Saison 3 - Épisode 8 : Cinquante-cinquante
Une vingtaine de minutes s'étaient écoulées sur la piste de danse et Harry en sortit complètement usé. Il avait dansé, si l'on pouvait qualifier sa chorégraphie telle quel. Il écrasait systématiquement les pieds nues de Noa toutes les cinq minutes par pure inadvertance. Harry n'avait jamais appris à danser et surtout pas avec des filles, lui qui ne redoutait qu'aucune n'irait même danser avec lui jusqu'à ce jour.
La respiration de Harry était hachée alors que sa sueur traversait tous les pores de sa peau, comme s'il allait s'évanouir, complètement exténué. Le garçon détacha deux boutons de sa chemise pourpre afin de laisser son torse trempé respirer l'air frais. Il se laissa affaisser sur la table la plus proche qu'il avait trouvé en titubant hors de la piste de danse. Harry attrapa une coupe d'eau fraîche avant de dégringoler bestialement le contenu dans son œsophage. En moins de quelques secondes, et après quelques bruits de gorge répétés, pendant qu'il buvait à flot, Harry déposa la coupe sur la table avant d'expirer sereinement.
Noa prit un instant pour s'asseoir par terre et caresser ses pieds marqués de bleus. Elle émit un bruit aigu de gémissement en plissant très fortement les paupières.
— Vous allez bien ? demanda une voix.
Noa leva la tête avant d'apercevoir Sled dressé face à elle.
— Oh, souriait Noa, on ne s'est pas déjà vu sur la piste de danse ?
— En effet, je ne vous ai pas lâché des yeux. Vous dansez tellement bien, dommage que monsieur ne sois pas à la hauteur.
— C'est vrai qu'à ce niveau-là, il n'est pas très doué, gloussait Noa en se grattant derrière le crâne.
Sled saisit Noa par la main avant de la relever délicatement. Il ne cessait de la scruter de haut en bas. Le regard insatiable qu'il posa sur elle releva la suspicion de la jeune fille.
— Pouvez-vous tourner sur vous-même que je puisse admirer vos jolies courbes ? détonna-t-il sans le moindre embarras.
— Euh, d'accord...
Les yeux de Noa s'arrondirent avant qu'elle ne lance à Sled un regard perplexe. La jolie fée se mit par la pointe des pieds puis effectua un tour lent et complet. En s'arrêtant, elle remarqua le regard exalté qu'il posait sur son corps.
— Vous êtes très sexy.
— M-merci, Sled... répondit Noa, d'une voix intriguée.
— Votre tenue vous donne un air de femme sauvage et bestiale, j'adore ça.
Sled sentit un léger tapotement sur son épaule alors qu'il mirait le visage de Noa. Le jeune homme n'eut même pas le temps de faire volte-face qu'il mangea un puissant crochet du droit dans la figure. C'était dans un beuglement aigu que Sled s'effondra sur le sol, les mains plaquées à la joue. Ses yeux tournoyaient, tellement le coup l'avait culbuté, comme s'il avait le vertige ou qu'il tombait dans les pommes. Lorsque l'image de sa rétine s'arrangea à nouveau, Sled constata le corps colossal de Harry au-dessus de son nez. En levant la tête, ses yeux plongèrent dans son regard enragé.
— Qu'est-ce que tu faisais avec ma femme ? rugissait Harry.
— Du calme, mon ami...
— Répond à ma question !
Sled se releva face à Harry. Noa consentit un sourire tout en se faufilant derrière son mari.
— Il me semble qu'on se soit parlé, il y a une heure de ça. Tu n'es pas intéressé par Rosélia ?!
Noa se mit à masser le dos de Harry.
— Chéri, calme-toi, chuchota Noa à son oreille. Je le trouve assez bizarre, moi aussi, mais peut-être qu'il voulait juste être gentil...
— Gentil ?! Qu'il soit gentil avec une autre femme, pas la mienne !
« Et dire que Gabble a du souci à se faire pour une pourriture comme lui !!! ». Harry tenta de modérer sa colère en inspirant et expirant mécaniquement, mais il n'y arrivait pas. La seule pensée qui lui traversait l'esprit était celle de réduire Sled en bouillie d'une violente tornade.
Le visage gracieux de Sled devint irrité après ce qu'il venait de recevoir. Il passa sa main sur sa mâchoire, vérifiant si elle n'avait pas été décrochée par celui-ci.
— Harry, pourquoi es-tu si cynique ?
— Moi, « cynique » ?! Non, je suis pour le respect d'autrui, au contraire ! Et là tu n'as pas respecté ma femme !
— Pour répondre à ta question, oui, je suis bien intéressé par Rosélia... si j'ai fait ça, c'était juste pour complimenter Noa puisqu'elle est son ami.
Harry colla son front contre celui de Sled en lui assénant son regard habituel. En voyant la violence à laquelle elle assistait, Noa préféra se retirer, partant vers d'autre tables.
— Je suis un homme, moi aussi... tu ne vas pas me berner, Sled !
— Hum, hum... très bien, gamin, quel âge as-tu ?
— Bientôt dix-huit ans.
— Je le savais. Sur ton air aigri, ça se voit que tu n'as pas touché beaucoup de filles durant ta petite vie.
Sled paraissait de suite plus franc, son regard et son timbre de voix calme avaient radicalement changé.
— Comment ça « touché beaucoup de filles » ?
— Oh, comme c'est mignon ! s'esclaffa Sled, d'un ton insipide. Tu es vraiment naïf, décidément. Tu me fais penser à l'autre petit fragile maigrichon de tout à l'heure, comment s'appelle-il déjà ?
— Gabble...
— Oui, c'est ça, Gabble !
— Je t'interdis de parler de lui comme ça...
— Et sinon quoi ?
Harry s'autorisa un léger ricanement inodore qui souleva la curiosité de Sled.
— Sinon, je dirais à Rosélia tout ce que tu as fait ce soir. Je pense qu'il y'a de quoi s'inquiéter, là... cinquante-cinquante, mon vieux !
— Je vais te dire une petite chose, Harry, toi qui n'as pas l'air de vraiment comprendre comment fonctionne les filles...
Les yeux de Harry s'enflèrent subitement.
— En faisant ça, tu vas juste attiser le désir de Rosélia pour moi. C'est vrai, un homme qui attire plusieurs femme est plus intéressant qu'un homme qui n'en attire aucune.
Du haut de ses vingt-cinq ans, Sled maniait parfaitement toute l'étendue de la séduction et Harry n'était que forcé de le connaître. C'était vrai, que pouvait-il dire à Rosélia ? Que Sled était en train de discuter avec Noa ? Ce n'était rien, ils ne s'étaient pas embrassés ou quoique ce soit d'autre.
Harry déglutit difficilement sa salive alors que sa colère démarra de plus belle.
— Rosélia ne sortira jamais avec un type comme toi !
— Et, mon petit, tu as vu le regard qu'elle pose sur moi à chaque fois qu'elle me voit ? C'est déjà dans la boîte.
La façon dont Sled parlait de Rosélia écœurait Harry. Comment pouvait-il oser la comparer à un simple objet, une misérable quête ? « C'est dans la boite », cette phrase résonna longuement dans son esprit.
À l'instant, Noa buvait sa quatrième coupe de jus sous les regards alarmés d'Ondine et Iridessa. Pour calmer son angoisse, elle n'avait rien trouvé à faire de mieux que s'empiffrer et déglutir.
— Noa, qu'est-ce qui t'arrive ?
— Rien, Ondine ! J'ai juste une petite faim, c'est tout, mentit Noa.
Ondine et Iridessa se questionnèrent du regard avant de hausser des épaules, ayant visiblement décidés de lâcher l'affaire.
— Vous avez-vu comment Rosélia et Sled ont dansé, tout à l'heure ? acquiesça Ondine en s'enfilant une part de gâteau dans la bouche.
— Oui, gloussa Noa, c'était... fantastique !
— Ah bah, la voilà... Rosélia !!!
Noa comptait ouvrir la bouche et dire ce qui s'était passé à Rosélia, mais en admirant son regard pétillant et son sourire radieux, l'avis de celle-ci dévia. Elle ne voulait pas entacher sa joie.
— Salut, Rosélia...
— Par la Deuxième Étoile, cette danse avec Sled était magique ! frémissait Rosélia. Il était là, en train de me toucher et de me regarder comme si j'étais la plus belle fille qu'il n'avait jamais vue.
Ondine et Iridessa ronronnèrent pendant que Noa se raclait la gorge.
— E.. et sinon, tu étais passée où après la danse ? Je te cherchais partout, demanda Noa en évitant le regard de celle-ci.
— J'étais avec Gabble. Je lui ai demandé de passer chez moi, demain. Il y a une fuite dans ma salle de bain et je ne sais exactement d'où ça vient, j'ai besoin qu'il vienne réparer ça.
— Ah... c'est bien, alors...
— Oui, Gabble est tellement gentil ! C'est un vrai ami.
— Mais je l'ai aperçu tout à l'heure, il n'avait pas une blessure au poignet ?
— Oh, il m'a assuré qu'elle serait guéri d'ici là...
Noa se contenta de hocher de la tête et de manger une part de gâteau. Pendant que les filles papotaient, son regard vide était lancé vers le ciel, complètement pensive.
« Sled, tu rends Rosélia tellement heureuse, ce soir... j'espère que ce geste n'était qu'un simple malentendu, tout à l'heure... »
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