Pluie rouge

Cliché : Suicide sur le toit

Le regard perdu au loin parmi les nuages, la noirceur d'un orage approchait. Cette masse sombre et obscure s'apparentait avec l'être que Hoseok était devenu: l'ombre de lui-même. Néanmoins contrairement à lui, la tempête qui allait s'abattre sur la ville était menaçante. Tout le monde fuirait face à son existence dangereuse pour trouver refuge loin d'elle. On pouvait déjà l'entendre gronder ses cris de rage à des kilomètres. L'humain qui la fixait ne pouvait même plus chuchoter des appels à l'aide. Devenu une ombre silencieuse flottant sur le rebord du toit d'un immeuble, jouant entre le sol ferme et le vide de plusieurs mètres devant elle.

Les larmes coulèrent sur les joues de Hoseok, s'harmonisant avec la pluie qu'il voyait. Son visage fatigué par le stress et la souffrance perpétuelle qu'il subissait faisait face à ce magnifique paysage. Sa ville natale éclairait ses yeux de ses lumières alors que le soleil se couchait pour donner cette aura colorée et chaleureuse à ses rues. Pourtant lui ne voyait qu'une masse sombre fonçant droit vers cette paisible harmonie pour tout ravager sur son passage. Il pouvait déjà imaginer les personnes courir pour s'abriter, les avenues désertes et noyées et son corps allongé au pied du bâtiment, son sang devenant la seule couleur peignant les environs. Ses pieds jouaient déjà avec la gravité, le faisant se balancer d'avant en arrière. La peur l'envahissait alors l'espace d'un instant, au moment où son corps se faisait tirer vers la mort, pour finalement disparaître. Car au final c'était ce qu'il voulait: se laisser tomber. Le vide dans ses yeux était aussi profond que celui sous lui. Les torrents qu'il versait sur sa peau ne lui faisait même plus d'effets. Trop de larmes avaient été versé pour qu'elles aient maintenant le moindre sens. Pleurer, encore et toujours. A quoi bon exprimer sa tristesse si elle ne fait pas changer les choses ? Une chose pouvait changer sa vie. Sa mort.

-Attends !

Une voix venait de résonner dans son dos. Sa tête se retourna, curieuse de voir qui avait bien pu arriver jusqu'ici. Qui avait bien pu faire attention à son absence alors que lui-même ne se sentait plus présent en ce monde ? Un garçon aux cheveux décoiffés et sueur sur le front venait de faire son entrée. Le même uniforme scolaire. Un autre élève de son école avait dû le voir d'une des fenêtres des bâtiments qui constituait le lycée. Leurs regards se croisèrent, l'un inquiet, l'autre apathique.

-Tu vas quand même pas sauter... ? Demanda le garçon d'une voix incertaine.

-Qu'est-ce que ça peut te faire ? On ne se connait pas.

-Je sais qui tu es, Jung Hoseok...

Les yeux de suicidaire s'ouvrirent difficilement d'étonnement. Son nom était sorti de la bouche de quelqu'un dont il ne connaissait pas ni de nom ni d'apparence. Il n'était alors pas entièrement inconnu de tous. Quelqu'un savait qu'il existait. Mais cela ne changeait rien à sa décision. Une personne disant son nom ne pouvait pas transformer tout son monde. Ce monde si cruel, si injuste dans lequel respirer devenait un effort surhumain.

Un sourire triste étira ses lèvres. Il sourit à l'élève sans nom, le remerciant silencieusement, avant de reposer son attention sur le tonnerre arrivant.

-Non ne fais pas ça !

-En quoi ça te concerne ?

-Comment ça en quoi ça me concerne !? Je vais pas laisser un de mes camarades se tuer !

"Camarade." Ce mot fit rire amèrement Hoseok dont les yeux s'inondèrent de plus belle.

-Un camarade ? J'en suis pas un. Maintenant va t'en. Tu n'auras qu'à dire que tu n'as rien vu, comme tout le monde.

-Non ! Je ne peux pas !

De la passion, de la peur, de l'animosité. Sa voix retentissait de toutes ses émotions dont Hoseok avait perdu le goût de les exprimer. Elles sonnaient tellement fort chez le garçon alors que ses propres sentiments peinaient à faire surface dans la conscience. Penchant son corps vers l'avant, il ne pouvait cependant pas aller jusqu'à se faire basculer vers la fin de sa vie. A cause de lui, de cet inconnu à l'esprit sauveur. Etait-ce juste de lui donner un tel spectacle, de lui montrer toute la détresse d'une personne alors que lui regorgeait encore de tant de foi envers le monde ? La plupart des gens n'auraient pas pris la peine de monter jusqu'ici pour parler à un élève regardé de haut par tous. Ils auraient peut-être sorti leurs portables pour filmer la scène s'ils avaient eu du temps à perdre. La vidéo d'un jeune élève se suicidant sur le toit de son école. Hoseok se rassurait qu'au moins les gens le connaîtraient après sa mort. Il deviendrait un garçon mort trop tôt sur internet. Au lieu d'une simple victime n'ayant pas eu assez de force et de courage pour survivre dans sa réalité.

-Pourquoi !?

Hoseok ignora sa question. Ca ne servait plus à rien de parler, mieux valait agir. Faire son ultime agissement. Sauter était bien la seule action qu'il avait la force de faire. Et encore "sauter" était un bien grand mot. "Se laisser lâchement tomber" serait plus approprié dans son cas.

Des mots n'ont jamais réussi à les arrêter, alors pourquoi lui s'arrêterait-il pour cela ? Les supplier à genoux ne les avaient que fait rire, frappant toujours plus fort malgré toutes les paroles du garçon battu. Raconter son histoire pathétique alors qu'il est à deux centimètres d'une mort certaine ne lui donnerait que plus envie de franchir le pas.

-Pourquoi tu fais ça !? Ne fais pas n'importe quoi, si tu sautes tu meurs ! Tu ne pourras pas revenir en arrière ! Réfléchis s'il-te-plait !

Sa voix se faisait de plus en plus proche. Il avançait vers lui lentement.

-Arrête d'avancer ! Paniqua Hoseok, pivotant de nouveau sa tête vers l'entêté.

-Je veux juste t'aider !

-Ca ne m'aide pas !

-Pourquoi tu fais ça ?

-Pourquoi je devrais t'en parler ? Tu te prends pour qui pour me demander un truc pareil ?!

-Mais je veux juste te venir en aide ! Si tu me parlais de tes problèmes peut-être que tu te sentirais mieux, j'en sais rien !

-Tu n'es pas un héros et je suis pas ta putain de victime à sauver ! Si c'est d'un psy dont j'avais besoin, je le saurais depuis longtemps ! Je sais ce que je fais alors arrête de croire que tu peux changer quoi que ce soit avec tes paroles de merde ! Maintenant tu vas te barrer d'ici et retourner voir tes amis et vivre ta vie de merde comme tout les autres ! Tu m'oublies et tout sera fini !

-Non je peux pas ! Descend de là et on trouvera une meilleure solution que ça ! Dis-moi ce qu'il ne va pas et je suis sûr que l'on pourra trouver quelque chose à faire !

-T'as pas l'air de comprendre que je ne veux pas ! C'est pas un inconnu sorti de nulle part qui va changer ma putain de vie ! Tu t'es pris pour un dieu !? Grâce à tes grands et sages conseils je vais trouver la paix et le bonheur c'est ça !?

Au fur et à mesure de son discours, sa voix légèrement tremblante devint chaotique, difficilement compréhensible.

- Va crever plutôt ! Tu sais quoi, allez tous crever ! Pourquoi c'est moi qui le devrait alors que c'est vous les fautifs !? C'est putain d'injuste...

Ces mots perdirent de leur impact pour ne devenir qu'une longue et douloureuse lamentation alors que sa tristesse inondait son visage usé par la cruauté de son univers et de sa propre espèce. Le sauveur ne bougeait pas, attendant que le garçon se libère du poids sur ses épaules. Une aura bienveillante se dégageait de lui, abaissant inconsciemment les barrières de Hoseok qui ne s'arrêta pas ses injures envers la Terre entière.

-Allez tous crever... Pourquoi ce serait à moi de mourir alors que j'ai rien fait de mal !? Vous m'avez tout pris et maintenant j'ai plus rien ! T'es comme eux, à sourire et à fermer les yeux sur tout ce que tu ne veux pas voir ! Ce monde n'est qu'une bande d'hypocrites ! Je suis sûr que tu as fait semblant d'être triste en apprenant la mort de mon père ! Vous avez tous fait semblant de me plaindre, de me dire que tout irait bien, de me dire que j'avais des épaules sur lesquelles me reposer ! Comment osez-vous me souhaiter vos condoléances alors que vous avez liké cette maudite vidéo où on le voit crever !? Je n'ai même pas eu une semaine de deuil avant que ces brutes sans cervelle ne me frappent, me traitant d'orphelin pour bien me faire encore plus mal ! Comme si les coups ne suffisaient pas déjà assez... Et vous tous, vous avez fermé les yeux ! Vous avez fait semblant de ne rien voir alors que je pissais le sang sous vos yeux ! Bande de faux-cul... vous me dégoutez. Tous... Finit-il, s'étranglant de ses propres sanglots.

Son corps tremblait de la tête aux pieds. Son récit lui avait fait revivre ces douloureux souvenirs qui l'avaient mené à ce fameux toit. Des sentiments qu'il aurait voulu ne plus jamais ressentir avaient refait surface pour le noyer encore plus dans son désespoir. Englouti par ses larmes et ses émotions, l'horizon n'était plus que flou et noirceur. Les nombreuses blessures cachées sous ses vêtements le refirent souffrir, lui rappelant qu'il était encore vivant dans un corps faible et meurtri. Si le vent avait soulevé son haut, l'élève inconnu aurait pu voir toutes les coupures sur son ventre, les bleus sur sa la peau blanche, les os de ses côtes ressortant pour se calquer à sa chair douloureuse. Cependant le plus grand des mals n'était pas sur son physique mais bien enfoui au plus profond de son coeur.

Hoseok n'avait jamais beaucoup été aimé des autres depuis son plus jeune âge. Toujours trop différent pour faire parti de la foule de sa génération. Trop bruyant, bizarre, dérangeant, collant, dépendant, étrange... Ces mots avaient toujours plané au dessus de sa tête, éloignant les personnes qu'il osait approcher de trop près. Mais il ne s'était pas abattu. Du moins jusqu'au lycée. On dit que les enfants sont cruels entre eux. Pourtant les adolescents le peuvent d'autant plus, surtout quand ils ont à présent assez de muscles pour les utiliser. Aux débuts de simples bousculades, des croches-pattes discrets dans les couloirs. Rien de bien méchant. Mais ce fut à la mort de son père que les choses se sont empirés. Enfermé dans des placards, humilier dans la cantine, cracher dessus, huer par une classe entière, battu dans les toilettes au point de ne plus pouvoir marcher. Les choses allaient de plus en plus loin chaque jour.

La respiration du suicidaire s'accéléra face à ses funestes souvenirs. Plongé dans ses pensées, il ne remarqua pas le garçon qui s'avançait lentement vers lui. Ses pas quelque peu incertains le faisaient se rapprocher sans qu'il ne soit repéré pour son plus grand soulagement. Mieux valait qu'il reste prudent dans ses gestes et ses paroles car Hoseok se trouvait toujours au bord du vide. Un centimètre d'écart et la chute serait fatale.

-Hoseok, s'il-te-plaît écoute-moi. Je ne suis pas comme "eux". Je ne vois pas de quoi tu parles mais si tu pouvais m'expliquer et venir vers moi nous pourrions en discuter calmement. Qu'en dis-tu ? Tenta-t-il de l'amadouer.

Le regard qu'il lui porta fut alors des plus glacials.

-Comment tu connais mon nom ?

-Nous sommes dans la même classe. Expliqua-t-il.

-Alors tu sais très bien ce qu'ils me font subir. Pourtant je ne pense pas t'avoir vu faire quoi que ce soit pour m'aider. Tu es comme les autres. Le contredit-il.

-Je te jure que je ne le suis pas ! Je ne me suis jamais moqué de toi. Je voulais aller te parler déjà mais tu fuyais toujours après la fin des cours et je ne te retrouvais plus. Tu revenais toujours à la dernière minute pour ne pas avoir à être avec les gens ou des fois tu ne revenais même pas. J'ai essayé de faire changer les choses mais personne ne m'écoute non plus. Tu n'es pas seul.

Un rire amer mélangé à un sanglot sortit de la bouche de Hoseok. Le dos courbé par les problèmes et la misère, sa silhouette s'assombrissait à chaque seconde tandis que le soleil se couchait derrière lui pour ne laisser que l'orage noir et grondant.

-Tu veux savoir où j'étais pendant que tu étais tranquillement assis sur une chaise à écouter la prof ? Je me faisais tabasser dans les chiottes du bâtiment d'en face à chialer comme une merde pour qu'on abrège mon calvaire ! Et ses bâtards riaient... Alors merci d'avoir essayé de m'aider mais ça n'a servi à rien. Plus rien ne sert de toute façon.

Hoseok se remit face à la tempête, tournant le dos à son prétendu sauveur dans l'intention de ne plus jamais lui faire face.

-Ne fais pas ça !

-Va t'en !

-Non ! Partons d'ici !

-...Quoi ? Dit-il par réflexe, ne comprenant pas ces mots.

-Si tu ne veux plus être ici, que les gens te maltraitent et bien partons ! Des écoles il y en a pleins et je pourrais rester avec toi pour ne plus que ces choses se reproduisent ! Ça sera comme un nouveau départ avec un ami pour te soutenir. Plus besoin de fuir, de pleurer, de mourir ! Le monde ne se résume pas qu'à ses murs, à ses brutes ! Viens avec moi... Je t'en prie. Le supplia-t-il.

A en juger par sa voix, le garçon s'était lui aussi mis à pleurer durant son discours. Le souffle court, l'adrénaline dans ses veines dû à la peur et à l'envie, le suicidaire regardait le ciel qui n'était maintenant plus visible à cause des nuages. Des belles promesses, il ne pouvait le nier. Une nouvelle vie loin de ce cauchemar, par delà la tempête, voilà de quoi il rêvait. Cependant pouvait-il encore se permettre de rêver ? Depuis quand n'avait-il pu avoir ne serait-ce qu'une nuit sans cauchemars ?

-Hoseok... L'appelait-il, sa voix maintenant plus proche encore.

Son ton suffisait à deviner ses voeux: qu'il s'éloigne de ses idées obscures et retourne vers la lumière. Alors que la nuit commençait à voiler la ville, une étincelle en lui s'illumina. Ce n'était qu'une simple braise, peu vaillant face à un feu ardent. Et pourtant cet éclat suffisait à réchauffer le coeur froid et agonisant de Hoseok. Un minuscule vide s'était créé dans l'orage, lui faisant admirer la magnifique montagne verdoyante qu'il cachait.

-Hoseok, ne te laisse pas tomber. Tu as encore tant de choses à vivre.

Aveuglé par son malheur, il n'avait jamais pensé à voir par dessus ses nuages de déception. Partir lui était déjà venu à l'esprit, mais trop plongé dans son agonie il n'avait su quoi faire pour réellement sortir de cette maudite ville. Tout lui semblait toujours trop loin, trop dur à atteindre pour un garçon aussi lâche et affaibli qui ne pouvait que ramper au lieu de courir. Seul, sa mère ne s'occupant de lui que rarement car trop accablé par la mort de son mari, son père disparu et devenu une vedette du net pour son décès filmé, Hoseok n'avait aucune prise sur laquelle s'accrocher. Mais s'il avait un ami, ne serait-ce qu'un le temps même d'une journée, peut-être réussirait-il à réunir le peu d'énergie qu'il lui restait pour fuir.

Ce n'était qu'au bord du non-retour qu'il pouvait entrevoir un autre chemin le conduisant vers des jours meilleurs. Ses pleurs lui avaient caché sa force. Sa dépression lui avait privé de sa vitalité. Il avait fallu que la peur de ne plus jamais rien ressentir, que ce soit en bien ou en mal, naisse en lui pour qu'il comprenne enfin ses véritables envies.

Il ne voulait pas mourir, mais mieux vivre.

Admirant une nouvelle fois le ciel, un léger sourire s'anima quand ses pupilles reflétèrent de nouveau les couleurs du paysage bien que obscure. Un ami, une personne sur laquelle s'appuyer, c'est de cela dont il avait besoin. Même un faux ami, un de ses faux culs qu'il détestait tant lui suffirait. Des encouragements, vrai ou non, le motiveront à se barrer de ce trou à rat. Finalement ce sauveur à deux balles avait vraiment réussi à le sauver, juste un peu. Il ne l'aura peut-être pas sorti entièrement de son malheur cependant il lui aura ouvert une voie qui lui était inconnu. Une route encore pavée d'ennuis et de chagrin, seulement celle-ci lui donnerait peut-être autre chose que la mort s'il arrivait au bout. Hoseok s'apprêta à faire un pas en arrière quand le cri de son camarade retentit tout près de ses oreilles.

-Non !

Son corps fut alors projeté en avant contre sa volonté. Il eut l'impression que son coeur s'était arrêté de battre alors que pendant un millième de secondes ses bras balayèrent le vide dans l'espoir de s'accrocher à quelque chose. Mais il n'y avait rien. Un cri de surprise sortit de sa gorge par réflexe. Ne pouvant plus retourner en arrière, son équilibre perdu, il bascula vers le sol. Ses yeux sortirent de leurs orbites, le souffle coupé, les tripes en feu. Décollant du toit, plus rien ne le retenait de la chute fatale qui l'attendait.

Soudainement une main réussit à lui saisit le bras droit. Pris par la panique et l'incompréhension, il gémit de douleur quand il se cogna contre la façade du bâtiment, complètement dans le vide. Mettant du temps à comprendre ce qui venait de lui arriver, il pouvait entendre chaque battement frénétique de son coeur comme s'il battait contre ses oreilles. Ses yeux se levèrent alors vers son camarade qui lui avait agrippé le poignet, son torse à moitié penché vers lui, hors du toit. L'élève continuait de lui parler, presque lui crier dessus seulement Hoseok avait bien trop peur de mourir pour saisir un seul de ces mots. Toute son attention était focalisée sur sa main qui tentait en vain de s'accrocher au bras de son camarade et ses jambes qui peinaient à prendre appui sur le mur pour le faire remonter. Il essaya d'agripper le bord du toit avec son bras gauche mais il était trop loin, son corps penché vers la droite. Les pieds sans aucun appui, ses membres lâchés dans les airs, seul la prise de son camarade le gardait en vie.

A bout de souffle, hors d'état de réfléchir correctement, il agitait son bras libre vers son camarade pour que ce dernier l'agrippe et l'aide à remonter. Le garçon comprit et se pencha un peu plus pour lui tendre également sa main. Seulement quand leurs mains étaient sur le point de se lier, l'inconnu ne le tenait pas. La paume alors suante par la peur de Hoseok glissait sur sa peau pour retomber. Son corps se mit à se balancer à force d'alterner entre droite et gauche. Sidéré par le comportement du garçon, Hoseok finit par poser ses yeux sur son visage.

L'élève continuait toujours de lui parler, lui rabachant les mêmes phrases avec un ton bouleversé et angoissé. Ses doigts étaient blancs à force de presser le poignet du suicidaire et son bras tremblait sous l'effort. Pourtant quand leurs regards se croisèrent, il lui sourit malicieusement avant de continuer ses cris sans changer son expression amusée.

-Qu'est-ce que...

-Accroche-toi ! Je vais bientôt lâcher, vite ! Hurlait-il d'un ton inquiet , les yeux rieurs.

Hoseok crut bien perdre la tête dû à sa confusion et son putain de corps qui ne voulait pas remonter malgré tout ses efforts. Son bras cherchait désespérément à atteindre un endroit où s'accrocher, en vain. Les parois étaient bien trop lisses pour trouver une prise quelconque. Ses pieds glissaient sur le béton face à lui, constamment attirés par les mètres sous lui. Des sueurs d'angoisse rendaient sa peau glissante, si bien que même la main du garçon commençait à le lâcher. Son bras le faisait souffrir à force de supporter tout son poids sur une seule partie de son corps. Il crut même que son épaule allait se déboîter si la situation s'éternisait.

-Mais aide-moi ! Réussit-il finalement à crier d'une voix désespérée.

-Je fais de mon mieux ! Je crois que... je vais pas tarder à lâcher ! Répondit-il sur le même ton, lui faisant un clin d'oeil au passage.

Des milliers de frissons d'épouvante le traversèrent. Les doigts du garçon faisaient de moins en moins pression sur son poignet. Il allait le faire chuter. Ses ongles se mirent à griffer la peau de l'autre sans jamais réussir à s'y accrocher. Son autre main brassait dans les airs pour agripper de force le bras de l'inconnu mais ce dernier faisait toujours un mouvement subtile pour lui faire rater sa cible. Les jambes pédalant dans le vide, le coeur sur le point d'imploser, les larmes aux yeux, sa voix cassée par la terreur se mit à s'élever pour crier une série de "non" tandis qu'il sentait les doigts de son meurtrier se détacher de lui.

-Au fait, ton père a été un régal à filmer. Mais tu resteras mon préféré. Chuchota-il gaiement.

Puis il le lâche complètement. Hoseok n'eut même pas le temps de répondre. En fait personne ne sut s'il avait eu le temps de comprendre ces mots. Un hurlement déchirant accompagna sa chute. Ses membres bougèrent dans tous les sens instinctivement dans l'espoir de trouver un dernier secours. Sauf qu'il n'y avait aucun espoir.

L'élève ne regarda même pas ce spectacle, se relevant juste pour étirer son membre douloureux.

-Et coupé ! Dit une voix plus loin sur le toit.

Trois hommes sortirent de derrière des blocs qui servaient à la climatisation sur le toit de l'école. Applaudissant le performeur, ils levèrent leur pouce pour montrer leur approbation. L'un d'eux retira son casque sonore pour s'approcher du garçon et lui donner une tape sur l'épaule pour le féliciter.

-Yoongi ! C'était parfait ! Je ne pense même pas qu'on aura besoin de faire des modifications au montage !

-Mon jeu était assez bien ?

-Niquel ! Les cris résonnaient bien et les positions étaient bonnes ! Les caméras ont tout bien enregistré ! C'était risqué une scène comme ça mais avec le point de vue dans les étages en dessous dans un angle particulier, le rendu est parfait ! Quand tu l'as poussé c'était vraiment parf...

Il fut interrompu par son téléphone qui s'était mis à sonner. Décrochant, il dit que c'était l'équipe chargé de filmer qui appelait et voulait qu'ils se réunissent tout pour faire un bilan de la séance. Le groupe était déjà en train de remballer leurs matériels pour partir. Yoongi leur fit signe de ne pas l'attendre. Les réunions étaient toujours trop barbantes, ce qu'il aimait c'était l'action et le jeu, pas le blabla sur les enregistrements et le mode de diffusion. Il massa encore un peu son bras, râlant intérieurement du poids de Hoseok. Par curiosité, il se mit à l'endroit exact où le suicidaire était plus tôt. Le début de ses pieds hors du toit, le regard vers l'orage qui s'était à présent répandu sur tout le ciel. Les lumières de la ville s'étaient allumées, le soleil disparu de l'horizon. Sa chaleur avait laissé place à un léger vent glacial qui accompagnait le torrent qui se préparait juste au dessus de leurs têtes. Les premières gouttes de pluie finirent par tomber. Le garçon les suivit, partant des nuages noirs pour atterrir sur une tâche rouge sur le sol.

Son sourire s'agrandit au fur et à mesure que la pluie tapait sur le corps tordu de Hoseok. L'eau répandait son sang pour lui donner une aura rougeâtre. Une vraie oeuvre d'art. Lui qui n'avait plus le goût de vivre était devenu la seule chose colorée de la ville.

-Merci pour ses magnifiques images Jung Hoseok. Tu deviendras aussi connu que ton père. Lui dit-il.

Leur plan était finalement terminé.

La mort du père de Jung Hoseok avait bien été un accident. Pas de suicide, pas de meurtre, un simple accident. Yoongi avait juste été par pur hasard au bon endroit au bon moment en train de filmer quand l'homme a chuté d'une tour en construction sur laquelle il travaillait. Ne sachant pas quoi faire de cet enregistrement, il l'a alors posté sur internet sans trop réfléchir aux conséquences de ses actes. La vidéo a atteint des millions de vues en 1 semaine, lui donnant de quoi baver sur l'argent qu'il avait récolté grâce à ce drame enregistré par pur hasard.

C'est là qu'il a compris. Les gens aiment les malheurs, s'indigner devant eux sans pour autant arrêter de regarder la vidéo et en parler autour d'eux. Le peuple aime parler sur des faits divers, surtout les plus graves et sordides, pour avoir un sujet de conversation croustillant ou ressentir de l'horreur et en même temps de la fascination face à la mort d'autrui.

Alors si les gens aiment ça, que ça payait, Yoongi allait leur en donner du frisson.

Il avait découvert que l'homme qu'il avait filmé était le père d'un de ses camarades de classe. Alors il avait ce qu'il devait faire. Utiliser ce récent deuil pour le faire faiblir encore plus afin d'avoir une nouvelle mort à filmer. Payer des gars de dernière année pour le tabasser et filmer les scènes. Faire des rumeurs dans son dos pour le faire passer pour un moins que rien aux yeux de tous. L'humilier en lui prenant les seuls vêtements qu'il avait pendant qu'il était sous la douche. Lui mettre des antisèches sous son bureau puis le dénoncer aux professeurs. Le faire tomber des escaliers. Lui empoissonner sa nourriture à la cantine pour lui donner la chiasse. Il y avait tellement de possibilité et le garçon s'était fait un plaisir de toutes les faire sans jamais se faire voir.

Tout ça pour le conduire sur ce fameux toit, lui donner l'impression qu'il n'y avait plus qu'une seule issue à ses problèmes: la mort. Et avec un bon jeu d'acteur, une légère poussée pour faire basculer le suicidaire sans que son geste ne soit capté grâce à l'angle de la caméra installée près des fenêtres du bâtiment d'en face, il tenait un nouveau buzz qui allait lui faire gagner encore de beaux billets.

"Un lycéen essaye de sauver un élève sur le point de sauter du le toit de leur école; il échoue."

Comment ne pas résister à la tentation de regarder ?

Dans une société où les gens aiment payer pour voir des drames se réaliser dans la vraie vie, les plus audacieux comme Yoongi accepte les chèques avec grand plaisir. 

Salut c'est Taegii99 j'espère que ce premier OS vous a plu ! En tout cas je me suis éclatée à l'écrire c'était assez jouissif XD N'hésitez pas à commenter pour dire ce que vous en avez pensé !

IMPORTANT: moonkokyuu a réalisé cet os en dessin ! Elle a mis beaucoup de temps et d'efforts à le faire alors allez jeter un coup d'oeil pour la soutenir s'il-vous-plait ^^ vous pouvez retrouver les dessins sur son compte dans l'histoire "Pluie rouge"

À la prochaine pour une nouvelle destruction de cliché ! Kiss ! 

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