Saison 3 - Épisode 9 : Tic Tac Crock

  Le soleil plombait la fenêtre avant de submerger Gabble. Plus il sortait de son sommeil et plus sa douleur au poignet le picotait. Le garçon bailla tapageusement dans toute sa maison, pourtant cela n'eut pas l'inconvenance de déranger Clark qui continuait de ronfler comme un moteur. En déroulant son bandage, Gabble constata qu'une petite croute de sang séchée s'était formée à l'endroit de la coupure. Il ne tarda pas à l'enlever avant de passer sous la douche et se préparer. Après cela, il attrapa une caisse en bois de bricolage où s'engrangeaient des marteaux, des scies, des clous ou encore une petite poche de cire.

  C'était avec le sourire que Gabble battit des ailes. La caisse de bricolage à la main, il inspecta une feuille sur laquelle était indiquée la maison de Rosélia. Malgré l'amitié qui unissait ces deux-là, Gabble n'avait jamais été chez Rosélia auparavant. C'était avec quelques légères palpitations et des papillons dans le ventre qu'il arriva à la porte de la jeune fille, après avoir essuyé le Refuge des Bricoleurs jusqu'à la Forêt du Printemps.

  Gabble hésita cinq minutes avant de toquer à la porte. Lorsque Rosélia ouvrit la porte, une forte odeur attrayante de fleur s'échappa.

  — Je t'en prie, Gabble, entre, lui souriait-elle.

  Le garçon commençait à trembler, lui qui n'avait eu aucun problème, auparavant, pour transporter cette mallette de bricolage. En poussant quelques gémissements, il se ressaisit. Après avoir pénétré la maison, Gabble se mit à scruter de fond en comble celle-ci, chaque recoin était important. Il remarqua très vite que la couleur prédominante de chaque mur était le rose de plusieurs variantes ainsi que du blanc.

  — Tu cherches la salle de bain, je suppose ?

  Gabble, qui avait les yeux rivés sur les recoins de la maison, se retourna vers Rosélia et la regarda fixement de haut en bas. Il ne put modérer son rougissement incommensurable lorsqu'il remarqua le magnifique peignoir rose qu'elle arborait. Le garçon fit l'erreur de plonger ses yeux dans la naissance du décolleté apparent, mis en valeur par le peignoir. Rosélia se mit simplement à rire doucement en plaquant sa main contre sa bouche.

  — Gabble, il faut vraiment que tu te trouves une petite copine ! plaisantait-elle.

  — Quoi ? Moi, m-mais pas du tout ! P-pourquoi tu dis ça ?

  Comme si son rire nerveux et son visage rougeâtre ne suffisait pas à le trahir, les gouttelettes d'eau stockées dans ses grosses lunettes, qui lui servait de verre correcteur, explosèrent. Des infimes yeux apparurent devant elle.

  — Wow ! Je ne savais pas que tes yeux étaient si petits !

  — Eh oui, je suis plein de mystère, on dirait... répliqua Gabble, fier de la répartie dont il venait de faire preuve.

  Rosélia plaqua sa main sur le bras de Gabble, celui-ci remarqua ses ongles bien limés et vernis.

  — On a assez plaisanté comme ça, souriait-elle. Viens, je vais te montrer ma salle de bain.

  Gabble se contenta de suivre Rosélia. Il était derrière elle et ne put s'empêcher de scruter ses magnifiques courbes, qui bougeaient à travers le peignoir. Gabble était tellement rivé sur le corps de celle-ci qu'il trébucha sur le sol, son petit orteil ayant cogné le pied d'une chaise. Ses outils s'étaient retournés sur le sol.

  — Tu es vraiment maladroit ! ricanait la belle rousse.

  — Oui, gémit-il en se relevant difficilement.

  — La salle de bain est juste devant toi ! chantonnait Rosélia en s'écartant afin qu'il remarque l'intérieur de la pièce.

  — Et d'où vient le problème ?

  — Le tuyau a été... comment dire... un peu mordu...

  — Quoi ?!

  Gabble avança à grands pas dans la salle de bain avant de remarquer une grosse trace de croc acéré, qui avait visiblement comme broyé un tuyau de bois perché au-dessus d'une baignoire.

  — M-mais... pourquoi tu as fait ça ? s'étrangla Gabble.

  — Ce n'est pas moi.

  — Mais alors, qui ?

  Le regard de Rosélia se balançait de droite à gauche, comme si elle n'assumait pas ce qui s'était passé avec le tuyau.

  — ... c'est mon fils qui l'a mordu.

  — Pardon, t-ton fils ?! Tu-tu as un fils ?!

  Gabble était estomaqué. Il n'arrivait pas à reprendre son souffle. Comment était-ce possible ? Ce fils venait de Sled ? Mais pour lui c'était presque improbable puisque les fées ne pouvaient pas procréer d'elles-mêmes. Son cerveau était retourné sens dessus-dessous.

  Soudainement, un violent vagissement s'échappa derrière le dos de Gabble, interrompant ses multiples interrogations farfelues. Son cœur commença à battre. Alors que le bruit se rapprochait de plus en plus de lui, les poils de sa nuque se redressèrent et son corps se figea. Seuls ses yeux pouvaient encore bouger, ils étaient d'ailleurs rivés vers Rosélia. La jeune fille resta adossée contre la porte en affichant un grand sourire.

  — Le voilà, d'ailleurs.

  Gabble se retourna lentement vers le bruit. Ses jambes maigres vibraient tellement que le garçon risquait de tomber. Puis, il se trouva nez-à-nez avec un crocodile aux yeux ronds et aux dents tranchantes. Le monstre verdâtre l'observait en continuant de vagir, exprimant un mécontentement.

  — Oh oui, vient là, mon Crocky d'amour !!! lâcha Rosélia d'une voix mielleuse.

  — Qu-quoi... Crocky ?

  En observant de plus près, sa peau était verte claire et il ne semblait pas si grand que ça. En réalité, c'était un bébé crocodile. La bête marcha à quatre pattes vers Rosélia avant de la serrer dans ses bras et de lui coller un énorme bisou sur le visage.

  — Tu es venu voir si maman avait des ennuis, hein, mon Crocky, hein, mon bébé ?

  Gabble se sentit soudainement soulagé. Il poussa une profonde expiration en voyant qu'il était apprivoisé.

  « C'est extrêmement dangereux, je préfère tout de même rester sur mes gardes... »

  — Regarde, Crocky, tu as effrayé Gabble... enfin, je veux dire, tonton Gabble !

  Ce dernier lâcha un rire nerveux à Rosélia.

  — Gabble, tu seras son oncle, n'est-ce pas ? Et crois-moi, c'est un honneur que je te fais, là !

  — La seule chose que je serai si je reste trop près de lui, c'est son déjeuner...

  — Arrête de raconter des bêtises, tu veux bien ?

  Gabble sentit quelque chose de moite et froid lui coller à la peau. En penchant sa tête vers le bas, le garçon constata qu'une grosse tache au niveau de son entre-jambe, dans son pantalon, était apparue. Gabble n'en croyait pas ses yeux : il venait de se pisser dessus. Il leva la tête vers Rosélia en espérant qu'elle ne l'ai pas remarqué.

  Une grande main vint taper son épaule. Gabble sursauta à nouveau.

  — Tu t'es pissé dessus ?

  Gabble était pris de panique, le corps tremblant. Il se retourna et vit Sled derrière lui, en train de pointer la tâche qui traversait l'entrejambe de son pantalon. Rosélia s'avança vers les deux hommes avant de lui sauter dessus.

  — Bonjour, Sled, ronronnait-elle. Tu as passé une bonne nuit après la soirée ?

  — Bonjour, ma petite lapine. Oh que oui, j'ai pensé à toi toute la nuit. Je n'arrivais plus à fermer l'œil.

  Gabble n'osa même pas regarder Rosélia se faire porter par Sled. À sa place, il l'aurait sans doute fait tomber avec son corps de lâche. Mais Sled avait les muscles saillants et de gros bras, aucun risque pour lui.

  — Alors, le bricoleur, pourquoi tu t'es pissé dessus ?

  Rosélia éclata de rire dans les bras de Sled.

  — Sans doute à cause de mon fils...

  — Le petit crocodile qui nous regarde sagement assis là-bas ? Il a l'air mignon, pourtant.

  — Oui, tu as tout compris, ricanait-elle. Il est inoffensif...

  — En tant que Fée des Animaux de l'Hiver, je trouve ça très honteux. Ils n'ont absolument rien de méchant, voyons ! s'exclama Sled.

  — Regarde, Sled ! J'ai l'impression que mon Crocky te considère déjà comme son papa...

  Gabble ne pouvait que baisser la tête, la honte l'envahissant tout entier. Le garçon tenta de ne plus y penser en saisissant sa mallette de bricolage. Lorsque Harry lui avait conseillé de passer plus de temps avec Rosélia, il ne s'attendait pas à ça.

  Le garçon saisit un tube de cire et une scie. Pour son plus grand malheur, Gabble constata qu'il ressentait toujours l'atroce douleur d'hier lorsqu'il saisissait un objet avec sa main droite. Il balança brusquement les outils, le visage crispé. En voyant cela, Sled lâcha Rosélia et s'avança vers lui.

  — Tu es encore blessé par rapport à hier soir ? demanda Rosélia.

  — On dirait bien, acclama Sled, pousse-toi. Je vais réparer la salle de bain moi-même.

  Gabble restait muet. Sled avança son grand corps musclé jusqu'à s'enfermer à l'intérieur de la salle de bain. Rosélia, quant à elle, ne pouvait s'empêcher de scruter la tâche d'urine sur le pantalon de Gabble.

  — Tu as quel âge pour pisser sur toi quand quelque chose t'effraie, Gabble ?!

  — Quinze ans... marmonna le garçon, qui se trouvait au dépourvu d'arguments.

  À l'intérieur de la salle de bain, un vacarme incommensurable se faisait entendre. Intérieurement, Gabble sautait de joie, lui qui se disait que Sled ne pouvait pas bricoler puisque ce n'était pas son talent. Il pourrait retourner dans cette salle de bain et ainsi prouver à Rosélia que c'est de lui dont elle a toujours eu besoin, pas de ce pseudo « prince charmant ».

  Après quelques minutes, la porte s'ouvrit, Rosélia et Gabble étaient tous deux estomaqués.

  — Mais...

  — C'est absolument magnifique !

  Gabble pensait voir flou. En l'espace d'une quinzaine de minutes, Sled avait réussi à rénover toute la salle de bain, en transformant tout ce qui s'y trouvait en glace, que ça soit la baignoire ou encore le lavabo. En plus de ça, il y avait un air luxueux qui n'était pas le cas avant, grâce à leurs formes bien arrondies.

  — Wow, mais Sled ! Comment tu as fait ça ?

  — Oh, ce n'est rien, ricanait-il. J'ai pris quelques cours chez les Fées des Glaces et puis bricoler, c'est un véritable jeu d'enfant. N'est-ce pas, Gabble ?

  — C'est un talent ! s'énerva le jeune garçon.

  Il n'en croyait pas ses yeux, lui qui avait un plan en tête afin de passer plus de temps avec Rosélia. Voilà que ce type débarquait, l'humiliait et, en plus de ça, lui volait la maigre reconnaissance qu'il aurait put espérer de Rosélia.

  Gabble gardait la tête haute afin de ne pas éclater en sanglot, ne pouvant que constater son impuissance démesurée.

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