4. Une identité revelée...

La crise de larmes de Maria Rosa ne dura pas bien longtemps ; en effet, un jour Felicia Teresa, sa mère, lui avait dit qu'elle n'était pas belle quand elle pleurait. La jeune fille n'était pas superficielle, mais elle aimait bien renvoyer une image correcte auprès des autres. En outre, elle ne voulait surtout pas que le garçon qui venait de lui sauver la vie pour la seconde fois la trouve pathétique.

Celui-ci s'était relevé et lui tendait la main, comme pour l'encourager à faire de même. Ce qu'il ne savait pas, c'était que Maria Rosa avait besoin de plus de courage pour la saisir que pour se relever par ses propres moyens. Cependant, elle n'abandonnait pas facilement. Aussi, elle accepta finalement son aide.

« Fais attention quand tu marches en ville, conseilla le jeune homme d'une voix grave et virile.

Il la regarda dans les yeux et un instant Maria Rosa ne sut que dire. Ce ne fut que lorsqu'il tourna les talons qu'elle réussit à bredouiller de vagues remerciements, les yeux encore humides de larmes.

- Attends ! s'écria-t-elle après qu'il se fusse éloigné de quelques mètres. Comment t'appelles-tu ?

Son sauveur se retourna brièvement, l'expression indéchiffrable. Ses yeux bleus étaient insondables.

- Ash, lança-t-il d'un ton neutre.

L'instant d'après, il avait tourné au coin de la rue, et disparut aussi facilement qu'il était arrivé.

Les genoux de Maria Rosa étaient sur le point de flancher, et elle vacilla. Porg passa un bras derrière son dos pour l'aider à rester debout, tandis qu'elle essayait de sécher ses larmes et que Grâce regardait fixement le coin de rue où Ash avait disparu.

- Il est tellement génial, chuchota cette dernière.

Ne pouvant qu'être d'accord avec elle, Maria Rosa lui jeta un coup d'œil. Grâce était une grande fille blonde aux yeux délavés. Sa stature élancée et ses mains fines faisaient honneur à son prénom, tout comme ses gestes amples et lents. Maria Rosa avait parfois tendance à se sentir inférieure à elle, et pas seulement parce qu'elle la dépassait d'une bonne tête. Mais voilà, à ses côtés, elle avait l'impression d'être un jeune chiot tout pataud.

Après quelques secondes de silence supplémentaires, Porg, le moins ébranlé par l'affaire, décida de mettre fin à leur inactivité ébahie.

- Eh les amies, venez, on va louper le début du coup de jabotage iconoclaste oligarchique !

Son argument fit mouche et décida les deux filles du trio à se remettre en marche. Les pas de Maria Rosa étaient un peu bancals à cause de sa récente chute, qui avait réveillé sa douleur costale, mais elle faisait face à cette stimulation nociceptive avec de la bonne volonté.

- C'est quand même dingue qu'il t'ait sauvée deux fois, gloussa Grâce, mettant des mots sur les pensées confuses de son amie.

- Deux fois d'affilée, crut bon de renchérir Porg, comme si elles ne le savaient pas.

Maria Rose hocha la tête puis esquissa un sourire, contente d'avoir échappé à la mort une fois supplémentaire. Elle se promit de faire attention à elle, Ash ne serait peut-être pas toujours là pour la sauver. Et elle tenait à la vie, principalement car celle-ci lui permettait d'écouter le chant des oiseaux.

Mais, comme avait coutume de le dire son frère, jamais deux sans trois, aussi elle se permit de se demander si elle n'avait pas à redouter un accident supplémentaire.

Aussitôt, elle chassa cette pensée de son esprit pour revenir au sujet de conversation, soit Ash.

- Dommage qu'il ne m'ait pas dit son nom complet, se plaignit-elle d'ailleurs tandis qu'ils venaient d'entrée dans le hall de la faculté de sémiologie déontologique.

- Mais enfin Maria ! s'écria Porg. Tu ne l'as pas reconnu ?

Devant le regard abasourdi de ses deux meilleurs (et seuls) amis, la jeune hispanique sentit ses joues chauffer. Elle rougissait très facilement, et les exclamations des deux adolescents l'avaient mise dans un embarras tout relatif.

- Mais enfin, c'est Ash Stanislas Suzann ! Le fils du célèbre monsieur Suzann, le maire de la ville ! Il est très riche !

- C'est vrai ? s'écria Maria Rosa en ouvrant ses yeux d'étonnement.

Elle ne l'avait pas reconnu. Comme la politique ne l'intéressait pas et qu'elle n'avait pas la télévision, elle n'était au courant que du strict minimum, et n'avait pas été sensibilisée à la médiatisation qui entourait monsieur Suzann et sa famille. Mais effectivement, après réflexion, son visage lui disait vaguement quelque chose ; elle avait dû l'apercevoir çà et là.

- Oui, c'est vrai, confirma Porg avec sérieux, qui ne comprenait pas le principe des questions rhétoriques.

Sur cette remarque inutile, ils durent entrer dans leur amphithéâtre, car le cours allait débuter d'un instant à l'autre. La conversation ayant pris fin, la brune eut tout le temps de réfléchir à ce qui venait de lui arriver. L'adrénaline retombée, elle avait récupéré un rythme de pensée normal et comprenait à quel point elle avait été chanceuse.

Alors, elle sourit, car c'était ce que la chance semblait lui faire. Si on excluait le fait qu'elle avait failli laisser la peau dans l'aventure, mais Maria Rosa aimait voir le verre à moitié plein, et puis elle n'avait pas le compas dans l'œil.

Le soir-même, la jeune fille décida de ne rien raconter à sa mère. Non pas qu'elle ne veuille lui cacher des choses, mais elle ne voulait pas l'inquiéter inutilement. Elle avait eu plus de peur que de mal – si on excluait ses côtes encore plus douloureuses qu'auparavant –, pas de quoi en faire tout un plat.

Cependant, après le diner, elle ne put résister à la tentation de parler de sa mésaventure à son frère.

- Apparemment, c'est Ash Suzann qui m'a sauvée. Les deux fois, lui confia-t-elle à la fin de son récit.

Juan Pepito se redressa, l'air étonné. Ils étaient tous les deux sur son lit, lui à moitié affalé sur les oreillers, et elle assise en tailleur sur la couverture.

- Sérieusement ? Le fils du maire ?

Maria Rosa pinça les lèvres en constatant qu'elle était bien la seule à ne pas connaître le jeune homme. Elle se ressaisit bien vite et acquiesça. Elle pria ensuite son frère de ne pas en toucher mot à Felicia Teresa, et il lui promit de garder le silence sur ses confidences, à condition d'être tenu au courant de l'affaire.

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