Saison 5 - Épisode 5 : Le retour de la Voltigeuse
La très basse température de la Forêt de l'Hiver avait le désagrément de geler Noa de la tête aux pieds. La jeune fée avait hésité à garder ses vêtements extrêmement légers, y compris son short, son débardeur et son bracelet de cheville, ou retourner dans sa maison et enfiler des vêtements chauds. Mais la frayeur qui la consumait lorsqu'elle apercevrait Harry sur son lit en décida autrement.
Pour franchir la zone, sans avoir à subir l'interrogatoire habituel des Fées du Givres, Noa transparu un visage sombre et livide. À chaque question que la fée lui posait, elle s'était contentée de marmonner quelque chose d'incompréhensible. La Fée du Givre avait fini par céder et couvrir les ailes de Noa d'une couche de givre très dense qui assurerait leurs sécurités.
Pour trouver Kyle, Noa n'avait pas la tâche facile. Son corps frissonnait de sa tête jusqu'à ses pieds nus, chaussés d'un simple bracelet de cheville. En prenant une part très importante au fur et à mesure qu'elle s'engouffrait dans des forêts tapissées de neiges volumineuses, Noa commençait à regretter de ne pas avoir mis de vêtement chaud.
Au bord d'une falaise de glace, elle n'y discerna que deux silhouettes gesticuler au loin. Le vent qui soufflait lui picotait les yeux et le filtre blanchâtre, inondant la perspective, lui empêchait d'identifier exactement qui était en train de parler. Par la suite, les voix qui lui chatouillaient les oreilles confirmèrent tout de même son doute. D'après les renseignements d'un groupe de fée qui patinait sur une piste il y'a quelques minutes de cela, Noa était censée les trouver ici. Kyle et Cristalline devaient être là ! Mais aux timbres de leurs voix, le moment de déranger les deux fées semblait inopportun.
— Mais pourquoi, Cristalline ?! Pourquoi ?!
— Je suis désolée ! Mais non, c'est impossible !
— Pourtant tu m'as embrassé, la dernière fois, non ?! T-tu m'aimes... c-c'est une preuve en or que tu m'as faite, là... Je t'en supplie, prend le temps de réfléchir, maugréa Kyle en attrapant la main froide de Cristalline avant de l'emprisonner entre les siennes.
— Lâche-moi, Kyle ! rugit-elle entre deux hurlements de vent et de flocon flottant dans les airs. Je ne t'aime pas, un point c'est tout ! Si je t'ai embrassé, c'était uniquement pour te sauver... nous sauver tous ! Tu étais devenu un monstre et il fallait le faire. Ce baiser, je ne l'ai pas apprécié si tu veux savoir ! Pour moi, je suis désolée, mais tu restes avant tout un ami...
— Non, non, non !!! Cristalline, tu ne peux pas me dire ça... j'ai sculpté ton visage dans de la glace, chez moi, tellement je tiens à toi !
— En plus de ça tu es complètement fou ! Laisse-moi, Kyle !
— Cristalline, essayons au moins une fois d'être ensemble, je ne te décevrais pas, je vais te combler de bonheur ! Je t'assure...
— KYLE ! rompit Cristal. La vérité, c'est que je suis amoureuse de quelqu'un d'autre.
Noa était tellement captivée par la discussion prometteuse qu'elle tendit davantage l'oreille lorsqu'un silence envahit l'horizon enneigé, seul le vent soufflait et la brume blanche flottait, les voix des deux fées s'étaient évanouies.
— Pardon ?!
— Tu as très bien entendu !
— E-et je pourrais savoir qui est ce type ? demanda Kyle dont les yeux sanguinaires faisaient déjà regretter Cristalline de lui avoir confié cela.
— Ah, rugit-elle en brandissant son index entre les deux yeux du rouquin, tu vois, c'est ça ton problème ! Tu n'as pas non plus besoin de savoir qui c'est !!!
— Cristalline... p-pourquoi tu es si dure avec moi ?
— Je suis juste franche, c'est tout ! Je n'ai jamais compris pourquoi les gens mâchaient leurs mots entre eux.
Cristalline n'était en aucun cas dotée d'un bon savoir vivre, à en juger certaines fées, elle empruntait plus les caractéristiques d'une véritable sociopathe incapable de ressentir le moindre sentiment d'empathie pour quelqu'un, mais Clochette disait souvent qu'elle était tout simplement idiote.
Kyle ne savait pas quoi répondre face à ça. Il se contenta de fixer les deux surfaces vitreuses bleu clair de Cristalline qui n'émanaient même pas une once d'étincelle amoureuse. Bientôt les éclats des yeux de Kyle devinrent ternes, la regardant d'un air absent.
— Bon, dans ce cas, je vais partir... murmurait-il d'une voix roque alors que sa gorge se nouait à petit feu.
— Ouais, c'est ça. Tu ferais mieux de me laisser tranquille... J'ai horreur des forceurs comme toi.
Kyle n'en avait pas le cœur net, mais son amitié avec Cristalline risquait fortement d'être corrompue après cette révélation. Il tourna les talons puis ses semelles laissèrent des empruntes apparentes dans la neige, créant ainsi une distance de plus en plus drastique entre lui et Cristalline.
Selon lui, il avait fait le bon choix. Qu'est-ce qu'il aurait pu faire d'autre ? Étouffer ses sentiments, jamais de la vie cela ne traverserait son esprit ! Le temps fila beaucoup trop sur lui, tellement que Cristalline prenait une place importante dans son cœur. Qu'aillait-il faire pour oublier cette douloureuse expérience ?
— Et bien, dites donc, je suis dans de beaux draps... marmonna Noa en voyant l'une des deux silhouettes voilées par le vent disparaître peu à peu.
***
La vie de Harry ne semblait pas aussi mouvementée que celle de Kyle et Cristalline, mais il avait au moins l'audace de sortir du lit, pour cette fois. L'estomac du garçon commençait à se tordre dans son ventre pendant qu'il baillait à s'en décrocher la mâchoire.
— J'ai faim... dit-il.
Ses yeux balayèrent la pièce et il constata qu'il était seul, pour son plus grand bonheur. C'était presque incompréhensible, mais Harry détestait se retrouver avec Noa. Il voulait être seul.
Son appétit surgissant l'avait surpris. Cela devait faire plus de quelques jours qu'il ne s'était rien mis sous la dent sans en éprouver la moindre envie. Cette fois-ci, ses besoins prirent le dessus sur sa dépression habituelle.
Pendant qu'il basculait ses pieds lentement sur le sol avec l'agilité d'un chat, Harry entendit et sentit quelques craquements sonores provenant étrangement de son corps : il n'avait pas bougé depuis trop longtemps, et ça, il l'avait ressenti à travers ses os.
D'une démarche nonchalante, Harry se confronta à la lumière du soleil obsédant ses yeux d'une lumière très étincelante. Pendant que la lumière lui brulait la rétine, une odeur nauséabonde monta jusqu'à ses narines.
Harry flaira comme un chien avant de sursauter. L'odeur insoutenable venait de lui-même. Il n'avait pas pris de douche depuis très longtemps. À cette ampleur, un baptême serait nettement plus recommandable qu'une douche. Même si son humeur demeurait inchangée, Harry ressentait tout de même une légère honte.
Le garçon battit des ailes jusqu'au restaurant de rayons de miel le plus proche puis s'y posa. Pendant qu'il traversait le restaurant, Harry se sentait d'autant plus mal. Toutes les fées présentes dans son périmètre avaient les yeux braqués sur lui, les regards tremblants, les uns semblaient murmurer des critiques à l'oreilles des autres à son égard.
Une masse de cheveux sales et emmêlés lui tombaient sur les épaules. Sans ses yeux qui brillaient aux creux de ses orbites sombres et profondes, on aurait pu penser qu'il s'agissait d'un cadavre. Sa peau cireuse était tellement tendue sur les os de son visage qu'on croyait voir une tête de mort. Une expression bouche bée découvrait ses dents jaunes. C'était le physique actuel qu'exhibait Harry, il n'en prit conscience qu'au moment où il se mira dans un miroir, suspendu au-dessus du comptoir de l'un des cuisiniers.
La masse de mots, derrière son dos, lui donnait des envies irrépressibles de meurtre. Il n'avait pas envie de parler avec les gens depuis la mort de sa mère et de son chien, et encore moins de subir leurs jugements.
Alors qu'il commençait à tourner ses doigts lentement afin de faire apparaître une puissante bourrasque derrière lui, une voix rompît subitement sa tornade naissante.
— Deux rayons de miel, je vous prie ! s'exclama la voix dans son dos.
Harry fit volte-face, suivit d'un rebond provenant de son cœur.
— V-Vidia...
— Harry ? On dirait que le temps ne t'as pas gâté... ricana-t-elle d'un rire goguenard.
Le garçon serra des dents et tourna sa tête sans prendre la peine de répondre. Les pitoyables gouttelettes de sueurs perlant sur son front exprimaient la honte qui s'emparait de lui, en cet instant.
Le cuisinier lui tendit un paquet dont une vapeur chaude s'y échappait. Vidia le saisit de ses deux mains en donnant un léger coup de hanche à Harry afin que celui-ci puisse la laisser passer.
— Bon, tu viens ? dit-elle en lui jetant un regard oblique. Je t'ai pris un rayon de miel.
— Ah... mer...
— Allez, dépêche-toi, idiot ! On a beaucoup de chose à se dire !
***
Vidia et Harry volèrent jusqu'à sa maison. Une fois arrivée au tapis-brosse sur le prunier aigre de Vidia qui lui servait de résidence, celle-ci supplia le garçon de prendre une douche avant d'attaquer son rayon de miel, posé sur la table en pierre.
Quinze minutes plus tard, Harry revint dans la pièce. Il avait coupé ses cheveux beaucoup trop longs, même s'ils demeuraient toujours en bataille. Et son teint semblait reprendre une légère couleur. Mais son corps maigrichon resta identique. Harry se laissa tomber sur l'une des chaises et ramena d'une poignée désinvolte – comme s'il s'était agi d'un sauvage – le sachet jusqu'à lui.
— Pourquoi tu fais tout ça pour moi ? demanda Harry. Clochette et toi, avez eu une illumination, ou quoi ?
— Eh bien, vois-tu... nous t'en voulions surtout par rapport à la mort de nos proches, mais tu as arrangé les choses avec ta femme. Nous n'avons plus aucune raison d'être aussi... comment dire... hostile à ton égard, ajouta Vidia d'un sourire vicieux.
— Qu'est-ce que tu me veux ?
— Je veux que tu reviennes travailler, Harry.
— Ah... marmonna-t-il en baissant son regard vers le rayon de miel qu'il tenait entre ses mains. Je...
— Je suis au courant de ce qui s'est passé dans l'Autre Monde, ajouta Vidia d'un regard étincelant sur un ton d'excuse.
Pour la première fois, Vidia attrapa les mains du garçon, qui semblait absent tant son choc était grand. Vidia paraissait vraiment triste pour lui. Elle n'affichait plus son air hautain et les gestes maniérés qu'elle employait d'habitude.
Harry lui raconta son histoire dans l'Autre Monde avec Lizzy sans oublier le combat bestial contre Barrie. Vidia approuvait tout ce qu'il disait de signes de tête.
— Ahhh, les humains... soupira t-elle en passant sa main contre son visage. Même les plus jeunes d'entre eux ne sont pas épargnés par cette hypocrisie et cette haine qui gangrènent leurs cœurs. Crois-moi, Harry, tu es bien mieux ici avec nous. Quelque fois, je me demande même pourquoi on va modifier les saisons pour ces créatures ingrates...
— Pourquoi est-ce que je vis ? lança Harry d'un ton détaché, comme si son regard était mort. Pourquoi, Vidia ? Pourquoi tous ceux que j'aime meurent ? Je suis maudit ?
— Non, tu es juste tombé sur des gens mal intentionnés et ta mère n'a pas eu de chance. Et puis, elle ne doit pas être la seule à mourir de la tuberculose, non ?
Harry songea que beaucoup de monde à Londres mourrait principalement à cause de cette maladie maudite, de tout âge et de tout rang social. Rare étaient ceux qui s'en échappaient indemne.
— Tu as peut-être raison... avoua-t-il dans un sanglot oppresseur.
Vidia déposa une main sur le torse de Harry pendant que ses yeux se remplissaient d'eau, lui brouillant bientôt la vue.
— Ne t'en fais pas, Harry...
— Je regrette d'avoir rencontré cette foutue gamine ! hurla-t-il pendant qu'il hoquetait. Dany est... il est...
— Arrête de parler, tu as le hoquet. On va arranger ça...
— De quoi tu parles ?
— Essaye de t'expliquer avec Lizzy.
Harry bondit à en faire tomber sa chaise sauvagement contre le sol. Il fusilla Vidia d'un regard noir, comme si elle venait de lui annoncer une nouvelle mort.
— Tu as perdu la tête, ou quoi ?! À cause d'elle, Dany est mort ! JAMAIS, TU M'ENTENDS ?! JAMAIS, JE NE M'EXPLIQUERAI AVEC ELLE !!!
La fureur de Harry ne brusqua pas d'un cil l'expression facile de Vidia. Elle commençait à même à le toiser de son visage méprisant.
— Il me semble que vous étiez amis avant cette histoire... c'est bien ce que tu m'as dit, non ?
— Ouais, m-mais...
— Mais quoi, Harry ?! Mais quoi ?! Je pensais qu'une amitié était assez solide pour ne pas s'effondrer à cause d'un chien et d'un chat... réfléchis un peu !
— DANY N'ÉTAIT PAS QU'UN CHIEN, C'ÉTAIT MON AMI !!! se défendit Harry à s'en exploser les poumons. C-c'est bon... je m'en vais ! ajouta-t-il de ses lèvres tremblantes.
Harry se mit à pleurer et se dirigea d'un pas chancelant vers la porte. La porte claqua violemment contre lui alors qu'il allait la traverser. Vidia se tenait dans son dos. En une bourrasque, elle avait condamné l'entrée.
— Laisse-moi partir... j'en ai marre !
— NON ! Tu vas rester ici, mon grand !
— Laisse-moi partir ou je t'attaque !!!
— AH, AH, AH !!! ricana Vidia de son regard hautain. Tu as peut-être oublié que j'étais une Fée Voltigeuse, moi aussi ? Et je maîtrise encore mieux le vent que toi. De plus, tu ne pourrais rien faire contre moi, dans ton état actuel. Un conseil : n'utilise pas ton talent contre moi, tu risques de le regretter amèrement. Maintenant tu vas rester ici et m'écouter attentivement...
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