Saison 4 - Épisode 12 : Poussière de fée

  Depuis le début de la semaine qui suivit, Harry passait pratiquement tout son temps chez Lizzy. Deux jours après l'avoir rencontré, Harry s'était aperçut que Martin et sa fille avaient trouvé une charmante petite maison bordée de jolis petits murets qui l'encadraient tout autour. L'herbe longue et verte qui poussait dans leur jardin donnait un aspect nettement plus campagnard que le sinistre manoir de Matthew et Barrie, dont l'élégante architecture luxueuse n'avait rien avoir avec cet endroit calme, isolé et paisible. Lizzy adorait sa nouvelle maison, Monsieur Grimace, son chat dodu avait l'air de se plaire ici, également, lui qui frottait son pelage tacheté sur les grandes herbes chaudes dès que l'occasion de sortir de la maison s'y présentait.

  À son plus grand étonnement, Harry avait eu l'occasion d'échanger avec la famille Griffiths et ils n'étaient pas aussi arrogant et cyniques que pouvaient l'être Barrie. Par moment, ils invitaient même Harry à diner avec eux. Le garçon était émoustillé devant tous les banquets luxueux qu'ils dégustaient. Tout ceci était préparé par Madame Perkings : une gouvernante bienveillante qui s'occupait de Lizzy lorsque Martin partait travailler au musée.

  L'amitié entre Harry et Lizzy brulaient tellement qu'on aurait pu comprendre qu'ils se connaissaient depuis toujours. Si Lizzy avait l'âge de ce garçon et s'il n'était pas marié à Noa, Harry serait forcément tombé amoureux d'elle, tant leurs passions et leurs goûts étaient en symbiose.

  La nuit inondait le ciel de Londres et les tintements du Big Ben qui percèrent la ville indiquaient « minuit » sur son élogieux cadran. D'une démarche tonique, Harry enfila sa paire de mocassin et enfila une longue veste marronne avant de flâner pas à pas les escaliers qu'il descendait.

  Il sentit son cœur taper dans sa poitrine en voyant sa mère assise sur une chaise, poings serrés contre la table. Elle semblait lire un document, son autre main écrasait les rides de son front.

  — Tu ne dors pas, Harry ? dit-elle, en levant les yeux au-dessus de son épaule décharnée.

  — Je-je comptais aller voir Lizzy... hoquetait Harry, ne songeant pas que sa mère serait encore debout à minuit.

  — Hmmm... très bien, fait attention à toi, lui chantonna sa mère avant de lui tourner le dos, en replongeant sur son document.

  Harry était intrigué. Il venait certes d'avoir dix-huit ans, mais il ne penserait pas s'en sortir aussi bien face à sa mère. L'indulgence dont elle venait de faire preuve montrait bien que Harry était suffisamment grand pour se prendre en change, désormais.

  — Alors, maman, comment ça s'est passé avec le docteur ? insista tout de même le garçon.

  — Oh, il m'a dit de prendre rendez-vous avec lui demain matin. Il va me faire une IRM pour savoir ce que j'ai. Et d'après le courrier que je viens de recevoir, il tient absolument à ce que je le vois.

  — Tu penses que c'est grave ? acquiesça Harry d'un ton soucieux.

  — Ne t'en fais, je suis sûre que c'est trois fois rien, l'assura sa mère d'une sourire de son visage chevalin. Et sinon, depuis quand connais-tu cette petite fille ?

  — Oh, maman... depuis plus d'une semaine, je dirais, et elle est vraiment géniale ! J'aurais tellement aimé avoir une petite sœur comme elle.

  — Ça, je n'en doute pas, vu tout le temps que tu passes chez elle. Mais dans tout ça, tu t'occupes de Dany ?

  Harry écarquilla brusquement des yeux. Sa mère avait raison, depuis le début, il ne prêtait plus aucune attention à son chien. Il se contentait de lui donner ses restes de petits déjeuner avant de filer chez Lizzy, et ce, tous les jours. La culpabilité s'emparait de lui.

  — Ouais, c'est vrai. Mais Monsieur Grimace et lui ne s'entendent pas trop. La dernière fois, il a carrément attaqué Dany.

  — C'est qui, celui-là ?

  — Le chat de Lizzy, hoqueta Harry.

  — Je pensais que Dany était ton meilleur ami, tu ne devrais pas le laisser en plan juste parce qu'un simple chat n'aime pas voir sa tête, lui assigna sa mère en lançant un regard oblique à son fils.

  Harry réfléchît deux secondes avant de bouger ses lèvres.

  — D'accord, maman. Ne t'en fais pas, je l'emmènerai plus souvent avec moi, acheva Harry d'un hochement de tête. Bon je te laisse.

  — ... cette fille ne dort pas, à cette heure ? questionna la mère d'un air égayé.

  — Eh, non... on s'est donné rendez-vous à cette heure, en fait.

  La mère de Harry répondit par un mouvement de tête avant que son fils ne claque la porte derrière lui. Elle devait probablement trouver cela étrange qu'une fille de son gabarit soit encore debout à cette heure.

***

  En longeant de nombreux trottoirs et des allées sombres, Harry s'approchait de plus en plus de la maison de Lizzy. Il escalada agilement le muret de pierre et posa les pieds dans sa propriété. L'herbe frottant sur son pantalon lui chatouillait les jambes. Le garçon contourna la porte d'entrée et se dirigea à pas de loup vers l'arrière de la maison. Il chercha une petite fenêtre carrée dont la seule lumière qui s'y réfléchissait était celle de la lune, toute la maison semblait sombre de l'intérieur.

  Le garçon prit appui sur le mur et tapa deux fois dans la vitre de la fenêtre. Il attendit cinq secondes avant que Lizzy n'ouvre fenêtre. Elle esquissa un large sourire à Harry.

  — J'ai cru que tu ne viendrais jamais, murmura Lizzy, en penchant sa tête hors de l'encadrement.

  — J'ai bien failli ne pas venir, ma mère m'a vu partir, mais elle ne m'a rien dit, lui chuchota Harry. Qu'est-ce que tu attends ? Descends !

  Lizzy serra sa robe et son tablier d'une poignée ardente et laissa basculer son corps grâce à l'autre main. Alors qu'elle manqua de s'écraser face contre terre, Harry la rattrapa de justesse.

  — Merci, haleta Lizzy, tu m'as sauvé la vie...

  — T'abuses, ricana Harry. Bon, on y va ? J'ai quelque chose d'incroyable à te montrer.

  — Où allons-nous ?

  — Hmmm... pourquoi pas au Big Ben ?

  Sortir aussi tard la nuit, dans la fraîcheur si dangereuse et lugubre, avait le don d'exciter Lizzy, elle à qui son père avait toujours sermonné de ne jamais s'aventurer dehors à une telle heure. Elle se sentait grande, sur le moment, un peu comme Harry.

  — Je pensais que tu voulais m'aider à finir le Manuel des Fées qu'on avait commencé, avant-hier, s'intrigua la fille.

  — Lizzy, je ne t'aurais pas donné rendez-vous si tard pour remplir un simple manuel sur les fées, s'esclaffa Harry d'un rire goguenard.

  Après quelques battements de semelles, longeant des rues et des couloirs de pénombres, Harry et Lizzy arrivèrent au pied de la tour du Big Ben. Le garçon chercha de vue le banc sur lequel il avait rencontré la jeune fille.

  — Tu te rappelles de cet endroit ? souriait Harry.

  — Oh que oui, rougissait Lizzy. Franchement, je suis tellement heureuse de t'avoir rencontré. Je ne comprends vraiment pas pourquoi mon cousin voulait te faire du mal...

  — Ce n'est pas pour souiller ta famille, Lizzy, mais ton cousin est un véritable crétin.

  Lizzy échangea un regard complice, affirmant les dires de Harry.

  — Alors, Harry ? Qu'est-ce que tu voulais me montrer ?

  — On ne pouvait pas faire ça le jour, les gens risquaient de nous voir, mais là...

  Le garçon fouilla ses poches sous le regard intrigué de Lizzy. Il en sortit un petit sac tenant tout juste dans le creux de sa main. La jeune fille pencha son visage lunaire vers l'objet. Le garçon tira une ficelle vers le haut qui soutenait l'ouverture du sachet. Une flambée de poussière scintillait jusqu'en dehors du sac. La lumière était si luisante qu'elle en aveuglait presque Lizzy.

  — M-mais... qu'est-ce que c'est ? s'étrangla-t-elle, à pleins poumons.

  Lizzy plaqua ses mains contre sa bouche en réalisant qu'elle avait parlé trop fort. Harry se mit à rire.

  — C'est de la poussière de fée, chantonna-t-il. Elle permet de faire énormément de chose dans le monde des fées...

  — Wow ! C'est fantastique, s'exclama-t-elle de ses yeux pétillants, et on... on peut voler avec ?!!

  — Bien sûr ! approuva Harry, en attrapant une pincée de poussière entre ses doigts. Lizzy ?

  — Oui ?

  — Promets-moi de n'en parler à qui que ce soit, s'il te plaît. Je te fais confiance, tu es comme ma petite sœur et je ne tiens pas à ce que les fées soient en danger.

  — Ne t'en fais pas, Harry, tu as ma parole ! répondit-elle en fermant des yeux et en s'inclinant face au garçon.

  Toujours en gardant les yeux fermés, Lizzy sentit des petites particules se faufiler entre ses cheveux et ses nattes châtaines se mirent à planer. En ouvrant les yeux, elle remarqua les grains de poussières tomber le long de son corps.

  — Pense à de belles choses, lui murmura Harry à l'oreille.

  Lizzy arbora un majestueux sourire en penchant sa tête vers le ciel. Elle sentait son corps devenir de plus en plus léger, ses bottines flottaient à présent dans les airs. Son cœur se mit à palpiter comme jamais.

  Entre marcher et planer dans les airs, Lizzy savait pertinemment ce qu'elle préférait : son cœur effectuant d'immenses battements et cette apesanteur menaçant de la désarçonner, mais cela l'exaltait tant, elle se sentait aussi libre qu'un oiseau !

  La poussière luisait entre ses doigts. Lizzy ne regrettait pas la souplesse que lui assignait la Poussière de Fée. Elle était ballotée en tout sens par son propre corps qui montait et descendait du Big Ben. Lizzy décrivit un cercle au-dessus de la célèbre tour puis piqua un sprint vers le sol en poussant un hurlement de bonheur. C'était le moment que Harry redoutait le plus. Lorsque la jeune fille baissa le cou, il se posta à l'endroit exacte où elle était censée atterrir. Il parvint cependant à se cramponner au sol jusqu'à l'instant où il sentit un choc sourd : Lizzy venait de retomber délicatement dans ses bras, sur son torse. Harry put alors se redresser, gardant Lizzy saine et sauve.

  — C'était fantastique ! s'exclama Lizzy en sautillant sur les graviers. Oh merci, Harry !

  La jeune fille le serrait si fort dans ses bras que Harry songeait qu'il allait s'étouffer.

  — I-il n'y a pas de quoi... par contre tu me fais un peu mal, là...

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