ELEANOR

Bien que les autres dirigeants fassent tout pour étouffer la nouvelle, JC avait récupéré les images de l'événement de la veille.

Comment le canon était tombé de son socle et s'était brisé cent mètres plus bas. C'était sa mère qui avait fait ça. Et depuis, plus aucune nouvelle d'elle.

Fou d'inquiétude, son père avait cherché à comprendre ce qui s'était passé, mais les mails de JC au président américain étaient restés sans réponse. De même que ceux que Danaé avait envoyés à son tour.

Eleanor avait vu son frère se consumer de rage, imaginer partir aux États-Unis et "la ramener, quoi qu'il en coûte". Heureusement, Cynthia l'avait calmé, arguant qu'ils ne savaient même pas où elle était ou... ce qui lui était arrivé... 

Eleanor, elle, passait sans cesse de l'espoir le plus fou à la peur la plus viscérale, et savait que cela continuerait jusqu'à ce qu'elle sache enfin ce qui était arrivé à sa mère. Et Jakob...

Jakob était toujours là, même quand elle refusait de lui parler. Et malgré tout, elle lui en était reconnaissante. De ne pas la laisser s'enfermer dans sa douleur en lui rappelant que, si elle en avait besoin, il était là.

Et il était là, car lorsqu'elle finit par frissonner, terrée dans le fauteuil duquel elle n'avait pas bougé depuis des heures, il se précipita pour lui apporter une couverture. 

- Merci, murmura-t-elle. 

- Pas de quoi. Ça fait du bien d'entendre ta voix. Je n'aime pas te voir comme ça...

Eleanor ne put s'empêcher de sourire, malgré son cœur qui pesait comme du plomb dans sa poitrine:

- Tu préfères me voir te sauver la vie, c'est ça? 

Jakob s'assit à côté d'elle, et déclara:

- En fait, j'adore te voir sourire, Eleanor Saorsa. Rire. Vivre. Mais pas être accablée par la peur et le chagrin. Tu vois...

Le cœur d'Eleanor se mit à battre plus vite. Malgré elle. Bien malgré elle.

Mais Jakob n'eut pas le temps de terminer sa phrase, car Cynthia déboula dans la pièce:

- Vite, venez vite! Oliver... Rhett est en train d'essayer de l'appeler!

Tous les trois coururent jusqu'à la salle où se trouvaient son père et Angelo. Eleanor arriva au moment où Rhett affirmait, à l'autre bout du fil:

- Oui, Oliver, c'était elle. Des soldats l'accompagnaient, je n'ai pas pu lui parler, mais c'était elle. 

Son père parla d'une voix blanche d'inquiétude, mais aussi de rage:

- Pourquoi? Où est-ce qu'ils l'emmenaient, bon sang? 

- Je ne sais pas, avoua Rhett. Je ne sais vraiment pas. Mais elle était ici, à Washington. 

- Comment allait-elle? 

Un silence. 

- Rhett?

- Ils arrivent, je dois raccrocher, je...

La tonalité remplaça la voix de leur ami.

- Angelo, dit Oliver. 

- Je vais chercher Zaïa et Katherine. 

- Oui, dis-leur qu'on part le plus tôt possible. Je vous conseille à tous de préparer vos valises, parce qu'on risque de ne pas s'éterniser ici...

Eleanor ne se le fit pas dire deux fois et sortit de la pièce en coup de vent, suivie par Cynthia et Jakob.

OLIVER

Katherine étant partie préparer un hélicoptère, il était seul avec Zaïa lorsque le micro se reconnecta et grésilla, comme si... Comme si Ava essayait de le joindre à nouveau. 

- Force le son! s'écria Zaïa. 

Il s' exécuta, et les deux purent entendre une voix lointaine, comme si ce n'était pas celle d'Ava, mais plutôt celle d'une personne lui parlant, un homme. Oliver et Zaïa échangèrent un regard et se firent le plus silencieux possible.

- Pourquoi avoir agi ainsi?! Pourquoi nous avoir tous condamnés?  

Et la voix d'Ava, calme, mais chargée d'une certaine lassitude:

- Vous comprendrez, j'espère. La seule chose que je voulais, c'était nous sauver, tous. Et s'il fallait le refaire, je le referais. Seulement... Je suis juste navrée d'avoir eu à frapper le garde responsable de moi. Dites-lui que je suis désolée, si vous le pouvez. 

- Désolée?! explosa l'interrogateur. D'avoir assommé le garde, alors que la Terre court à présent un péril bien plus grand, maintenant qu'elle ne possède plus ses boucliers?! Espèce de petite salope égoïste!

Zaïa blêmit. Et ce qui suivit rendit Oliver fou de colère.

Le bruit d'un coup. Le gémissement étouffé d'Ava.

Ils l'avaient frappée. Ils avaient osé la frapper, lever la main sur elle...

Une troisième voix reprit alors:

- Attendez, chef, qu'est-ce que c'est que ça? 

Un grésillement près, très près du micro. Puis un bip sonore, et plus rien.
Ils l'avaient éteint.