Nous marchons depuis une bonne dizaine de minutes, sans que personne ne parle. Le silence n'est pas forcément embarrassant, au contraire, puisque seuls nos pas résonnent dans la nuit, nous pouvons profiter du calme de la nature.

— Ça te dit qu'on aille s'asseoir ? Me demande Junhui.

J'hoche une nouvelle fois la tête et nous nous dirigeons vers le banc, sur lequel, personne n'est assis puisque que nous semblons être seuls dans le parc. Nous nous asseyons l'un à côté de l'autre.

— Je peux te poser une question un peu personnelle ?

— Pourquoi je suis castré, je suppose ? Demandé-je.

— Ouais. Enfin, je ne te force pas à me raconter, mais j'avoue pour le moment, je mets ça sur le dos de tes parents qui ont voulu que tu gardes ta voix d'enfant puisqu'elle est magnifique...

— Non, il lâche un petit rire, ce n'est que de ma faute. Mes parents refusaient que je sois castré, à la base, et ils ont encore un peu de mal avec ça, au passage...

— Oh, dis-je en ressentant un peu de pitié pour lui, c'est triste.

— J'imagine, mais bon... Soupire-t-il. Pour faire simple, quand j'étais plus jeune, j'étais quelqu'un d'assez bagarreur. J'écarquille les yeux face à cette nouvelle. Je sais, on ne dirait pas comme ça, mais entre-temps, il s'est passé onze ans, heureusement que j'ai mûri, rit-il.

— C'est vrai que je t'imagine pas de ce genre...

— J'arrive pas à croire que j'étais comme ça avant, moi non plus. Mais du coup, j'habitais dans un quartier un peu... Chaud puisque mes parents étaient un peu pauvres et que c'était le seul endroit où on pouvait habiter. Je traînais avec des gens peu fréquentables, je te l'avoue.

— La naïveté, lorsqu'on est jeunes...

— C'est clair. Mais du coup j'avais tendance à chercher les autres, notamment ceux qui étaient plus vieux que moi. Je me suis frotté aux mauvaises personnes et j'en ai payé le prix.

— Quel est le rapport avec ta castration ? Je fronce les sourcils, cherchant à comprendre.

— Le gars qui devait avoir treize ans alors que j'en avais sept m'a en gros donné plusieurs coups de pieds dans les parties génitales. Résultat, je suis allé d'urgence à l'hôpital et le gars avait mis tellement de force que... C'était pas guérissable. J'étais dans tous les cas castré et pour que je ne ressente plus la douleur, on m'a donc castré comme à l'époque et je me suis fait retirer mes testicules, ce qui fait que je n'ai jamais mué.

Junhui m'a tout balancé d'un seul coup, ce qui fait que j'ai besoin d'un temps pour assimiler. Cette histoire n'est réellement pas simple.

— Bon, après j'ai déménagé mais si je trouvais ça drôle au début... J'ai rapidement déchanté quand j'ai commencé à recevoir des moqueries puisque j'avais toujours une voix d'enfant alors que mes amis muaient...

— Putain... C'est vraiment horrible, dis-je encore sous le choc de l'histoire que vient de me raconter Junhui.

— Je te le fais pas dire.

— Et ça fait longtemps que tu chantes ? Dis-je avec curiosité.

— Pas vraiment... J'ai commencé il y a trois ans. Le professeur de musique a entendu ma voix et ma dit que j'avais de grosses capacités. C'est pourquoi je le retrouve le soir pour chanter car c'est le seul point fort que j'ai trouvé à ma castration.

— Je suis en tout cas vraiment impressionné par ta voix, et Zhennan aussi au passage.

— Il est au courant ? Me demande-t-il avec de gros yeux.

— Pas que tu es castré, mais que quelqu'un chante le soir, oui.

— Ok, ça me rassure.

— Est-ce que... Tu veux bien me chanter quelque chose...?

Jun ne répond rien. Je le vois juste acquiescer et je le remercie. Il s'éclaircit la voix et un son sort de sa bouche, aiguë comme à son habitude. Mais ce simple son est suffisant pour me provoquer des frissons comme je n'en ai jamais eu.