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« Tu verras, ce soir les étoiles sont magnifiques. »
Krokmou me regardait doucement, incertain de m'accepter sur son dos. Harold s'accroupit et lui gratta le haut de la tête et aussitôt le dragon émit des bruits similaires aux ronronnements des chats pour leur continuité lénitive. Il se trémoussa et poussa sur la main de son maître afin de l'inciter à continuer. Son comportement provoqua le rire d'Harold.
« Aller mon beau, nous ramenons une princesse ce soir. Taches de bien te comporter.
— Maintenant que j'y pense, ton père est le chef de ce clan, non ?
— Ah, oui.
— Pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt ?
— Eh bien, ce n'est pas l'élément qui me définit le mieux » exprima-t-il les yeux encore posés sur l'animal.
Il se redressa et d'un soupir exténué, il épousseta la terre qui couvrait son pantalon. Krokmou suivit ses mouvements, sautant de gauche à droite le désir joueur. Sans se préoccuper de ma présence, il exerçait une faible pression sur les jambes d'Harold dans l'objectif de le faire réagir.
« Du calme, du calme ! Viens Mérida, donne-moi ta main. »
Je me plaçais si près de Krokmou que je ressentais la chaleur que dégageait son corps. Et tendant ma main à Harold, il la saisit pour la coller délicatement à son front. Le dragon eût d'abord un geste de recul mêlé à un grognement renfrogné, mais finit par se laisser faire. Les écailles de sa peau la rendaient rugueuse, pourtant ma paume contre lui m'était plus qu'agréable. Une jonction si douce, et si ardente.
Montant et descendant vers sa gueule, il ferma les yeux et je me rapprochai encore. Harold lâcha ma main, ce qui me laissa plus de liberté quant aux caresses que j'offrais à Krokmou. Ma deuxième main se joignit à cette danse affectueuse et je le câlinais pleinement.
Bien qu'un tant soit peu grognon, il était adorable. De sa robe noire et de ses prunelles vertes, il me rappelait les nuits que seul l'Été savait rendre aussi sublimes.
Le dragon calmé, un sourire satisfait naissait sur mes traits. Harold me dépassa et se hissa jusqu'à son dos. Malgré son immobilité, les prunelles de Krokmou d'ordinaire si vives, me fixaient avec une étincelle intimidante et non dissimulée.
« Viens.
— Il ne semble pas être en accord avec cette décision, riais-je.
— Fais-moi confiance veux-tu ? » souffla-t-il avec un sourire.
Ce n'était pas le cas. Néanmoins... J'étais en mesure de jurer l'existence d'un lien sans nom. Quelque chose m'attachait et me liait à lui.
Avec la force de mes bras, je montais sur le dos du dragon. Et à présent assise sur lui, j'angoissais. Sous moi je sentais l'animal bouger, respirer. Cette sensation n'avait rien à voir avec celle que j'éprouvais sur le dos d'Angus. J'étais capable de sentir sa puissance et sa force. S'en était effrayant. Et observant tout autour de nous, je remarquais qu'il n'y avait rien à quoi je puisse me raccrocher. Nous allions rejoindre le ciel et pourtant, rien n'était présent pour me retenir.
Krokmou avançait à une allure lente mais ses ailes s'ouvraient de toute leur longueur. Il accéléra et regrettant instantanément ma place, j'interpellai Harold d'une voix tremblante et criarde.
« A-Attends ! À quoi puis-je me tenir ?
— Accroches-toi à moi, et ne t'inquiète pas, on ira doucement. »
Acquiesçant j'enroulais mes bras autour de son torse. Les poumons de Krokmou se gonflèrent et d'un unique battement d'ailes, il décolla de la terre. Mon cœur se souleva à la manière de mon corps, tandis que ma tête était tirée vers le bas par la gravité et le vent frappant.
Je renforçais l'étreinte de mes bras, puisque nous n'allions pas lentement, au contraire. Mon estomac débutait lui aussi sa montée, et sans que je n'éprouve le besoin de vomir, je le sentais se déplacer.
Le froid me fouettait le visage et animait frénétiquement la cape que je portais encore sur le dos. Harold se pencha en avant et je le suivis. Mes côtes allaient se rompre sous les coups puissants et répétitifs de mon cœur. Nous accélérions, et je serrais les dents pour ne pas crier.
« Krokmou ! Qu'est-ce qui te prend mon beau ?! Ralentis ! »
Le dragon ne semblait pas l'entendre, les yeux fixes, les oreilles immobiles, et la vitesse toujours plus précipitée. Nous percions les nuages et montions si haut que je ne savais plus si c'était l'adrénaline, ou l'oxygène peu présent qui rendait mes inspirations difficiles.
Harold hurla une deuxième fois, et une deuxième fois le dragon l'ignora. Mes mains s'humidifiaient et les acouphènes rythmaient mes pensées.
« Krokmou ! »
Cette fois-ci, sa voix fut plus autoritaire, plus dure. Le dragon frémit et bien malgré lui, il ralentit.
Mon cœur battait aussi fort qu'il pouvait, mais mon esprit était comme sous l'emprise d'une de ces plantes aux vertus psychotropes. Tout tournait, autour de moi ça tanguait, et je n'avais presque plus de force dans les bras. Je ne réalisais plus à quelle hauteur, aussi importante fut-elle, nous planions.
Tout ce dont j'avais conscience était la merveilleuse brise qui susurrait à mes oreilles. Des chuchotements aussi incompréhensibles que flous et dont le sens énigmatique ne me serait révélé que bien plus tard.
Ont ces murmures étés prononcés par les Dieux aux oreilles affolées de Gothik ? Sont-ils contre ce que je m'apprête à faire ?
Harold caressait son ami et semblait réfléchir à ce pour quoi il avait agi de la sorte. Ma tête était sereinement posée contre son épaule, et de là je voyais son visage éclairé par la lune blanche. Il en fallait plus pour m'embarrasser me répétait sans cesse mère.
Il faisait déjà nuit. Mes souvenirs m'échappent... Mon corps était lourd, je crois que je ne le tenais plus réellement.
« Mérida ? Dors-tu ? »
J'ouvrais les yeux, et remarquais qu'en effet ils étaient à moitié fermés sur ses traits. Du revert de la main j'essuyai ma salive.
« Non, non. Je... Pensais juste.
— Tu devrais lever tes yeux sur la splendeur des choses qui t'entourent... »
Accueillant un peu d'air nouveau dans mes poumons, je me redressais et inclinais ma tête dans le vide. Aussitôt la beauté et la grâce qu'émanaient les cieux capturèrent mon attention et consumèrent ma fatigue. Il avait raison, ce soir les étoiles étaient resplendissantes.
*
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