t-elle. Je veux t'aider. Mais quoi qu'il en soit, souviens-toi qu'Adam n'a rien à voir avec ça. Alors s'il te plaît, essaie de faire en sorte que l'aide qu'il t'apporte ne lui pose pas de problème. 

- Promis, Mila, répliqua Sébastien. Adam a l'air d'un type vraiment bien. Je suis content que... vous vous soyiez trouvés. 

Mila opina, en rougissant légèrement. 

- Merci, Seb. Je pense que... quoi qu'il se passe vraiment, on va arriver à vous donner un coup de main.

Adam réussit à leur obtenir un rendez-vous avec une chaîne télévisée pour le surlendemain. Ils'agissait d'une chaîne basée sur New-York, ils étaient donc tout proches. Lyse commençait à se remettre de sa blessure et, même si elle boitait toujours, celle-ci ne la faisait plus trop souffrir et elle pouvait dorénavant se déplacer. 

Le jour venu, juste avant leur départ pour le plateau, Mila vit bien que Sébastien était inquiet. 

Plus qu'inquiet, même.

- Ça va bien se passer, tenta-t-elle de le rassurer. 

- J'espère, dit-il. En tout cas, merci, Mila. Je suis sincèrement content de t'avoir retrouvée, tu sais, et...

Au même instant, son portable sonna. Sébastien y jeta un coup d'œil et jura:

- Merde... 

Inquiète, Mila le vit décrocher :

- Allô Tom?

Elle n'entendit pas la voix à l'autre bout du fil mais, en quelques minutes, elle vit le visage de son ami se décomposer. Enfin, il raccrocha, alors que Lyse s'approchait à son tour, demandant d'un air angoissé :

- Quelque chose ne va pas?

Sébastien se tourna vers Lyse, et Mila eut encore une fois l'impression d'être mise à l'écart.

- Lyse, les labos ont fait passer un mandat d'arrêt aux chaînes télé. Un mandat pour nous. Ils ne sont bien sûr pas au courant de ce que nous voulons dire, mais ils nous ont fait passer pour des terroristes en fuite. Et...Tout le monde les a crus. Si on se présente à n'importe quel studio... On se fera aussitôt arrêter, avant même d'avoir pu ouvrir la bouche. 

Lyse plaqua sa main sur sa bouche, les yeux pleins d'angoisse. 

- Quoi? demanda Adam en les rejoignant. Vous voulez dire que...

- Cette option n'est plus envisageable, Adam. Il nous faut trouver une autre solution, mais je crois bien qu'avertir la population n'est plus possible...

Un silence de mort tomba entre les quatre jeunes gens. Ce fut Lyse qui finit par le rompre:

- Alors, ça ne nous laisse qu'une seule option.

Perdus, Adam et Mila échangèrent un regard perplexe.

- Oui, termina Sébastien. On doit se rendre sur place, là où tout a commencé, et y mettre fin nous-mêmes. 

- Vous voulez dire... commença Adam, éberlué. 

- On doit partir à Anchorage, en Alaska. Adam, Mila, est-ce que vous auriez une voiture à nous prêter ? 

- On n'a que la nôtre... répondit le jeune homme, trop choqué pour protester.

Mila, elle, en revanche, explosa :

- Sébastien, tu te fous de moi ? 

Ce n'était pas tant le fait qu'il réclamait une voiture qui la choquait: si c'était si important que ça, elle comprenait, mais comptait-il vraiment la laisser en arrière ainsi?

- Mila, il faut que tu comprennes, c'est vraiment important...

- Si c'est si important que ça, alors nous allons venir aussi, décréta la jeune femme. 

Elle commettait sans doute une erreur monumentale mais... Sébastien était son ami d'enfance. Elle n'avait pas envie de l'abandonner. 

- Quoi? s'exclama Sébastien. 

- Je suis d'accord, l'appuya Adam, à sa grande surprise. Nous allons y aller tous les quatre. Je vais vous conduire là-bas. Ne perdons pas de temps. 

- Tu es vraiment prêt à faire ça ? répéta Sébastien. 

- Oui.

- Adam vient de te le dire, l'appuya Mila. Allez, ne tardons pas. Partons dès maintenant !


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