Saison 4 - Épisode 2 : Être un homme !
Huit heures approchaient. Les couvertures tirées par-dessus sa tête comme un cocon, Harry était allongé à plat ventre contre son lit, tête contre l'oreiller, ronflant comme un loir.
D'un coup de respiration haché, le garçon inspira profondément avant d'ouvrir les yeux, de déballer ces draps qui le couvait et d'extirper de sa bouche surdimensionnée un bâillement bruyant.
Il leva le nez vers son bureau avant que son corps ne suivent le mouvement. Depuis qu'il était redevenu humain, il avait gardé la capacité qu'il avait acquis en étant une fée : le garçon n'avait plus besoin de ses lunettes pour voir correctement. Harry marcha lentement avant de s'accouder à la fenêtre de sa chambre et d'admirer le Big Ben. Le garçon se mit à regarder ses mains ainsi que tout son corps entier.
Une légère palpitation le gagna brusquement. Harry sentit alors une étrange contraction dans son estomac. Le 25 septembre 1919 avait démarré depuis huit heures, il avait dix-huit ans et ne s'en était même pas aperçu.
Harry était content, mais sans plus, il n'avait jamais été enthousiaste à l'approche de son anniversaire. Il avait l'habitude de le fêter uniquement avec son père et sa mère, n'ayant jamais fêter avec quelqu'un d'autre qu'eux. Depuis que son père était parti pour la guerre en 1914, la sensation magique que Harry ressentait durant ces fêtes n'étaient plus pareil et lorsque l'on annonça à sa mère et lui que celui-ci était décédé, en 1918, le garçon avait complètement arrêter de célébrer cet évènement. De toute façon, après la mort de son père, sa mère ne gagnait plus assez d'argent pour se permettre de lui payer des bonbons, gâteau au chocolat ou encore de magnifiques cadeaux, mais cela ne dérangeait pas Harry. Il était un homme maintenant, cette journée était comme les autres, à ses yeux.
Le garçon tourna la tête en entendant quelqu'un marteler sa porte.
— Joyeux anniversaire, Harry ! Tu es un homme maintenant !
— Merci beaucoup, maman. Et oui ! On peut dire que c'est fini l'adolescence, désormais... répondit-il en se grattant la nuque.
— Regarde-toi, tu as tellement grandi depuis tes dix-sept ans !
— Ouais, c'est le premier truc que j'avais remarqué en revenant du Pays Imaginaire. J'ai gagné vingt-trois centimètre depuis l'an dernier et je suis beaucoup plus musclé...
— Tu vois, souriait-elle en passant sa main sur la joue de son fils, toi qui complexais par rapport à ta taille et ton corps. Ton père était grand et fort, plus tu grandis et plus tu lui ressemble...
— C'est tellement impressionnant ! J'aurais aimé qu'il me voit aujourd'hui.
Sa mère laissa échapper un filet de larme fuyant ses paupières jusqu'à ses joues pâles. Mais elle essuya rapidement ceci avec sa longue manche infestant la moisissure.
— Maman, est-ce que ça va ?
— Oui, mon chéri, assura-t-elle en reniflant fortement, j'ai juste eu une petite pensée pour ton père.
— Moi aussi, maman. En tout cas je suis désolé si je t'ai fait repenser à...
— Ne t'en fais pas. D'ailleurs, j'ai un petit quelque chose pour toi. Descend au salon, pour l'instant. Je reviens.
Le garçon passa directement dans sa salle de bain, serviette à la main, puis prit une douche froide d'environ quinze minutes. Aujourd'hui, il décida d'enfiler un simple t-shirt blanc à manche longue, arborant fièrement ses muscles saillants ainsi qu'un short vert de gris foncé lui arrivant aux genoux.
Après avoir peigné rapidement ses cheveux mouillés vers l'arrière, Harry dévala les escaliers et arriva au salon. Il jeta un œil sur la table avant de s'emparer d'un bon gros bol de potage que sa mère avait fait pour lui, comme tous les matins. Même s'ils n'avaient pas les moyens d'acheter des sucreries, les Sterling mangeaient à leurs faims et surtout de bons légumes qui les maintiendraient en bonne santé.
Pendant qu'il dévorait à grande bouchée le bol de potage, Harry entendit des pas se rapprocher de lui. Sa mère arriva devant lui, sourire aux lèvres. Elle soutenait, sur ses mains, une longue et fine boite rouge aux motifs dorés ornant celle-ci. La femme souffla sur la boite et passa ses mains dessus afin d'expulser la poussière qui s'était accommodée.
— Qu'est-ce que c'est ?
— Ouvre-la et tu sauras.
Harry lâcha son bol avant de se ruer sur la boite. Il glissa ses doigts entre les fentes et l'ouvrit lentement. Une belle flute en or et au bec argenté résidait dans cette boite. Les yeux de Harry s'éclairèrent devant l'objet.
— Elle appartenait à ton père, je me suis dit que pour tes dix-huit ans, cela te ferait plaisir de l'avoir.
— Merci, maman ! Elle est vraiment magnifique, s'extasia Harry en tournant la belle flûte entre ses doigts. Mais depuis quand papa savait jouer de la flûte ?
— Quand tu étais bébé, ton père te chantait des belles mélodies avec cette flûte, pour t'endormir. Dès que tu as commencé à parler il a arrêté d'en jouer.
Le jeune homme ouvrit grand les yeux en plongeant dans ses pensées. Depuis longtemps, il lui arrivait souvent de rêver d'un berceau et d'entendre une douce mélodie qui lui faisait fermer les yeux. Harry commençait à croire que cela n'était pas qu'un simple rêve.
Harry attrapa sa mère dans ses bras et lui fit un énorme câlin. Malgré l'odeur de moisissure que dégageait ses vêtements, le garçon se sentait heureux dans ses bras. C'était le plus beau cadeau qu'il n'avait jamais eu.
— Ah oui, j'allais oublier ! Monsieur et Madame Darling t'invitent chez eux, à dix heures.
— Ils n'ont pas oublier mon anniversaire ?
— Harry, ce sont eux qui te gardaient quand ton père et moi étions de sortie. Bien sûr qu'ils s'en rappellent.
— Il est déjà neuf heures et demi ! s'exclama Harry en penchant sa tête vers un petit cadran perché sur le haut de la porte. Je dois y aller, maman !
— À plus tard, Harry ! Amuse-toi bien !
***
Le quartier de Camden n'avait pas changé. La petite différence était sans doute la température qui était moins froide que l'an dernier.
Harry poussa un léger ricanement en marchant dans sa rue suite à la dernière phrase de sa mère : « Amuse-toi bien ! » mais Harry n'était plus un enfant. Il avait dix-huit ans. Sa stature était si impressionnante que les passants changeaient de trottoir à son approche, par crainte de se faire agresser. Avec sa barbe naissante et sa mâchoire carré, il avait l'air aussi innocent qu'un char d'assaut de l'armée allemande.
Pendant qu'il longeait le trottoir, un caillou percuta l'arrière de son crâne. Harry poussa un gémissement muet et caressa l'endroit où il avait été touché. Le garçon fit volte-face, intrigué. Son visage se décomposa lorsqu'il aperçut un groupe qui lui semblait familier.
— Alors, le naze, ça roule ?!
— Barrie.
Le grand blond s'avança à grands pas vers Harry, toujours accompagné de ses deux grands gaillards aux apparences patibulaires. Il retira son chapeaux pourpre et plongea ses yeux verts dans ceux de Harry.
— Où t'étais passé depuis tout ce temps, minable ? T'as flippé après la raclé que je t'ai mise l'an dernier, où quoi ?
Un bombardement de rire détonna auprès de ses sbires aux voix étrangement graves. Harry ne vacilla pas et se contenta de soupirer en affichant une mine lassée.
— À ta place, je ferais moins le malin, Barrie. Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, j'ai grandi et j'ai pris de la masse musculaire.
Le regard de Barrie changea lorsqu'il toisa Harry. Le blond colla son front contre celui de sa victime.
— Pas mal ! Mais tu es encore loin de pouvoir te mesurer à moi, ne compte pas là-dessus.
Barrie asséna un violent coup dans l'abdomen de Harry. Le garçon ne pouvait que se tordre de douleur sur le sol et tentait avec difficulté de reprendre sa respiration.
— J'ai eu pas mal d'embrouilles à cause de toi. J'ai été exclu de l'école pendant un mois ! Et ça, mon père ne l'a pas toléré !
— Je m'en fiche de ce que ton père ait bien pu te faire, Barrie ! gémit Harry en se relevant. Tu as eu ce que tu méritais.
— Qu'est-ce qui t'arrives, morveux ? Tu te sens pousser des couilles, ou quoi ?!
Harry se contenta de fermer la bouche et de serrer ses poings de toute ses forces. Son visage passa du blanc au rouge virulent. Les deux sbires commencèrent à retrousser leurs manches et Barrie afficha un sourire franc et glacial. Aucun doute possible, Harry allait se faire tabasser dans moins d'une minute.
— Que faites-vous, bande de vilains garnements !
Madame Darling vit la scène depuis son balcon et se mit à rugir dans toute la rue. Barrie et ses sbires la fixèrent d'un air dérangé et reculèrent vers l'arrière. Son regard plongeant dans celui de la femme, qui lui inspirait la terreur et la colère, Barrie réalisa qu'il venait de se faire attraper en train d'agresser Harry.
— T'as eu de la chance, pour cette fois, mais ça sera pas toujours le cas ! Venez, les gars, on s'arrache !
Harry resta figé en observant la bande de Barrie s'éloigner de plus en plus de l'allée. Le garçon ravala difficilement sa salive. Malgré le physique dont il disposait actuellement, la peur le gagnait toujours autant lorsqu'une altercation explosait avec Barrie. Ses mains tremblantes ne pouvaient que l'affirmer.
— Rentre, mon garçon, lui sourit la belle femme. J'espère que ces ordures ne t'ont pas trop fait peur.
— Oh, ne vous en faites pas, Madame Darling. J'ai l'habitude avec ces crétins...
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