Chapitre huit

✉Tu ne viens pas non plus
aujourd'hui j'imagine?✉

C'était totalement ridicule qu'elle insiste, il ne lui répondrait pas. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher de s'inquiéter, cela faisait déjà trois jours qu'il n'était pas au lycée et ce n'était pas la première fois qu'il s'absentait. Les professeurs semblaient ne pas le remarquer, ne pas y faire attention.

Elle composa son numéro. Elle se fichait bien qu'il pense qu'elle le harcèle, elle était inquiète parce qu'elle savait qu'il se passait quelque chose avec lui, mais elle ne savait pas quoi.

Et elle ne pouvait pas s'arrêter de penser à ses lèvres contre les siennes, à ce qu'elle avait ressenti lorsqu'il l'avait embrassée. Cette image tournait en boucle dans sa tête. Tout comme l'image de lui la laissant seule, comme tout le monde l'avait toujours fait. Elle n'arrêtait pas de penser à son regard, il avait paru totalement effrayé.
Ce n'était qu'un baiser pourtant, non?

Par le plus grand des miracles, alors qu'elle pensait tomber sur son répondeur, elle entendit sa voix faible dans le téléphone.

"Allô?" dit-il.

"C'est Emma." signala-t-elle.

"Je sais Swan, ton nom s'affiche sur l'écran de mon téléphone." rit-il.

Elle fit signe à ses amis qu'elle s'éloignait deux minutes, et elle s'avança pour trouver un coin calme, à l'abri des oreilles indiscrètes.

"Qu'est-ce que tu veux?" s'enquit-il après un long silence de la part de la jeune femme.

Elle se rendit compte, maintenant qu'elle entendait sa voix, qu'elle n'avait en réalité rien à lui dire. Elle était inquiète pour lui, mais que pouvait-elle bien lui dire, au final? Alors elle resta muette.

"Je suis désolé pour l'autre jour." lâcha-t-il. "J'aurais pas du, je sais pas ce qu'il m'a prit."

Elle ne répondit pas. La jeune femme ressentit comme une pointe d'amertume. Regrettait-il à ce point? Elle savait que ce baiser ne voulait rien dire pour lui, mais quelque part au fond d'elle, elle avait espéré le contraire. Elle souffla profondément, et s'assit contre un arbre dans la cour.

"Emma? Tu m'en veux?"

Lui en voulait-elle? Pas de l'avoir embrassée, non. Mais de l'avoir laissée seule après l'avoir ignorée, ça oui. Elle ne le comprenait pas.

"Ton nez ça va? Ça t'arrive souvent?"

"Quand je suis stressé ouais. C'est rien de grave d'après mon médecin, c'est jamais très conséquent." expliqua-t-il, ne prenant pas en compte le fait qu'elle ait omis de répondre à sa question.

"Je te stresse?" ricana-t-elle.

"C'est si évident?" il répliqua.

Elle sentit ses joues s'empourprer et elle secoua la tête. Il ne s'en tirerait pas comme ça, elle était en colère contre lui et cette fois, il ne suffirait pas d'un de ces regards ou d'une simple phrase pour qu'elle ne lui en veuille plus.

Bordel, elle n'était pas un jouet!

"Pourquoi tu n'es pas là?" s'enquit-elle d'une voix froide.

Elle l'entendit rire de l'autre coté de téléphone et elle grimaça en sentant son cœur accélérer.

"Et tu disais que tu n'étais pas curieuse?" ricana-t-il gentiment.

"Je m'intéresse." dit-elle sèchement, utilisant les mêmes mots que la première fois.

La vérité était qu'une part d'elle était terriblement inquiète pour lui. Mais il n'avait pas besoin de le savoir n'est-ce-pas? Et puis, il n'y avait pas grand chose à savoir, d'ailleurs. Il était son ami et c'était normal de s'inquiéter pour les gens à qui on tenait, non?

Ça la frappa à ce moment. Elle tenait à lui.

Elle n'avait jamais tenu à quelqu'un. Bien sûr, il y avait ses amis, mais elle ne connaissait Killian depuis à peine un mois, alors qu'il lui avait fallu une longue année pour s'attacher à Elsa, Ruby, Anna ou August.

Quelque chose était différent avec lui. Elle ne pouvait pas laisser passer ça, elle ne pouvait pas prendre ce risque.

"Tu ne devrais pas, Swan." marmonna-t-il, la sortant de ses pensées.

Bien sûr qu'elle ne devrait pas. Elle ne devait pas s'intéresser à lui.

"Je devais assister à un mariage hier, c'était assez loin et la route a pris du temps, je suis resté chez moi pour me reposer." expliqua-t-il.

Il était allé chercher loin cette excuse. Ça aurait pu tenir debout, si Emma ne sentait pas qu'il mentait. Elle se demandait sur quoi il ne lui avait pas menti, en fait.

"D'accord." répondit-elle simplement. "Je dois aller en cours. Salut."

Et elle raccrocha.

Elle souffla profondément, laissant tomber sa tête contre le tronc de l'arbre. Elle ne s'en rendit pas compte immédiatement, mais bientôt, des larmes menaçaient de couler le long de ses joues, et elle passa une main sur son visage pour reprendre ses esprits.

Bon sang, que lui arrivait-il?

Ce type ne méritait pas qu'elle se mette dans cet état.

Elle ne pouvait pas prendre le risque de s'accrocher à lui. Cela ne servait à rien.

Quelque soit son problème, ce n'était plus ses affaires à présent.

Elle baissa les yeux sur son téléphone, et supprima son numéro. Puis elle se leva, et la tête haute, se dirigea vers ses amis.

¤¤¤¤

Sa résolution aurait pu tenir, si le sentiment d'inquiétude qui la rongeait n'avait pas perduré. Deux autres jours étaient passés, et l'excuse du mariage était vraisemblablement bien loin de la vérité.

Mais elle n'avait plus son numéro, plus de moyen de le joindre ou de prendre de ses nouvelles.

Alors, le soir, après les cours, elle avait décidé de se rendre chez lui.

Elle ne savait pas si elle y serait bien accueillie, ni comment Killian allait réagir, mais elle avait besoin d'en avoir le coeur net. Une bonne fois pour toute, ensuite, elle partirait, comme toujours.

Elle gara sa voiture en face de la maison où elle l'avait déposé le soir de la fête foraine, puis d'un pas déterminé, se dirigea vers la porte. Elle toqua, et patienta quelques instants avant qu'un homme d'une cinquantaine d'années ne lui ouvre.

"Je peux t'aider?" s'enquit-il.

"Bonsoir, euh... Excusez moi du dérangement, est-ce que je pourrais voir Killian s'il vous plaît? Nous sommes en littérature ensemble au lycée et..."

Elle avait préparé son discours dans la voiture, afin d'être prête en cas de refus. Cela dit, elle ne s'était en aucun cas préparée à ce que l'homme lui réponde, perdu:

"Excuse moi, de qui parles-tu?"

Elle resta un instant stoïque, ne sachant s'il plaisantait.

"Killian? Killian Jones?" répéta-t-elle d'une voix affaiblie par la déception.

Une part d'elle espérait toujours qu'on lui faisait une blague de mauvais goût, tandis que l'autre avait déjà compris: Killian ne vivait pas ici. Killian lui avait encore menti.

"Je suis désolé, tu as du te tromper d'adresse, aucun Killian ne vit ici..."

Elle se contenta de hocher la tête, incapable de parler. Elle s'éloigna sans un mot de plus, grimpant dans sa voiture avant de rouler en trombe vers le foyer.

¤¤¤¤

Le lundi, au lycée, quand Killian s'assit à côté d'elle en étude, elle ne répondit à aucune de ses interpellations.

Elle était forte pour ignorer les gens, d'autant plus lorsqu'elle leur en voulait.

Il finit par abandonner, au plus grand soulagement d'Emma.

Tout le monde se posait des tas de questions, ce qui faisait encore plus de personnes à ignorer. Pas un problème pour elle.

Killian en revanche, ne supportait pas les remarques incessantes de ses camarades, et semblait ne pas comprendre que le seul moyen pour qu'ils arrêtent était de faire comme s'ils n'existaient pas.

Elle ne lui dit rien cependant.

Il se débrouillerait tout seul, et elle aussi.

C'était bien mieux ainsi.

Mais lorsque dans la nuit, allongée dans son lit cherchant tant bien que mal le sommeil, elle reçut un appel, une nouvelle fois, sa résolution tomba à l'eau.

Elle sortit discrètement de la chambre et s'enferma dans les toilettes, se doutant bien qui était le propriétaire du numéro non-enregistré.

"Allô?" chuchota-t-elle, couvrant sa voix en allumant le robinet.

"Je suis désolé, Swan." articula-t-il difficilement.

"Killian? Tu as bu?"

Elle l'entendit souffler et avant qu'elle ne puisse lui poser une nouvelle question afin de savoir où il était, il raccrocha.

"Merde!" souffla-t-elle

Elle tenta à plusieurs reprises de le joindre -une bonne dizaine de fois, pour être honnête-, mais il ne répondait pas. Elle jura à nouveau et remonta dans la chambre, attrapa ses clés qu'elle cachait sous son matelas, ouvrit le plus silencieusement la fenêtre et s'y faufila comme elle l'avait fait tant de fois auparavant.

Elle n'avait même pas prit le temps d'enfiler une veste, elle portait toujours son vieux pyjama à carreaux, mais à cet instant, c'était bien le cadet de ses soucis. Elle marcha discrètement dans la cour, vérifiant que personne ne l'avait vue, et grimpa par dessus le grillage du jardin pour rejoindre le parking où elle entreposait sa coccinelle.

Elle parcourut les rues de la petite ville pendant plus d'une demi-heure à le chercher quand enfin elle le vit, titubant sur un trottoir d'une rue adjacente à la principale.

Elle se gara à côté de lui et attrapa la couverture qui traînait toujours à l'arrière de sa voiture avant de la passer autour de ses épaules, puis elle sortit et marcha jusqu'à lui.

"Qu'est-ce que tu fous là Emma?" siffla-t-il.

Elle s'approcha de lui et voulut lui attraper le bras pour l'amener à sa voiture mais il se dégageait violemment, manquant de tomber.

Elle remarqua que sa peau était encore plus blanche que d'ordinaire, il donnait l'impression qu'il allait s'effondrer à n'importe quel moment.

"Killian s'il te plaît, laisse moi t'aider." elle lui dit d'une voix qui se voulait apaisante.

"Je ne veux pas de ton aide." cracha-t-il.

Il s'avança vers elle dans un air menaçant, la faisant reculer en la poussant comme il le pouvait de la main qui tenait pas sa bouteille.

"Je te laisse pas le choix." répliqua Emma, loin d'être impressionnée par sa scène.

"Je ne veux pas de toi, Emma." continua-t-il.

Il avait beau être sous l'emprise de l'alcool, peut être ne pensait-il pas ces mots, cela n'en était pas moins blessant pour la blonde, qui détourna le regard un instant.

"Dégage de là."

Elle ne se démonta pas pourtant, et tenta à nouveau de l'attraper mais il la poussa et elle se cogna sur le capot de sa coccinelle. Elle se redressa brusquement, s'approchant de lui avec un air féroce sur le visage.

"Bordel mais c'est quoi ton problème?!" hurla-t-elle, ne pouvant en supporter plus.

"Mon problème?!" s'exclama Killian en retour.

Elle ne répondit pas, observant ses traits déformés par le désespoir et ses yeux remplis de larmes. Et parmi ça, la lueur se fraya un passage, grandissant dans son regard

Il écarta les bras et les laissa retomber sur ses hanches, sans jamais quitter ses yeux.

Et d'une voix aussi faible que le vent qui secouait ses cheveux noirs ébène, il murmura:

"J'ai un cancer."

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