Après avoir enfilé un pull rouge à manche longue pour se protéger du froid ainsi qu'un pantalon serré de même couleur, faisant paraître ses belles jambes, Rosélia se regarda une énième fois dans son miroir.

  — Il manque quelque chose, hmmm...

  Après une légère exclamation, la jolie fée souligna ses lèvres d'un rouge à lèvre avant de les pincer afin de bien les dessiner.

  — Nous y voilà... je suis prête ! gloussait-elle.

  Rosélia ferma discrètement la porte de sa maison, balayant l'horizon de droite à gauche. Aujourd'hui, elle était censée travailler, mais une invitation de Sled directement dans sa maison ne pouvait pas se refuser ni se repousser.

  Après avoir traversé le Square du Printemps, elle posa les pieds sur le tronc qui séparait la Forêt Blanche et la zone des saisons chaudes. Rosélia remarqua une Fée du Givre qui la scrutait à l'entrée de la zone froide.

  — Vous êtes ?

  — Rosélia, Fée des Jardins.

  — Et pourquoi êtes-vous ici ?

  — Je dois passer voir un mon... ami.

  — Qui donc ?

  Rosélia se mit à râler, les Fées du Givres qui surveillaient la frontière avaient la fâcheuse manie de se prendre pour des véritables policiers.

  — Sled...

  La Fée du Givre laissa paraître un petit sourire avant de geler les ailes de Rosélia afin qu'elles ne se brisent pas une fois la frontière franchi.

  Rosélia sortit un plan de sa poche, il lui permettait de savoir où habitait Sled.

  En longeant une forêt de neige interminable, elle aperçut une silhouette se dessiner au loin, devant une piste de glace.

  — Noa ?! s'exclama-t-elle.

  Noa était toujours vêtu de son long débardeur tachetés de points noirs et de son court pantalon. Son bracelet de cheville, habillant parfaitement son pied, montrait l'audace qu'elle avait eu en arrivant avec cet accoutrement si léger.

  — Rosélia, il faut que je te parle avant que tu ne vois Sled !

  — Noa, tu risques t'attraper froid !

  — Ce n'est pas grave, je n'avais pas le temps d'enfiler des vêtements chauds, il fallait que l'on parle.

  Rosélia fronça des sourcils avant de croiser des bras. Noa s'approchait de plus en plus d'elle.

  — Qu'est-ce que tu comptes faire avec Sled ?

  — Je ne sais pas... rougissait-elle. Mais il est tellement romantique, ça ne m'étonnerait pas qu'il se mettent sur son trente-et-un, quoi que, il est toujours magnifique...

  Alors qu'elle nageait dans ses pensées, une bonne claque bien piquante de la part de Noa sur la joue gauche la réexpédia dans la réalité.

  — Rosélia, réveille-toi !

  — Mais de quoi tu parles ?

  — Ça fait combien de temps que tu connais ce type ?

  — Un an que je l'observe et deux semaines qu'on se parle, maintenant ! WAWW !!! souriait Rosélia.

  — Justement, c'est bien ça, le souci. Comment tu peux être raide dingue d'un homme que tu connais à peine ?

  La jeune fille vacilla par l'arrière en se resserrant la poitrine, les mots de Noa l'avaient visiblement touché.

  — Rosélia, tu as toujours été là pour nous donner des bons conseils. Laisse-moi t'aider, cette fois-ci, ajouta son amie en plaçant sa main sur son épaule.

  Rosélia respira deux minutes et songea. C'était vrai, elle avait toujours été la plus âgée de ses amies et donc celle qui aspirait à le plus de sagesse, que ce soit en amour ou dans divers problèmes qu'elles pouvaient rencontrer. La voilà désormais là, à écouter des conseils auxquels elle aurait pu réfléchir si elle avait eu une once de rationalité.

  — Prends soin de toi, je ne sais pas si ses intentions sont pures ou quoi que ce soit, mais avant de t'engager avec lui, assure-toi qu'il est sincère jusqu'au bout. Selon-moi, ce type est assez louche, il cache bien son jeu !

  — Ne t'en fais pas pour moi, je suis persuadée qu'il m'aime vraiment. Tu l'as vu à la soirée, il était tellement attentionné. On a si bien dansé, ensuite il est venu réparer ma salle de bain. Quel homme ferait ça si ce n'est pas de l'amour ?

  Ce que Rosélia ignorait était sans doute que Sled admirait Noa se déhancher durant la soirée et qu'il était même venu l'accoster. Mais Noa ne voulut pas remuer le couteau de la plaie, elle préférera taire cette pensée.

  — Je dois te laisser, Noa. Et merci beaucoup de te soucier de moi, mais tout va bien.

  En s'éloignant de plus en plus de son amie, Rosélia secouait lentement sa tête. Pour elle, Noa s'inquiétait pour rien.

***

  Après quelques minutes de marches, elle s'arrêta devant un incroyable bloc de glace. Le mur devait faire plus de mille mètres. Rosélia y remarqua son reflet à travers celui-ci et commençait à se regarder une énième fois. Chaque détail comptait, en passant par son visage ou bien ses belles formes. Elle se mettait de dos tout en regardant si la tenue l'habillait parfaitement dans la glace.

  Son cœur se mit à pincer lorsqu'elle remarqua Sled positionné derrière elle, avec un sourire léger.

  — Tu es sublime, lâcha-t-il avant de lui prendre la main.

  Rosélia commençait à soupirer. Ses yeux plongeaient dans les siens, sa main s'était posée sur la sienne. Aucun doute, Sled l'aimait vraiment.

  — Merci beaucoup...

  — Alors, tu t'es perdue en chemin ?

  — Non, pourquoi ?

  — Je pensais te voir ici un peu plus tôt... 

  — Oh, c'est Noa qui m'avait retenue, j'espère que ça ne te dérange pas ?

  Sled écarquilla grand les yeux. Malgré la température qu'il faisait dans la zone d'hiver, la sueur était palpable sur son front.

  « Mince !!! Qu'est-ce que cette pimbêche est allée dire à Rosélia ? J'espère qu'elle ne sait pas pour l'autre jour ». Ce fameux jour où Sled regardait Noa avec insistance et l'avait complimenté sur son physique.

  — Euh, non, pas du tout, répondit-il d'une voix peu audible.

  — Sled, est-ce que tu vas bien ? Tu as l'air...timide.

  — Ah oui ? Bon à savoir, ricane le jeune homme avec nervosité. Je te trouve tellement jolie que j'en perd ma langue.

  — Oh, arrête, ricanait-elle, un peu plus et tu me fais penser à Gabble en disant ça.

  — Il t'aime beaucoup trop, ce gamin ! brailla Sled en voulant changer de sujet. Tu ne trouves pas ?

  Rosélia lança un doux regard à Sled avant de se coller contre son torse.

  — Tu me prends pour une idiote, ou quoi ? Bien sûr que je l'avais remarqué.

  — Et alors...

  — Et alors quoi ? C'est toi que j'aime, pas lui.

  — Gabble c'est quoi pour toi ?

  — Juste un ami, répondit-elle sèchement, rien d'autre. Je sais qu'il a cinq ans de moins que moi, mais il devrait être assez mature pour le comprendre.

  — Sans doute, dit Sled en laissant échapper un sourire.

  — Arrête de me parler de Gabble et embrasse-moi, beau brun ténébreux.

  Sled et Rosélia étaient en parfaite alchimie. Le goût de framboise et de fraise que Sled savourait au contact des lèvres de Rosélia avec les siennes lui insufflait de petits baumes au cœur. Son visage pâle vira au rouge écarlate en un instant. Les yeux fermés, il commençait à envelopper celle-ci dans ses bras. Sled colla sa main contre celle de Rosélia et la caressait délicatement. Aucun des deux ne voulait que cela s'arrête. Pour Rosélia, c'était tout simplement un rêve, une utopie qui venait de se réaliser, cette sensation glacée sur ses lèvres qui la rendait tellement heureuse.

  Après ce long baiser interminable, Rosélia décolla ses lèvres de celle de Sled avant de laisser sa tête retomber sur son torse en formant un sourire discret. Le jeune homme tenait désormais la jeune fille par les hanches, le nez collé à ses cheveux roux-bruns.

  — Wow ! Ce n'est pas la première fois que tu embrasses, toi ! s'extasia Rosélia

  — Tu as raison mais je n'en suis pas fière... frémit Sled en se grattant la nuque. Le passé est le passé, maintenant c'est toi qui comptes pour moi.

  — Exactement, Sled.

  Malgré les propres mots que tentait de lui faire avaler Sled, Rosélia n'était pas si confiante qu'elle ne pouvait le laisser paraître. Elle prit une grande inspiration qui surprit le brun ténébreux.

  Elle avait envie que leur couple soit aussi magique que leurs baisers, mais les paroles de Noa refaisaient surface dans sa tête et se mettaient à résonner sans fin.

  — Sled, j'aurai une question à te poser, et répond-moi sincèrement...

  — Je t'écoute, ma belle.

  — Est-ce que tu as vraiment envie d'être avec moi ou tu veux juste qu'on soit ensemble pour rajouter une énième cible à ton tableau de chasse ? Je t'aime beaucoup, Sled, et c'est pour ça que je préfère souffrir maintenant en me disant la vérité plutôt que de construire quelque chose avec toi qui ne durera pas pour toujours. J'ai vingt ans, je n'ai pas de temps à perdre.

  Sled était tout simplement sidéré de voir le calme et la maturité dont faisait preuve Rosélia. Jusqu'à ce jour, les fées avec qui il avait eu des relations sans lendemain n'avaient jamais pensée à lui poser ce type de question, et pourtant, des fées longtemps plus âgées que Rosélia pour la plupart. Mentir ou assumer, qu'allait-il choisir ?

  — Rosélia, je suis réellement amoureux de toi. Si je ne suis plus en couple avec les filles précédentes, c'est tout simplement parce qu'on ne s'entendait pas et qu'elles ne voulaient rien de sérieux. Mais, ce n'est pas le cas avec toi ! Donc, oui, Rosélia ! Je veux vivre avec toi et je t'aimerai pour toujours, jusqu'à la fin de ma vie !

  Sur ces mots Sled attrapa Rosélia et l'embrassa une deuxième fois. Ainsi la rose et la glace venaient de s'unir dans un acte final.

***

  Non loin derrière des arbres nimbés de neiges, Gabble était collé à l'un des troncs. Avec son corps de gringalet, il arriva à se cacher parfaitement sans se faire repérer. Gabble avait mis Kyle à plat ventre, s'étant enseveli dans la neige, toujours évanoui.

  Gabble avait réussi à espionner Sled et Rosélia sans qu'ils ne s'en rendent compte. Et pour son plus grand malheur, la fille qu'il aimait venait d'embrasser le type qu'il détestait le plus.

  C'était sans doute en réalisant que jamais Rosélia ne l'aimerait et que jamais il ne pourrait lui donner son amour que son cœur s'arracha dans sa poitrine.