Saison 5 - Épisode 10 : L'étrange avertissement

  Le reste de la soirée parut tumultueux pour Iridessa. Elle n'avait pas cessé de rediffuser la discussion entre Chloé et Rosélia dans sa tête. Ses pensées l'envahissaient tellement qu'elle faillit trébucher contre un bout de branche posé sur le sol, par inadvertance. Et l'attitude anxieuse de Chloé n'arrangeait pas les craintes de cette dernière. La jeune femme n'avait pas dressé un mot durant le trajet jusqu'à chez elle, que ce soit par la voie du sol ou des airs, elle qui avait la fâcheuse manie de taquiner Iridessa se retrouvait là, bien devant, sans le moindre son.

  — Je suppose que tu vas dormir, lâcha Iridessa avec timidité pendant que sa partenaire poussait la porte grinçante.

  — Oui.

  Ce fut, par miracle, le premier mot que Chloé extirpa après un long silence frustrant.

  — J'ai passé une excellente soirée en ta compagnie, Iridessa, continua-t-elle, doucereusement.

  La jeune fille ne sût pas quoi répondre à ça et se précipita sur le premier mot qui lui vint à l'esprit.

  — Cool, cool... Bon, on se voit demain, alors ?

  — Bien sûr.

  Iridessa lui tourna le dos et s'apprêtait à battre des ailes.

  — Attends, Iridessa !

  — Hum, oui, qu'est-ce qu'il y a ?

  Chloé semblait brusquement hors d'haleine. Sa mine laissait paraître un supposé malaise.

  — Dis-moi, tu ne crois pas en tout ce que Rosélia a raconté sur moi, n'est-ce pas ?

  — Je n'ai même pas vraiment compris de quoi vous étiez en train de parler, toutes les deux, répliqua Iridessa sous un rire nerveux. Et puis, je m'en fiche, le passé c'est le passé, pas vrai ?

  Chloé répondit d'un hochement de tête très inquiétant tellement sa démarche semblait nerveuse et surexcité, son visage ruisselait de sueur pour la première fois.

  — Oui-oui, bégayait-elle. C'est-c'est ça !

  La démarche nonchalante de Chloé n'avait pas convaincu Iridessa et paraissait plutôt alarmante. Mais la jeune fille ne tenait pas à discuter davantage. Elle disparut en l'espace de quelques minutes dans le ciel étoilé, sillonnant très loin jusqu'à ce que Chloé ne puisse plus la distinguer dans le clair de lune.

  Iridessa sentit son cœur s'alléger une fois arrivée chez elle, plongeant instantanément dans son lit. Un pénible mal de crâne avait l'effet d'une perceuse qui creusait impitoyablement son cerveau en profondeur. Il fallait à tout prix qu'elle ferme l'œil, qu'elle pense à autre chose, qu'elle dorme, tout simplement. Cette histoire avec Rosélia ne la regardait pas, pensait-elle. Et même si elle répondit le contraire à Chloé, la vérité de découvrir son passé la rongeait d'une façon terrifiante tant cela tournait à la persécution. Iridessa du attendre que sa fatigue soit bien trop envahissante pour penser afin qu'elle s'endorme entre ses draps.

***

  Le chant strident des oiseaux, qui perçaient au-delà des fenêtres de sa maison, furent tellement pénibles que des idées de meurtres fleurissaient dans la tête semi éveillée d'Iridessa. La jeune fille bailla à s'en déformer la mâchoire, le faciès ne se distinguant pas plus de celui d'un éléphant de mer et ses paupières laissant filer de longues cernes noires jusqu'à ses joues.

  D'un pas chancelant, elle se dirigea à sa cuisinière et se prépara un bon thé à la camomille accompagné de deux tranches de pain tartinées de miel en guise de petit déjeuner. Une fois le ventre plein, Iridessa s'aspergea d'une eau frigide, mais en revanche, elle lui attribuait un tonus prometteur pour le reste de la journée.

  Pendant qu'elle se chaussait de belles pantoufles jaunes à ses pieds, quelqu'un martela inopinément la porte. Iridessa ouvrit à la volée et Rosélia surgit dans le chambranle boisé. Son regard douteux fusillait celui de la jeune fille.

  — Il faut qu'on parle, Iridessa !

  — Tu pourrais au moins dire bonjour, saleté-va ! marmonna-t-elle.

  Il y eut un court fracas au moment où Rosélia saisit Iridessa par le cou suivi d'un plaquage sincère contre le mur, un flot de tasses s'écrasèrent contre le sol.

  — Aïe, mais qu'est-ce qui te prend ?! tempêta Iridessa.

  — C'est fini. Nous n'avons plus le temps de plaisanter, maintenant ! Quand est-ce que tu auras conscience que tu cours un grand danger ?

  — Un grand danger ? répéta Iridessa d'une voix troublée. Mais enfin de quoi tu parles ?

  — Tu sais très bien de quoi je parle... rétorqua Rosélia, les mains sur les hanches.

  — Ah ça, non ! Non, non, non ! dit Iridessa en secouant sa tête le plus rapidement qu'elle pouvait. Tu vas laisser Chloé tranquille, à la fin !

  — Je ne sais pas comment tu l'as rencontré, mais ce n'est pas du tout le type de personne avec qui tu dois traîner... crois-moi je la connais très bien et-et...

  — Et quoi ? Arrête un peu, Rosélia ! D'ailleurs, elle m'a sauvée la vie, pour ta gouverne ! Pendant que tu m'avais laissé en plan avec tous ces affreux Chardons Sauvages, c'est elle qui est venue à mon secours !

  — Je t'ai laissé en plan ? Q-quoi ? Mais je pensais que tu avais réussi à t'en sortir, moi ! Surtout toi, quoi ! T'es le genre de personne à fuir directement dès qu'un danger s'impose.

  — Je ne pouvais pas, les satanés plantes dont on s'était occupée venaient de déverser leurs somnifères sur moi, si tu veux savoir ! répliqua Iridessa, le visage cramoisi.

  — C'est impossible, dit Rosélia d'un air docte. Non... je réfléchis encore, et c'est impossible que les plantes aient pu exploser leurs contenus comme ça.

  — Bah pourtant si, elles l'ont fait au moment où les Chardons Sauvages sont arrivés ! Ne cherche pas à me contredire, je ne suis pas folle, hein !

  — Je dis juste que même une forte activité tel que les Chardons Sauvages n'aurait pas pu déclencher ce genre de réaction chez les plantes.

  — Où tu veux en venir, soupira Iridessa d'un ton harassé.

  — Seul un expert en plantes aurait pu réussir à faire exploser ce contenu hors d'elles...

  — T'es en train d'insinuer quoi, là ?!

  — ... tout simplement qu'il ne peut s'agir que d'une Fée des Jardins pour déclencher ce processus. termina Rosélia. Les plantes dont on était censé s'occuper n'étaient pas encore arrivées à maturation ! Il n'y avait aucun risque que l'on se fasse asphyxier par leurs somnifères !

  — Laisse-moi deviner, tu soupçonnes Chloé, c'est ça ?!

  — Mais enfin, Iridessa, regarde la vérité en face ! Je t'assure que cette fille est détraquée. Tu es mon amie, pourquoi je te mentirais ? Il faut à tout prix de la poussière de fée utilisée par une Fée des Jardins pour faire éclore les pétales de cette rose, ça ne peut être qu'elle.

  — Pourquoi elle ferait ça, hein ? demanda Iridessa en toisant son amie d'un regard dédaigneux, les bras croisés.

  Rosélia ne répondit pas de suite à sa question. Son visage prit une teinte blême et s'affaissa vers le sol, des gouttes de sueurs découlantes de son front s'évanouissaient sur le sol. Elle semblait gênée, comme si c'était la seule chose qui l'empêchait d'extérioriser ses mots.

  — Parce que... Tout simplement, parce que tu devais probablement lui plaire...

  — Lui plaire ? répéta Iridessa en faisant semblant d'être choquée par les propos de son amie alors qu'elle connaissait pertinemment l'orientation sexuelle de Chloé. Voyons, Rosélia, tu y vas un peu fort...

  — Est-ce que tu étais blessée lorsque tu t'es réveillée ?

  — Oui, à cause des Chardons Sauvages...

  — Ce n'était pas les Chardons Sauvages, Iridessa !

  — Hein ? Mais enfin qu'est-ce que tu racontes ?!

  — Si les Chardons Sauvages t'avaient attaqué, tu n'aurais même plus tes ailes, à l'heure qu'il est... Tu n'as pas trouvé ça étrange que tout ton corps soit criblé de coups alors que tes ailes sont restées intactes ? Étrange comportement d'épargner des parties du corps si précieuses à profit de membres nettement plus résistants, tu ne penses pas ?

  Le regard absent qu'employait Iridessa en disait long. Bouche bée, elle commençait à réfléchir, puis soudain, l'effet d'un flash fusa dans son esprit.

  — Les seules fées à avoir subies des dommages par rapport aux Chardons Sauvages avaient perdu leurs ailes...

  — Oui ! s'exclama Rosélia, presque enjouée que son amie commence à orienter sa réflexion vers la sienne. Oui ! Tu comprends enfin !!!

  — Et Chloé...

  Iridessa ne tenait pas à divulguer la suite de sa pensée. En cet instant, elle se remémora tous les objets sadomasochistes que possédait Chloé dans sa maison : et si celle-ci l'avait fouetté à en saigner pour prétendre à une quelque conque attaque de Chardons Sauvages ? Après tout, elle s'était évanoui bien avant de sa faire attaquer, qui lui prouverait que les Chardons aient eu le temps de se ruer sur elle ? Peut-être que c'était pour cela que Chloé semblait prendre plaisir à soigner des plaies qu'elle avait probablement édifié sur le corps d'Iridessa...

  — Non... frissonna peureusement Iridessa. Non... c'est-c'est impossible... je ne veux pas y croire...

  Rosélia attrapa la jeune fille désemparée et la serra le plus fort possible entre ses bras.

  — Ne t'en fais pas. Si tu as besoin de moi, je suis là ! dit-elle avant de tapoter sa main sur la joue d'Iridessa d'une façon affectueuse.

  Rosélia tourna sur elle-même avant d'avancer vers la sortie. Elle jeta un dernier coup d'œil par-dessus son épaule, vers Iridessa.

  — Fais attention à toi !

  — Rosélia... l'interrompit Iridessa dans un sanglot. Dis-moi, je t'en prie, dis-moi ce que Chloé à fait autrefois...

  — Si elle t'aime vraiment, elle te le dira... mais je doute qu'elle ait de véritable sentiments pour quelqu'un, cette affreuse nymphomane psychopathe...

  Les yeux d'Iridessa prirent la forme de balles de tennis suite à la remarque choquante de Rosélia. Une palpitation et un froid insaisissable l'emporta.

  — Ah oui ! s'exclama Rosélia d'un léger sourire narquois. Clochette nous a dit que tu étais... hum, hum, voilà quoi... pour ton penchant vers les filles, quoi !

  Même si l'angoisse semblait la consumer, Iridessa bouillonnait de l'intérieur.

  « Cette salope de Clochette a osé me trahir... GRRRR !!! C'est la dernière fois que je lui confie un secret, à celle-là !!! »

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