Nicolas

Lestat n’était pas dans son assiette. Même à moi il faisait pitié. Il avait l’air bouleversé et tourmenté. Mais peu importait la jeune mortelle qui le dévorait de haine des yeux. Elle se tenait sur ses escarpins, le regard volontaire. Lestat ressentait une peur terrassant qu’il n’avait pas connu depuis des années. Il essayait de contrôler la peur qui le saisissait et le faisait pâlir de terreur. Il avait du mal. Il fallait qu’il réfléchisse, non. Il fallait qu’il se rappèle qu’il était un vampire tout puissant et qu’une simple mortelle ne pouvait rien contre lui. Mais ce n’était pas si facile ! Et elle avait l’air si confiante d’elle-même, elle avait l’air d’avoir aucune difficulté à le fixer droit dans les yeux. Elle était si arrogante, si insolente, elle était ce qu’il était d’ordinaire !

« Je me nomme Nicolas. » fit la jeune mortelle.

Mais curieusement Lestat la crut sur parole. Il paraissait ravagé et désemparé. Je fut paniqué à l’idée qu’il s’effondre dans les bras tueurs de la jeune femme. Mais il n’en fit rien. Il retrouva rapidement son équilibre, sa force. Il paraissait cependant secoué, secoué comme jamais auparavant. J’étais partagé. Devais-je me montrer, me trahir face à cette jeune tueuse et faire tout foirer pour la proie? Ou rester cacher et profiter pour en savoir un peu plus sur les faiblesses de Lestat. Je dois avouer que ce qui me touchait le plus en lui était juste devant mes yeux. Sa faiblesse, sa sensibilité.

« Nicolas! Ainsi donc te revoilà. Moi qui te croyais dans la lumière la plus aveuglante, la plus belle et la plus lumineuse qui soit! » répondit Lestat comme s'il connaissait cette personne, depuis longtemps.

Les paroles de Lestat étaient résolument provocatrices et dures. Mais la jeune femme n’avait pas l’air le moins du monde surprise. Elle paraissait le connaître et se délecté de sa souffrance. Moi, dans l’ombre j’observais. Quel Nicolas Lestat connaissait-il? J’avais beau me creuser ma jolie tête je ne trouvais pas. Il n’y avait aucun Nicolas à ma connaissance mais je savais si peu de chose sur mon père. La mortelle était jolie comme un cœur, elle avait un visage d’ange et des yeux verts d’un teint si clair. Lestat allait pleurer, je le sentais. J’avais envie de le prendre dans mes bras, de le bercer comme s’il était un enfant et à mon cœur il en était un.

« Je te croyais loin Lestat mais tu vois, tu n’es jamais loin de moi. Oui j’ai cherché la lumière, une lumière plus forte, plus pure que la tienne. Mais tu vois Dieu ne veux pas de moi. »

Lestat la regarda comme si elle l’avait giflé. Bien que je n’eusse jamais vu cette jeune femme je sentais le lien qui l’unissait à Lestat. Mais ce qui était étrange c’est que la mortelle n’avait pas une âme de mortelle ordinaire. Elle avait une âme immortelle, puissante proche d’une âme de vampire. C’était étrange en effet. Je me sentais si prude, si innocente en lisant en son âme. Ce qui en me connaissant était un sentiment des plus étrange à mon égard. Lestat tourna la tête vers moi, je crus qu’il allait me voir, il avait les yeux si perçant mais je savais qu’il ne pouvait me détecter par le don de l’esprit. Je baissais la tête. Il tourna la tête vers la mortelle. Il portait une douleur dans son regard, une douleur insurmontable. Cette douleur m’effraya mais je ne pouvais me dégager de cette scène, il m’était totalement impossible de reculer, de bouger mes jambes, j’étais glacé dans une sourde terreur. Et elle, elle me sentait comme je la sentais.

« Alors tu reste silencieux? Je t’ai connu plus bavard, discourant sans fin, sur le bien, sur le mal, tu t’en souviens? Tu te croyais immortel et je suis sûr que tu le crois encore, n’est-ce pas? »

Lestat attrapa le bras de la jeune femme le tendant vers le ciel. De son autre main il saisit son cou. Il n’utilisait pas toute sa force mais il se montrait plus humain que toujours, son visage semblait exprimer tant de sentiment en même temps comme s’il était dépasser par les évènements. Mais il dévoilait à la mortelle qu’il était encore plus humain que jamais on n’aurait pu l’imaginer, que je n’aurais pu l’imaginer. La mortelle gémit sous son étreinte violente, violente pour elle dont le corps ne pourrait supporter la moindre pression des doigts agiles de Père. Elle semblait au comble de l’extase comme nous l’étions, nous les vampires lorsque nous nous nourrissons d’eux, les mortels. Sa fragilité me paraissait insultante comme si elle n’avait pas le droit d’en faire usage, non, elle en avait perdu le droit. Elle n’était plus du tout humaine. Elle avait une âme si… Elle n’avait rien, non vraiment rien d’humain.

« Je t’aimais. Je t’aime encore Nicolas même si tu ne veux toujours pas de mon amour. Que pourrais-je dire ou faire pour que tu l’accepte ? Je ne t’ai jamais voulu de mal. T’aurais-je montré une quelconque…

« Arrête de mentir. Cela te va très mal, Lestat. »

Un silence effrayant s’imposa. J’aurais voulu le briser et rejoindre mon père. Qu’il paraissait fragile, seul exposé à ce monstre. Car s’en était un. Il avait un corps humain mais une âme inhumaine. Peut-être n’était-ce pas l’âme de cette jeune femme. Mais j’en doutais. Cela aurait été impossible. Je me posais trop de questions

« Tu sais Lestat je t’ai cherché. J’ai parcouru des kilomètres, tu t’es bien caché finalement. J’aurais dû deviner que tu te terrais là. Ca ressemble finalement à notre ville. »

Lestat relâcha son emprise. Il y avait dans ses yeux dépeint un malaise profond inhabituel en lui. Il était si expressif, mais expressif d’amour et de compassion. Il s’éloigna de Nicolas. Je n’aurais su dire s’il avait comme moi une envie folle de frapper le mortel ou simplement de s’en aller, de le laisser en vie. Mais Lestat savait les règles. Pas de mortel qui sache tout de nous en vie. Et puis il paraissait dangereux, assez dangereux pour que le plaisir de tuer soit pour une fois justifié. Lestat recula doucement, son visage trahissait à nouveau plus aucune expression. Il redevenait lui-même et cela me rassurait.

« Tu n’as rien à faire ici. Tu n’as pas le droit d’être ici, tu le sais très bien. Il existe des règles. Et ton acte aura plus de conséquences que tu ne le crois.

« Tu crois peut-être que je les ignore? Je sais la souffrance et la douleur parce que je les endure. On ne peut pas dire qu’il en va de même pour toi.

« Tu ignore tout de moi. Tu crois toujours que tu es celui qui souffre le plus, celui qui plonge dans l’obscurité sans fin. Mais sais-tu seulement ce que j’ai enduré? La souffrance que tu as provoquée en moi? Je ne t’ai jamais, jamais oublié. »

L’âme de la mortelle fut troublée. Je dois avouer que je mourrais d’envie de me montrer à lui. Qui était-ce? Pourquoi Lestat ne nous avait rien dit de ce Nicolas? Il avait peur de lui et en même temps il l’aimait. On ne pouvait pas dire que l’inverse était vrai. Nicolas n’avait pas l’air de tenir tant que ça à Lestat, mais cependant il était difficile d’essayer de lire en son cœur. Il était difficile pour moi de discerner quoi que ce soit dans cette masse de sentiments mêlés. La seule chose que je pouvais dire c’est qu’elle était attirante et en même temps repoussante. Je me sentais attiré par tant de choses différentes en elle sans pouvoir dire pourquoi. Lestat était aussi troublé que moi, j’en étais persuadée.

« Tu es un menteur Lestat. L’enfant aussi le sait. »

Lestat tiqua.

« Quel enfant? Que crois-tu savoir? »

« Voyons ne fais pas comme si elle n’existait pas. Cette belle enfant, tu lui as donné le sang à elle aussi. Comment as-t-elle réagi? Bien, je parie qu’elle se révoltera. Comme tous tes enfants elle t’abandonnera! »

« Tait-toi! Tu ne sais rien d’elle. Tu ne la connais pas. Elle m’aime et je l’aime. Il n’y a rien à redire. Tu étais une erreur, je n’ai pas choisit de te faire, j’y ai été contraint. Ne l’oublis pas. »

« Oh oui, bien sûr. Mon cher sauveur, il faudrait que je te remercie en plus? Si tu ne l’avais pas fait, je n’en serais pas réduit à cela. Je ne serais pas ici, je serais avec Lui et tu le sais aussi bien que moi. »

« Ah, parce que maintenant tu es croyant? » ironisa Lestat.

« Tu ne l’es pas toi? Non j’aurais dû m’en douter. Toi et tes valeurs! Mais moi, moi je ne suis pas aussi fort que toi. Devant le spectacle de la vie je me suis mis à croire au seul être qui pourrait m’aimer tel que je suis, parce que je suis une de Ses créatures. »

« Tu me fais bien rire. Je t’ai aimé moi. Et tu m’as rejeté. Lui ne t’aime pas. Il n’existe pas. Comment le pourrait-Il? Il ne peut exister et laisser des créatures tel que moi sur terre. Je n’y crois pas. Ce serait faire insulte à Son génie. »

« Au contraire. Il serait d’autant plus noble, de laisser de telles créatures en vie, les derniers vestiges du mal… »

« Tu parles comme Armand. »

La colère montait entre les deux personnages. Car ils m’apparaissaient à présent plus comme des personnages hauts en couleur. Mon Lestat aux yeux brillants de colère face à la mortelle aux joues rouges, pleines de fougue ne se préoccupant pas du fait qu’un tueur habile se tenait devant elle, un tueur qui allait la tuer, il ne pouvait pas en être autrement. Et cette pensée insistante qui s’insinuait en moi… « Tue la Lestat, tue-la!! » Je voulais en ce moment même le rejoindre et le couvrir de baisers plus tendre et passionné, l’aider à mettre fin aux jours de haine de cette femme car c’était la haine qui coulait en elle comme le sang démoniaque coulait en moi.

J’entendis un faible bruit. J’hésitais à me tourner pour voir ce que c’était. Ce qui se déroulait sous mes yeux était si instructif. J’en apprenais plus sur Lestat que je n’en avais jamais appris de toute ma vie de vampire maléfique ! Tous les mystères dont parle Nicolas… Il me semblait que je pourrais les comprendre si je parvenais à mettre la main sur ce Nicolas. Je compris soudain ce qu’était ce bruit lorsque je sentis une lame froide sur ma gorge. Je m’interdis tout mouvement. S’il me tranchait la gorge j’étais finie ! Je m’étais fait avoir par un simple voleur, c’était rageant ! Je sentais son souffle nerveux contre ma nuque, ses mains rugueuses sur mes épaules. Evidement j’étais vêtue comme une princesse. Je réfléchissais, n’avais-je pas un peu d’argent ? Si bien sûr. Mais si je les sortais ne risquait-il pas de prendre ce geste pour une tentative de lui échapper ? J’étais dans une bien mauvaise situation.

« Petite fille riche, donne-moi ton argent ou tu ne seras plus de ce monde. »

Sa voix sonnait comme un chant. Je me sentais moite ce qui était la première fois que je ressentais cela. Je lui montrais ma petite bourse en velours vert accrochée à ma ceinture. D’un geste rapide mais maladroit il s’en empara. Il l’ouvrit et compta les pièces. Je n’en avais pas mis beaucoup car je ne dépensais guère. Il avait l’air mécontent. Il dut enlever le couteau de ma gorge pour examiner ma main dans l’intention de me voler mes bagues. Aussitôt j’agissais, je pivotais sur moi-même lui emprisonnant les deux bras comme j’avais vu faire Lestat. Le voleur gémit.

« Tel est pris qui croyait prendre. Mais ne t’inquiète pas, tu mourras pour me nourrir. »

J’enfonçais mes crocs dans sa cher avant qu’il n’ait eu le temps de crier. Je ne voulais pas alarmer Lestat et qu’il comprenne que j’avais tout vu. J’absorbais tout le sang de ce pauvre corps. Sa vie n’avait pas été joyeuse et il ne m’avait offert aucune joyeuse vision. Je n’allais pas non plus plaindre celui qui voulait me tuer !

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