Chapitre 3 - Communication
« Si tu ne le fais pas, si tu ne passes pas au-dessus de cette crainte, à un moment donné, ce sera peut-être trop tard... »
Yoo Sangah ne cessait de repasser encore et encore les paroles de Kim Dokja dans son esprit, allongé dans son lit. Plus d'une semaine s'était écoulée depuis le départ d'Han Sooyoung et elle commençait à ressentir un véritable vide. A chaque réveil, elle s'imaginait ouvrir les yeux pour contempler le doux visage de son amour mais seul une place vide et froide l'accueillait. Quand elle prenait le déjeuner, se lavait, se préparait ou regardait une émission à la télé, son premier réflexe était de se tourner vers l'endroit où aurait dû se trouver sa compagne, avant de se souvenir qu'elle s'en était allée par sa faute.
Yoo Sangah incarnait la perfection aux yeux des autres.
Mais Yoo Sangah était d'une lâcheté et d'un égoïste incomparable.
Elle n'avait même pas remarquer le malaise d'Han Sooyoung en sa compagnie alors qu'elles habitaient ensemble depuis des années. Yoo Sangah tira l'écrin qu'elle gardait en toute circonstance dans la poche de sa veste de travail et l'observa, les yeux larmoyants. Pourquoi ne s'était-elle pas aperçue plus tôt que son couple n'était pas aussi idyllique qu'elle l'imaginait ? Et dire qu'elle s'apprêtait à faire sa demande en mariage. Connaissant Han Sooyoung, elle aurait accepté mais ça n'aurait fait l'enfermer qu'un peu plus dans une relation qui ne lui convenait plus.
« Si tu ne le fais pas, si tu ne passes pas au-dessus de cette crainte, à un moment donné, ce sera peut-être trop tard... »
Yoo Sangah savait parfaitement qu'il avait raison. Que si elle n'agissait pas maintenant et laissait perdurer cette situation, alors elle perdrait tout. Malgré tout, une part d'elle-même craignait qu'en tentant d'arranger les choses, ça ne ferait que s'empirer. Elle était douée avec les mots, savait parfaitement comment traiter avec des clients mais avec Han Sooyoung, tout était si différent. Elle avait l'impression de ne jamais trouver les bons mots.
Elle mordit sa lèvre et se leva brusquement, claquant ses mains sur ses joues. Elle devait essayer, sinon elle regretterait. Elle enfila une paire de chaussures et partit, la boule au ventre, dans le seul endroit où Han Sooyoung aurait pu se réfugier : chez Yoo Joonghyuk, l'ami d'enfance de sa petite amie.
Le trajet jusqu'à chez lui fut assez court, à peine dix minutes en voiture. Lorsqu'elle toqua à la porte, elle ne fut pas surprise d'être accueillie par une jeune adolescente dont le visage était encadré de deux longs cuches. A sa vue, elle poussa un profond soupir de soulagement et souffla un « Enfin ! » libérateur. Pauvre Mia, Han Sooyoung avait toujours adoré l'embêter alors sa réaction n'avait rien d'étonnant. Elle prit la main de Yoo Sangah pour la traîner jusqu'au salon, que sa compagne semble avoir désigné comme son nouveau chez soit. Une dizaine de sucettes s'étalent sur la table basse près de la télévision, qui diffuse une émission de variété quelconque, et Han Sooyoung est affalée sur le canapé, dos à elles, son ordinateur posé sur le ventre.
Yoo Sangah remarque qu'elle se trouve en pleine rédaction, ce qui fronce ses sourcils. Han Sooyoung lui avait pourtant dit qu'après l'écriture de « Three Ways to Survive in a Ruined World », un roman qu'elle avait catégoriquement refusé que Yoo Sangah lise car il n'était destiné qu'à une personne – Yoo Sangah avait fait une légère crise de jalousie ce jour-là -, elle n'écrirait plus jamais. Parce que d'après elle, elle n'était qu'un écrivain raté. Pourtant, les mots s'enchaînaient sur son écran, sans interruption.
« ... Alice était persuadé que son destin se jouerait dans cette épreuve. La mort ne l'effrayait pas, elle ne l'avait jamais effrayé. Mais elle se demandait tout de même si ces compagnons s'en sortiraient sans elle. C'était pour cela qu'à la base, elle ne voulait s'attacher à personne. Parce qu'elle savait tôt ou tard que sa volonté de mourir aurait un impact sur les personnes qui la suivait... »
Ce fut le seul paragraphe que Yoo Sangah parvint à lire avant qu'Han Sooyoung remarque enfin leur présence. Elle ferma son ordinateur, comme prise sur le fait, et détourna le regard quand Yoo Sangah tenta de le capter. Mia se retira silencieusement, comprenant le besoin des deux femmes de discuter, et informa son frère, qui n'avait pas quitté sa chambre, de la situation.
« Il faut que nous parlions, Han Sooyoung », débuta Yoo Sangah, mal à l'aise. « J'ai conscience de ne pas avoir été la meilleure petite amie ces temps-ci et- »
« Ce n'est pas de ta faute. Pas vraiment. C'est juste... »
« Juste ? »
« Je ne me sens pas à ma place à tes côtés. »
« Je- Est-ce que j'ai fait quelque chose pour que tu te sentes comme ça ? Je t'aime Han Sooyoung et... Je pensais que tout allait bien entre nous, j'ai été aveuglée par mon bonheur sans penser au tiens mais tu sais, je suis prête à changer, à faire des efforts ! »
« Tu vois, c'est ça le soucis. Tu es tellement parfaite, prête à faire des efforts alors que ce n'est pas vraiment toi qui est en tort et moi à côté, j'ai l'impression de n'être qu'une merde. Je vis à tes crochets, je ne suis même pas capable de me trouver un job convenable, je n'ai rien à faire avec toi- »
« Ne dis pas ça ! », s'énerve Yoo Sangah, à la surprise d'Han Sooyoung. « Arrête de te dénigrer à ce point ! Je sais que l'on t'a toujours fait croire ça, mais je pensais qu'à mes côtés, qu'à nos côtés à tous, tu avais fini par comprendre que tu valais bien plus que ça ! Pour le travail, je peux assurer nos finances pour le moment, je préfère que tu trouves un travail où tu t'épanouis plus tôt que d'en chercher un sans saveur. Je n'ai jamais pensé, pas un seul instant, que tu n'avais pas ta place à mes côtés. Et je suis loin d'être parfaite, tu le sais mieux que quiconque. Je suis bornée, jalouse et souvent lâche et égoïste. Alors s'il te plaît, reviens à la maison. J'essayerais de mieux communiquer, de mieux te comprendre. Et si ça ne marche, si tu n'étais toujours pas heureuse à mes côtés, ce sera de ma faute pour ne pas avoir été une compagne à la hauteur. »
Yoo Sangah renifla bruyamment pour retenir ses larmes et Han Sooyoung ne savait comment réagir face à cette déclaration. Peut-être... Peut-être qu'elle devrait se laisser une seconde chance. Un sentiment amère étreignit sa poitrine. Han Sooyoung se demanda si c'était vraiment une bonne idée. Après tout, elle doutait d'arriver à se défaire un jour de cette impression négative qu'elle avait d'elle-même. Mais un ting retentissant détourna l'attention des deux femmes pour la porter sur le portable d'Han Sooyoung. Le nom de Kim Dokja s'afficha sur l'écran et un mince sourire étira ses lèvres.
Est-ce que dans une histoire clichée, elle se serait laisser une seconde chance ? Certainement. Mieux vallait essayer que regretter de ne pas l'avoir fait. Alors elle s'empara de son portable, le rangea dans sa poche et tendit une main
« C'est d'accord. Essayons. Ramène-moi à la maison ».
***
« Une alerte typhon vient d'être lancée par le gouvernement. Les perturbations devraient survenir dans les cinq prochaines heures et nous conseillons vivement aux habitants de se rapprocher le plus rapidement de leur domicile... »
Je lève les yeux de mon portable où défile le nouveau chapitre d'Han Sooyoung et fronce les sourcils. Une alerte typhon ? Je jette un regard vers l'extérieur, là où s'accumulent les nuages noirs, et fronce les sourcils. Je devrais fermer les volets de mon appartement. Ça m'apportera une protection supplémentaire. Je pose mon portable sur la table et me dirige vers les différentes pièces de mon appartement et m'arrête soudainement dans la cuisine. Mon regard se pose sur le réfrigérateur, là où trône un dessin d'enfant innocent. Une jeune fille sourit grandement dessus, un gâteau entre les mains, tandis qu'à ses côtés un adolescent joue avec des insectes. Un présent offerts par Shin Yoosung et Lee Gilyoung, les deux enfants que j'ai l'habitude de nourrir, en remerciement de tous les repas que je leur donne. Shin Yoosung avait rougi en me l'offrant, boudant sur le fait que c'était un cadeau ridicule comparé à ce que je faisais pour eux, mais sur le moment, j'avais été profondément ému.
Je tapote pensivement le dessin. J'avais déjà pensé à l'idée de les prendre avec moi, de leur offrir un toit et j'avais même placé de l'argent de côté dans cette optique mais... Mon envie de mourir m'avait empêché de sauter le pas. Quel homme serais-je si je prenais sous mon aile deux enfants alors que je ne suis même pas capable de m'occuper de moi-même et que je désire mourir ? Leur vie ne serait peut-être pas mieux que celle qu'ils ont actuellement. Malgré tout...
Cette histoire de typhon ne me rassure pas.
Peut-être que si ce n'est que l'histoire de quelques jours, le temps que ça se calme, alors... Je soupire et ouvre le frigo, constatant avec une grimace qu'il est vide. A part quelques bouteilles d'eau, il ne contient pas grand-chose de comestible. J'ai cinq heures avant que le typhon ne se fasse pleinement ressentir. Je tapote nerveusement la porte de mon frigo et me résigne. Je ne peux décemment pas laisser les enfants seuls.
J'ai intérêt à me dépêcher pour acheter de quoi les nourrir, préparer l'endroit où ils dormiront et aller les chercher.
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