Saison 3 - Épisode 14 : Une simple requête

  Une semaine avait filé au Pays Imaginaire. Au Refuge des Bricoleurs, tout n'était pas aussi joyeux que dans la Forêt de l'Hiver. Cela faisait exactement une semaine que les Fées Bricoleuses n'avaient aucune nouvelle de Gabble, lui qui aimait tant travailler. Clark faisait ses journées de travail en compagnie de Kyle.

  En vérité, Gabble était là, pas très loin de la Vallée des Fées, sur un grand tronc d'arbre bancal qu'il avait trouvé au Sud du Pays Imaginaire, aussi appelé l'Arbre du Pendu.

  Le garçon subissait une véritable torture morale. Il était tellement attristé et épuisé qu'il n'avait pas mangé ni bu pendant sept jours, et pourtant, il n'avait pas faim et ne se sentait en aucun cas déshydraté. À chaque fois qu'il visionnait le baiser entre Rosélia et Sled dans son esprit, les larmes lui montaient aux joues et il sentait ses oreilles s'enflammer. Cela lui arrivait de passer d'un état étrangement tempéré à une explosion de sanglots en l'espace d'un instant.

  Alors, lorsque Gabble décida de revenir dans la Vallée des Fées, un calme ardent commençait à peser au Refuge des Bricoleurs.

  Finalement, il arriva au pied de sa propre porte et frappa lentement contre celle-ci.

  — Gabble, tu étais passé où comme ça ?!

  Le garçon ne prit même pas la peine de répondre. Clark était très inquiet, le regard de son ami pesait vide, comme s'il était mort de l'intérieur.

  Gabble se dirigea vers la douche et commença à se déshabiller. Il se mit face au miroir et regarda son corps maigrichon criblé de taillades aux niveaux des pouls, de la gorge et même du ventre. L'odeur nauséabonde du sang se propageait dans la salle de bain.

  Pendant son exil, le garçon avait tenté mainte et mainte fois de se suicider à chaque fois que ses souvenirs revenaient le torturer. Il avait même tenté de se noyer dans l'eau qui protégeait l'île du Pays Imaginaire, mais il n'y parvenait pas, il sortait à chaque fois de l'eau en trouvant qu'elle était trop froide. Puis il repensa à cette phrase de Sled : « Est-ce que, toi-même, tu te trouves attirant ? »

  Tout était assimilé à la douleur chez Gabble. Lorsqu'il dormait, il en faisait des cauchemars. Lorsqu'il se douchait, ses plaies hurlaient des douleurs. Lorsqu'il tentait en vain de manger, le sang remontait jusqu'à ses narines.

  L'odeur du sang régnait chez Gabble, ce n'était aucunement le cas chez Sled, son igloo était parfumé de bonnes fleurs grâce au cadeau que Gabble avait lui-même offert à la jeune fille. Rosélia avait décidé d'emménager directement chez lui afin de vivre comme un parfait petit couple. Ondine et Iridessa étaient extrêmement heureuse pour elle alors que Noa restait très dubitative suite à sa décision. Surtout que le jour où Sled était venu aider Rosélia à transporter ses affaires dans la Forêt Blanche, il avait lancé un regard de pitié à Noa, lui gratifiant de ne pas avoir dit ce qu'il s'était passé avec elle l'autre fois.

  C'est là que Noa comprit réellement que Sled avait agi sur le coup de la pulsion sexuelle et qu'il était un véritable obsédé. Mais le mal était déjà fait, elle ne pouvait faire marche arrière et sauver Rosélia, c'était trop tard.

  Noa, qui avait elle aussi participé au déménagement de Rosélia, trouvait les deux amies de Sled extrêmement louche. À chaque fois que Noa avait le dos tourné, elles marmonnaient des choses à leurs oreilles, comme des vieilles commères. Et ça, Noa en avait horreur.

  Un peu plus tard, lorsque la nuit froide tomba dans la Vallée, Clark revint à la maison. Une montagne de rayon se formait dans ses mains. Il balança tout sur la table avant de jeter un œil vers Gabble. Son ami était allongé sur le lit, dos tourné face à Clark, il dormait sur les côtés et profondément.

  « J'espère que les bons petits rayons de miel que j'ai emmené vont lui remonter le moral... » pensait-il en baissant sa tête vers le sol.

  Le lendemain, Gabble se leva d'un coup en penchant inclinant son corps vers le haut. Il ne prit même pas la peine de bailler. Gabble jeta un œil à Clark qui ronflait toujours comme un moteur. Le garçon se leva passa à la douche en subissant toujours la même torture. Après ça, il quitta la maison sans même prendre la peine de ne manger ne serait-ce qu'un petit rayon de miel dans toute cette montagne que Clark lui avait laissé, en les dévisageant d'un air rebuté.

  Gabble pouvait partir comme bon lui semblait, aucune Fée Bricoleuse ne venait lui dire de travailler. Grâce à Kyle, elles étaient toutes au courant de ce qui s'était passé et ne tenaient pas à froisser davantage le garçon.

  Quelques heures plus tard, Gabble se retrouva seul, agenouillé face au Grand Arbre et regardait la poussière de fée en lâchant quelques larmes.

  — Pourquoi ? Mais pourquoi ? pleurait-il. Pourquoi pas moi ? Je l'aime vraiment... Je...

  Il n'arriva pas à terminer sa phrase et éclata en sanglot. Heureusement pour lui, personne ne voyait cela, il était tout seul, mais plus pour très longtemps.

  — Que t'arrive-t-il, mon enfant ?

  La Reine Clarion était apparue dans son dos avec son habituel faisceaux lumineux de poussière de fée. Constatant que la reine se trouva derrière lui, Gabble ravala sa morve et sécha rapidement ses yeux à l'aide de ses mains.

  — Oh, non ce n'est rien... rien du tout...

  — Je vois très bien que tu souffres, Gabble. Qu'est-ce que qui se passe ?

  En passant devant lui, la Reine Clarion poussa une exclamation, voyant le visage rouge de Gabble, complètement meurtri de larmes. Ses yeux brillaient tellement les larmes y étaient apparentes.

  — Reine Clarion...

  — Oui ?

  — J'aurai une petite requête à vous demander...

  — De quoi s'agit-il ?

  — Est-ce que ça fait mal de mourir ?

  — Pourquoi poses-tu cette question ?

  — Tsss... j'aurais du mourir avec les fées qui étaient victimes du massacre de l'Autre Monde, râlait Gabble en esquivant la question de la Reine Clarion.

  — Les fées qui sont mortes par rapport à l'entourage de Harry sont revenues à la vie après qu'il ait embrassé Noa. Donc ton hypothèse est inutile.

  — Tss...

  — Comme quoi, l'amour est plus fort que tout, souriait la Reine Clarion.

  Brusquement, Gabble écarquilla les yeux et bondit violemment face la Reine Clarion. C'était bel et bien la première fois qu'une fée de sa propre Vallée lui faisait une telle peur. Les poings resserrés de Gabble, ses dents ressorties et son regard noir laissaient présumer sans aucun doute qu'il était prêt à frapper la reine.

  — « L'amour est plus fort que tout » ?! Où avez-vous été dégoter ça, Reine Clarion ?L'amour est la chose la plus hypocrite qui soit ! Seuls les privilégiés y ont droit ! Les plus faibles, ceux qui restent gentils et moches sont mis à l'écart, nous sommes en dessous de la chaîne alimentaire ! Ce sont ceux qui le méritent le moins qui bénéficie de l'amour !!! hurla Gabble en pleurs.

  — Gabble, mon enfant, pourquoi as-tu ce genre de pensée ? Non, tu as totalement faux...

  — Fermez-là ! Je sais ce que je dis, bon sang ! Vous, là ! Vous ne me comprenez pas et vous ne me comprendrez jamais. Vous êtes belle et en plus vous sortez avec le grand et beau Lord Milori, hein !!! Vous ne pouvez pas comprendre ma souffrance, ce que ça fait d'être repoussant pour toutes les fées de la Vallées et de ne pas être aimé, ne même pas être désiré !!!

  À ça, la Reine ne trouva aucune réponse et se contenta de froncer les sourcils en baissant le visage.

  — Bref, je ne veux pas qu'on parle de ça !

  — Mon enfant...

  — J'aimerais que vous fassiez quelque chose pour moi si vous tenez tant que ça à « l'amour » de votre prochain.

  — Je t'écoute, lâcha-t-elle d'une voix peu assurée.

  Gabble ferma les yeux avant de prendre une grande inspiration.

  — Je souhaite mourir...

  La Reine Clarion n'en croyait pas ses oreilles. Bouché bée, elle se mit à regarder fixement Gabble, comme si on venait de lui fracasser une table contre la tête.

  — Mon garçon, pourquoi veux-tu mourir ?

  — Je veux une mort rapide et qui ne me fera pas souffrir, de préférence...

  — Mais pourquoi ?

  — Au début, j'ai cru que je réussirai à oublier Rosélia facilement, comme l'avait dit Harry. Mais je me rends compte que c'est impossible, elle hante mes pensées. Je n'arrive plus à sourire et vivre. S'il vous plaît, Reine Clarion, tuez-moi...

  Gabble était de nature trouillarde, mais cette fois-ci, il faisait preuve d'un calme monstrueux. Son visage était neutre et son regard vide. C'était ce qui alarmait le plus la Reine Clarion.

  — Non, Gabble. Je refuse de te tuer et je t'interdis de parler comme ça. Tu n'as que quinze ans, si mes souvenirs sont bons. Tu as toute la vie devant toi, ne la gâche pas uniquement parce qu'une fée n'a pas voulu partager cet amour que tu avais à lui donner !

  Son visage resta neutre mais cette fois-ci des larmes se mirent à couler sur les joues du garçon.

  — Très bien. Ce n'est pas grave... je m'en chargerai moi-même !

  Gabble donna son dos à la Reine Clarion avant de virevolter dans les airs.

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