IV- Brisés

Lorsqu'on revint la chercher, ce fut pour l'emmener dans une salle commune, peut-être une cantine, dont les bancs et les tables avaient été repoussés contre les murs.

Les hommes en blouse blanche étaient là. Mais pas seulement. 

D'autres personnes étaient présentes. Filles et garçons, peut-être à peine plus vieux qu'Ava, vêtus comme elle des habits noirs ajustés avec lesquels elle s'était réveillée. 

Son cœur se mit à battre follement. Elle n'était pas la seule. Elle n'était pas le seul clone: car il était évident que tous ceux en noir étaient comme elle. Des clones. 

Pourquoi? Quel était le but de tout cela? Tant de questions assaillaient son esprit... Elle remarqua vaguement la démarcation: clones en noir; scientifiques humains en blanc. Le noir, les ombres: était-ce un parti pris? N'étaient-ils tous que des ombres insignifiantes?

Pourtant, c'était eux qui leur avaient donné la vie...

Elle se rapprocha finalement du groupe de clones, qui semblaient à la fois perdus et tendus. Elle se demanda si sa propre attitude traduisait ses émotions, à quel point elle était perdue. Ils étaient tous tellement plus jeunes que les scientifiques... Jeunes... inexpérimentés, lui souffla son inconscient. Cette idée ne lui plaisait pas. 

Elle ne chercha pas à parler aux autres clones. Elle attendait des explications. Et celles-ci finirent par survenir. Une voix résonna dans la pièce, diffusée par des hauts-parleurs.

- Bonsoir à tous, versions Bêta.

Nul ne répondit, mais l'orateur ne semblait pas attendre de réponse particulière. 

- Vous n'êtes pas ici pour rien. Vous avez été choisis, souvenez-vous-en. Vous saurez pourquoi au moment voulu. Nous ne le révélerons qu'aux meilleurs d'entre vous, ceux qui seront les plus adaptés au destin qui vous attend. Ainsi, dans les prochaines semaines, voire les prochains mois, vous allez être testés. Est-ce bien clair?

Un chœur d'assentiments timides répondit à la voix, tandis que les scientifiques hochaient la tête, visiblement satisfaits par ces réponses. 

C'est alors qu'un choc sourd résonna derrière Ava. Elle se retourna vivement et découvrit que l'une des filles derrière elle venait de s' effondrer, subitement. 

Inanimée sur le sol, elle ne bougeait plus, et un filet de sang suintait de la commissure de ses lèvres entrouvertes. L'un des garçons se tenant à côté de celle-ci se précipita pour la secourir, mais s'arrêta net en approchant ses doigts de sa bouche.

-Je crois que... Je crois qu'elle ne respire plus.

Il avait à peine terminé sa phrase que les hommes en blanc se ruaient vers la victime, écartant les autres clones. 

Affolée, Ava tenta d'apercevoir ce qui se passait, mais l'un des gardes qui avaient accompagné les scientifiques la retint. Ils avaient été si silencieux, cachés dans les ombres, qu'elle avait complètement oublié leur présence...

- Calme-toi, ordonna-t-il d'une voix paisible mais néanmoins légèrement menaçante. Calme-toi, maintenant. 

Il était à peine plus âgé qu'Ava, mais l'éclat de ses yeux gris acier la dissuada de se rebeller.

Comme dans un rêve, elle entendit les mots, la sentence:

- Elle est morte.

Le clone, la fille qui s'était effondrée. 

Morte. 

Ava se sentit envahie d'un froid glacial. 

Morte. 

Simplement. 

 Comme ça.

Les scientifiques emmenèrent le corps hors de la salle en toute hâte.

Le soldat jeta un dernier regard à Ava et s'éloigna d'elle. À côté d'elle, un garçon aux cheveux auburn et au visage constellé de taches de rousseur croisa son regard, ouvrant de grands yeux épouvantés:

- Putain, mais c'était quoi, ça? 

Ava secoua la tête. Elle n'en savait absolument rien, et pourtant, elle aurait donné n'importe quoi pour avoir la réponse à cette question! 

- Au fait, moi c'est LucaGallieniBêta, et toi?

- Ava Diaz... Bêta, ajouta-t-elle automatiquement. 

- Enchanté. 

Le garde les fusilla du regard. Puis de nouveau, la voix reprit, des hauts-parleurs:

- Ce soir, il y a eu un... léger contretemps. Nous allons donc terminer ici pour aujourd'hui. Et dès demain, nous reprendrons tout ceci.

Ava frémit tandis que l'un des hommes en blanc prenait son bras pour la ramener dans sa chambre. 

Où allait donc la mener tout cela? Elle déplia ses doigts crispés. 

Au moins, elle avait un corps. 

Et il semblait bien qu'elle connaisse quelqu'un, obligatoirement dans son camp, à présent. Un clone. LucaGallieniBêta. 

Elle se demanda si lui-même se considérait comme Luca en son for intérieur. 

Elle, elle n'était pas simplement AvaDiazBêta. 

Elle était Ava.


SEBASTIEN


Sébastien se tourna vers son collègue, assis devant l'écran de surveillance, comme lui.

- Bon sang, t'as vu ça? paniqua-t-il lorsqu'il vit le clone s'effondrer, au milieu de la salle.

- Oui, répliqua son aîné. C'était prévu. Ils ne sont pas tous parfaits...

Le jeune homme fronça les sourcils, mais la seule réponse qu'il parvint à avoir fut:

- On ne fait pas d'omelette sans briser quelques œufs...



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