Escape: 1


Le soir où ils rentrèrent de San Francisco, après que Kriegs leur ait annoncé le projet de la mission Morrigan, Ava et Arthur montèrent sur le toit du bâtiment des dortoirs, comme ils le faisaient souvent. 

- Tu te rends compte? demanda Arthur à voix basse. Le ciel ne change absolument pas. Les clones, l'invasion, les morts, ça n'a rien à voir avec lui. On est insignifiants. La mission, par rapport au monde, ça reste insignifiant. On voit toujours la Grande Ourse, tiens.

Ava ne répondit pas. Sa respiration était absolument inaudible. Arthur aurait presque pu douter de sa présence. 

- Ava?

- Je suis enceinte, Arthur.

Arthur se figea. Le ton d'Ava était si sûr, si calme... 

Brusquement, il n'arrivait plus à penser.

- Tu es... répéta-t-il machinalement. 

- Oui, dit Ava. J'en suis certaine. Je ne pensais pas que c'était possible, mais... c'est le cas.

Arthur se tourna vers elle, muet de stupeur. 

- Ce n'est pas grave, ça ne change rien, décréta Ava. 

- Non! protesta violemment Arthur. On ne partira pas en mission dans ces conditions. Je refuse. Je t'en empêcherai.

Ava le regarda avec détachement: 

- Et pourquoi ?

Arthur lui saisit les épaules, décidé:

- Parce que la mission, ce n'est pas important. 

- Pardon? lâcha Ava.

- Je veux dire, ce qui est important, maintenant, si tu es sûre de toi, c'est le bébé. On n'a pas le droit de le mettre en danger comme ça.

- Arthur, on parle de sauver le monde, rappela Ava.

- Moi aussi, je parle de sauver un monde, rétorqua Arthur. On parle de sauver un enfant. Je ne sais pas si tu te rends compte à quel point le monde dans lequel on vit est pourri. L'enfant qui va naître, lui n'est absolument pas perverti. C'est magnifique, Ava. On doit le sauver. Parce qu'on va être parents.

Ava le regarda, perdue.

- Moi aussi, je voulais me battre, continua-t-il. Mais se battre pour la vengeance... On le sait tous les deux, ce n'est pas la bonne motivation. On peut trouver un endroit à l'écart du monde, attendre que les choses évoluent, sans nous. Le monde n'a pas besoin de nous. Le bébé, si. On pourrait se battre pour lui. Ce combat en vaudrait la peine. 

Il la serra contre lui. 

- Allez, Ava. Il faut qu'on parte. Maintenant. Pense à notre enfant.

Quelques battements de cœur passèrent sans qu'elle réponde. Mais elle finit par lâcher:

- D'accord. D'accord, on s'en va.


Ils n'avaient que peu de temps devant eux.

- Si on fait ça, on ne peut pas le dire aux autres, chuchota Ava alors qu'ils redescendaient du toit.

- Tu as raison, convint Arthur. On doit partir tout de suite.

- Sans rien?

- Sans rien. De toute façon, qu'est-ce qu'on a à emporter? Rien. Il faut d'abord s'éloigner d'ici. Après, on pourra toujours trouver de la nourriture ou autre en chemin. Lors de l'attaque des clones, tout a été abandonné, on devrait pouvoir se débrouiller...

- Alors, on part à pied.

- Non, pas à pied...


Les garages étaient vides, à l'exception d'un soldat qui s'était attardé, et ne semblait pas vouloir faire mine de partir.

- Et merde, chuchota Ava.

Là-dessus, elle s'approcha de celui-ci, silencieuse comme une ombre, pour lui asséner un violent coup de poing sur la tempe. Le soldat s'effondra, et Ava le retint pour que sa chute soit la plus discrète possible.

- Ce n'est pas plus mal qu'il ait été là, remarqua Arthur en attrapant les clés de la moto à sa ceinture. Sinon, je ne sais pas comment on aurait récupéré les clés.

- Une Shadow Spirit, dit Ava. Ce n'est pas ce que j'aurais immédiatement choisi pour un long voyage... mais on va devoir faire avec. Elle a presque la totalité du plein. Tu sais conduire?

- Oui. Monte derière.

- J'ai fait un stage de moto il n'y a pas longtemps, mais...

- Je vais conduire, monte derrière.

Ils n'avaient pas une minute à perdre.

Pas une seule.

Il faisait toujours nuit lorsqu'Arthur déverouilla l'une des entrées secondaires du complexe à l'aide du passe-partout qu'il avait fabriqué peu de temps après leur arrivée. Sur la route quittant Denver, ils osaient à peine y croire. Ils désertaient la Résistance pour laquelle ils avaient tant voulu combattre. Ils allaient sortir de l'enceinte de Denver, rejoindre l'extérieur, où étaient les clones. Peut-être même que Kriegs allait les poursuivre pour leur désertion... Mais il y avait quelque chose de bien plus important que cela, c'était vrai. Une nouvelle raison de se battre, la meilleure de toutes. 

Un enfant.


De nuit, seul un minuscule poste de contrôle était ouvert pour sortir de Denver. Ava se demanda un bref instant que faire: elle avait tout simplement oublié que Denver était une ville sécurisée! Les gardes n'allaient évidemment pas les laisser sortir comme ça! Mais alors, elle vit l'air décidé et confiant sur le visage d'Arthur. Lui y croyait. Elle aussi, elle devait jouer le jeu.

Il arrêta la moto devant les sentinelles du poste de garde:

- Nous avons un ordre de mission. Nous devons sortir hors des murailles.

Comme Ava le redoutait, les gardes seregardèrent et sourirent:

- C'est ça, bien sûr. Un ordre de mission à cette heure de la nuit.

Ava sentit qu'Arthur était tendu, mais il ne se démonta pas pour autant.

- Oui, un ordre de mission de repérage.

Il indiqua l'emblème de la Résistance imprimé sur son blouson.

- On fait partie de la Résistance, et c'est urgent, alors ouvrez-nous les portes.

Les gardes échangèrent un nouveau regard.

- Si on part trop tard pour la mission, ajouta Ava, ça sera foutu.

- On a déjà un peu trop tardé, dit Arthur en prenant un air légèrement mal à l'aise. La ponctualité et nous, ça fait deux.

- Arrête! le supplia Ava.

Mais à quoi jouait-il? La provocation ne les mènerait à rien...

De nouveau, les veilleurs se regardèrent et le plus âgé lança à son binôme:

- Quoi, ne me dis pas que tu n'es jamais arrivé en retard à ton poste quand tu avais rendez-vous avec Stella...

Ava écarquilla les yeux. Ils allaient prendre tout de travers, comprit-elle en rougissant. Arthur ne bougea pas, tandis que le plus jeune garde semblait se sentir de plus en plus mal à l'aise.

- Et puis, ils ont quand même l'écusson de la Résistance...

- C'est vrai, ils l'ont... bafouilla le plus jeune.

- Est-ce que le radar infrarouge capte une présence dehors?

- Euh... Laisse-moi vérifier... Non.

Le garde se tourna vers Ava et Arthur:

- C'est bon, vous deux. Vous pouvez y aller, nous allons ouvrir les portes, on ne pourra pas dire qu'on a mis des bâtons dans les roues de la Résistance... Mais la prochaine fois, tâchez juste d'être un peu plus sérieux...

- On y pensera! promit Arthur en redémarrant la Honda.

Dans un grondement d'engrenages, les portes de Denver s'entrouvrirent. Le moteur de la moto rugit et, filant entre les murs, elle s'élança sur la route qui partait de Denver. 

A l'extérieur.

Désormais, ils n'étaient plus en sécurité nulle part. Ava ne savait même pas si ils l'avaient jamais été à Denver. Mais, si à présent, ils n'étaient plus en sécurité, au moins, ils étaient libres. 

Libres d'aller où ils voulaient. Et leur enfant serait libre, lui aussi.



Une chanson qui, je trouve, colle très bien avec ce chapitre: n'hésitez pas à me donner votre avis! En plus elle est en duo, comme si c'était Ava et Arthur,  bref je la trouve sympa  :)

https://youtu.be/6e4_4eRhwUg

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