Saison 6 - Épisode 4 : Le dilemme de Terence
Les cliquetis de fourchettes cessèrent après une vingtaine de minutes, Harry et Noa se vautrèrent sur leurs chaises, l'un en face de l'autre, le ventre plein à en exploser la ceinture. Sur le coup, Harry expulsa un rôt suffisamment bruyant pour résonner dans toute la pièce et ébranler les meubles.
— Merci, Noa ! Qu'est-ce qu'on a bien mangé !
— Roooh, Harry, tu aurais pu mettre ta main devant ta bouche ! Tu es vraiment un porc, par moment.
— Vaux mieux que ce soit en dehors que dedans, rigolait-il en se levant avec maladresse de sa chaise.
Un martèlement sur la porte stimula brutalement Noa, qui avait déjà commencé à somnoler sur sa chaise.
— Va voir ! fit Harry en se laissant tomber sur le lit.
D'un pas nonchalant, Noa avança comme si elle s'apprêtait à vomir d'une seconde à l'autre. En ouvrant la porte d'une volée, Clochette apparut face à elle. La jeune fille était habillée d'une façon nettement plus sexy : sa robe verte avait été raccourci au niveau de sa poitrine afin de laisser place à un décolleté plongeant, et le pan de son tissu avait subi une large rupture jusqu'au niveau des hanches, laissant entrevoir l'intégralité de ses cuisses au rythme de ses pas.
— Salut, Noa, tu es enceinte ?
— Non, j'ai trop mangé, idiote. Et toi, tu te sens bien ? rétorqua Noa, le regard plongé sur son décolleté.
— Bien sûr, je ne me suis jamais sentie aussi bien ! Où est Harry ?
— E-euh... il est là-bas... m-m-mais tu comptes faire quoi avec lui... dans cette tenue ?
— Oh mais rien du tout, ne t'en fais pas, Noa ! s'esclaffa Clochette en la serrant contre elle. Voyons, ce n'est pas pour lui que je me suis habillée comme ça... voyons...
Assurée, Noa s'écarta afin de laisser Clochette passer. Harry la regarda sans bouger son corps mais émit tout de même un rougissement sévère jusqu'aux oreilles. Il ne tenait pas à avouer que Clochette était irrésistible, mais en oscillant son attention vers sa femme, il trouva préférable de rester de marbre.
— Alors, comment va ma fée handicapée préférée ? souriait Clochette en s'asseyant à côté de Harry.
— Va te faire foutre, Clochette... marmonna-t-il, la voix étouffée contre l'oreiller. Pourquoi tu t'es habillée aussi... euh... pourquoi tu t'es habillée comme ça ?
— Bon question ! Je compte reconquérir Terence !
— Hein, sursauta Noa, mais ce n'est pas toi qui l'avais quitté ?
— Oui, mais je suis prête à le reprendre, maintenant. Et puis, je ne tiens pas à ce qu'il tombe entre de mauvaises mains.
Harry et Noa se lancèrent le même regard intrigué.
— Bon, Harry, tu viens ? J'ai besoin de ton aide.
— Dommage, je ne peux pas voler... et puis je viens de manger...
— Lève-toi, sale feignasse ! Tu sais très bien que je vais te porter au vol.
***
Harry se tenait suspendu par Clochette. Elle volait si vite que leurs oreilles n'entendaient que les sifflements du vent.
— Pourquoi tu vas aussi vite ?! Tu es pressée ou quoi ?
— Il faut qu'on se dépêche, je ne veux pas que Cristalline le trouve avant moi...
— Cristalline ? s'étonna Harry en fronçant des sourcils. Qu'est-ce que Cristalline vient faire dans ça ?
— Kyle est venu me parler, hier soir.
— Tiens, il a retrouvé la parole, lui... marmonna Harry d'un visage pénible.
— Et figure-toi qu'il m'a dit que Cristalline et Terence se voyaient. J'ai demandé des comptes à ma sœur et elle m'a dit que ça pourrait être sérieux entre eux.
— Qu'est-ce que ça va te rapporter de faire ça, Clochette ? On devrait plutôt voir Kyle, il doit aller très mal.
Mais Clochette ne répondit pas, et ce fut à ce moment précis que Harry comprit qu'elle était loin d'en avoir fini avec Terence. Pourtant si elle l'avait quitté cela voulait dire que l'amour qu'elle ressentait pour lui n'existait plus, à moins que...
Les deux fées, l'une accrochée à l'autre comme un singe, n'étaient plus très loin d'un flot d'arbres aux troncs étrangement habités. La Résidence des Fées Gardiennes de Poussière se dessinaient au loin avec sa lumière encore plus perçante que la lune gravitante au-dessus d'eux.
— Harry, tu dois faire quelque chose pour moi... murmura Clochette d'un timbre de voix peu assuré.
— Qu'est-ce que tu veux encore ? grommela Harry, qui n'était pas très convaincu par l'initiative de son amie.
— Il faut que tu rentres chez lui et que tu l'incites à sortir. Lorsqu'il me verra, moi, dans cette tenue ultra sexy, il... il ne résistera pas et voudra revenir avec moi !
Harry s'apprêta à demander à Clochette pourquoi elle n'y allait pas toute seule, comme une grande. Mais après mûre réflexion, il se souvint de l'égo mal placé de la jeune fille.
— D'accord, mais après on ira voir Kyle, accepta Harry d'une voix ferme.
— Tout ce que tu veux, du moment que Terence et moi on...
Clochette avait les manies d'une petite fille de bas âge. Elle rougissait presque tout le temps et n'achevait que très peu ses phrases. L'idée de perdre Terence s'avérait plus fort que son caractère mal trempé habituel.
La jeune fille le balança comme un vieux paquet de linge sale sur le tronc, la tête de Harry percuta sans retenue la porte de Terence.
La porte s'ouvrit dans un grincement sinistre et la tête de Harry s'écrasa sur le sol avant que le garçon ne pousse un gémissement de douleur.
— ARGH, s-salut euh... Terence.
— Mais je t'ai déjà vu quelque part toi...
— Je suis Harry, la fée Voltigeuse qui était humaine autrefois et qui...
— OUI ! Harry, la Fée Voltigeuse qui a décimé plus de la moitié des fées de la vallée ! Mais bien sûr, s'exclama Terence dont les yeux se tintèrent étrangement d'éclats, oui j'ai déjà entendu parler de toi ! Tu m'as tué dans ta folie... mais c'est tout de même un honneur de te rencontrer.
— Il a suffi d'un baiser entre moi et Noa pour ressusciter toutes les fées mortes durant cette... euh... épidémie de non-croyance. Du coup, on peut dire que tout est réglé.
Malgré les justifications de Harry, qui se frottait la nuque, gêné, Terence ne reflétait pas une quelconque rancœur, mais plutôt une sorte d'admiration étroite, comme s'il venait de rencontrer son idole.
— Tu veux rentrer, j'ai acheté des rayons de miel, ça tombe bien !
— Oh merci, je veux bien rentrer mais j'ai déjà mangé il y a moins d'une heure avec ma femme.
— Noa, c'est ça ? souriait fièrement Terence.
— Oh... euh, oui ! Noa, oui, c'est elle ma femme.
***
Le jour était désormais près de la nuit. Harry et Terence, assis seuls, l'un face à l'autre, discutaient depuis de longues heures – enfin si cela pouvait s'interpréter comme tel. Harry ne se résignait qu'à répondre aux questions de Terence. Entre deux pauses, Harry se vit distribuer une tassé de thé et quelques rayons de miel pendant que le garçon ne cessait d'admirer ses ailes déchirées. Selon Terence il s'agissait d'une blessure héroïque alors que Harry se tuait à lui répéter qu'il avait échappé au châtiment d'une folle furieuse.
Après avoir savouré un triomphe fictif que lui attribuait Terence, Harry jeta son regard vers une étagère qui soutenait un cadran dont les bruits de pendules tourmentaient son esprit. D'un geste brusque, il se leva. Terence n'y comprenait rien.
— Oh mince, s'exclama Harry, j'avais complètement oublié de te parler de Clochette !
— Hein, Clochette ? répéta Terence d'un ton nouveau tant il semblait déçu. Attends, ne me dit pas qu'elle t'a envoyé ici juste pour que je puisse...
— Oui, je crois qu'elle t'aime vraiment, dit Harry. Mais attends, hein, moi je ne veux pas être mêlé à vos histoires.
— Je comprends, dommage. Tu avais l'air si cool.
— Je-je le suis toujours, hein, mais comprends-moi. C'est une amie et elle souffre vraiment de te voir loin d'elle.
— Très bien, répondit Terence d'un sourire qui convaincu très peu Harry. Je vais lui parler, où est-elle ?
En son for intérieur, Harry était heureux. L'opération qu'il avait mené pour Clochette semblait s'aboutir en une chose positive. Le blond lança un dernier sourire à Harry puis ouvrit la porte avant de filer lentement. Ses ailes brillaient dans la nuit et il était très facile pour Harry de le suivre, même en marchant.
Il espérait secrètement que Clochette serait encore là, même si ses chances étaient moindres. Qui pouvait bien patienter plus d'une dizaine d'heures aux alentours de la Résidence. Harry gardait la certitude que Clochette le tuerait pour avoir perdu tout ce temps.
— Wow, c'est-c'est vraiment elle ? s'éleva une voix juste devant lui.
Les yeux de Terence s'arrondirent en éclats lorsqu'ils tombèrent sur le corps de Clochette. La jeune fille se trouvait accroupie au bord d'un petit ruisseau de poussière de fée. Terence était comme hypnotisé par son décolleté plongeant.
— Par la Deuxième Étoile... murmurait-il en laissant quelques filets de bave couler sur son menton.
— Terence ? dit Clochette en se caressant bras d'un geste timide et embarrassé.
Harry stoppa son élan comme s'il venait de heurter un mur invisible. Il ne tenait pas à déranger le « couple » qui venait de se retrouver – et de loin, Clochette n'avait pas l'air si furieuse que ça. Elle rougissait de plaisir, chose très rare à observer.
Pendant un moment, Harry regardait fixement les deux fées, prenant appui contre une roche assez large pour soulager son dos. Puis, soudain, il voyait ce qui semblaient être deux corps ondulant l'un entre l'autre. Harry s'avança de quelques pas lents afin que l'on ne le repère pas et pour son grand étonnement, il vit Terence embrasser Clochette de façon langoureuse et affamé. Il était si complexe de les voir ainsi que Harry pensait même que leurs lèvres ne se détacheraient jamais l'une de l'autre. Malgré la distance qui les séparaient, le garçon pouvait voir par quelques interruptions de se baiser ardents, des langues serpenter en dehors de leurs bouches, allant jusqu'à en fouetter des babines. Jamais Harry n'avait pensé à faire ce genre de chose avec Noa, malgré leur mariage.
— Ils sont affamés, ou quoi ?! murmura Harry. On dirait bien que Terence a changé d'avis. Bien joué, Clochette.
La situation commençait à devenir beaucoup trop personnelle quand Terence commençait à malaxer les seins de Clochette avec fermeté. Harry avala sa salive, comme s'il s'était agi d'une crotte de nez coincée dans sa gorge.
— Décidément, quelle soirée ! s'exclama Harry, tout seul, tapissé dans l'ombre de la nuit. Ils n'ont pas peur de se faire voir dehors, et à cette heure.
Le temps, qui filait, aggravait davantage la situation pour Harry alors qu'elle en exaltait celle de Terence et Clochette. Comme des bêtes sauvages assoiffées de libidos, ils ne tardèrent pas à ôter leurs vêtements et se caresser en plein air de la nuit. Leurs mains s'entrelacèrent avec ténacité pendant qu'ils se dévoraient du regard et balançaient des sourires effervescents.
— Oh, non... bon, bon, bon, il faut que je m'en aille ! dit Harry qui tremblait des pieds à la tête. Je-je ne veux pas voir ça.
Le garçon tourna les talons à la scène macabre qui avait lieu. Les pas de Harry se hâtèrent de plus en plus vite au rythme des cris de jouissances que poussait Clochette. Bientôt, ils ne restaient plus que ces deux-là.
Harry courait aveuglément dans la Vallée des Fées, l'obscurité de la nuit n'allait pas l'épargner et les hautes herbes qu'il se contentait de franchir le désorientait plus qu'autre chose. Après une longue course à contre sens de ce couple qui assouvissait leurs pulsions les plus primitives, Harry trouva refuge sur une grosse pierre éclairé par la lueur de la lune.
Il ne pouvait pas voler et il s'était résigné, en voyant le temps actuel, à dormir ici durant toute la nuit. Harry arracha une herbe suffisamment longue et large pour l'envelopper et il se mit à observer les étoiles.
Son esprit ne demeurait pas apaisé. Comment Clochette était-elle parvenue à en arriver là ? Terence aurait-il rompu avec Cristalline ? Est-ce que Kyle et Cristalline auraient une chance de finir ensemble ? En définitive, toutes ces questions l'assommèrent à mesure que le sommeil l'emportait. Harry s'endormit et ronflait à présent comme un moteur.
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