La découverte de Cristalline avait pris plusieurs heures à la Reine Clarion et à Ondine pour être appliqué. Les fées, s'étant aventurées dans la zone froide, étaient réparties dans leurs habitats. Elles ne pouvaient s'empêcher de rougir de bonheur, surtout Ondine et la Reine Clarion.

  Kyle, quant à lui, n'avait pas l'air d'y comprendre grand-chose. Les voix chaleureuses que les fées exprimaient autour de lui insufflait simplement de la joie. Pourtant, il était là, couvert d'un drap offert par Cristalline lorsqu'il fût réveillé. Par ailleurs, il ne savait même pas pourquoi il s'était réveillé dans la Forêt de l'Hiver et malgré les explications qui lui ont été donné il n'arrivait pas à y croire, ou ne voulait simplement pas en prendre conscience. Forcer la fille qu'il aimait à lui faire un baiser n'en était pas une chose fort admirable. Aussitôt ayant pris connaissance de cela, il supplia les fées présente de ne pas en parler.

  Une fois retourné dans l'autre zone, les choses s'accélérèrent de plus en plus vite, sans même prendre le temps de souffler. La Reine Clarion avait libéré les autres contaminés des énormes cocons de poussière qu'elle avait fait pour les maintenir tranquilles. Toutefois, Ondine dut expliquer aux fées concernées les taches difficiles qu'elles allaient devoir endosser : embrasser ces monstres ne relevait pas d'une partie de plaisir, mais il le fallait bien, sans cela les choses se seraient nettement plus aggravées.

  La bonne poignée de type, hypnotisée par l'Orgie, fut aussitôt redevenu tel qu'elle était, et, sous la bonne garde de la Reine Clarion, les fées victimes de ces monstres se jurèrent de ne pas leur exploser la tête, une fois leur état revenu à la normal.

  Ondine et Clochette demeuraient à côté du Grand Arbre à Poussière de Fée lorsqu'elles virent arriver des silhouettes familières qu'elles n'avaient pas revu depuis un bon bout de temps. Noa, Rosélia et Iridessa se posèrent, similaires à un pétale sur le sol. Harry apparut dans leurs dos, le visage baissé et relâché, dont le silence était horrible, presque malsain pour Ondine et Clochette.

  — Coucou, les filles ! exclamèrent Clochette et Ondine. Alors, vous étiez passé où, comme ça, hein ?

  — On réapparaît dans la vallée une fois que les problèmes sont réglés, hein, hein ? taquina Ondine en donnant des coups de coude persécutant qui agaçait Noa plus qu'autre chose. Ne vous inquiétez pas, j'espère que les Monstres d'Azur ne vous ont pas effrayé quand même...

  Noa répondit d'une voix monotone :

  — De quels monstres parles-tu ?

  — Mais-mais tu sais, Noa ? Les fées à la peau bleu, là... avec les yeux tout, tout, tout bleus... hein, tu vois ?

  Ondine n'en croyait pas le signe de négation qu'effectuait Noa avec sa tête. Son amie semblait totalement déconnectée du monde. Puis Rosélia et Iridessa affichèrent des mines encore plus pitoyables que celle-ci.

  — Vous en faites des têtes, tout va bien ?

  C'était dans des murmures bas qu'Ondine percevait une infime réponse.

  — D'accord, tout ne vas pas bien, à ce que je vois... Hey, Harry ! s'exclama-t-elle en le distinguant derrière les corps de ses copines. Comment vas-tu ?!

  C'était sans doute la dernière chose que Harry voulait subir aujourd'hui : parler aux gens, même les plus proches, ne l'intéressait pas. Il garda un silence qui en disait long.

  — Très bien... soupira-t-elle. Au fait, il est où ton faucon ?

  Sa langue ne bougea pas mais son cœur répondit d'une palpitation douloureuse dans sa poitrine, Harry leva un visage, qui depuis, était tapissé vers le sol, et fusilla Ondine d'un regard nourri de haine et d'amertume. Au vu de sa posture, il avait l'air de réfléchir à la façon dont il allait la tuer, elle aussi.

  Sa demande agit à l'instar d'un boulet de canon. Les trois filles allongèrent un visage encore d'autant plus anémiant, leurs teints grisèrent au moment où Ondine ouvrit la bouche. Ce fut à ce moment qu'elle comprit, le regard de Harry concordait une parfaite cohérence, maintenant.

  — Oh ! dit-elle d'un ton d'excuse. Je-je suis... mes condoléances, alors !

  Harry traduit très vite, de par ses yeux ronds comme des balles de tennis et de sa tonalité joviale, qu'Ondine transpirait l'hypocrisie. Il en avait horreur. Pour lui, Ondine aurait mieux fait de se taire ou au mieux, se couper la langue.

  Il jeta un œil étonné vers la Fée Clochette. La revoir dans sa robe verte et moulante, lassant apparaître ses belles cuises harmonieuses lui firent songer qu'elle avait repris ses fonctions de Bricoleuse. La Reine Clarion était moins autoritaire qu'elle ne le laissait transparaître, selon-lui. Il en conclut que beaucoup de chose s'étaient passé durant son absence.

  Harry adressa un bref signe de tête à Clochette avant de s'envoler. Celle-ci semblait étrangement ébahi de le voir, et son beau sourire modéré de ses lèvres rouges étaient nettement plus agréable pour Harry que les « condoléances » d'Ondine. Peu de temps après, il disparut sous le soleil de plomb.

  — Ça doit être dur pour lui, soupira Clochette en regardant les filles d'un visage compatissant.

  — Je ne le reconnais plus. Il est devenu complètement fou, lâcha brutalement Noa.

  — Pourquoi tu dis ça ?! s'étrangla Ondine.

  — Il a donné des coups de machettes au type qui a tué son chien... tremblotait-elle de sa voix.

  — Noa, susurra Rosélia en glissant une main sur son épaule, Harry est instable, et c'est compréhensible. Il vient de perdre sa mère et son chien, quand même.

  — Tu as raison, je suis peut-être un peu trop dure avec lui. Il s'en remettra...

  — ... ou pas ! l'interrompît Clochette. Tu sais, Noa, perdre quelqu'un qu'on aime à jamais peux parfois être trop douloureux pour s'en remettre. Certaines personnes passent à l'acte, dans le pire des cas... elles basculent du côté obscur sans savoir si elles reverront la lumière, un jour.

  — Tu veux dire que Harry...?!!!

  — Non, non, pas forcément, mais tu devrais l'épauler, parce que ces prochains mois risquent d'être les plus difficiles de sa vie.

  Clochette parlait en connaissance de cause. Lorsqu'on lui avait annoncé la mort de Terence par la faute d'un humain venant de l'autre monde, la haine l'avait complètement dévasté, et sa frustration l'avait même poussé à faire des choses impitoyables à Harry. Quand Harry et Noa se sont embrassé, et on fait renaître, par la même occasion, les fées mortes dues au manque de croyance en leurs existences, Clochette se sentit revivre, elle aussi, pouvant à nouveau embrasser, serrer et aimer Terence.

  — Ça vous dirait de manger des délicieux rayons de miel pour oublier tout ça, les filles ?! s'exclama Iridessa, bredouille.

  — Hmmm... ouais, excellente idée !

  — Toute cette expédition nous a bien fatigué, pourquoi ne pas se détendre un peu ?

  Le groupe d'amies battait des ailes, virevoltant dans les airs, à la recherche des rayons de miel les plus proches.

***

  Non loin du groupe, dont la poussière de fée se dissipait telle une traînée dans les airs, une autre fée surgit en dessous d'une cascade d'eau. Elle admirait le groupe, cantonnée derrière un rideau de chute d'eau.

  — Alors comme ça, Harry a des problèmes ? Tiens donc... il serait peut-être temps de lui rendre une petite visite, un de ces jours.

  D'un geste de la main, elle effectua une bourrasque assez puissante pour rompre le filet d'eau qui glissait en dessous de la cascade, puis partit à son tour à la hauteur des nuages et des oiseaux.