Lundi matin, en ce début du mois de Mars, je débute mon premier jour de stage au foyer social. L'attente d'une réponse a été longue et difficile. J'ai quasiment harcelé la secrétaire, j'appelais régulièrement depuis que j'avais déposé mon cv. Benjamin m'avait prévenu que ça risquait d'être compliqué, pas par manque de volonté de leur part mais par manque financier. Le responsable, un homme d'une cinquantaine d'années à fini par accepter de me rencontrer. En lui faisant ma petite tête de chien battu, j'ai réussi à le convaincre de me prendre au moins un mois en stage, pour mon cursus scolaire d'éducatrice sociale. La secrétaire de l'accueil, Maria a été formidable malgré mon insistance. Plus d'une m'aurait renvoyée sur les roses.

Dès mon arrivée, elle m'indique le métier et les responsabilités de chaque personne que l'on croise. Puis elle me présente à Henry, la personne qui sera responsable de moi pendant toute la durée de ma formation. Il devra me montrer comment gérer les jeunes de cet établissement. Après de brèves présentations

- Bonjour Christabelle bienvenue avec moi. Viens, je vais te présenter les résidents qui sont présents. Ce matin, l'atelier prévu est pour les aider à préparer leurs démarches pour des recherches d'emplois et pour certains les briffer a des entretiens d'embauches. Certains ont été en détresses familiales pendant pas mal d'années et n'ont aucun repère, donc à nous d'être présent pour eux...

Génial ! L'insertion dans le monde du travail est primordiale. Pour la plupart, ils n'ont aucune confiance en eux. Secrètement j'espère revoir Mathilde, j'aimerais pouvoir l'aider. Son histoire m'a touchée et avec sa petite fille craquante qui demande qu'à être aimée, je fonds.

Quand il ouvre la porte, à vu d'œil, il y a une bonne dizaine de personnes installées devant des tables avec feuilles et stylos à dispositions, ils bavardent tous ensemble avec un air complice. Henry me demande de me présenter pour faciliter l'échange.

- Bonjour à tous, je suis Christabelle. Je vais être avec vous pendant quelques temps. Je fais des études pour devenir éducatrice social comme Henry. Je compte sur vous pour me montrer les bons et les mauvais côtés de ce métier. Ne prenez pas de pincette parce que je suis jeune, je vous demande juste de restez vous-même et sachez que je suis là pour vous.

Ils me regardent un peu bizarrement, mais acquiescent de la tête.

Henry leur demande de faire trois groupes de cinq, il va en gérer deux et moi le dernier. Ayant aperçu ma petite Mathilde, je demande à m'en occuper.

- Tu es sûr de toi ? Ils sont sympas mais ce ne sont pas les plus faciles à gérer...

Il est vrai que son groupe s'est formé d'un jeune percé et tatoué de partout, un autre d'une trentaine d'année qui n'a pas l'air très motivé et de deux jeunes filles d'un style gothique qui aux vus de leur comportement doivent être très très proche en privé. Le genre de chacun est un peu spécial, mais il ne faut jamais se fier aux apparences, c'est une chose essentielle dans mon futur métier.

- Oui, certaine. Je veux essayer avec eux.

- Ok ! si besoin n'hésite pas, je suis là. Je te laisse t'organiser à ta façon.

Allé Christabelle, souffle un bon coup et vas-y, tu peux le faire...Je m'approche d'eux en les observant. Ils me regardent plutôt d'un œil moqueur. Il va falloir que je leurs prouve de quoi je suis capable.

- Salut à tous, Mathilde contente de te revoir. On va commencer si vous êtes d'accord, par les présentations d'usage ? Vous savez qui je suis maintenant alors c'est à vous et j'aimerai aussi connaître vos objectifs futur.

Mathilde est la première à prendre la parole et me répète ce que j'avais déjà appris lors de notre première rencontre. Tout le monde suit son exemple, ce qui détend l'atmosphère immédiatement. J'ai avec moi Nicolas un ancien toxico qui est dans ce centre depuis deux ans et qui souhaiterai...en fait il ne sait pas ce qu'il veut faire, tellement de portes se sont fermées sur lui qu'il n'a plus aucune motivations. J'essai quand même de percevoir ces centres d'intérêts.

- Ok Nicolas je comprends mais quelles sont tes formations, tes loisirs ?

- Rien.

Je crois qu'avec lui ça ne va pas être facile. Mon jeune tatoué prend la parole.

- C'est bon il en a rien à foutre de tout, perds pas ton temps avec lui. C'est un nase !

- Tu te calmes espèce de morveux, on t'a rien demandé. T'es juste bon à te faire jeter de chez tes parents et des foyers alors ferme la ta gueule!

Mes deux gars se lèvent prêt à en découdre avec les mains.

- OH ! les garçons on se rassoit et on discute tranquillement ok ? Je ne suis pas là pour que vous vous preniez la tête, je veux juste commencer à comprendre votre situation et non vous juger.

Mes cinq acolytes se mettent à parler en même temps et à ronchonner. Je ne suis pas sortie du pétrin si ça démarre de cette manière. Henri m'observe du coin de l'œil prêt à intervenir mais je ne veux pas qu'il s'aperçoive que je ne gère pas la situation. Je tape du plat de la main sur la table et capte enfin l'attention de mon groupe.

- Bon les amis ! Il va falloir se concentrer et arrêter de râler. Je suis ici, autour de cette table dans le but de vous aider, est ce que vous le comprenez ?

- Oulala ! ça y est je la retrouve « l'attachiante » de l'autre jour, rétorque Mathilde. Bon, les gars j'ai déjà rencontré Christabelle il y a quelques temps et je peux vous assurez que quand elle a une idée dans la tête elle va jusqu'au bout alors autant l'écouter et la laisser nous accompagner dans nos projets, ok ?

Je la remercie d'un sourire et d'un hochement de tête. Je pense qu'ils ont compris cette fois-ci car ils s'excusent et continuent à se présenter dans le calme. Au bout de deux heures de questions- réponses nous avons bien avancés et même notre cher Nicolas s'est trouvé un intérêt pour l'écriture. Avec Mathilde nous faisons des simulations pour un futur entretien dans une boutique de vêtements d'enfants.

Mon atelier termine dans les fous rires quand mes deux gothiques improvisent une petite danse de la joie quand je leur annonce qu'effectivement elles peuvent trouver même à vingt ans des écoles de stylisme et avec des aides financières en prime. J'ai surpris à plusieurs reprises mon tatoué dévisager ma petite Mathilde sans qu'elle ne s'en aperçoive. Hum ! Est ce qu'elle lui plairait ? Serait-il timide derrière sa façade de gros dur ?

Henri prend la parole et nous annonce que c'est l'heure de la pose et que l'on se retrouve dans un quart d'heure pour finir la séance. Tout le monde sort et mon tuteur vient me rejoindre en applaudissant.

- Bravo Chris', tu as été géniale. Honnêtement je n'y croyais pas.

- Merci pour la confiance lui rétorquais-je l'air boudeur.

- Ne te vexe pas mais tu es mignonette, jeune, pas très grande face au groupe le plus turbulent j'ai cru que tu allais baisser les bras avant la fin.

- Et bien... Non, je suis une ba...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'une voix grave, venue dans mon dos me devance.

- Battante, persévérante et ...oui mignonette !

Je dois être écarlate. Benjamin est arrivé avec un café dans chaque main et m'en tend un.

- Tiens un peu de carburant pour finir ta matinée. Ça ne te gène pas qu'on se tutoie maintenant que tu travailles avec nous ?

- Merci et non pas du tout au contraire.

Henri nous interrompt.

- Vous vous connaissez tous les deux ?

- Oui nous nous sommes rencontrés quand je suis venue poser mon cv.

- Oui c'est ça, quand elle a déposé son cv... répète Benjamin l'air un peu perdu.

- Ok, bon et bien je vous laisse je vais fumer ma clope et prendre un café puisqu'à moi on ne m'en a pas offert. Salut les jeunes !

J'ai bien compris que je l'avais vexé quand je n'ai pas avoué la véritable raison de ma première visite mais je voudrais faire mes recherches le plus discrètement possible. Ma vie personnelle ne regarde personne.

- Benjamin, tu crois que je pourrais jeter un coup d'œil à tes dossiers dans la journée ?

- Heu, pas aujourd'hui je fini ma journée à midi, une autre fois.

Déçue, j'acquiesce et sors de la salle pour prendre un peu l'air. Je pensais commencer mon investigation dès ce premier jour, mais il va falloir que je trouve un moyen pour y avoir accès rapidement. Il me faut trouver une tactique...