IX
« Peut-être qu'il attend que tu lui envoies un message ? »
J'ai soupiré en changeant de chaîne, la télécommande en main.
Cinq jours étaient passés depuis le dimanche où nous nous étions vus, et en dehors du groupe Messenger, je n'avais pas eu de nouvelles de lui.
« Peut-être. »
Ai-je répondu à Yoongi, mon téléphone posé sur le canapé, à mes côtés.
Nous étions vendredi, et je commençais à dix heures.
« Si c'est ça, qu'est ce que tu veux que je lui dise, sérieux ? Salut ! C'est Jimin, tu te souviens de moi ? Mais si, tu sais, le boulet qui s'est incrusté avec vous la dernière fois.
Je vais être ridicule.
— Tu peux juste lui dire bonjour, sinon.
— Et s'il me répond pas ?
— Tu peux pas savoir si t'essayes pas ! »
A-t-il répondu, une pointe d'agacement dans la voix.
« Me crie pas dessus !
— Tu te plains mais tu fais rien pour changer les choses, bouge toi un peu !
— Ouais, bah, hein. »
Un silence s'est installé.
J'ai fixé l'écran de ma télé, les sourcils froncés,
en m'admettant qu'il avait raison.
Puis, en me disant que j'étais assis là depuis longtemps, j'ai attrapé mon téléphone.
« Il est moins le quart, j'vais y aller, ai-je lancé.
— Ok. Faut que j'y aille aussi de toutes façons.
— À plus tard ?
— À plus, bon courage. »
A-t-il conclu.
Et je suis parti au café, fatigué sans trop envie d'y aller.
« Salut Jimin !
M'ont lancé Youngjae et Mina lorsque je suis arrivé.
—Hey, vous allez bien ?
— On se fait chier, y'a personne. Heureusement que t'es arrivé, a dit Youngjae.
— J'arrive. »
Ai-je dit en partant dans la réserve pour déposer mes affaires et me changer.
J'ai sorti mon téléphone, et je suis resté à le regarder de longues secondes avant de me décider à le déverrouiller.
10:03
Jungkook
Quand est-ce que tu me montres les étoiles ?
J'ai passé deux bonnes minutes le pouce au dessus de la flèche verte avant de prendre une profonde inspiration et de l'envoyer.
Je l'ai aussitôt verrouillé et rangé dans ma poche avant de rejoindre Mina et Youngjae,
mais je l'ai senti vibrer une minute après.
Passe chez moi ce soir
Alors, à vingt et une heures, après une journée interminable,
je me suis une nouvelle fois empressé de quitter le café sous les regards curieux de mes deux collègues.
Dehors, le ciel s'était adouci et reprenait cette teinte rose-orangée. La chaleur s'atténuait.
J'ai changé d'itinéraire, délaissant le métro pour cette fois, et je suis parti en direction de chez lui.
En sentant mon ventre se tordre, j'ai osé l'imaginer aussi stressé que moi, ou, au moins, juste un peu.
Puis je me suis dit que c'était peu probable.
Une fois en bas de chez lui, j'ai remercié la femme qui venait de sortir en me tenant la porte, et je suis entré.
Je me suis arrêté face à sa porte, et je l'ai regardée.
Encore,
et encore,
jusqu'à m'agacer moi même.
Alors j'ai rapidement passé une main dans mes cheveux, et j'ai frappé.
Le silence qui a suivi a semblé interminable,
jusqu'à ce que la porte ne s'ouvre sur lui.
Habillé d'un jogging gris, d'un sweat qui suivait et les mains dans les poches,
il avait l'air encore plus décontracté qu'il ne l'était déjà habituellement.
Ses cheveux semblaient plus foncés, autant que son regard, et cette boucle d'oreille semblait lui aller mieux encore que les jours précédents.
En relevant les yeux vers les siens, j'ai compris que je n'avais pas été discret en le détaillant.
Il a haussé un sourcil, et le coin de sa lèvre a suivi.
J'ai rapidement lâché son regard, et il s'est reculé pour me laisser entrer.
Je me suis avancé,
puis me suis retourné vers lui en l'entendant fermer la porte derrière moi.
Il a replongé la main qu'il avait utilisée dans sa poche.
L'ambiance s'est alourdie.
Il s'est avancé vers le fauteuil,
la démarche féline,
et s'est penché pour attraper le manche de sa guitare qui traînait.
« T'as passé une bonne journée ? »
A-t-il lancé d'une voix calme, un poil grave,
tandis qu'il rangeait la guitare dans un coin.
Je me suis adossé à son bureau.
« O-Ouais.. »
Ai-je sorti, incapable de rajouter quelque
chose.
Il a relevé les yeux vers moi.
« Respire. »
M'a t-il dit avec un fin sourire, gentiment moqueur.
J'ai cru que l'éclat de ses dents allait me rendre aveugle.
Un rire léger m'a échappé.
« C'était.. Un peu long. Mais j'ai connu pire,
ai-je reformulé.
— Comme le lendemain de la soirée ?
— Précisément. »
Il a ri.
« J'espère que ça te fera pas fuir pour la prochaine. »
J'ai haussé un sourcil, identiquement au sien quelques minutes plus tôt.
« Ah, vraiment ? »
Il a haussé les épaules, faussement innocent,
avant de me lancer un sourire joueur qui le trahissait tandis qu'il partait dans l'autre pièce.
« Je te sers quelque chose ?
— Si tu bois avec moi, oui. »
J'ai entendu la porte d'un frigo, puis des bruits de verre qui s'entrechoquent.
Il est rapidement revenu, deux bières décapsulées sous la main.
« T'aimes pas boire seul ?
A-t-il renchéri en m'en tendant une.
— C'est pas intéressant. »
Un léger sourire a survolé ses lèvres alors qu'il se penchait vers son ordinateur en veille, toujours posé sur le bureau auquel j'étais adossé.
J'ai tourné la tête, curieux.
L'écran s'est allumé sur XO de Beyoncé, mise en pause.
Il a relevé les yeux vers moi.
On s'est regardé.
Longtemps.
« J'ai un amour caché pour Beyoncé. »
A-t-il lâché comme s'il m'avouait l'inavouable.
Ses lèvres se sont serrées.
Je l'ai encore regardé quelques secondes,
puis, ma main s'est faufilé jusqu'au clavier sans que je ne le quitte des yeux,
et j'ai appuyé sur la barre d'espace.
La musique s'est relancée, et je n'ai pas pu retenir mon rire plus longtemps.
Il m'a suivi.
« Promis, j'suis pas une créature efféminée qui hurle dès qu'elle entend du Beyoncé ou du Britney.
— Ou qui boit des cosmos en critiquant le premier fashion faux pas qu'elle voit ? »
Il a ri de plus belle,
puis a posé les yeux sur l'une des fenêtres face à nous, qui surplombaient son bureau et qui donnaient sur son balcon.
La nuit était pratiquement tombée.
« On y va ?
A-t-il lancé.
— Je te suis. »
Alors il s'est approché de la porte fenêtre entrouverte qui menait au balcon.
Je l'ai suivi, il l'a totalement ouverte, et s'est avancé.
Il habitait dans une résidence, avec d'autres appartements semblables au sien qu'on pouvait voir depuis son balcon.
Certains d'entre eux étaient déjà allumés,
et ça sentait le barbecue.
A la seconde où j'y ai posé le pied, j'ai pu entendre les voix et les rires chaleureux des autres locataires, déjà sur le leur, un gobelet en plastique dans chaque main.
En baissant les yeux, j'ai vu Cooky, allongé sur une dizaine d'oreillers et plaids disposés sur le sol,
face à un télescope.
Au dessus de nous étaient suspendues quelques plantes, elles en meilleure santé, et on pouvait encore entendre la playlist qui résonnait faiblement depuis l'intérieur.
Lorsqu'il m'a regardé, sûrement pour essayer de voir ce que j'en pensais, j'en étais resté bouche-bée.
Pour m'imiter un peu plus tôt, sa main s'était faufilée jusqu'à un petit boîtier, sans me quitter des yeux,
et une fine guirlande de lumières scotchée sur la rambarde s'était allumée.
« Wow. »
C'était tout ce que j'avais réussi à sortir.
Il a tendu le bras vers le coin coussins, m'invitant à m'y installer.
J'ai pris place aux côtés de Cooky qui n'avait pas le moins du monde l'air dérangé par notre arrivée.
« Alors ? »
M'a-t-il dit une fois assis.
« Je trouve ça génial. Tu restes souvent ici ?
— Pratiquement toutes mes nuits. »
Il a bu une gorgée de sa bouteille, alors j'ai fait de même, puis, il l'a mise de côté et a posé les mains sur son télescope.
« Et tu t'en sers depuis longtemps ?
— Ça va faire un an. »
Il a continué de trifouiller les mécaniques avant de sembler se rappeler quelque chose.
« Attends. »
Il s'est penché, a glissé sa main sous l'un des coussins, et en a sorti un carnet.
« Tiens. »
Je l'ai attrapé avant de l'ouvrir prudemment, comme s'il était en cristal.
« C'est tout ce que j'ai réussi à voir pour l'instant. »
Je suis directement tombé sur la double page qu'il avait consacrée à la lune.
Ses caractéristiques survolaient les deux pages, entrecoupées de dessins réalistes au crayon de bois, sûrement de ce qu'il pouvait voir depuis son télescope.
J'ai pu reconnaître Tycho, le cratère le plus prédominant de la lune, sur la deuxième page.
Chaque petit détail y était représenté, sans en faire trop pour autant.
A ses côtés, un astéroïde trônait, et les quelques mots au dessous racontaient qu'il en était la cause, il y a un peu plus d'une centaine de millions d'années.
Ce fut comme si ses dessins se mettaient à bouger, comme ces carpes à mes pieds quelques jours plus tôt.
En tournant la page,
je suis tombée sur celles de Saturne.
J'ai immédiatement croisé son regard, les yeux rêveurs.
« Tu peux voir Saturne ? »
Il a souri, puis a reposé les yeux sur son télescope et l'a légèrement bougé avant d'y plonger son regard.
« Si tu me laisses deux minutes, je peux. »
Mon sourire s'est illuminé,
et j'ai posé ma joue contre le creux de ma main, reposant mon attention sur son carnet.
En contemplant de nouveau ses dessins, j'ai pouffé, et j'ai dit
« Qu'est-ce que tu sais pas faire, sérieusement ? »
Il a ri.
« Danser.
— C'est vrai ?
J'veux voir ça.
— Jamais !
— Pourtant, t'avais un beau déhanché, à la soirée. »
J'ai timidement relevé les yeux vers lui, mais il avait toujours le regard plongé dans son télescope.
J'ai vu ses lèvres s'étirer, et j'ai baissé les yeux.
« N'importe qui peut le faire. »
J'ai pensé
n'importe qui n'est pas si sexy juste en se déhanchant,
et j'ai enchaîné.
« Mouais.
— T'aurais pu le faire, toi aussi. »
J'ai pouffé, et j'ai tourné la page du carnet.
« C'est pas mon genre.
— Tu crois ? »
A-t-il lancé.
Mes sourcils se sont froncés d'incompréhension.
« Heu, oui ?
— Pourquoi ?
— T'en poses de ces questions.
J'y ai jamais réfléchi.
— Tu devrais.
— C'est pas toi qui me disait d'arrêter de réfléchir ?»
Il a ri.
« Touché.
— Plus sérieusement.. Ai-je renchéri,
j'en sais rien, j'oserai jamais.
J'suis trop timide, je crois.
— Je pense pas.
— Ah bon ?
— Si t'étais si timide, tu me l'aurais jamais dit. »
Je l'ai regardé.
« Et tu serais pas là aujourd'hui.
T'as sûrement juste besoin qu'on te pousse un peu. »
Il a lâché son télescope et m'a regardé.
« Je l'ai trouvée.
A-t-il dit en souriant.
« Quoi, sérieusement ? Je peux voir ?
— Approche. »
Alors je me suis approché.
Nos épaules se sont collées.
J'ai regardé le télescope,
puis lui,
le télescope,
et encore lui.
Il a ri.
« Il va pas te manger. »
Je lui ai donné un coup de coude, alors il a ri de nouveau, et j'ai enfin osé plonger mon regard là où était le sien un peu plus tôt.
J'ai halluciné en comprenant que je distinguais ses anneaux. Si bien que je pouvais voir la différence de couleurs entre certains d'entre eux.
Au bout d'une vingtaine de secondes, je me suis éloigné. J'ai fixé le télescope un instant, sans un mot, puis j'ai légèrement secoué la tête, n'en revenant pas.
Jungkook a éclaté de rire sous mon air ébahi.
Un léger rire m'a échappé tant le sien était communicatif.
« Rigole pas ! »
Finalement, la nuit était tombée.
Des milliers d'étoiles brillaient,
les autres étudiants riaient et chantaient à tue tête ces musiques qu'on connaissait tous sur le bout des doigts, ma bière était vide.
J'ai continué à feuilleter le carnet.
La dernière page écrite n'avaient que quelques mots.
« La galaxie d'Andromède ?
— Ça fait des jours que je la cherche. »
J'ai levé les yeux vers lui.
Il réglait d'innombrables visses de son télescope,
alors, sans le lâcher du regard, j'ai posé ma joue contre la paume de ma main.
« Parle moi d'elle. »
Ai-je lancé, d'une voix un peu plus mielleuse que prévu.
Nos regards se sont croisés une seconde.
Il a souri, concentré sur ce qu'il faisait.
« Hum...
C'est la galaxie la plus proche de la nôtre. »
A-t-il commencé, imitant le ton joueur que j'avais pris.
« Proche ?
— Deux millions cinq cent cinquante mille années lumières. »
J'ai esquissé un rire.
« J'ai connu plus proche. »
Il a esquissé un rire a son tour, puis a enchaîné.
« On rentrera sûrement en collision avec elle dans quatre milliards d'années. »
J'ai regardé les étoiles. Nos voix baissaient en intensité, devenaient plus douces à mesure que l'on se parlait.
« Tu crois qu'il y aura encore quelqu'un ? »
Il a levé les yeux vers le ciel et a profondément inspiré, l'air pensif.
« J'en sais rien.
D'ici là, on aura peut-être eu le temps d'aller vivre sur Mars et de refaire les mêmes conneries qu'on a faites sur Terre. »
J'ai eu un rire soufflé, m'avouant tristement que c'était probable, et soudain, j'ai osé imaginer passer mes nuits d'été à ses côtés. À l'écouter parler d'infini et d'étoiles surdimensionnées pendant des heures, sans m'en lasser.
C'est ce que j'ai fait, ce soir là.
Il était plus de minuit lorsque j'ai passé la porte d'entrée.
Je me suis retourné vers lui,
il s'est appuyé sur le chambranle, les mains dans les poches de son jogging.
Le pallier était éteint,
seules les guirlandes de lumières et sa lampe de bureau a l'autre bout de la pièce nous éclairaient faiblement.
J'ai tenté de soutenir son regard,
mais j'ai vite tourné les yeux.
« Ça va aller pour rentrer ? »
A-t-il lancé le premier, avec la même voix que lorsque j'étais entré.
Lascive.
Comme si ses charmes filtraient naturellement par tous les pores de sa peau.
« C'est pas loin, ça ira. »
J'avais insisté pour rentrer seul.
« T'as mon numéro, si jamais. »
C'est là que j'ai croisé son regard, et que j'ai vu dans la manière dont il me regardait le sous-entendu de la fois où il m'avait raccompagné.
« En m'ajoutant sur facebook,
en me demandant mon numéro... »
En y repensant, j'ai senti mon ventre se serrer.
Sans savoir pourquoi, j'avais toujours honte de ce moment là.
Un fin sourire amusé et rassurant s'est dessiné sur ses lèvres, le regard bienveillant, et sa main est sortie de sa poche pour venir effleurer ma boucle d'oreille pendante, avec la même douceur,
la même espièglerie que la première fois.
Un sourire m'a échappé.
« Bonne nuit ?
A-t-il renchéri.
— Bonne nuit. »
Ai-je répondu, cette fois sans le lâcher des yeux,
avant de m'éclipser.
• ॐ •
– Southern Sleeping At Last
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– The projectionnist Sleeping At Last
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