Saison 6 - Épisode 3 : Marteau contre Givre
Le lendemain matin, sous les ordres de la Fée Marie, Kyle frappa à l'insigne d'une grande porte qui s'ouvrit silencieusement. Lorsqu'il l'eut franchi, un homme d'environ le même âge que la Fée Marie l'attendait, son gros ventre de bière et son kilt écossais s'avéraient être les choses que Kyle vit en premier.
Kyle jeta un coup d'œil autour de lui. C'était une grande et belle pièce circulaire pleine de petits bruit bizarre. De toute part, les Fées Gardiennes de Poussière travaillaient comme de véritables fourmis machinales. Certaines se contentaient de refermer des poches de poussières quand d'autres les rangeaient dans des énormes compartiments semblables à une ruche ou encore d'autres s'équipaient d'un énorme sac et s'apprêtaient à sillonner les quatre coins de la vallée pour effectuer des rations.
Kyle s'approchait du grand homme de façon nonchalante, pourtant le chef des Fée Gardiennes ne pouvait s'empêcher de décrire un sourire sous sa barbe mutton chops.
— Tu dois être Kyle, c'est ça ? ricana l'homme en lui attrapant un poignet dix fois plus petit que le sien. Je suis la Fée Gary, chef des Gardiens de Poussières.
— Oui, hocha-t-il fébrilement de la tête.
— La Fée Marie m'envoie toujours des personnes qui se sont mal conduites dans l'Atelier... murmura Gary, dévisageant le garçon de la tête au pied. Mais tu n'as pas l'air très vilain, toi. Bon, suis-moi ! Je vais te montrer en quoi tu nous seras bien utile.
Gary s'éloignait, Kyle ne quittait pas son ombre, les deux fées s'arrêtèrent devant la ruche qui stockait des paquets contenant de la poussière de fée.
— Tout ce qui tu auras à faire consistera à donner ces sacs aux fées qui iront voyager pour effectuer leurs rations, tu as bien compris ? demanda Gary en pointant gentiment son stylo sur le nez de Kyle.
— Com... compris, monsieur, balbutia Kyle en lui donnant son dos.
— Très bien ! Dans ce cas, je te souhaite un bon travail, nous nous reverrons pendant la pause méridienne.
Les secondes s'étaient transformées en minutes, les minutes en heures, tellement le temps lui paraissait ennuyeux et inlassable. Kyle avait les mains toutes engourdies à force de jeter des énormes paquets de poussière aux divers Fées Gardiennes qui allaient partir.
Kyle continuait de ses gestes exténués son travail, quand brusquement, une forme claire, d'une couleur bleu pervenche et blanche, fondit juste sur sa tête, elle fila si vite que les cheveux de Kyle en furent ébouriffés.
— Quoi !!! s'exclama-t-il. Non... ça ne peut pas être...
En pourtant ses pensées, qu'ils auraient jugés de complètement obscènes, s'avéraient vraies, à moins que ses yeux ne lui jouent des tours. Cristalline venait de se poser dans l'usine de travail des Fées Gardiennes de Poussière, à quelques mètres de lui.
Kyle prit le réflexe de se vautrer sous le comptoir en bois, d'une démarché affolée. Seuls ses cheveux roux flamboyants et ses yeux dépassaient les contours du comptoir.
— Oh, non, non, non... Cristalline, murmura-t-il alors que sa respiration se saccageait dans ses poumons. Qu-qu'est-ce que je fais... p-p-peut-être qu'elle a su que je travaillais ici et qu'elle est venue me voir, ajouta-t-il d'une voix chevrotante, les yeux fusant des éclats.
Mais ses rêves divaguèrent d'une manière floue quand il remarqua un garçon au visage lisse, aux yeux bleus et aux cheveux d'un blond étincelant, s'avancer face à elle.
— C'est qui, ce type ? Attends... se parlait Kyle à lui-même, j'espère que ce n'est pas de lui dont elle est amoureuse...
Pourtant tout semblait confirmer ses craintes, il n'avait jamais vu Cristalline si heureuse de s'adresser à un homme. Elle jouait dans ses cheveux comme une petite adolescente en pleine extase et riait si bruyamment que l'on aurait pu penser que dix personnes s'esclaffaient au même moment. Le sourire brillant que lui apportait le blondinet en face d'elle avait l'air réciproque. Kyle n'avait jamais vu Cristalline aussi détendu et euphorique en sa propre compagnie.
— Oh non, pitié, par la Deuxième Étoile, ne me dites pas que...
Ses pensées s'estompèrent par un violent fracas détonnant sur le comptoir.
— Bonjour, le stagiaire, dit une Fée Gardienne, je pourrais avoir un sac de poussière, s'il te plaît ?
Kyle se releva, l'air presque ridicule.
— Oh, pardonnez-moi, oui, oui... bien sûr.
***
Quand le crépuscule tomba et que les grillons commencèrent à lancer des cris strident, Kyle partit enfin de l'usine, bredouille, mais tout de même soulagé d'en finir avec cette punition. Il n'avait pas cessé de penser à ce qu'il avait vu, ce matin, entre Cristalline et ce garçon mystérieux.
Arrivé aux Refuge des Bricoleurs, il se décida à passer chez Clochette et lui raconta exactement tout ce qui s'était passé.
— C'est très étrange tout ça !!! disait-elle en enlevant ses ballerines de ses pieds. Tu es bien sûr que c'était Cristalline ?
— Sûr et certain ! affirma Kyle. Je reconnaîtrais Cristalline entre mille, et j'en mets ma main à couper qu'elle était là, ce matin, avec ce type.
Clochette paraissait déconcertée face aux dires de Kyle. La belle blonde se surpris à faire les cents pas dans sa pièce, tête baissée, le visage presque cramoisie.
— Non, ricana froidement Clochette, elle n'aurait pas osé, pas avec lui...
— De quoi tu parles ? Je n'arrive plus à te suivre.
— Je pense qu'elle essaye de draguer Terence !
— Terence ? répéta Kyle. Ah, c'est lui ton petit-ami ?
— C'était, corrigea Clochette. Mais quand même, je ne pensais pas que...
— Pourquoi lui ? Qu'est-ce qu'il a de plus que moi ? pleurait Kyle.
— Non ! Ce n'est pas possible !!! détonna-t-elle sous l'effet d'une bombe. Je vais la voir !!! Elle n'aurait pas osé... NON !
La rage de Clochette était sans limite, même Kyle commençait à regretter de lui en avoir parlé. La jeune fille explosa sa propre porte d'un fracas de pied puis s'envola dans une direction imperceptible par la noirceur de la nuit. Kyle trouva préférable de rentrer chez lui, en espérant que Cristalline était juste devenue amie avec ce Terence.
***
Le froid de la nuit et de la Forêt de l'Hiver ne lui faisait pas peur, Clochette arriva devant la Fée du Givre et la menaça de couvrir ses ailes avant de tracer une ligne blanche tant elle fonçait vite.
Face à l'étrange maison de Cristalline, Clochette donna deux coups de poings nerveux sur la porte.
— Mais qu'est-ce qui te prends de frapper aussi fort ?! demanda Cristalline.
— Qu'est-ce que tu faisais dans l'usine des Fées Gardiennes de Poussière ? explosa Clochette, sans prendre la peine de s'excuser.
— Pourquoi tu t'excites autant ? J'étais juste passée voir Terence... c'est un garçon très charmant, et un super ami.
— Un « super ami » ? Tu en es sûre ? Ça ne te ressemble pas de traverser la Forêt de l'Hiver pour si peu...
— Bah si, les amis ça compte beaucoup ! souriait Cristalline de plaisir.
Contrairement à Clochette, elle n'était pas tendue, voire sa sœur dans un tel état l'amusait plus qu'autre chose.
— Mais pourquoi penses-tu ça, Clochette ? Tu insinuerais que j'aurais une probable chance de séduire Terence ? Je serais une potentielle meilleure petite amie que tu ne l'as été, c'est ça ?
Les yeux de Clochette s'impatientaient de commettre un carnage.
— Ne t'approche plus de Terence... espèce de salope ! Je commence à comprendre pourquoi tu étais bizarre, l'autre jour.
— Mais c'est bien toi qui l'as largué comme une vieille chaussette, non ? Ne viens pas te plaindre du bonheur que d'autre filles peuvent lui apporter lorsque toi-même tu le détruis !
— Ferme-là, Cristalline ! Je voulais juste faire le point avec moi-même... Donc, PAS TOUCHE À TERENCE !
— Ça veut dire quoi, ça ? mima Cristalline, désormais aussi rouge que sa sœur. Tu me donnes des ordres et je suis censée t'obéir au doigt et à l'œil ? Mon avis compte si peu ? Je suis obligée de vivre dans ton ombre, c'est ça ???
— Mais enfin, Cristalline, qu'est-ce que tu racontes ?! Tu n'as jamais vécu dans mon ombre, tu es toi et je suis moi ! Nous sommes deux personnes différentes...
— Ouais, et c'est pour ça que Terence sera heureux avec moi plutôt qu'avec toi ! Dégage d'ici, je n'ai plus envie de discuter...
— Tu n'as pas intérêt à ce que je te vois dans les parages, termina Clochette.
— Sinon quoi ? Tu vas me fracasser la tête avec ton marteau ? rigolait Cristalline en imitant grossièrement Clochette en train de bricoler.
— Oui, et je ferai de toi ma nouvelle planche de travail, tu as le physique pour, de toute façon. J'ai vraiment l'impression que tes formes jouent à cache-cache, quand je te vois, chère sœur.
— Mais moi, au moins, je ne mets pas des robes moulantes ras-la-chatte pour exciter les hommes, rétorqua Cristalline en refermant sa porte au nez de Clochette.
— RÉPÈTE ÇA, POUR VOIR ?!
CLAC !
La porte se verrouilla en quelque cliquetis et le teint de Clochette commençait à diminuer, elle ne voulait plus voir son visage, celui de sa sœur, celui de celle qui l'a trahi.
— Ce n'est pas possible, je dois parler à Terence... haletait-elle de colère pendant qu'elle planait dans les nuages, en dehors de la Forêt de l'Hiver.
***
La nuit parut très longue pour Clochette, elle n'avait pas fermé l'œil de la nuit, elle en était tout simplement incapable, le visage de Cristalline lui remontait trop à l'esprit. Elle passa plutôt son temps à briser des noix en deux dans l'Atelier, à l'aide d'un marteau, elle s'imaginait que la noix présentait la tête de sa sœur, en son for intérieur. Cela permis tout de même d'achever la construction d'un nouveau chariot qui manquait de roues, de quoi réjouir la Fée Marie à son arrivée.
Quand le jour se dévoila enfin sous son ciel bleu – comme les vêtements de Cristalline, Clochette lâcha ses travaux et se hâta en direction de la Résidence des Fées Gardiennes de Poussière.
Ses yeux avaient la même perception que des jumelles de vue tant ils semblaient précis. Clochette oscillait son regard depuis le ciel avant de fondre en piqué à l'endroit où se trouvait Terence. Le blondinet avalait tranquillement un rayon de miel tout en se dirigeant dans l'usine où il travaillait.
— Terence, Terence ! hurlait-elle dans des mouvements ébranlants de bras.
— Clo... Clochette ? s'étonna-t-il à son tour, peinant à trouver ses mots.
— Il faut qu'on parle !
Le visage de Terence s'était éclairci, comme un petit garçon à qui on avait avancé le jour de son anniversaire.
— Oui... j-je t'écoute !
— Qu'est-ce que tu faisais avec ma sœur, hier ?
— Oh... soupira Terence d'un air déçu. Ce n'était pas exactement la discussion que j'attendais...
— Répond à ma question ! Tu sors avec elle, maintenant ?!
— Quoi ? Non, non, non, non... on est simplement amis, pour le moment.
— Comment ça « pour le moment » ? Elle te plait ?! rugit Clochette en pointant son index sur le torse du garçon.
— Enfin, Clochette, pourquoi tu es si jalouse ? Tu ne veux pas que je refasse ma vie, mais tu ne veux pas de moi, non plus. Je suis censé faire quoi, hein ?!
— Non, tu n'es pas censé sortir avec ma sœur !!! E-et en plus je suis sûre qu'elle ne t'attire pas autant que moi.
— Qu'est-ce que tu en sais ? Elle est peut-être très maigre, mais elle est très gentille, douce, sympathique... tout ton opposé, en fait.
— Réfléchis bien à ce que tu comptes faire, Terence ! menaçait-elle.
— Si on s'entend bien, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas sortir ensemble, tous les deux. Tu n'as plus à te mêler de ça. J'ai le droit d'être heureux.
Le garçon donna une tape à l'épaule de Clochette en signe d'amitié, puis commençait à s'envoler dans les airs. Clochette semblait détraquée dans son regard flou.
— Ce n'est pas tout, hein, mais j'ai des livraisons de poussière à faire. Je te souhaite bon courage dans ta vie, une sale petite névrosée dans ton genre en aurait bien besoin !
— Terence, non !
Au moment où elle acheva sa phrase, le garçon s'était déjà volatilisé quelque part dont elle n'en savait rien.
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