Episode 2: Ginny
Ava grimaça, mais obéit. Léna se retourna à son tour, prudente. A une dizaine de mètres d'elles, une jeune femme d'une vingtaine d'années tenait sa carabine pointée sur elles. Grande et mince, elle avait une magnifique chevelure rousse et de grands yeux dorés. Elle portait des habits de camouflage et avait à son épaule un gros sac de randonnée. Contrairement à Ava et Léna, elle semblait bien préparée à vivre en solitaire dans les bois.
- Montrez-moi votre nuque, vite !
Léna souleva ses cheveux et Ava l'imita.
- On n'est pas des clones, assura-t-elle à l'inconnue. On les fuit, nous aussi. Moi c'est Léna, et mon amie s'appelle Ava.
La jeune femme baissa son fusil :
- Bon, soupira-t-elle. En temps ordinaire, comme nous venons juste de faire connaissance, je vous aurais demandé de m'appeler "la reine Virginia"... Mais on est toutes dans la même galère, maintenant. Vous pouvez donc me nommer Ginny. Et me rendre ma radio, aussi. J'ai de quoi la réparer.
Ava tendit l'appareil à leur nouvelle camarade et reprit son arc.
- Je me rends à l'ambassade, expliqua Ginny en démontant posément sa radio. Vous devriez venir avec moi. Seules, vous n'iriez pas bien loin.
- Avec les clones partout ? s'exclama Léna, les yeux écarquillés. Tout ce qu'on va réussir à faire en allant là-bas, c'est se faire tuer !
- Je connais quelqu'un qui peut nous faire passer. Et un arrêt à l'armurerie du coin est prévu aussi, bien sûr.
Le visage de Ginny s'illumina d'un léger sourire, comme pour les amadouer, tels deux petits toutous.
- Ce n'est pas risqué ? questionna Léna.
Ginny tapota son arme :
- Où crois-tu que j'ai eu ça ? Il n'y a personne là-bas, et je comptais justement y retourner pour faire le plein de munitions.
Ava et Léna échangèrent un regard entendu.
- Eh bien de toute façon, on n'a nulle part d'autre où aller alors..., conclut cette dernière.
L'armurerie était située à l'écart de la ville, au milieu des champs. Seule une petite route de terre permettait d'y accéder. Les pas des trois jeunes femmes soulevaient des nuages de poussière, au-dessus des hautes herbes qui bordaient le chemin. Le ciel devenu gris conférait à l'endroit un aspect désolé plutôt inquiétant.
Comme l'avait dit Ginny, l'endroit était désert, ou du moins le paraissait. Leur guide ouvrit la porte d'un coup d'épaule, dévoilant une pièce plongée dans l'obscurité.
- Lampe de poche, dit-elle à Léna en lui lançant l'objet, que la jeune fille alluma aussitôt.
Les murs de la pièce étaient couverts d'armes, des fusils d'assaut aux revolvers. Une étagère était remplie de couteaux.
- Laissez vos arcs ici, ordonna Ginny. Ils sont trop voyants et encombrants. Je vais aussi laisser ma carabine et on va plutôt prendre des armes plus discrètes.
- OK, acquiesça Ava en saisissant une petite machette.
Léna ne savait pas du tout quoi choisir, mais après s'être éloignée vers les étagères du fond, elle récupéra un petit poignard. Enfin, Ginny revint vers elles en tenant deux pistolets.
- Un pour chacune, indiqua-t-elle.
Léna le glissa dans sa poche avec les deux chargeurs que lui tendit Ginny par la même occasion. Finalement cette dernière fourra plusieurs chargeurs dans son sac et attrapa deux revolvers.
- On est parées, conclut-elle.
Dehors, la nuit commençait déjà à tomber. Cela faisait donc un bon moment que Ginny leur expliquait comment se battre et se servir de leur nouvelle arme.
- C'est qui, cette personne qui va nous faire passer ? demanda Ava, alors qu'elles s'engouffraient dans les bois pour rejoindre la route.
- Un de mes ex, répondit évasivement la rousse en s'attachant les cheveux.
La manière dont elle l'avait dit sous entendait très clairement qu'elle en avait eu beaucoup, et ça ne surprenait pas Léna. Cette fille était son opposé.
- Il habite une maison en bordure de la ville, conclut Ginny, du coup ça sera moins dangereux pour nous.
- Ça serait bien, oui, soupira Ava.
- Mais c'est qu'on a une râleuse ! sourit Ginny en réajustant son sac à dos.
- Prudente, corrigea la jeune femme brune, pas râleuse.
- On va pas tarder à camper, j'espère que vous avez ce qu'il faut, lança Ginny aux deux débutantes.
- Comment ça ? s'inquiéta Léna.
Sa dernière expérience de camping remontait à quelques années déjà, et ça avait été catastrophique. Atmosphère humide, fraîcheur de la nuit, sol dur, bestioles non identifiés : tout y était passé. Devoir réitérer la chose ne l'enchantait pas, mais alors, pas du tout.
- Ici ! s'arrêta Ginny. On est protégées par les arbres, justifia-t-elle.
Elle commença à poser son sac, préparer le terrain. Voyant l'inactivité des deux nouvelles, elle leur lança :
- Allez chercher du bois sec, au lieu de vous tourner les pouces...
Un peu plus à l'écart, Léna et Ava se mirent à leur tâche.
- Tu crois qu'on fait bien de lui faire confiance ? demanda Léna.
- Tu vois une autre solution ? répondit son amie.
- Je ne sais pas ... Mais imagine, elle fait fausse route ? On sera sacrément dans le pétrin, s'inquiéta-t-elle.
- Arrête de t'en faire pour tout, s'il te plaît, Léna. Tu t'alarmes pour rien.
Contrairement à elle, Ava semblait s'endurcir rapidement. À chaque nouvelle épreuve, elle devenait de plus en plus renfermée sur-elle même, alors que Léna se faisait constamment du souci.
Probablement contrariée par ses tracas, Ava s'éloigna de son amie pour donner le bois à Ginny. Cette dernière agaçait Léna. Elle paraissait parfaite : belle, ou plutôt magnifique, prête à toutes éventualités, elle savait se battre, tirait parfaitement et apprivoisait Ava beaucoup trop rapidement.
- Tu viens, misstinguette ? demanda justement Ginny. C'est pas tout, mais le feu va pas s'allumer tout seul.
Par mesure de sécurité, elles n'allumèrent qu'un petit feu, afin qu'il ne soit pas trop repérable. Néanmoins, dans la nuit, Léna le trouvait absolument indispensable. Les ténèbres complètes l'effrayaient bien plus qu'elle ne voulait le reconnaître.
- Je suis désolée mais c'est light pour trois, s'excusa Ginny en tendant un bout de viande séchée à chacune.
- Ça ne fait rien, merci, dit Ava.
Léna, quant à elle, se contenta de sourire à leur hôte.
- Alors, continua Ginny, quel âge avez-vous ?
- Dix-huit ans, répondirent-elles en même temps.
- Et toi ? demanda Léna
- Vingt et un ! Par contre ne m'appelez jamais "ma vieille". Ça fait vieux jeu, ricana-t-elle.
- Ça fait combien de temps que tu vis comme ça ? questionna Léna.
- Que je survis, plutôt! On peut dire.. Presque une semaine, dit-elle fièrement. Mon père était de la police, c'est lui qui m'a dit ce qui se passait. On devait partir mais il a été retenu par un clone...
Son attitude s'assombrit.
- Alors j'ai préparé mes affaires, pendant qu'il gagnait du temps. Il m'a ordonné de courir et de ne jamais me retourner...
Elle se mit à regarder ses pieds.
- C'est horrible, souffla Léna.
Ginny se reprit alors.
- Et vous ? leur demanda-t-elle.
Ava raconta alors la façon dont elle avait découvert les clones. Ginny rit de leur incompréhension et de leur innocence. Elle avait vite retrouvé son infatigable attitude de madame inébranlable.
Elles parlèrent pendant deux bonnes heures, jusqu'à ce que le feu baisse encore en intensité. Il était grand temps de dormir. Alors, elles s'organisèrent des tours de garde pour plus de sûreté...
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