CONJONCTION: Angelo: 1

Il se tenait devant la tombe de son père, Arthur. Avec Cynthia. Ce père qu'il n'avait jamais connu. Mais que sa mère avait aimé. Passionnément. 

Dorénavant, Oliver était comme un père pour Angelo, il n'empêche que son véritable père se nommait Arthur Anderson, et il ne savait rien de lui. 

Et Angelo voulait savoir.

- 91 Thorn Street, San Francisco, marmonna-t-il.

- Qu'est-ce que tu dis? demanda Cynthia en fronçant les sourcils. Je ne comprends rien. 

- Appartement 257. C'est là que mon père vivait. 

- Mais comment tu le sais?

Sa compagne était complètement sidérée. 

- C'est ton père qui me l'a dit. Il m'a révélé tout ce que le mien lui avait dit, jadis. Et ça comprenait son adresse d'avant. Celle où sa sœur... ma tante, a été assassinée. Et... Je vais partir là-bas, juste un petit moment, Cynthia. Voir si, même vingt ans plus tard, je peux récolter quelques informations. Je veux savoir.Je veux enfin savoir qui il était vraiment. 

- Tu as peur, pas vrai? devina Cynthia. Parce que personne ne savait qui il était, son passé...

- Ma mère l'aimait, murmura Angelo. Ça pourrait me suffire, mais franchement, je veux savoir, alors est-ce que tu serais d'accord pour venir à San Francisco avec moi, Cynthia? 

- Tu sais bien que j'irai jusqu'au bout du monde avec toi, Angelo.

- Alors, nous sommes partis pour San Francisco.

Thorn Street se trouvait en pleine banlieue. Sans être couverte de détritus, la chaussée n'était pas particulièrement propre non plus. Angelo et Cynthia y parvinrent en début de matinée. 

Le vent soufflait en cette fin d'automne et ils se hâtèrent d'entrer dans le hall de la résidence au 91.

Angelo parcourut les petites boîtes aux lettres du regard. L'appartement 257 avait de nouveaux habitants. Le nom "Anderson"avait disparu. Mais quoi de plus normal? Cela faisait vingt ans que son père avait quitté les lieux...

- Je pourrais demander aux voisins, dit Angelo. Peut-être que ceux qui ont survécu à l'attaque des clones sont revenus entre temps et sont restés là...

- On peut toujours essayer, acquiesça Cynthia. Montons déjà au deuxième étage...

Angelo remarqua que l'escalier en métal en colimaçon grinçait à chacun de ses pas. Et l'espace était si étroit... Ou peut-être était-ce une impression. Peut-être était-ce la peur. La peur de ce qu'il allait trouver là-haut.

Un couloir. Étroit lui aussi, et obscur, qui marquait un peu plus loin un tournant.

- Allons par là-bas, décréta Angelo en se dirigeant vers ce dernier. 

Mais Cynthia et lui avaient à peine fait quelques pas dans cette direction que la porte d'un appartement s'ouvrit, quasiment devant eux. Angelo eut tout juste le temps de lire "appartement 206". 

Puis une femme apparut. Brune,la quarantaine. Et un étonnement profond se peignit sur son visage lorsqu'elle croisa le regard du jeune homme:

- Nom de...! jura-t-elle. A... Arthur?!

Cynthia était tout bonnement sidérée. Angelo, lui, s'apprêtait à répondre, mais la femme secoua la tête et ajouta:

- Non, vous n'avez pas du tout le bon âge...Désolée... Je... je vous ai confondu avec quelqu'un d'autre.

- Vous parlez d'Arthur Anderson, dit Angelo. 

- Je...

- C'était mon père. 

- Votre... bon sang, tout s'explique. J'ai eu son dernier message et puis... plus rien. 

- Il est mort il y a vingt ans, souffla le jeune homme. 

Les yeux de la femme s'écarquillèrent. Puis Cynthia demanda:

- "Son dernier message"? Mais quel dernier message?

Le visage de leur interlocutrice refléta brusquement une tristesse infinie:

- Je m'appelle Sarah. J'étais la meilleure amie de ton père quand il habitait encore ici. Allons, entrez. Il y a sans doute beaucoup de choses que vous allez vouloir savoir. 

Angelo avait conscience de la main de Cynthia dans la sienne. Et de Sarah qui refermait la porte et les guidait jusqu'au salon. Attrapait une valise poussiéreuse glissée sous une armoire. 

- Vous saviez, pour mon père? 

- Quoi? demanda Sarah. Que sa mère n'était plus là? Que son père était mort? Qu'il s'occupait seul d'Ellie? Qu'il dealait de la drogue?

Angelo ne répondit pas. Cette femme semblait en savoir autant que lui. Peut-être même plus. 

- Je n'ai jamais réussi à savoir ce qui lui était arrivé précisément après qu'il ait quitté San Francisco. J'ai rassemblé pas mal de vidéos, des caméras de surveillance et tout ça, mais ce n'était que du passé. Je ne l'ai jamais retrouvé ensuite. Est-ce que... Comment est-il mort?

- En anéantissant les clones, lâcha Angelo. Il s'est sacrifié pour nous sauver tous. 

- Bon sang... J'ai imaginé tous les scénarios possibles, mais ça...

- Les vidéos que vous avez... réclama-t-il. Je peux les voir?

Sarah opina gravement et tira un ordinateur jusqu'à elle, avant de glisser un CD-ROM contenu dans la valise dans le lecteur. 

- J'ai recoupé toutes les caméras de surveillance de ce couloir datant du jour de l'invasion des clones. C'est... C'est dur.

- Allez-y, réclama Angelo. 

C'est le couloir où ils se trouvaient quelques minutes auparavant. Non, pas tout à fait le même, mais il y ressemble. Un homme sort d'un appartement, un pistolet à la main:

- Putain, Ellie, bouge!

Angelo le reconnaît, on dirait son reflet dans le miroir. Une voix:

- Non, je dois prévenir les gens, va chercher Sarah, toi! D'ici là, j'aurai fini!

- OK, mais fais vite!

Il part en courant. 

L'angle de vue change. Une nouvelle caméra.

Son père, Arthur, tambourine contre une porte.

- Par pitié, Sarah, ouvre!

- Je n'étais pas là, chuchota Sarah tandis que la scène se jouait sous leurs yeux. J'étais à New York, et il ne le savait pas. 

Angelo se replongea dans la vidéo. 

- Sarah,ouvre!!

Un coup de feu. Arthur tressaille, car il a compris. Tout comme Angelo. Il repart en courant vers son appartement, même s'il est déjà trop tard. 

Changement de caméra. 

Arthur stoppe devant la porte du trois-pièces qu'il partage avec Eleanor, la première Eleanor.

- Non, non, NON! Espèce d'enfoiré!!

Il tire. Le bruit d'un corps qui s'effondre. Son sanglot alors qu'il disparaît dans la pièce:

- Ellie...

La cassette se terminait là.

Angelo échangea un regard avec Cynthia et vit que celle-ci avait les larmes aux yeux. Lui-mêmes'efforçait de contenir son émotion. 

Mais alors, un nouvel enregistrement débuta. Arthur, devant une webcam, dans une sorte de bureau qui semblait être à l'abandon.

- Sarah, je ne sais pas si tu recevras un jour ce message, ou même si tu es encore vivante, ce que j'espère de tout mon cœur. Mais je tiens à le dire. Moi et mes amis sommes à Darkcloud, la station pétrolière. Si tout se passe comme prévu, les choses pourraient bien s'arranger prochainement. Je n'ai que peu de temps, je vais devoir rejoindre les autres, mais... Si je peux, je reviendrai à San Francisco quand ce sera fini. Pour rendre hommage à Ellie. Voir si tu vas bien. Et... Peut-être nous installer ici, avec... Sarah, j'ai rencontré quelqu'un. Je suis sûr qu'Ava te plairait énormément. Je l'aime tellement. 

Le sourire d'Arthur était si sincère qu'Angelo se sentit frémir. Toutes ces émotions qu'il avait refoulées en lui si longtemps...

- Et... poursuivit Arthur. Elle est enceinte. Je vais être père, Sarah. Pour l'instant, nous vivons dans la peur, mais quand ce sera fini, je pourrai dire tous les jours à mon enfant que je l'aime, tu te rends compte? Je l'aime déjà tellement fort. Bon, je dois te laisser, Sarah, je...

Angelo n'écoutait plus. Il pleurait. 

- Angelo! s'alarma Cynthia. 

- Ça va, lui chuchota-t-il en la serrant dans ses bras. 

Il se tourna vers Sarah. 

- Merci, dit-il. Merci infiniment. Parce que grâce à vous, aujourd'hui, j'ai appris beaucoup sur moi. Qui j'étais. Les gens qui ont cru en moi. Et même si c'est douloureux, tout cela me rend plus fort. Je sais qui je suis. 

Du regard, Sarah l'encouragea à terminer:

- Je suis comme mes parents, et je suis fier d'être leur fils. Quelle que soit la situation, quelle que soit la douleur qu'elle puisse me causer, je veux aller jusqu'au bout. Je veux la vérité, la vie. Je veux ne jamais avoir à me rendre.



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