Saison 5 - Épisode 7 : Course à Londres

  Harry et Vidia volaient dans les airs. Ils sentaient l'air souffler sur eux mais tout ce qu'ils voyaient, c'était un vaste océan dont seul un voile bleu défilait aux yeux des fées, tant elles voltigeaient vite.

  Le visage de Harry était étrangement couvert de quelques traces violacées en tout lieu. Pour l'inciter à quitter le Pays Imaginaire, Vidia avait dû l'entraîner dans une tornade qu'elle avait elle-même formé, puis maniait son courant en sorte que le garçon s'écrase le corps contre une surface dur, au début il ne goûtait qu'à de la terre, mais à force de persister, il avait dû essuyer les coins rocheux, de plus en plus durs.

  — Allons-y, on ne devrait plus être bien loin, dit Vidia.

  — Gnnnn... répondit bêtement Harry, qui ne pouvait plus placer de mots, la mâchoire boursoufflée entre deux bosses sur les lèvres.

  Bientôt, ils virent la ville de Londres s'étaler sous leurs yeux, baignée de brume et de lumière.

  — Oh, oh, oh, fit Vidia en penchant son corps fléchi vers le bas. Nous sommes arrivés, Harry !

  Si l'expression de Vidia laissait transparaître un rêve fabuleux, le ressentiment inverse s'emparait de Harry. Il aurait préféré rester là, à voir défiler des nuages aux formes extraordinaires en se cramponnant bien en hauteur.

  Régulièrement, Harry descendait sous la couche de nuage pour vérifier que Vidia était toujours en vue. Mais elle était bien là, serpentant les toitures des maisons.

  — Harry, viens dépêche-toi ! Il n'y a pas d'humains, ici !

  Vidia décrivit une grande courbe, évita un mur de briques d'extrême justesse et poursuivit son vol au-dessus d'une rangée de cheminées, d'un potager, puis d'une pelouse, en abandonnant de plus en plus l'altitude. Harry se contenta, sous la contrainte, de l'imiter. Après s'être posé, il avança vers elle d'un pas harassé, les épaules tombantes.

  — C'est bien ici que tu habites, non ?

  — Gnnn...

  — Très bien ! Mais, pourquoi tu tenais tant à venir ici ?

  Si l'objectif premier restait de parler à Lizzy, Harry avait tout de même supplié dans toute cette dictature imposée par Vidia, de passer chez lui d'abord. Le garçon battit des ailes jusqu'à la fenêtre de sa chambre avant d'y pénétrer. Une quinzaine de minutes s'écoulèrent lorsqu'il revint avec un large bâton étrange en sa possession.

  — Mais qu'est-ce que c'est que ça ? s'indigna fermement Vidia. J'espère que ce n'est pas un objet pour frapper la petite fille ?!

  — Gnnn... murmura Harry qui semblait un « mais non » à la tonalité du son qui vibrait dans sa gorge.

  — Parfait, guide-moi vers sa maison, maintenant ! Et gare à toi si tu m'indiques une fausse adresse !!!

  Au point culminant auquel il était, Harry se demandait bien pourquoi il désobéirait à Vidia. L'odeur de la terre et la douleur de la roche contre sa mâchoire lui avaient bien montré qu'il n'était pas en position de marchander.

  Harry était tellement contrarié de devoir voler jusqu'à la maison de Lizzie, que son énervement lui avait permis de planer encore plus vite que d'habitude. Vidia s'en amusait et préféra même le suivre dans son élan. Les deux Fées Voltigeuses traçaient des longues lignes ondulées blanchâtres dans le ciel, tant leur vitesse de pointe fut remarquable, à l'instar d'une véritable course effrénée. Les herbes se détachaient du sol et flottaient dans les airs aux endroits où ces deux-là filaient vite dans la voie des airs.

  Arrivé au-dessus de la prairie qui encerclait la maison, cela donnait une nausée persécutante à Harry. C'était comme revivre un cauchemar. C'était ici que tout avait basculé.

  — Ah, ah ! Je suis la plus rapide des fées ! s'exclama Vidia d'un ton presque railleur. Tu pensais pouvoir me semer ? J'ai gagné la course, avoue-le.

  — Ce n'était pas une course ! râlait Harry, son visage relâché exprimant son agacement.

  — Oh tu arrives à parler, maintenant ? Les coups de roches ne font plus effets, on dirait...

  Les bosses pénibles que Harry transportaient sur ses lèvres commençaient à disparaître. Il ne préféra ne pas répondre aux provocations de Vidia, voulant modérer sa colère le mieux qu'il pouvait.

  Un vent effrayant soufflait sur les hautes herbes que Harry reconnaissait parfaitement. À côté de la maison, il remarqua qu'une pierre tombale avait été incrusté sur le sol. Lizzy avait sans doute enterré son chat comme lui-même l'avait fait pour Dany.

  — Tu vois, dit Vidia en posant une main sur l'épaule du garçon, tu n'es pas le seul à souffrir.

  — Vidia... je m'en fiche totalement...

  Vidia secoua de la tête avant de piquer un sprint jusqu'à la porte de la maison. Sur l'instant qui poursuivit, Harry décrivit d'énormes yeux ronds, il ne comprenait pas.

  — M-mais qu'est-ce que tu fais ! balbutia-t-il.

  — ... tu vas réparer les choses, Harry !

  — Je te le répète, Vidia, j'en ai pas du tout en...

  Mais c'était trop tard. La porte émit un grincement avant de s'ouvrir à la volée. Lizzy apparut dans l'encadrement de la porte, d'un visage livide et le regard absent. Elle fixant de droite à gauche suivi d'un froncement de sourcil lorsqu'elle remarqua que personne ne se tenait devant la porte.

  Harry avait attrapé Vidia à la dernière minute et se colla au mur d'à côté.

  — Mais tu es complètement folle ou quoi ?! tempêta Harry en brandissant un poing furieux. Je dois te rappeler que nous sommes des fées ?! Si Lizzie nous voit dans cet état...

  — Il ne se passera rien, cette fille croit en l'existence des fées, c'est bien ce que tu m'as dit, non ?

  — Oui, fit Harry d'une voix à peine audible.

  — Et bien voilà ! Va la voir. Mais d'abord, lâche ce bâton énorme. Je n'ai pas confiance en toi...

  — C'est la flute de mon père, idiote ! Elle compte beaucoup pour moi. C'est le seul souvenir que j'ai de lui.

  — Hmmm... tant pis, lâche ça ! Je vais te la donner une fois que tu te seras expliqué avec la gamine.

  — Je te hais, Vidia !!! rugit-il d'un visage écarlate avant de lui donner son dos.

  — Moi aussi je t'aime, Harry.

  Le cœur lourd dans sa poitrine, Harry vola lentement jusqu'à la porte. La sueur coulait tellement qu'il se demandait même si ses ailes n'allaient pas se tremper.

  En arrivant face à la porte, il vit le gros visage lunaire de Lizzy se rapprocher de son petit corps de fée en lévitation à sa hauteur. Harry s'attendait à ce qu'elle le tut en l'écrasant pitoyablement entre ses deux mains, tel un moustique, mais la fille resta bouchée.

  — UNE FÉE ! s'exclama-t-elle d'un ton rayonnant.

  Mais son rictus ne dura pas très longtemps quand elle constata avec stupeur qu'il s'agissait de Harry. Son visage se transforma en une grimace abominable et rougie. Lizzy semblait émerveillée mais en même temps très reclus sur ses gardes.

  — Qu'est-ce que tu viens faire ici, Harry ?! demanda Lizzy en tentant de prendre un ton menaçant sous son enchantement.

  Harry répondit. Mais la seule réponse que Lizzy percevait n'était autre que des tintements semblables à des clochettes.

  — ... Comment ça ?! grogna Lizzy pour le plus grand effarement de ce dernier. C'est ton chien qui a tué mon chat, et c'est moi que tu insultes ?!!

  Malgré lui, Harry cligna doublement des yeux avant de pousser une exclamation. Il était surpris que Lizzy ait appris à discerner et comprendre le langage des fées. Cette fille était vraiment passionnée par ces magnifiques créatures ailées.

  — Bah oui, tu t'attendais à quoi ?! Bien sûr que je comprends ce que tu dis, espèce de meurtrier ! J'ai appris tout ce que tu m'as dit sur le langage des fées.

  Vidia, qui s'était adossée au rebord de la porte, fixait la jeune fille en hochant lentement de la tête, presque inclinée devant les multiples connaissances qu'elle avait découverte sur les fées.

  — C'est moi le meurtrier !!! hurla Harry dont la petite taille ne suffisait pas à exprimer toute sa rage. Ton cousin a tué mon chien... j'ai perdu ma mère... je... je...

  Le garçon n'arrivait même plus à parler. Ses lèvres visqueuses et tremblantes commençaient à s'affaisser. Les larmes ruisselaient sur son petit visage et sa gorgée nouée d'émotions lui empêchaient de parler. À chaque fois qu'il faisait un reproche à Lizzy, des images de la mort de sa mère étendue sur son lit, morte ou encore son chien, criblé de taillades, lui remontaient à l'esprit.

  Harry sentit ses forces l'abandonner brusquement. Le garçon était beaucoup trop en colère. Son énergie avait chuté d'un air drastique. Il n'arrivait même plus à planer à la hauteur de Lizzy et retomba sur ses pieds. La lumière qui scintillait de son corps, comme tout autre fée, commençait à clignoter, comme une ampoule presque grillée qui rendrait l'âme d'une minute à l'autre.

  — Oh non, Harry ! s'exclama Lizzy en voyant la fée sur le sol.

  Le garçon ne tenait plus que sur ses deux jambes tremblotantes. Il fixait Lizzy d'un regard noir avec la force qui lui restait. Il s'avança d'un pas chancelant face à la botte de Lizzy et se mit à la taper pauvrement, sans aucune force dans ses poings épuisés. Le garçon poussa ses derniers halètements avant de s'effondrer complètement évanoui sur le sol.

  En voyant le spectacle, Vidia se demanda si c'était une bonne idée, de vouloir réconcilier Lizzy et Harry, finalement.

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