Saison 3 - Épisode 6 : Aïe, ça pique !

  — Bien le bonsoir, mes chères fées ! Bien le bonsoir ! Toute l'équipe de préparation et moi-même vous souhaitons la bienvenue au Square du Printemps. Que célébrons-nous aujourd'hui ? L'anniversaire de Rosélia, bien sûr !

  Ce sont sur ces mots du Ministre du Printemps qu'une centaine de fées entrèrent au Square du Printemps. Les musiciens occupaient le fond de la piste de danse, les sons qu'ils émanaient de leurs instruments occupaient tout l'espace.

  La musique avait à peine retenti que Harry s'en lassait déjà. Le garçon était mêlé à une véritable masse surexcitée. Il s'était retrouvé ici en voulant chercher Kyle.

  — Rooh, la vache ! J'y crois pas, se disait-il, Noa m'a lâché comme une vielle chaussette pour rejoindre ses copines...

  Il avait beau râler, les cris de la foule étouffait son mécontentement. Après avoir dû s'écraser contre une masse de corps sautillant, rivés vers le groupe de musiciens, Harry réussit tout de même à distinguer Kyle au loin. Il ne tarda pas pour rejoindre son frère situé à côté des tables.

  — Alors, Kyle, Une petite faim ?

  — Oui...

  — Tu as toujours faim, de toute façon.

  Alors que les deux frères discutaient, Gabble surgit dans le dos de Harry. Kyle l'observa étrangement en constatant qu'il avait le visage relâché.

  — Salut, les amis...

  — Bonsoir, Gabble ! Bah alors, tu fais quoi ?

  — Clark a foncé sur une autre table pour se goinfrer, je suppose qu'il a du flairer un gâteau à la vanille, il raffole de ça...

  — Fallait s'y attendre, souriait Kyle.

  — Et sinon, c'est quand que tu te décides à aller la voir ?! détonna Harry.

  Gabble fit volte-face avant de remarquer Rosélia dans cet espace bondé de fées. Cette dernière portait avec élégance une longue robe rose clair dénudant une seule épaule. Elle était absolument élégante. Le corps de Gabble ne resta pas figé bien longtemps, il se décida à secouer la tête afin de reprendre ses esprits.

  — J'ai préparé mon coup depuis ce matin... mais là... je bloque, les amis !

  Harry soupira profondément de lassitude en remarquant le comportement couard de Gabble. Pourtant, il connaissait parfaitement la sensation qui l'habitait. Cette sensation de peur lorsque l'on voit réellement la fille que l'on aime. Peu importe les films que Gabble se faisait dans sa tête, rien n'y changeait quoi que ce soit. Maintenant qu'il était là pour « draguer » Rosélia, seule la peur l'envahissait.

  — Gabble, ne pense à rien.

  — Quoi ?! paniquait celui-ci. Comment tu veux que je ne pense à rien ?! Elle est sublime, ce soir !!!

  — Si tu te mets trop la pression, tu ne vas même pas pouvoir lui adresser la parole, alors fais ce que je te dis ! Même si tu la vois, fait le vide dans ta tête et va lui parler !

  — Mais, Harry...

  — Fais-le ou tu regretteras toute ta vie. Ce soir, c'est TON soir, Gabble !

  — Mais si je me fais rejeter ?

  Là encore, Harry déglutit difficilement sa salive, étant autrefois confronté à ce genre de situation. Il ne vacilla pas pour autant et rétorqua par un sourire.

  — Un échec n'est pas là pour te dire que tu es nul ou quoi que ce soit d'autre, mais pour que tu ne refasses pas les mêmes erreurs et que tu puisses avancer !

  Gabble frissonnait en entendant les paroles pleines de sagesses que lui livrait Harry.

  — Euh, les gars, c'est pas pour casser l'ambiance mais Rosélia arrive droit vers nous, ricana Kyle.

  — Là, tu ne peux plus reculer, Gabble...

  — Q-Q-quoi ?!

  Gabble était en panique, des auréoles commençaient à se tracer sous ses aisselles. La chemise verte qu'il avait n'arrangeait pas la situation puisqu'elle dessinait avec parcimonie ces énormes cercles apparents.

  De sa robe pétillante par ses paillettes, Rosélia fit briller les yeux des trois garçons une fois arrivée face à eux. Elle désigna une coupe de jus de pomme posée sur la table derrière Kyle tout en envoyant, d'un balancement de tête rotatif, les quelques cheveux qui retombaient devant son visage. La voir fermer les yeux, en secouant la tête de droite à gauche, avait le don d'abrutir Gabble, presque bouche bée. Son rythme cardiaque s'emballa en respirant le parfum de fraise qui émanait fortement de Rosélia.

  — Wow, vous êtes élégants dans ces tenus, les garçons ! s'écria Rosélia.

  — Merci ! répondirent machinalement Harry et Kyle en s'infligeant de grands sourires niais.

  Constatant que Gabble n'avait émis aucune réponse, les deux frères se ruèrent brutalement vers lui en assénant des regards noirs.

  — Ah, euh... m-merci... à vous... gente demoiselle, gémit Gabble d'une voix tremblante.

  Rosélia le regarda en fronçant des sourcils puis se mit à rire.

  — Gabble, pourquoi tu me vouvoie ? Cela dit, c'est très gentil, mais on est amis, tu sais ? Les amis ne se vouvoient pas entre eux.

  Malgré la charge stressante qu'éprouvait Gabble, ce dernier fit preuve d'un calme olympien. Il se mit à trembler de l'œil et à ahaner en observant Rosélia, ses yeux dans les siens. Gabble avait l'impression que sa tête allait exploser tellement le stress qu'il éprouvait lui mangeait le crâne. Et pourtant, il tenait à rester dans son personnage qu'il jugeait de « gentleman » en s'inclinant face à Rosélia. Quelques heures auparavant, Clark lui avait affirmé que c'était une idée pertinente pour séduire la dulcinée de son cœur.

  Puis, il se souvint de la rose qui subsistait dans sa petite poche, sur le torse de sa chemise. Gabble commença alors à l'attraper de son poignet tremblotant. En revanche, il ne se rappela pas de la tige effroyablement épineuse avant qu'elle ne s'enfonce dans sa main.

  — Argh ! beuglait-il en fermant les yeux.

  — Gabble, tout va bien ?

  — Oui oui... ça va comme sur des roulettes, heh...

  Tout n'allait pas bien, un filet de sang longea le creux de sa main tout entier avant de tomber par petites gouttelettes sur le sol. En assistant à la scène, Harry et Kyle collèrent leurs mains contre leur front, un bruit de clappement retentit aussitôt.

  — Mais tu saignes ?

  Malgré la douleur atroce qu'il subissait, Gabble ne vacilla pas. Le garçon n'avait qu'une envie, celle de bondir partout en hurlant et pleurant à chaudes larmes. Mais face à Rosélia, il s'efforça de ne pas laisser paraitre ne serait-ce qu'une grimace à son désavantage.

  Gabble releva sa tête, imbibée de sueur, et tendit la rose à Rosélia. La rose était renfermée dans la main du garçon. Les pétales tachetés de sang sidéraient la belle rousse au plus haut point. Bouche bée, elle plaqua sa main contre la sienne avant de délicatement enlever la rose tranchante.

  — Je te remercie pour la rose, déclara-t-elle avant de la sentir, mais fais attention à la façon dont tu les tiens, la prochaine fois !

  Gabble se retourna sans prononcer un mot et mouilla sa plaie tailladée avec du jus de citron, posté sur la table devant son nez. Il jeta un coup d'œil vers le Ministre du Printemps avant d'arracher discrètement un morceau de nappe blanche et bander sa main avec. Le bandage était impeccable, il n'avait pas volé son titre de Fée Bricoleuse.

  Toujours en maintenant ce stress chronique, Gabble jeta un œil à la piste de danse. La musique avait changé. Les cornemuses, les hauts-bois, les violons et les pianos sonorisaient le Square du Printemps et des couples de fées se formèrent à l'intérieur de la plateforme. Ils dansaient, mains sur la hanche et l'autre enlacé contre celle du partenaire. Quand l'un faisait des pas légers, l'autre suivait par la suite, tout ça en se fixant droit dans les yeux.

  — Euh... m'accorderiez-vous cette danse ? émit Gabble en se courbant vers les chaussures de Rosélia.

  Un silence pesant régnait, le garçon reformula sa demande en se raclant la gorge, pris par la honte.

  — J'ai dit... M'ACCORDERIEZ-VOUS CETTE DANSE ?

  — Oh, s'exclama Rosélia, désolée ! Je n'avais rien entendu.

  Toujours courbé, la tête plongée vers le sol, l'attente d'une réponse devenait effroyable pour le garçon.

  — Mais, Gabble, tu es blessé. Comment vas-tu faire pour danser avec moi ? ronronna-t-elle d'un timbre de voix affligé.

  Elle caressa le dos de Gabble avant de lui plaquer un bisou sur la joue. Son grand sourire, que Gabble trouvait tellement sexy, lui redonna des papillons au ventre.

  — Une autre fois, peut-être. Dommage, j'aurais bien aimée voir comment tu danses.

  Même si Rosélia l'avait embrassé et adressé ce sourire divin, Gabble restait tout de même déçu. Mais, d'un hochement de tête suivi d'un sourire légèrement trop forcé, il approuva les remarques de Rosélia. Sa rage intérieure était si grande qu'il scrutait son poignet bandé en resserrant le poing de celui-ci. La tache rouge de sang s'étendit davantage sur le morceau de nappe blanc qui lui servait de bandage. Gabble souffrait, mais selon-lui, il faisait subir à son corps ce qu'il méritait, complètement frustré. Son poignet lui provoqua de fort picotement jusqu'à en trembler.

  En remarquant cela, Harry et Kyle attrapèrent le poignet du garçon. Kyle s'adressait à Rosélia pendant que Harry chuchota quelques mots à l'oreille de Gabble.

  — Ça suffit ! soufflait-il, ce n'est pas la peine d'en vouloir à toi-même, tu as bien parlé, ce soir. Regarde, Rosélia t'as embrassé, c'est déjà pas mal...

  — Certes, mais je... je voulais vraiment danser avec elle, ce bal c'était la chance de ma vie, j'avais mis ma tenue spécialement pour ça... disait Gabble d'une voix tremblante. J'ai comme un goût d'inachevé...

  Alors que les larmes commençaient à lui monter jusqu'aux yeux et que sa gorge se nouait, Gabble entendit une voix grave lui chatouiller les tympans. Harry, Kyle, Gabble et Rosélia firent volte-face avant de tomber nez-à-nez face à l'homme des neiges.

  Le visage souriant de Rosélia passa au rouge en quelques secondes. Remarquant l'attitude euphorique de celle-ci, Gabble commença à trembler, la sueur coula jusqu'à ses yeux. En prenant une grande inspiration le garçon s'avança face à lui. Le contraste entre son corps maigrichon et le mastodonte musclé, que représentait cet inconnu, commençait à lui faire regretter son initiative. Mais Gabble ouvrit tout de même sa bouche tremblante.

  — Qui... qui es-tu ?

  En entendant Gabble larguer un tutoiement à ce jeune homme, Harry cligna deux fois des cils. Kyle plissait, quant à lui, des yeux.

  — Moi ? Hum hum, je m'appelle Sled... répliqua-t-il.

  Sled lança un regard oblique à Gabble, attendant visiblement une réponse de sa part.

  — Gabble... j-je m'appelle Gabble !

  Les regards noirs que les deux garçons se tiraient n'annonçaient rien de bon, et ça, Harry et Kyle debout derrière eux l'avaient bien compris. Sled, alors c'était lui, le « goût d'inachevé » que ressentait si bien Gabble.

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