Saison 5 - Épisode 6 : Le secret d'Iridessa
Clochette et Iridessa étaient assises sur deux chaises berçantes, l'une face à l'autre.
— Quel histoire ! dit Clochette en fixant étrangement Iridessa. Et tu comptes la revoir ?
— Quoi, c'est tout ce que tu en penses ? s'étonna Iridessa. Tu ne me fais aucune remarque ?
— Non, pourquoi j'en ferais ?
— Je suis malade, Clochette !!! Malade !!!
— Non, tu es juste amoureuse. Même en amour, tu trouves le moyen d'être aussi peureuse...
— Mais ce n'est pas n-normal ! Elle était là, à-à me tripoter...
— S'il te plaît, lui supplia Clochette. Épargne-moi les détails, tu me les as déjà raconté, de toute façon.
— Je crois que je vais voir un médecin, c'est anormal.
— Qu'est-ce qui est anormal, voyons ?
— Bah, que je sois... enfin, tu vois quoi...
— Amoureuse d'une autre fille ? C'est rare mais ça existe, tu sais. On a qu'à demander à Rosélia, Noa et Ondine de t'aider...
— NON ! Surtout pas ! J-je ne veux pas qu'elles soient au courant de ma maladie...
— Tu commences sérieusement à me fatiguer, toi ! Je t'ai déjà dit que ce n'était pas une maladie !
Iridessa se releva d'un bond, les mains tremblantes. Elle attrapa un mouchoir et plongea son visage à l'intérieur avant de moucher d'une manière brute. Clochette ne s'entendait même plus parler.
— Qu'est-ce que je peux faire ? émit Iridessa après quelques reniflements.
— Retrouver Chloé et discuter, tout simplement. En plus elle t'as fait des très grosses avances, à ce que tu m'as dit.
— Peut-être que c'est moi qui ai mal interprété les choses, balbutia Iridessa, ne savant plus où donner de la tête.
— Tu ne le saura jamais si tu ne vas pas lui parler...
Sur ces mots très expressifs, Iridessa approuva timidement d'un signe de tête qui laissait à désirer. Puis, Clochette la salua une dernière fois avant de disparaître dans le ciel étoilé. La nuit surplombait les nuages et Iridessa constata avec stupeur qu'elle avait passé toute la journée à discuter avec Clochette. La voilà désormais seule, entre elle et ses pensées.
« Je dois lui parler ou pas... je dois lui parler ou pas ? »
Pendant qu'elle effectuait les cent pas dans sa maison, suivies des quelques murmures, une pensée lui traversa l'esprit. Iridessa s'imaginait chez Chloé, toutes deux dans un bain moussant, vêtues pauvrement de simples bikinis qui engageraient une soirée prometteuse. En reprenant ses esprits, une palpitation lui martela la poitrine. La voilà désormais en train de penser à Chloé, et elle devait prendre garde à ce que ces pensées ne deviennent pas quotidiennes.
« Allez, Iridessa ! Tu pourrais bien être courageuse pour une fois dans ta misérable vie !!! Allez... je dois essayer ! »
Même si corps tremblotant et sa transpiration reluisante lui indiquait le contraire, Iridessa se décida à aller chez Chloé.
***
Ce n'était pas facile de retrouver son chemin dans toute cette obscurité, mais elle s'en rappelait comme si c'était hier. Le cœur cognait à dix mille à l'heure dans sa poitrine pendant qu'elle cherchait désespérément la maison de Chloé. Ses yeux étaient gros comme des balles de tennis tellement l'idée de la retrouver l'obsédait. Iridessa sentait sa tête tourner et il était inévitable qu'elle allait s'évanouir, son rythme cardiaque ne se modérait pas.
— Je suis enfin arrivée, oui, c'est ici ! murmura-t-elle en exorbitant encore plus ses yeux qu'ils ne l'étaient déjà.
Iridessa se posa devant la maison qu'elle avait quitté, il y a quelques jours de cela. D'un pas chancelant, elle se dirigea face à la porte et s'apprêtait à frapper, mais son hésitation la contenait. Elle tourna sa tête de droite à gauche alors que la panique prenait le dessus.
— Oh, non, non, non, qu'est-ce que je fais ? gémit Iridessa en sautillant de tous les côtés. Je dois... ah ouais, v-voilà !
La fille détala en arrière et arracha furtivement deux tiges de tournesol plantées autour de la maison de Chloé. Hors d'haleine, Iridessa toqua bel et bien à la porte, cette fois-ci.
Chloé surgit dans l'encadrement enluminé, dans un peignoir rose. Elle fixait Iridessa de ses grands yeux marron clair. Sa bouche vernie d'un rouge à lèvre rosée donnait une envie irrépressible à Iridessa de l'embrasser mais de fuir en sens inverse, par la même occasion.
— Bonsoir, ma belle...
Les joues d'Iridessa prirent une teinte rouge vif.
— Bon-bonsoir... dit Iridessa alors qu'une goutte de sueur glissait de sa tempe. J'ai pris ça pour t-toi !
La jeune fée lui tendit d'un bras raide un ramassis de tournesol. Iridessa regretta son geste en remarquant quelques traînées de terre sous les tiges s'écraser contre le paillasson. Chloé explosa de rire avant de saisir la pitoyable cornée de fleur.
— Mais ce sont les fleurs que j'ai plantées, s'esclaffa-t-elle en maintenant son ventre entre ses deux bras.
— Ah ? Tu-tu n'aimes pas mon...
— Oh, si, si, surtout quand c'est moi qui les plante... au moins, ça montre que tu as bon goût.
La honte que ressentit Iridessa s'estompa, Chloé la déchiffrait d'un regard admiratif, désormais.
— Tu es venue passer un peu de temps avec moi ? Je t'ai trop manqué, hein, avoue.
— Quoi... euh, non, je voulais simplement te remercier de m'avoir euh... soigné la dernière fois. Je te revaudrai ça.
— Ah oui, tu me revaudras ça, Iridessa ?
— Oui !
Chloé avait l'air de s'amuser, la jeune fille balançait son regard de droite à gauche pendant qu'un sourire indécis et narquois se dessinait sur son visage lisse. Elle émettait un léger bruit d'hésitation, mais tout cela était faux, Chloé était bien trop heureuse pour hésiter.
— Hmmm... fit-elle. Eh bien, que dirais-tu de payer la dette que tu as envers moi dans un restaurant ?
— Ah oui ? chevrotait Iridessa. Il fait nuit, je ne pense pas que cela soit une bonne idée.
— Bien au contraire, le temps est frais, les grillons chantent et on aura peut-être droit à une séance de théâtre, ça se passe toujours le mardi. Après le restaurant, on pourrait peut-être y aller, qu'est-ce que tu en dis ?
— D'accord, répondit Iridessa qui avait déjà renoncé à toute tentative de rétorquer.
Son manque de confiance la ballotait dans tous les sens. Iridessa se demandait comment elle allait devoir se comporter lors du diner avec Chloé. Est-ce qu'elle ne devrait pas changer sa façon habituelle de manger, si elle ne sentait pas trop la sueur, si elle ne claquait pas de dent à cause du froid... Bref, la pauvre fille voudrait juste éviter la catastrophe une fois en tête à tête avec Chloé.
— Je vais m'habiller et on y va. Tu peux entrer, en attendant.
Elle franchît la porte avec un léger grincement et s'immobilisa dans la pièce. Ses yeux fusaient de partout. Iridessa vit alors pour la première fois le salon de Chloé, ou du moins, n'y avait pas prêté autant attention auparavant.
Des bâtons de bois étaient étendus en vacarmes d'une part et d'autre sur le canapé. Une substance gluante semblait les reluire. Cette même masse liquéfiée coulait au pied du canapé en petites gouttelettes, faisant des bruits insupportables.
D'un revers de manche, Iridessa essuya la sueur qui perlait sur son front en continua d'avancer, suivie de ses peurs habituelles. L'autre chose qu'elle remarquait, c'était l'odeur, très agréable, mélange de cuir, de bois et de cirage légèrement citronné. L'éclairage répandait une lumière subtile et tamisée, créant une ambiance de cocon dans cette vaste pièce aux murs et aux plafonds bordeaux, avec un parquet en bois ciré. Une grande croix en acajou vernis en forme de « X », équipée de menottes en cuir à chaque extrémité, occupait le mur face à la porte. Toutes sortes de cordes, de chaînes et de cadenas scintillants, pendaient d'un grillage d'environ deux mètres carrés suspendu au plafond. Près de la porte, deux longs poteaux en bois ciré, ornés de sculptures compliquées étaient fixés au mur : un assortiment de palettes, de fouets, de cravaches et de curieux instruments à plumes y était accroché.
Iridessa n'en croyait pas des yeux. Il y eut un bruit d'exclamation, s'échappant de sa bouche, au moment où Chloé apparut dans la pièce. Elle était habillée d'une resplendissante robe rose, dépourvus de tissus aux épaules, mais en revanche, ornée de paillettes qui confirmaient un effet de brillance. Le claquement de ses talons se rapprochait de plus en plus d'Iridessa, l'harmonie du bruit était agréable voire séduisant à entendre sur le plancher. Et cette odeur, cette odeur de citron mélangé au miel qui s'émanait de son corps ensorcelait la jeune fille.
En remarquant la mine effarée d'Iridessa, Chloé glissa ses mains sur les hanches de sa partenaire.
— Oh, je m'excuse. Je n'avais jamais pris le temps de t'expliquer que j'étais un peu... masochiste, on va dire.
— Ces choses n'étaient pas ici la première fois que je suis venue ! s'effara Iridessa.
— Oui, j'avais fait exprès de les cacher dans une armoire. Je ne savais pas comment tu réagirais si tu apprenais mon fétichisme.
Près de la porte, se trouvait une grande armoire en acajou aux tiroirs très profonds, Iridessa comprit de suite. Elle se demandait un instant ce que Chloé pouvait bien lui cacher d'autre. Mais est-ce qu'elle tenait vraiment à le savoir ? À l'autre bout de la pièce, un banc en cuir rembourré ; fixé au mur à côté du banc, un porte-queues de billard où étaient rangées des cannes de longueurs et de diamètres différents. Dans le coin opposé de la pièce, une table massive en bois ciré de deux mètres de long, avec des pieds sculptés et deux tabourets assortis.
— J'espère que cela ne te dérange pas ?
Mais Iridessa ne put répondre à sa question. Son regard restait porté sur la pièce, elle ne semblait même pas avoir entendu Chloé. La seule réponse qui sortit de sa bouche restait sa respiration tranchée semblable à un râle.
— Bon... murmura Chloé en passant sa main dans ses cheveux courts, on va manger ?
— O-ouais... on ferait mieux d'y aller...
Alors que la serrure claquait à double tour, Iridessa se pencha vers Chloé.
— Chloé ! Attends...
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Tu... est-ce que toi aussi tu ressens les mêmes choses que moi ?
— Tu veux savoir si tu m'attires ?
— J'aimerais en a-avoir le cœur net... je-je ne veux pas que cela ne soit qu'un fantasme tout droit sorti de mon imagination.
Chloé n'y répondit pas, elle se contenta de fixer les lèvres d'un sourire enflammé et releva le menton d'Iridessa. Un long baiser sonore, suivi par une ondulation de langue, semblait assez satisfaisant pour convaincre la jeune fille.
Chloé détacha ses lèvres bruyamment de celles d'Iridessa, comme s'il s'était agi d'une ventouse débouchée. Le visage d'Iridessa flamboya l'instant d'après.
— Tu as ta réponse, maintenant, murmura Chloé. Alors, on va manger ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top