XII
Les évadés
Whee In
T'es borné c'est insupportable
Hwasa
Non, je pense qu'il se montre borné mais qu'il y réfléchit vraiment dans le fond
Hoseok
Y'a rien qui t'empêche d'y aller ! T'y vas, tu kiffes le moment, et tu reprends ta vie normalement comme la dernière fois
Jungkook
J'ai déjà eu du mal à me débarrasser du manager qui m'avait repéré l'autre fois
Whee In
Au pire tu leur précises bien que t'acceptes à la condition qu'ils te proposent rien d'autre
Hwasa
Et puis, trois cent personnes c'est pas la fin du monde
Sérieux Jungkook je te connais, je sais qu'au final tu vas me dire que tu regrettes pas
« C'est bon, on a compris que tu le connais. »
Ai-je marmonné pour moi même, mon balais dans une main.
Nous étions mercredi soir, et j'avais décidé de faire un minimum de ménage dans mon appartement.
Mon téléphone s'était inlassablement mis à sonner, j'avais fini par l'attraper.
Hoseok, Whee In et Hwasa se tuaient à convaincre Jungkook d'accepter cette proposition de concert depuis une bonne vingtaine de minutes.
En repensant au sourire qu'il avait eu sur scène, j'avais plutôt été de leur côté, jusqu'à ce que je me souvienne que je ne connaissais rien de sa personnalité.
Peu importait, je ne m'étais pas inclus dans la conversation. D'ailleurs, alors qu'habituellement l'un ou plusieurs d'entre eux m'adressait la parole dès que j'apparaissais sur l'écran, on ne me parlait plus si je ne le faisais pas. Malgré la logique du geste, je n'avais pas pu m'empêcher de le remarquer et de le détester. Et puisque j'étais, moi aussi, borné, ça ne me faisait pas parler pour autant.
Yoongi m'a appelé au moment précis où je recommençais à trop réfléchir.
« Allô ?
A-t-il dit face à mon silence en décrochant.
— Hey.
— Chim, désolé pour hier. »
En plus de son empêchement du lundi soir, il n'avait pas pu m'appeler le mardi non plus.
« C'est rien, t'inquiète. Je vais pas faire la gueule pour deux jours alors qu'on passe nos semaines entières au téléphone.
— Merci, je commençais à culpabiliser.
Tu vas bien au moins ? »
J'ai réfléchi une seconde à si je devais lui mentir ou lui dire la vérité.
« Ouais, ça va. »
J'avais tendance à me renfermer dans ces moments là.
« Si ça allait vraiment, tu serais déjà en train de me raconter des tas de trucs en sautant de joie. »
J'ai souri.
« Je me vois mal sauter de joie en te racontant combien de café j'ai servi aujourd'hui.
— Bon aller, accouche. »
J'ai regardé mon balais et son tas de poussières.
« T'es sûr ? »
Ai-je lancé, n'ayant pas envie de paraître encore plus chiant que je ne l'étais déjà.
Alors j'ai fini par lui parler, sans dévoiler le passage des mains baladeuses. Parce que je n'en avais pas l'envie.
Je lui ai parlé de Hwasa, et des souvenirs que ça avait ravivé chez moi. De mon espèce de crise au café que je trouvais ridicule et de mes émois.
« Je vois qu'une solution.
— Laquelle ?
— Parle lui. Appelle la et demande lui, comme ça tu seras fixé.
— Et si je me trompe et qu'elle le prend mal ? Elle va se sentir agressée.
— Je t'ai pas dit de l'agresser, dis lui d'abord que t'es pas sûr de toi et que c'est pour ça que tu veux lui demander. Parle lui de tes angoisses, je suis sûr qu'elle peut comprendre, tu m'as dit qu'elle avait déjà été conciliante quand elle te voyait stressé.
T'es pas obligé de lui déballer toute ta vie, hein.
Juste un « Voilà, désolé mais, je vous ai entendus parler hier, toi et Jungkook, et je me demandais si vous parliez de moi, si j'ai fait quelque chose de mal, bla bla bla.
— Sérieux, Yoongi... J'ai pas envie d'être encore plus casse couilles. Ils vont vraiment finir par se lasser de moi parce que je me prends trop la tête.
— Je me suis lassé de toi, moi ?
— Non, mais..
— T'as pas que des défauts, Jimin.
Les gens voient aussi tes qualités.
Tu préfères quoi, rester comme un con en attendant des réponses qui ne viendront jamais ou contrôler la situation et aller les chercher toi même, ces putains de réponses ?
— Prends ta vie en mains, c'est ça ?
Ai-je répété, la voix morne.
— Exactement. Lance toi au lieu de te torturer l'esprit, là. Au moins ce sera fait. Ce sera juste un mauvais moment à passer.
— Je commence à me sentir coupable de toujours te prendre toute ton énergie.
— T'inquiète, j'en ai encore un sacré stock malgré mes airs de papi.
— J'ai l'impression d'être un gamin et de rien savoir faire sans toi. J'ai archi honte.
— Chacun son rythme. Tu mettras du temps mais tu finiras par te débrouiller par toi même.
Laisse moi t'aider, je peux bien faire ça.
— Qu'est-ce que je peux faire pour te remercier ?
— Suivre mes conseils ! »
A-t-il conclu, et j'ai fini par rire.
J'ai dû le remercier une bonne dizaine de fois avant de raccrocher en lui assurant que j'allais appeler Hwasa, mais une fois devant son contact enregistré,
j'ai hésité.
J'avais délaissé mon balais contre un coin du couloir, le dos appuyé contre le mur.
J'ai levé les yeux de mon écran, le ventre noué, et j'ai soupiré.
« Sérieusement, Jimin, sans vouloir te contredire, j'ai du mal à croire ce que tu affirmes. »
Avait-dit le directeur de mon collège, le nez dans ses dossiers.
« Nori et Shin sont deux élèves exemplaires, jamais personne n'est venu s'en plaindre. L'établissement connaît bien leurs parents.
Tu te rends compte de la gravité de tes accusations ? On ne joue pas avec ces choses là.
— Je.. J'en ai conscience, Monsieur. »
Avais-je réussi à sortir, les jambes tremblantes et les mains qui se tordaient entre elles.
« Tu dis que ça dure depuis combien de temps, exactement ?
— Depuis l'année dernière.
— Aucun professeur ne m'en a jamais informé. Est-ce que d'autres élèves t'intimident de la même manière ? Nori et Shin ont pu être influencés. »
J'avais baissé les yeux,
les doigts tirant nerveusement sur la manche longue qui recouvrait mon bras,
comprenant déjà que tout ça ne mènerait à rien.
« Jimin, je vais devoir contacter vos parents à tous les trois, si tu ne parles pas. »
J'ai levé la tête sous son regard accusateur, sa main posée sur le téléphone fixe.
« Ça.. Ça doit être ça, oui. Je dois me tromper. Et puis, c'est arrivé que quelques fois. J'y porte trop d'importance, ça m'arrive de rire avec eux, c'est pas si grave. Ne les appelez pas, c'est pas nécessaire. »
Les traits de son visage se sont détendus, sa main a lâché le combiné.
« Ça me rassure. Enfin, tu comprends, je ne peux pas porter de telles affirmations sans preuve quelconque.
— Bien sûr.
— A l'avenir, réfléchis bien avant. Deux trois moqueries, ce n'est pas du harcèlement. »
J'ai pensé aux bousculades,
aux boules de papiers qu'on m'avait lancées,
aux vidéos de moi en cours de sport qui avaient circulé,
aux rumeurs chuchotées sur mon homosexualité,
aux
« Hé, Jimin, on m'a dit que t'avais rendu feuille blanche en maths, c'est vrai ?
Nori l'a montrée à tout le monde quand elle a ramassé. »
aux
« Hé, Jimin, c'est vrai que t'es gay ?
Tu peux le dire, promis on va pas rigoler. »
et je lui ai souri.
J'ai porté mon téléphone à mon oreille, les doigts torturants nerveusement la peau de mes lèvres en préparant mentalement ce que j'allais bien pouvoir lui dire.
Les trois sonneries avant qu'elle décroche ont semblé durer une éternité.
Surtout pour la boule dans ma gorge.
J'ai entendu du bruit à l'autre bout du fil à la seconde même où j'avais voulu raccrocher et abandonner.
« ... Hwasa ? »
Ai-je tenté.
Un brouhaha résonnait derrière.
Elle a eu l'air d'attraper son téléphone.
« Allô ? »
A-t-elle lancé, la voix paniquée.
« Hwasa ? Désolé de..
— Jimin, c'est toi ? Tu m'entends ?
Y'a un problème.
— Qu'est-ce qui se passe ?
Ai-je demandé en laissant mes lèvres tranquilles.
— C'est Hoseok, on.. On est.. Un autre gros bruit a retenti,
on est au bar-tabac près de chez toi, à côté du supermarché, rejoins-nous, faut que je te laisse, dépêche toi. »
Et elle a raccroché.
J'ai bêtement fixé mon écran, un peu perdu et brusqué. J'ai lancé un regard à ma paire de chaussures un peu plus loin, comme si elle allait me dire quoi faire, et j'ai décidé de l'enfiler avant de sortir rapidement.
Je n'avais aucune idée de ce que j'étais en train de faire et d'à quoi j'allais bien pouvoir servir, mais j'y suis allé, laissant mes angoisses et ma rancoeur chez moi pour le moment.
En y entrant, j'ai vu un verre se fracasser sur sol, Hwasa qui hurlait désespérément à Hoseok de se calmer et Whee In qui semblait supplier la seule employée présente.
Encore sous le chambranle de la porte d'entrée, je me suis décalé pour laisser sortir un couple de clients choqués.
« Hoseok, merde ! Tu vas ramener les flics !
— Tu commences à me gaver, arrête de te prendre pour le centre du monde. »
A balancé Hoseok, l'œil méprisant envers Hwasa.
Je me suis prudemment approché.
C'est Whee In qui m'a vu en première.
« Whee In, c'est quoi ce bordel ? »
Ai-je lancé alors qu'elle passait une main sur son front.
« Elle veut appeler les flics ! A-t-elle commencé, le souffle court, il était calme quand on est arrivées, mais il-
— Respire et explique moi depuis le début. »
Elle a profondément inspiré et a recommencé, la voix toujours un peu trop rapide mais assez lente pour que je comprenne quelque chose.
« Hoseok nous a appelées pour qu'on vienne le rejoindre ici, Seun-Hee veut rompre,
on savait pas qu'il avait déjà bu avant d'arriver, alors on l'a laissé boire.
Il a une bonne descente mais il a l'alcool mauvais, il a commencé à s'énerver, à mal parler, d'abord à nous, puis aux clients qui commençaient à le regarder et à se plaindre, et à la serveuse depuis qu'elle menace d'appeler les flics si on réussit pas à le sortir de là. Ça lui était pas arrivé depuis des années, je te jure. Il a pas de problème avec l'alcool, mais, on a pas su comment réagir. Il est rarement excessif dans ses émotions, à part quand ça concerne Seun-Hee.
— Comment ça s'est terminé, la dernière fois que ça lui est arrivé ?
— Il a fini en garde-à-vue. »
Je me suis retourné vers eux.
Les yeux de Hoseok étaient rougis et humides,
ses traits crispés, il n'avait même pas l'air de m'avoir remarqué.
« Demerdez vous de sortir votre taré de pote !
Sérieusement, va te faire soigner ! »
A craché la serveuse, le téléphone a l'oreille.
C'est là que Hoseok a explosé, qu'il a voulu se jeter sur le bar rempli de bouteilles en verres devant lequel elle était et que Hwasa a tenté de le retenir du mieux qu'elle le pouvait sans se faire frapper.
« Va crever ! Y'a plus grave dans la vie que tes putain de clients ! »
A-t-il hurlé.
La porte d'entrée s'est ouverte.
Jungkook est entré, s'est avancé, le regard dur fixé sur Hoseok. Il a attrapé son bras d'une main ferme, le forçant à le regarder.
« Lâche la. »
A-t-il lancé, et j'ai remarqué qu'il tenait le tee-shirt de Hwasa entre ses doigts.
Il s'est exécuté, comme s'il venait lui même de s'en rendre compte, avant que Jungkook ne l'entraîne vers la sortie et qu'il ne se laisse faire.
« C'est ça, casse toi ! »
A renchéri la serveuse lorsqu'ils ont passé la porte.
« Va te faire foutre !
A rétorqué Hoseok.
— Putain de merde Hoseok arrête tes conneries ! »
A dit Jungkook en le traînant dehors avec plus de force, le faisant presque trébucher.
Hwasa s'est excusée auprès de l'employée (qui l'a envoyée balader) avant qu'on ne les suive sur le trottoir devant le bar, le pas rapide.
« Lâche moi ! »
A dit Hoseok en le poussant,
le forçant à s'éloigner.
Il a reculé de quelques pas, les sourcils froncés de colère et tristesse.
« C'est tellement facile pour toi,
t'es tellement parfait, a-t-il lancé, le ton méprisant et la voix amère,
personne s'est jamais lassé de toi,
c'est toujours toi le premier à larguer.
Trois cordes grattées et t'as tout le monde à tes pieds. »
A-t-il conclu en croisant mon regard.
J'ai cru rêver une seconde.
Whee In a posé une main sur mon épaule.
« Il le pense pas vraiment, Jimin. »
M'a-t-elle chuchoté.
J'ai ramené mes bras contre ma poitrine, mal à l'aise, regrettant soudainement d'être venu.
De dos, devant nous, Jungkook ne bronchait pas, continuait de lui faire face sans un mot.
« Arrêtez de me regarder comme ça ! »
Jungkook s'est doucement avancé vers lui, a voulu attraper son bras, mais Hoseok s'est débattu.
Il a fini par le prendre de force contre lui, comme s'il avait deviné qu'il allait craquer deux secondes après.
Il a craqué deux secondes après,
et s'est mis à pleurer, les dents serrées.
« J'suis ridicule. »
A-t-il dit en retenant ses sanglots, la tête posée sur l'épaule de Jungkook qui lui répétait des mots réconfortants.
Hwasa s'est timidement avancée vers eux, voulant rejoindre l'étreinte.
En la voyant arriver, Hoseok s'est éloigné de Jungkook et s'est laissé prendre dans les bras de Hwasa. J'ai prié pour que Whee In, à mes côtés, ne me laisse pas seul sur le côté pendant leur démonstration d'affection.
La seconde d'après, elle s'éloignait et les rejoignait.
J'ai détourné le regard, recroquevillant un peu plus mes bras contre moi.
En les regardant à nouveau,
j'ai croisé les yeux de Jungkook,
et ironiquement, j'ai réussi à tenir assez longtemps pour les voir se détourner.
• ॐ •
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