Saison 3 - Épisode 15 : Courage, Gabble !

  Le froid de la nuit gagnait à nouveau la Vallée des Fées. Gabble ne vit même pas le temps passer. Pourtant, toute cette pression morale à laquelle il du faire face l'avait incroyablement épuisé.

  Arrivé chez lui, le garçon s'était écroulé sur le sol. Gabble respira profondément à plusieurs reprises pour s'empêcher de vomir sur Clark.

  — La Reine Clarion m'a dit de venir voir comment tu allais, murmura Clark en l'aidant à se relever. Elle dit que tu es instable émotionnellement et que tu as surtout besoin de te reposer.

  — Qu'est-ce qu'elle t'as dit d'autre ? haletait Gabble en balançant sa tête contre le mur auquel il s'était adossé.

  Gabble croisait des doigts, espérant que la Reine n'ait jamais évoqué son vœu de suicide à l'oreille de son ami.

  — Rien de spécial. En plus elle est apparue pendant que les autres Fées Bricoleuses et moi on travaillait. Elle m'a dit de prendre soin de toi et de surveiller ce que tu fais.

  Gabble souffla deux minutes, définitivement soulagé. Mais il n'en restait pas moins très embarrassé. Avoir Clark dans les pattes l'irritait plus que tout.

  Clark regarda Gabble d'un air sceptique tandis qu'il l'aidait à regagner son lit. Gabble hocha la tête sans conviction et s'effondra sur ses oreillers. Il était tombé si souvent par terre en pleurs, ces dernières heures, qu'il avait mal partout et ses nombreuses taillades inscrites sur son corps restaient douloureuses.

***

  Pendant ce temps, au Grand Arbre à Poussière de Fées, la Reine Clarion était en panique. Elle ne cessait de songer à Gabble. Son côté franc et glacial l'avait fait réfléchir de nombreuses heures à ce sujet.

  La Reine Clarion se sentait tellement impliquée dans cette affaire qu'elle appela même d'autres fées en renforts. En longeant la totalité de la Vallée, elle ne trouva qu'une légère poignée de fées disponible. Mais, la reine ne leur avait pas encore parlé de ce qu'elles allaient devoir faire.

  Dressée et bras croisés devant le Grand Arbres à Poussière de Fée, la Reine Clarion observa deux fées voler dans le ciel avant d'atterrir juste devant son nez.

  — Bonsoir, mes petites fées. Ce soir, j'ai besoin de vous pour une mission de la plus haute importance. Vous étiez les seules disponibles pour cela, en même temps, vu vos situations, ceci me semble évident, souriait-elle nerveusement.

  Les deux fées postées devant elles n'exprimaient aucune émotion.

  — Vous ne voulez pas parler ? Tant mieux ! Je m'en fiche de ce que vous pensez de cela. N'empêche que cette fois-ci, l'une des fées de la vallée risque de perdre la vie... vous êtes dans l'obligation de la sauver au cas où elle serait en danger... Ça serait une excellente façon de vous racheter de vos petites « infractions » passées.

  Les deux fées émirent un sourire.

  — C'est quoi ces sourires moqueurs ?! Enlevez-moi ça de vos stupides visages ! Pardon, quoi ? Qu'est-ce que vous faites encore là, toutes les deux ? Dépêchez-vous d'aller espionner Gabble !

  Les fées répondirent d'un simple hochement de tête avant de prendre les airs vers l'horizon.

***

  Le lendemain, après avoir dormi étrangement sans faire le moindre cauchemar, une violente palpitation emballa le cœur de Gabble et le réveilla aussitôt. Aujourd'hui était un jour important pour lui. Mais avant ça, il devait regarder quelque chose. Le garçon fit une rotation de la tête en inspectant chaque côté de la maison. Gabble poussa une expiration de joie lorsqu'il constata que Clark n'était pas là pour le surveiller.

  Il s'était réveillé avec cette violente palpitation en pensant à ce qu'il avait planifié de faire aujourd'hui. Ce fut la première chose à laquelle il pensait une fois après avoir ouvert les yeux.

  Le garçon se laissa tomber sur une chaise avant de la traîner à l'aide de ses pieds jusqu'à la table qui fourmillait tout un tas de rayons de miel absolument délicieux. Il saisit l'un d'entre eux et le croqua machinalement.

  « Profite bien de ce savoureux rayon de miel, Gabble. Celui-ci sera le dernier ». Cette étrange voix lui parlait à l'intérieur de sa tête. C'était avec la conscience agitée qu'il dégusta lentement ce petit déjeuner.

  Qu'est-ce qu'il y a de mieux que de se suicider rapidement, de façon amusante et surtout sans pouvoir faire marche arrière ? Gabble avait passé toute la journée à virevolter un peu partout dans les airs. Lorsque les fées de la vallée lui demandaient pourquoi il volait autant, le garçon se contentait de dire qu'il cherchait un objet. Tout cela était faux, Gabble ne cherchait absolument rien. La seule chose qu'il voulait, c'était d'user toute la poussière de fée qui résidait encore dans ses ailes et qui lui permettait de voler. L'idée était ingénieuse, venant de la part de Gabble c'était plutôt normal.

  À minuit tapante, Gabble sortit de chez lui dans la plus grande des discrétions. Clark dormait profondément à côté – si le gros nounours venait à se réveiller son plan tomberait systématiquement à l'eau. D'ailleurs, Gabble du essuyer quelques kilomètres avant d'arriver à la Clairière d'Été. Sur le chemin, il plaignait sans cesse les humains de ne pas disposer d'ailes et compatissait à leur souffrance pour ceux qui devaient marcher autant qu'il le fit à l'instant.

  La zone d'eau semblait être ce qui intéressait le plus Gabble dans cette clairière. Le garçon escalada de très grands rochers. En arrivant au-dessus de ces derniers, ses mains étaient rouges et ensanglantées, il avait souffert en serrant le plus possibles ces rochers. Le voilà désormais au-dessus d'une grande chute d'eau.

  Gabble inspira profondément l'air ambiant qui circulait autour de lui et ferma les yeux. Il tendit ses bras de part et d'autre avant de pencher la tête vers le ciel. Le bruit de l'eau s'écrasant contre les multitudes de pierres à plus de quinze mètres de profondeur avait le don de l'apaiser.

  « C'est le moment idéal pour en finir, non ? Je n'aurais pas pu espérer mieux. La vue est magnifique et le reflet de la lune sur l'eau tout en bas est tellement splendide... devrais-je sauter ? Oui, ça serai merveilleux... »

  Le reflet de la lune blanche qui se dessinait tout en bas, dans la rivière et les roches profondes, donnaient encore plus confiance à Gabble. Rien ne le retenait. Avant d'arriver ici, il pensait qu'il fermerait les yeux lorsqu'il sauterait, mais l'environnement autour de lui était tellement beau qu'il changea d'avis et préféra se préparer à sauter en regardant ce magnifique spectacle.

  Gabble avait tout préparé, il ne pouvait plus voler, donc, il n'y aurait aucun risque de s'en sortir à la dernière minute. Il prit un grand souffle et l'expira. Le garçon balança la tête la première face à la profondeur, longeant la cascade, puis en rejoignant petit à petit le reflet de la lune, et par conséquent, la mort.

  « Harry... même si j'ai échoué, je te remercie pour tout... adieu, la Vallée des Fées ».

  Le temps semblait s'être arrêté pour Gabble. Il n'y comprenait absolument rien sur le coup. La mort semblait moins douloureuse que prévu. Il ne sentit pas son corps s'écraser au contact de l'eau et sa peau s'arracher en dix-mille morceau contre les rochers qui l'attendait. Mais il sentit plutôt un puissant courant d'air, oui, un grand festival d'air ambiant autour de lui. Gabble cligna deux fois des yeux, il voyait bien le reflet de la lune mais il ne plongeait pas ! Le temps s'était-il vraiment arrêté, à moins qu'il n'y ait autre chose.

  Le garçon réalisa brusquement quelque chose : il était emporté dans une violente tornade. Mais qu'est-ce qu'une tornade ferait au beau milieu de la rivière ?

  — C'est bon, je l'ai attrapé !!! Occupe-toi du reste !

  — Ça marche comme sur des roulettes !

  Soudainement, Gabble sentit son rayon de miel de ce matin remonter dans sa gorge, il allait vomir. Le pauvre garçon se faisait tournoyer par cette tornade infernale. Malgré les mouvements brusques et sa vision complètement perturbée par cette vitesse effrénée, Gabble remarqua que la tornade venait de prendre contact à l'intérieur d'un trou assez grand pour l'engouffrer.

  Après avoir été aspiré par ce grand trou sombre, Gabble retomba dans une sorte de sac géant.

  — Décidément, il est vraiment fabuleux, Gabble ! ricanait la première fée

  — Tu as eu raison de le surveiller, cette nuit. Si on m'avait écouté, il serait mort à l'heure qu'il est, cet imbécile.

  — Qu'est-ce que tu crois, Vidia ? Je connais mes amis, et en particulier celui-là.

  — Quand on dira ça à la Reine, elle va nous donner une médaille, c'est pas possible !

  Clochette et Vidia se lancèrent un regard complice avant de saisir le sac dans lequel Gabble était enfermé.

  — C'était quoi notre technique, là ?

  — L'aspirateur-tornade !

  — On forme vraiment une équipe de choc, Clochette !

  — Je suis d'accord !

  La belle blonde balança le sachet derrière son dos tout en le transportant, comme s'il s'agissait d'un sac poubelle.

  — Wow, tu arrives à porter Gabble sans problème ?

  — Il est tout maigre. Là, Vidia, il n'y a rien à porter, je trouve.

  Les deux filles explosèrent de rire.

***

  Un peu plus tard, Gabble se réveilla au Refuge des Bricoleurs, dans l'atelier. Le garçon racla sa gorge et se mit à transpirer en constatant avec effroi la femme qui se trouvait devant lui.

  Sa forte corpulence et son visage mûre lui donnaient facilement une quarantaine d'années. Elle regardait fixement Gabble de ses grands yeux ambrés, en jouant dans ses cheveux châtains.

  — Fée Marie... comment allez-vous ?

  — Franchement, Gabble, qu'est-ce qui t'es passé par la tête !

  — Je peux tout vous expliquer...

  — Oh, ne te donne pas cette peine ! La Reine Clarion, Clochette et Vidia m'ont tout expliqué ! Tu es un parfait imbécile !

  — M-mais... j'ai souffert...

  — Tu as souffert pourquoi ? Allons, mon garçon. Il y a pire que des peines de cœurs, dans la vie. Tu es bourré de qualité et je suis sûr et certain qu'un jour, une fée s'en rendra compte.

  Gabble ne put que hocher de la tête face à cette femme. La Fée Marie n'était pas n'importe qui, elle dirigeait depuis longtemps les Fées Bricoleuses mais pouvait aussi se montrer très maternelle sous ses airs de femme ordonné et autoritaire.

  — Oh, dernière chose, mon petit Gabble...

  — Hum ? gémissait-il, le corps tremblant.

  — Tu veux à tout prix avoir une petite amie ? Fais du sport, développe ton physique et prend confiance en toi... mais surtout, ne change pas qui tu es vraiment au fond de toi !

  Sur ces paroles qui resteraient gravées à jamais dans sa mémoire, Gabble releva son corps svelte de sa chaise et regarda fixement la fée Marie.

  — Allez, retourne te coucher, idiot ! Et quand tu te réveilleras, je veux que tu oublies cette histoire avec Rosélia ! Tu en ressortiras grandi !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top