Episode 6: Arthur
- Merde, mais je suis où ?! Aie !
L'exclamation réveilla Léna, qui venait tout juste de s'endormir après avoir terminé son tour de garde.
- Calme-toi, on ne te veut aucun mal! fit la voix d'Ava.
- Ahah, je l'ai drôlement tué avec mes médocs, t'as vu ? dit Ginny en grimpant dans la voiture. Bon, puisque tout le monde est debout, et qu'il commence à faire jour, on a plus qu'à repartir.
Léna, qui s'était endormie à l'avant, se retourna et croisa une paire d'yeux verts complètement affolés :
- Mais bon sang, vous êtes qui ?! répéta l'inconnu qui devait avoir à peu près l'âge de Ginny, soit une vingtaine d'années.
- On est les gentilles, expliqua la rousse comme si elle s'adressait à un demeuré. On a tué le méchant qui te voulait du mal et maintenant on essaie de rejoindre Denver pour être enfin en sécurité.
- Ça va, je suis pas débile ! souffla le jeune homme.
Ava se mit à rire.
- Bref, moi c'est Ginny, la blonde, Léna et la brune, Ava.
- Et toi, comment tu t'appelles ? demanda Léna.
- Arthur, dit-il simplement.
Léna en déduisit qu'il n'avait pas très envie de parler, mais décida d'insister un peu :
- Du coup, tu veux venir avec nous ?
Arthur haussa les épaules :
- Je n'ai pas vraiment de meilleure option, avoua-t-il.
- Parfait, conclut Ginny, alors c'est reparti, Léna : roule ma poule !
Léna obéit, tout en pestant intérieurement contre les routes départementales qu'ils empruntaient : elles ne cessaient de tourner, ce qui les empêcher de dépasser les 90 kilomètres à l'heure !
Le soir, ils s'arrêtèrent pour la nuit un peu plus tôt que d'habitude, aux alentours de cinq heures de l'après-midi. Tandis que Léna sortait de la voiture suivie de Ginny, Ava resta tenir compagnie à Arthur, qui semblait perdu dans ses pensées moroses. Léna s'assit sur un rocher et commença à jouer nerveusement avec la gâchette de son arme. Ginny sortit un briquet et un paquet de cigarettes :
- T'en veux une ? Ce sont mes dernières.
Léna secoua la tête et la rousse haussa les épaules en portant son mégot à ses lèvres :
- Bof, moi ça me détend ...
Léna aurait bien voulu qu'Ava les rejoigne, mais en jetant un coup d'œil vers le Land Rover, elle vit qu'Arthur était en train de lui parler, l'air infiniment triste. Tant pis, se dit-elle.
Quelques minutes s'écoulèrent dans le silence.
- On arrive bientôt, affirma finalement Ginny, et c'est là que les choses vont se corser, je pense.
La portière s'ouvrit à cet instant, et Ava descendit pour venir les rejoindre.
- Hé, fit la rousse a l'intention de la nouvelle venue, c'est ton meilleur pote, maintenant, ce mec, on dirait ! Dis-moi, il a dépassé le niveau "phrase simple'', avec toi ?
- Arrête, dit Ava. C'est normal qu'il parle peu. Il a vu sa petite sœur se faire assassiner par les clones, sous ses yeux.
- Oh, lâcha Ginny, l'air mortifiée. Je ne savais pas.
Léna se sentir intérieurement glacée. Quel était ce monde ou l'on tuait des enfants? Elle se leva : elle avait besoin de bouger.
- Où tu vas ? fit Ava.
- Faire une petite ronde : t'inquiète, je ne serai pas longue.
Léna marchait, prudemment, sans néanmoins savoir dans quelle direction elle allait. Le pauvre Arthur : il était mal en point, et il devait être traumatisé par la mort de sa famille. Elle n'avait pas pu s'empêcher d'imaginer d'horribles scénarios quant à la mort de la sienne, mais comment aurait-elle réussi à vivre si elle avait été à la place d'Arthur?
Autour d'elle, tout semblait s'assombrir, comme pour suivre ses pensées de plus en plus noires. D'un seul coup, les arbres lui parurent trop massifs, trop hauts, leurs branchages trop encombrants, les bruits trop présents. Y allait-il avoir une fin à ce cauchemar? Sans prévenir, Léna s'assit, au cœur de la forêt, et se mit à pleurer.
Elle remonta ses jambes sur sa poitrine et enfouit son visage dans ses genoux. Elle craquait. Au bout d'un moment, ses sanglots se calmèrent et sa respiration ralentit. Enfin, elle s'essuya les joues d'un revers de la main et se releva.
- Il va falloir s'endurcir, songea-t-elle.
Alors elle se remit en route. Évidemment, n'ayant pas surveillé par où elle était passée, se perdre ne la surprit pas...
- On stresse pas, se persuada-t-elle en prenant une grande inspiration.
Autour d'elle, chaque arbre ressemblait au précédent comme au suivant. Elle essaya de retourner sur ses pas, ce qui fut sans succès. Soudain, Léna crut apercevoir une faible lumière, non loin d'elle. Elle s'avança alors dans cette direction, en pensant que c'était leur feu de camp. En arrivant à hauteur de la lumière, elle remarqua que ce n'était que les rayons de lune qui se réfléchissaient sur la pare brise d'une caravane. Les propriétaires avaient probablement tenté de fuir quelque chose, puisque le véhicule était accidenté. Le capot avait heurté l'arbre devant lui, plus précisément. Léna se décida alors à toquer à la porte. Porte qui s'ouvrit, dans un craquement très peu discret...
- Il y a quelqu'un? demanda Léna.
Sa question resta en suspens. Elle dégaina son pistolet et alluma sa lampe de poche. A l'intérieur, tout semblait en ordre... Comme si ses occupants avaient dû partir précipitamment. Néanmoins il était vide. Pas âme qui vive. Alors le cerveau de Léna se mit en mode survie : trouver des médicaments pour soulager Arthur. Elle trouva un sac à dos au pied d'un banquette et se dirigea vers, ce qui semblait être, la salle d'eau. Dans un endroit aussi petit, elle ne s'attendait pas à trouver grand chose. En effet, quelques pansements, un désinfectant et une boîte de comprimés pour diverses douleurs... Ce n'était pas ça qui allait beaucoup l'aider. Alors elle fouilla les placards de la cuisine, peut être qu'elle aurait plus de chance. Malheureusement, la majeure partie des vivres avaient été dévorée par les insectes... Il ne lui restait plus que trois boîtes de conserves intactes. Sans se décourager pour autant, elle ouvrit le frigo, et hurla. Son bruit résonna dans tout le petit habitacle. Elle recula brusquement et se cogna la tête contre une étagère, et tomba au sol. Dans sa frayeur, elle perdit sa lampe et tout devint noir.
- Roh, putain c'est pas le moment ! grogna-t-elle, tremblante.
Le frigo étant éteint, il ne dégageait aucune lumière. En tâtonnant sur le sol, Léna réussit enfin à retrouver sa lampe, qu'elle manqua de perdre à nouveau tant elle tremblait. Elle la braqua sur le réfrigérateur, et se recula vivement, toujours assise par terre. Devant elle, deux têtes gisaient sur les étagères de l'engin. Leurs yeux étaient écarquillés, la fixant. Avec soin, elle analysa les deux têtes décapitées : un homme et une femme d'une soixantaine d'années. La lumière soulignait les traits tirés et les cernes de ces bouts de cadavres. Le sang avait séché, signifiant que leur mort avait dû se produire il y a déjà quelque temps. Alors lentement, Léna se redressa, saisit le sac et sortie, sans quitter les deux personnes des yeux. Dehors, il faisait désormais nuit noire. Elle commença alors à courir, mais dans quelle direction? Peut-être s'éloignait-elle de plus en plus de leur campement provisoire... Seule au milieu d'une forêt, dans de telles circonstances, Léna n'allait pas faire long feu.
- On se décourage surtout pas, ma vieille... pensa-t-elle.
Près d'une heure s'écroula avant qu'elle ne voie enfin, entre les troncs, une lueur orangée : un feu !
- Lâche ton arme ! cria Ava.
Quel soulagement de les retrouver, se réjouit Léna.
- T'inquiète, c'est moi, avertit-t-elle.
- Léna! Mais où étais-tu passée ?!
Elles arrivèrent enfin à la hauteur du feu.
- Tu t'étais perdue, ou quoi ? se moqua Ginny, mais sans véritable méchanceté.
Lui dire la vérité lui aurait valu d'être taquinée pendant longtemps...
- Non, mentit Léna, je n'ai juste pas vu la nuit tomber aussi vite.
- Fais gaffe ! On aurait pu te tuer, défia Ginny.
- Ou pire, ne jamais te retrouver, dit Ava.
Dans sa voix, Léna y redécouvrit la Ava qu'elle avait connu : soucieuse et inquiète.
- Mais nooon ! répondit Léna, en serrant son amie dans ses bras.
Cette dernière parut déconcertée, et par conséquent n'eut pas le temps de la repousser.
Finalement, Ginny coupa ces merveilleuses retrouvailles, en questionnant Léna sur l'origine de ce sac. Toujours à s'interposer au bon moment, pensa Léna. Alors, elle expliqua vaguement la caravane, sans omettre les cadavres.
Dans la nuit, Arthur ne cessait de gémir. Cauchemar ou douleur? Son état empirait et les filles ne pouvaient pas faire grand chose pour l'apaiser. Ava était à ces petits soins, toujours présente. Dans d'autre circonstance, Léna l'aurait taquiné... Dans le contexte actuel, ça aurait été déplacé. Alors, entre les tours de garde et la veille au chevet d'Arthur, la nuit fut courte.
Le lendemain, à l'aube, le Land Rover roulait déjà. Pour arriver plus vite, Ginny avait proposé de rester dans la forêt. Léna devait donc surmonter sa fatigue pour éviter les arbres, les bosses et même les animaux... Elle était épuisée. Tous ces obstacles l'empêchaient d'aller trop vite, même si elle dépassait les soixante-dix kilomètres heure, à plusieurs reprises. Les passagers, quant à eux, auraient pu râler contre sa conduite, mais ils n'en dirent rien. Au bout de quatre heures, Léna se risqua à envoyer un signe à Ava pour qu'elle prenne le relais. Lorsqu'elle se retourna, elle vit qu'Arthur dormait, la tête sur les genoux de son amie. Même elle, avait réussi à trouver le sommeil.
« Qu'ils sont mignons tous les deux, pensa Léna. »
- Tu sais, commença Ginny, je t'aurais bien soulagée, mais avec cette foutue jambe, je risque d'être pire que toi... commenta-t-elle comme si elle avait vu son regard désespéré.
- Merci pour l'attention, soupira Léna.
- Si ça peut te rassurer, je crois qu'on atteindra Denver demain dans la journée, se réjouit Ginny.
Voyant le regard interrogateur de Léna, la co-pilote dut donner davantage d'argument.
- Alors tu vois, dit-elle en pointant son doigt sur la carte.
Léna pencha la tête vers les indications de Ginny et manqua de percuter un arbre.
- Non non, regarde la route ! paniqua Ginny. En bref, on coupe par la forêt, techniquement d'après mes calculs savants, il nous reste sept heures de route, avant d'arriver aux abords de la ville. Sachant qu'il est seulement dix heures, on peut les faire large aujourd'hui.
- Alors pourquoi tu me dis demain ? la taquina Léna.
- J'ai dit "d'après mes calculs", je prévois une marge d'erreur, au cas où... rigola Ginny.
- D'accord, alors supposons qu'on finisse par y arriver, on fait quoi ensuite, après avoir quitté la forêt ?
- C'est là que ça va se gâter... soupira-t-elle. Je crois que la ville est totalement surveillée. Autrement dit : on entre et on sort pas comme ça.
- Bah, c'est plutôt une bonne nouvelle, non ?
- Ça dépend... S'il y a une zone non surveillée, tu peux être sûre que c'est un nid à clone.
- Alors, on avisera demain, la rassura Léna.
Elle avait très bien compris où Ginny voulait en venir: s'il y avait des clones, a un moment ou un autre, il faudrait courir. Or avec sa jambe, elle en était incapable. De même, Arthur n'avait pas assez de force, sans parler d'Ava et Léna qui manquaient cruellement de sommeil.
Léna finit finalement par donner le volant à Ava qui put conduire elle aussi cinq bonnes heures. Lorsque la nuit tomba, et que la petite troupe s'arrêta, cela faisait dix heures qu'ils roulaient. En voyant le regard d'incompréhension de Léna, Ginny dut reconnaître qu'elle était nulle en calculs... Pour sa défense, c'était Ava qui avait roulé moins vite que prévu. Peu importait, Léna partit ramasser du bois pour se dégourdir les jambes.
Elle marchait sans savoir où. Tout lui tournait. Puis elle entendit une branche craquer. Même perdue, Léna restait sur ses gardes et par conséquent se retourna brusquement. La chose qui se tenait devant elle, droite comme un i, n'était autre qu'elle. Son clone était là, arme à la main. Léna se dit que c'était la fin, seule contre ... Sa copie. Cette dernière pointa le pistolet dans sa ligne de mire. Tira. A cet instant, un homme sortit des buissons en courant, et vint percuter Léna qui tomba au sol, un peu plus loin.
- Cours ! lui dit-il.
Et c'est ce qu'elle fit.
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