CONJONCTION: Episode 9: la grotte

LÉNA


Ils survolaient le Brésil lorsque Léna reçut un appel de Rhett:

- Léna, il faut que je vous avertisse, déclara ce dernier.

Malgré sa voix calme, Léna fut aussitôt envahie par un brusque sentiment d'angoisse:

- Qu'est-ce qui se passe, Rhett? C'est Ava? 

- Non, Ava va bien. Enfin, je ne l'ai pas beaucoup vue, mais... il me semble. C'est que... le président a envoyé un avion chargé de vous prendre en filature. Visiblement, il ne vous fait pas confiance pour vous tenir à carreau...

- Un avion? répéta Léna, abasourdie.

- Oui, en gros le même gabarit que le votre, bon, je vous laisse, j'entends des pas...

Là-dessus, le botaniste raccrocha.

- J'ai bien compris ce que j'ai compris? demanda Mike. On nous a pris en filature?

- Il paraît, dit Léna. 

- Parfait, siffla leur pilote. On va faire un petit détour par les montagnes  histoire qu'ils se rapprochent de nous puisqu'ils ne nous verront plus...

- Mais pourquoi ça? demanda Jules.

- Ben, histoire de pouvoir endommager leur appareil et qu'ils abandonnent la poursuite!

- Et endommager avec quoi, Mike, s'il te plaît? soupira Violet.

- Mathieu, sous ton siège, indiqua ce dernier.

Mathieu se baissa pour jeter un coup d'œil et lâcha:

- Putain, Mike, c'est quoi ça?

- Ben vas-y, prends-le!

Avec un sifflement impressionné, Mathieu souleva un lance-roquettes, chargé, remarqua Léna avec incrédulité.

- Tu as le droit d'avoir ça? demanda Violet en écarquillant les yeux. Mike?

- Si on se contentait de ce qu'on a le droit de faire, ce ne serait pas drôle, soupira ce dernier. Vas-y Mathieu, prends-le. On va aller dans les montagnes et dès qu'on pourra endommager l'appareil de ces crétins de suiveurs, on le fera. 

- Euuuh... OK, dit Mathieu. 

Ils entrèrent dans les montagnes bien plus vite que Léna ne s'y serait attendu. 

- Je veux tout le monde occupé à repérer le suiveur, maintenant, réclama Mike.

Léna se mit donc à scruter le paysage derrière elle tandis que Mike louvoyait entre les pics.

- Hé, finit par lâcher Violet. Derrière nous, sur le flanc gauche. 

Léna aperçut alors le petit appareil derrière eux, qui tentait de rester le plus discret possible. 

- Parfait, lâcha Mike. Je vais virer derrière un pic et attendre qu'il se pointe. J'ai un peu magouillé mon hélico derrière le dos du gouvernement, donc Mathieu, tu peux tirer de là. 

Sans même les regarder, il fit un geste vers une petite trappe ménagée dans le flanc de l'appareil. 

- J'ouvre? dit Mathieu d'un air incrédule. 

- Ben oui, on n'est pas si hauts que ça, et au point où on en est... Je suis descendu exprès. 

Lorsque Mathieu ouvrit la sorte de hublot, Léna grimaça en sentant la pression augmenter brusquement. 

- Bon, Mathieu, termina Mike, fais comme chez toi, je vais virer de bord dans peu de temps, mais ne te loupe pas, je n'ai qu'une roquette...

- Je vais viser les réacteurs, déclara Mathieu en se rapprochant du hublot. 

Mike accéléra, et Léna perdit momentanément leur poursuivant de vue. Enfin, leur pilote se plaça caché derrière les pics, attendant que l'autre avion les dépasse en décrivant des cercles.

- Mathieu, ne rate pas, dit Violet. 

L'intéressé ne répondit pas, concentré sur l'avion qui venait d'apparaître dans son champ de visée, bien plus proche, si proche que Léna se prit même à penser qu'ils étaient en mauvaise posture si les pilotes avaient eux aussi embarqué des armes à bord.

- Vise un réacteur, parce que je n'ai qu'une roquette, rappela Mike.

- Oui, j'avais bien saisi, merci!

Mathieu tira, et, pendant une infime seconde, Léna eut l'impression que la roquette allait passer à côté de sa cible.

Une infime seconde. 

Un battement de cœur angoissé.

Jules jura entre ses dents. Visiblement, il pressentait la même chose que Léna. 

Mais, alors que Mike virait de bord, celle-ci vit la roquette atteindre le réacteur gauche de l'avion. La pièce explosa, et l'engin se mit à piquer vers le sol.

- Merde, jura Mathieu. Je pensais pas... Je voulais pas endommager leur avion à ce point! 

Les yeux écarquillés de Violet étaient pleins de stupeur:

- Mike, lâcha-t-elle. 

- Mais quoi?! Si ça se trouve, ils vont faire un atterrissage d'urgence, ils peuvent encore! Sinon, ils seront morts, et au moins ils ne pourront pas dire au gouvernement où nous nous trouvons! 

- J'aime ce raisonnement, décréta Jules. 

- Quand même, j'espère qu'ils vont s'en sortir, dit Violet en suivant du regard la carcasse partiellement enflammée de l'avion qui disparaissait derrière eux.

- Moi, j'espère qu'ils étaient les seuls à nous suivre, rectifia Mike. Reprenons notre route. Nous ne sommes pas encore arrivés...


ELEANOR

Alors qu'ils entraient dans la grotte de verre sombre, elle sentit une sensation étrange l'envahir. Ils n'étaient pas a leur place en ce lieu. Ils étaient... menacés. 

 Menacés? Par du verre? 

Elle faillit rire de sa stupidité.

- Faites attention, dit son père en bouclant le sac contenant la boîte dans laquelle ils étaient censés stocker la météorite. 

Alors, lui aussi l'avait ressenti. Cet endroit n'était pas normal. Pourtant, ils continuèrent à avancer. Elle vit bientôt que quelque chose changeait. Un rythme, une pulsation nouvelle. Autour d'eux, le passage se fit moins étroit. 

Et alors, devant eux, la météorite apparut.

Argentée, rutilante, de la taille d'une orange, elle aurait pu être belle. Mais, aux yeux d'Eleanor, elle était la chose qui avait brisé le monde et le tuait à petit feu. Qui tuait le monde et ceux qu'elle aimait. Cette chose devait disparaître. 

Son père la regarda, puis ouvrit le sac qu'il portait à son épaule et s'approcha de la météorite. Eleanor sentit son estomac se nouer. Mais, quand il prit la météorite, rien ne se passa. Quand celle-ci disparut dans le sac... Il ne se passa rien non plus.

- Allez, on repart, conclut-il en faisant demi-tour. Le moins longtemps on restera ici, le mieux ce sera.

- C'est carrément étrange, chuchota Cynthia. J'ai l'impression que cet endroit est comme un monstre endormi...

- Allez, viens Cynthia, dit Angelo en attrapant le bras de la jeune fille pour marcher droit vers la sortie. Ce n'est qu'une impression. 

Pourtant, la réflexion de Cynthia avait terrifié Eleanor. Elle avait la sensation que des doigts glacés couraient brusquement le long de son dos. Heureusement, celle-ci fut vite remplacée par une vague de chaleur dans sa poitrine, qu'elle connaissait bien: celle qui survenait pour l'aider à contenir sa panique en cas de problème... 

Bientôt, elle aperçut la sortie. Cynthia et Angelo, qui avaient pris de l'avance, se détachaient comme des ombres devant le soleil étincelant. Sans doute étaient-ils déjà dehors... Elle se retourna pour jeter un coup d'œil à Jakob et son père, et se figea. Ce dernier s'était arrêté, la tête entre ses mains.

- Oliver... balbutia Jakob. Oliver, est-ce que ça va? 

- Bon sang, répliqua celui-ci. Ça fait tellement mal...

Eleanor perçut en un éclair les ongles de son père, s' enfonçant dans sa propre paume sous l'effet de la douleur. Si fort, que du sang affleura sur ses mains. Elle voulut hurler.

Pour son père, pour ce sang qui ruisselait de ses doigts.

Pour la grotte qui n'attendait que de se réveiller. 

Le sang s' accumula sur les ongles d'Oliver. Une goutte pourpre.

Finalement, celle-ci tomba.

Tomba.

Tomba sur le sol miroitant.

Et la grotte s'éveilla.

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