04 - Étranger au volant, danger au tournant
La sonnerie de mon réveil se répercutait contre les murs de ma chambre, je grognai irritée. À vrai dire, je n'avais pas profité du sommeil. Je n'avais réussi à dormir de la nuit à cause de mon pauvre cerveau poussé à bout.
On est vendredi et je n'ai aucune envie d'aller en cours, surtout pas avec la tête que je dois avoir. J'éteins mon réveil, ma mère ne revient que ce soir. Avec un peu de chance je serai réveillé quand elle reviendra.
Je prends mon portable, envoie un message aux filles pour les prévenir de mon absence. Puis me rendors paisiblement sous la lumière entrante du soleil égayant ma chambre, qui plutôt était sombre et lugubre.
Mes paupières se ferment d'elles même et je sombre dans un sommeil si lourd que j'ai le sentiment de tomber dans les profondeurs des abysses.
*
À ce moment précis j'ai l'impression de vivre un déjà vu. Mon réveil me tire du sommeil, je saute du lit et l'éteins avec beaucoup plus d'entrain que quelques jours plutôt. Petite un nous sommes lundi, même si c'est le début d'une nouvelle semaine je sens que l'ennui ne sera pas présent. Au contraire, j'ai l'impression d'être en pleine forme !
Je m'empare de mon sac de cours et descends avec, prenant des céréales dans le placard je m'assois à table en compagnie de ma mère. Elle ne travaille pas le lundi, tout comme le dimanche. Je lui souris en prenant une bouché de céréale au chocolat, je la surprends à me dévisager surprise de tant d'empressement. À mon plus grand soulagement elle ne fait aucun commentaire, je n'aurais d'ailleurs pas su quoi dire.
Attachant mes cheveux en une queue de cheval désordonnée je me précipite dehors, sac sur l'épaule. Aujourd'hui pas de voiture noire, je décide de marcher à pied. Le vent qui effleure ma peau avec douceur me fait frissonner, c'est à la fois agréable et étrange.
J'ai le sentiment de renaître, comme si une nouvelle journée était le début d'une nouvelle vie. C'était sans doute dû à mon excès de sommeil durant le week-end, j'avais dormi toute la journée de vendredi et celle de dimanche. Entre les deux je m'étais affalée devant la télé à regarder des séries en déprimant. J'avais donc en conclusion de l'énergie à revendre.
Le ciel était bleu parsemé de nuages blancs cotonneux, aujourd'hui pas de pluie. C'est sans doute ce qui me donne tant envie de sourire, la beauté du temps.
*
Quand j'arrive au lycée, tout le monde semble de mon avis et adoptent déjà la mode du sourire. Me faufilant à travers la masse je rejoins le banc derrière le lycée. Il me faut quand même trois bonnes minutes pour réussir à traverser la foule et les couloirs.
J'arrive à ce fameux banc avec un gloussement contagieux, elles me regardent d'un air ahuri avant de se joindre à moi. Nous sommes donc trois folles à rires sans plus savoir s'arrêter sans aucune raison.
« - Mais qu'avez-vous fait de notre Elyvna !? S'exclame Mei en se pliant en deux tentant de reprendre son sérieux.
- Je ne sais pas mais moi je préfère celle-là ! M'écriai-je en sautillant sur place.
- Eh bien ! On dirait qu'il y en a au moins une qui a passé un bon week-end à ce que je vois, commente Aveline en s'adossant au mur derrière le banc, elle me jauge du regard anxieux.
- J'ai juste eu le sommeil profond.
- C'était raison de ton absence vendredi ? Un besoin de sommeil ?
J'acquiesce donnant raison à Mei, cette dernière semble vouloir me poser une question sur la raison de ce manque de sommeil. Mais son bon sens lui chuchote que ce n'est sans doute pas le moment.
- Qu'est-ce que vous avez fait ce week-end ? Demandai-je avec une once de curiosité.
- J'ai préparé le retour de mes parents et de mon petit frère, annonce Mei heureuse.
Mon sourire s'agrandit à l'entente de cette bonne nouvelle, mon amie va pouvoir retrouver sa famille après de longues semaines passées seules. Je remarque qu'Aveline semble vouloir me parler seule à seule, Mei doit le remarquer car elle prétexte une soudaine envie pressante et s'éclipse.
L'adolescente croise ses bras, elle doit préférer patienter un peu avant de prendre la parole. Durant ces interminables secondes je fixe le sol reprenant un air un peu plus sérieux. Que peut-elle vouloir me dire, attendez... Je sais. À tous les coups elle va me parler de lui. Rien que sa mention me rend faible, je me prépare mentalement.
- Écoute... Je sais que vous étiez proches, mais... c'était il y a plus de six ans... et... son retour ne... ne dois pas... Je ne sais pas vraiment quoi te dire... Ni comment tu gères ça.
Elle semble avoir du mal à chercher ses mots, je l'écoute les yeux baissés sur le sol. J'aurais dû me douter qu'elle allait remettre ça sur le tapis un jour ou l'autre.
- Av' ça ne me fait vraiment rien, d'accord ? Je m'en fiche de son retour, c'est juste le revoir... ça m'a un peu bouleverser mais ça s'arrête là.
- Ouais... Seulem-
- Ce n'est pas comme si j'allais le voir souvent, ricanai-je pour détendre l'atmosphère.
Son mutisme soudain me pousse à lever les yeux vers elle, l'affolement me prend de cours.
- Ne... ne me dis pas que...
- Si, répond-t-elle mal-à-l'aise. Il est dans ta classe mais comme tu l'as dit : « son retour ne te fait rien » !
Elle aborde un soudain sourire comme rassuré par mon affirmation, mon sourire à moi est remplacé par une grimace. Heureusement elle ne le remarque pas, trop occupé à vérifier ses messages.
J'entends la sonnerie et tout de suite je suis moins réticente à aller en cours, l'idée de sécher me vient même comme une issue de secours. Je me reprends pour m'éclipser à mon tour en toute discrétion.
- À ce midi Elvy' ! » Me lance Aveline toujours occupé à lire ses messages.
Je lève les yeux au ciel, pour moi la « discrétion » ne semble pas être mon point fort.
*
M'asseyant à ma place je fixe le tableau comme à mon habitude. Le professeur de mathématiques écrit sur celui-ci des calculs dénués de sens. Ma voisine, Carlotta prend des notes avec minutie dans son cahier impeccable. Elle et moi ne nous parlons presque jamais, c'est comme une tradition pour elle. Le silence est son meilleur allié, quand à moi je ne suis qu'un personne banale qui occupe une chaise. De toute façon, j'ai hérité d'une classe plutôt calme et travailleuse. Tant mieux.
J'entreprends moi aussi de prendre des notes, tout simplement pour ne pas avoir à être tenté de me retourner. Et de le voir. Aveline ne m'avait pas menti, car il occupait bien ma classe, en même temps je devais m'en douter. Il n'y a que deux classes de ES, la nôtre possède moins d'élèves que l'autre. De plus, ses parents travaillent dans le domaine de l'économie, c'est donc logique qu'il soit dans cette filière. Nahel s'est toujours plus ou moins intéressé aux chiffres, et ce depuis son plus jeune âge. Il était très doué en mathématiques et faisait la fierté de ses parents, moi je l'aidais dans les matières littéraires. Ça remonte à la primaire, ça semble tellement loin maintenant.
Alors que le professeur l'interroge, je commets l'erreur de me retourner. Mon regard rencontre le siens pendant de brèves secondes, ma respiration se bloque mais je n'arrive pas à détourner les yeux encore une fois hypnotisé. Nahel rompt notre lien visuel pour répondre au professeur, ce dernier hoche la tête et note la réponse.
Tandis que j'en profite pour me rasseoir correctement, droite et face au tableau. Mon rythme cardiaque ce calme, je gronde contre moi-même. Pourquoi à t-il fallut que je me retourne ?! Serrant les dents, je reprends mes notes.
*
Franchissant la porte de la classe, je me dirige vers le centre de restauration bondé par les élèves. Je prends un plateau pour me servir puis rejoint ma table habituelle, mes deux amies sont déjà là et m'attendent. Elles me font un bref signe de la main quand je m'assois, Mei me raconte leur matinée mortellement ennuyeuse tandis que je lui réponds par des hochements de tête.
Je ne l'écoute pas vraiment, perdue dans mes pensées. Je ne cesse de ressasser le moment presque irréel où nos yeux se sont trouvés, j'ai l'impression d'avoir rêvé.
« - Dites vous venez à la soirée qu'organise Ian ? Demande Aveline les yeux pétillants.
- C'est quand ? Questionne la brune en penchant la tête.
- Dans deux semaines, enchaîne-t-elle le sourire aux lèvres.
Je ne réponds pas, n'écoutant que d'une oreille inattentive. Je sens Aveline à mes côtés me secouer le bras pour me faire atterrir sur terre.
- Quoi ?
- Tu vas venir hein ! Coupe Mei excité en applaudissant presque.
- Je... Je ne sais pas, répondis-je en fixant mon amie de toujours du regard.
Mais mon regard insistant et regorgeant de sens, ne semble pas lui faire passer le message voulut.
- Géniale ! Je savais que tu serais partante !
- Mais... ! Commencé-je ahuris par la conclusion hâtive qu'elles viennent de faire. Très bien... Je suppose que je n'ai pas le choix, soufflé-je en levant les yeux au ciel.
- Aller râle pas ! Tu adores les fêtes ! Tu te souviens Aveline de la dernière quand elle-
- Je suis là, l'interrompis-je exaspéré. Et j'avais dit qu'on ne reparlerait pas de cette soirée catastrophique.
- Elle ne l'était pas, tu as juste embrassé le père du gars qui organisait la fête avant de lui vomir dessus ! Révèle Aveline en essuyant les larmes au coin de ses yeux, qui s'étaient formés à force de rire.
- Le pauvre, chuchote Mei en gloussant.
- Quoi ? Eh ! C'est moi la victime dans l'histoire, j'étais ivre et à cause de qui ?
- Nous ! S'exclame la rousse en ricanant. Mais on était jeunes et innocentes...
- C'était l'année dernière A'...
- Ah bon ?! C'était il y a si longtemps ? Raille la brune se liguant aussi contre moi.
- Dès fois je me demande ce que je fais avec vous, soupiré-je en me levant.
- Tu boude ?
Prête à partir, mon plateau en main je me tourne vers elles et leurs offre un énorme sourire. Elles éclatent de rire, il paraît que quand je souris comme ça je ressemble à une grenouille. C'est elles qui me l'on dit, oui parfois elles peuvent être très aimables.
Je sors du self les ignorant, déposant mon plateau sur le tapis roulant, la machine l'engloutit et je peux enfin sortir à l'air libre. La douce brise caresse mon visage, je ressers les lanières de mon sac à dos et rejoins ma salle de cours.
Je suis peut-être en avance mais au moins je serai tranquille, il n'y a jamais personne dans les couloirs. Me laissant glisser le long du mur je ramène mes genoux contre ma poitrine.
*
La maison semble vide, sans vie et terne. Aussi lugubre que la mienne, cette maison n'a pas toujours été la sienne. Autrefois elle vivait dans une belle et paisible maison, quand le feu l'a réduite en poussière la jeune fille s'est retrouvée seule.
Je me trouvai à l'instant devant la maison d'Aveline, à l'attendre, la mort dans l'âme. Je n'espérai qu'une chose c'était de rentrer chez moi et de pouvoir continuer ma série, elle m'attendait bien au chaud. Heureusement pour mon amie, il ne faisait pas trop froid à l'heure qu'il était sinon je l'aurai sermonné de m'avoir laissé en plan devant sa propre maison.
Encore une fois j'avais essayé de l'appeler, elle n'avait même pas daigné me répondre et cette fois l'excuse du bain n'était pas acceptable. Pendant que je divaguais dans mes pensées, une lumière éclatante m'aveugla, des phares de voitures.
En effet, une voiture roulait doucement vers la maison. Elle était noire et rutilante, une voiture de luxe sans aucun doute. Je n'arrivai pas à apercevoir le conducteur dans la pénombre de la nuit, mais elle se rapprochait de plus en plus.
« - Tu attends Aveline ? Demande une voix grave dénuée d'émotions.
- Oui ça doit faire une heure...
Il hoche la tête, je le reconnais. Après tout on a passé notre enfance à se côtoyer, de loin peut-être mais j'étais là quand il avait la bonne idée de se faire remarquer. Ses cheveux coupés court et bruns reflètent son caractère, inexpressif et sombre.
Je me demandai vraiment ce que mon amie pouvait lui trouver, il n'était pas spécialement beau ni drôle, ni attrayant. Même si je ne le connaissais pas personnellement, le fait de l'avoir fréquenté durant mon enfance avec Aveline ne me donnai aucune envie de le connaître. Il n'était pas méchant, seulement inintéressant. Je sortis une fois de plus de mes pensées quand il ouvrit la porte côté passager.
- Monte, dit Ian avec un vaste geste de main.
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NDA:
Comme vous l'avez remarqué le chapitre est plus long, j'ai décidé de ne pas les couper du moins pour le moment. ;)
Alors que pensez-vous qu'il va se passer? Pourquoi Ian lui propose-t-il de monter?
Où est Aveline? Que cache-t-elle?
Le passage avec Nahel?
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