Quatre avril
Quatre avril.
Je ne tiens plus en place. En soit, je ne tiens plus en place depuis que je me suis réveillé ce matin. Non, depuis une semaine. Non, depuis des années en fait. Depuis que j'ai eu les places pour le concert de ma vie mais qu'il n'a fait qu'être reporté à cause de la crise sanitaire.
Mais, aujourd'hui, on y est enfin. Ce matin, je me suis rendu à la gare de Montpellier, ma ville natale, pour prendre le train jusqu'à Paris. Et c'est le prochain arrêt, dans seulement quelques minutes. Je n'arrive pas à le réaliser. J'ai l'impression que, tant que je ne serais pas dans la salle de concert en face du chanteur, je ne le réaliserais pas.
Mais il n'y a pas que lui que j'attends de voir pour la première fois.
Je souris à cette pensée, descendant mon regard vers la chanson qui se joue dans mes écouteurs. Alter Ego de Jean-Louis Aubert. C'est plus fort que moi. Cette chanson me fait penser à Harry. C'est le garçon avec qui j'échange des messages depuis que je suis réveillé. Enfin, ça fait un an qu'on s'échange des messages jours et nuits.
On s'est rencontré par hasard il y a un an sur les réseaux sociaux, dans les commentaires d'un post pour le chanteur qu'on va justement voir cette année. J'avais tweeté une connerie qui l'a apparement fait rire. On s'est mit à parler sous le tweet puis à passer en message privé pour éviter d'emmerder nos abonnés avec les notifications.
On a appris à se connaître sans même s'en rendre compte et lorsqu'on s'est échangé nos instagram personnels, j'ai vu son visage pour la première fois. J'ai craqué à la seconde où je l'ai vu. Il avait dix-neuf ans à ce moment là et aujourd'hui il a vingt ans, comme moi. Ses cheveux sont bruns et bouclés, ce qui contraste complètement avec ses yeux verts magnifiques. Il est magnifique. Et c'est un magnifique supplice de s'échanger des snap avec lui. Parce qu'il est tout le temps magnifique et charmant à mes yeux, même au réveil.
Je craque pour Harry depuis un an maintenant, ce que mes parents ne comprennent pas trop puisque je ne l'ai jamais vu. Mais je crois qu'ils ne comprennent pas que mes amis virtuels, pour la plupart, son plus présents et sincères que certains de mes amis près de chez moi. Si j'avais croisé Harry dans la rue, j'aurais autant craqué que derrière un écran. C'est tellement cruel qu'il habite en Normandie et moi à Montpellier.
On s'appelle tout le temps en facetime, on se raconte nos journées par sms lorsque moi je suis au travail et que lui est en cours. Il fait des études en arts du spectacle et moi je travaille dans le cinéma familial avec mes parents. Notre amour pour l'art nous a rapproché même si Harry défend son amour pour le théâtre lorsque, moi, je défend le mien pour le cinéma. Il m'a promis de me trainer avec lui à un spectacle de théâtre un jour.
Harry n'avait pas eu de places pour le concert, lors de la première vente. Le chanteur est mondialement connu mais l'Olympia n'est pas une très grande salle alors tout est parti très vite. Lorsque j'ai su qu'il en cherchait, et donc que ça serait une chance d'enfin le voir lui aussi, j'ai remué ciel et terre pour lui trouver une place. Une de mes abonnées en vendait une dans la fosse, là où je vais me retrouver aussi, et je lui ai acheté sans même le dire à Harry.
J'ai attendu notre appel du soir pour lui annoncer et j'ai alors vu son visage se déformer sous la surprise et la joie. Il m'a remercié un millier de fois avant de dire cette phrase qui m'a complètement retourné:
Louis, je crois que je suis encore plus heureux de te voir toi que d'aller au concert.
Je n'ai jamais parlé à Harry de ce que je ressens pour lui, mais je crois que ça paraît évident à certains moments. Surtout lors de nos discussions nocturnes, où on se sent soudainement plus courageux pour se confier. Je lui ai dit qu'il comptait énormément pour moi et il m'a répondu que je comptais beaucoup pour lui aussi. Il sait que je suis gay et je sais qu'il est bi, même si on ne l'a pas souligné en parlant de nous. C'est juste en parlant de nos anciennes relations qu'on l'a compris.
Je crois qu'il y a une chance pour que Harry ressente la même chose que moi. Ce lien qui s'est crée entre nous est beaucoup trop fort. Il me complimente souvent, me dit de faire attention à moi lorsque je pars en soirée et je fais de même avec lui. Lorsque je lui ai raconté qu'un mec avait essayé de m'embrasser en sortie de boîte une fois, j'ai vu le visage de Harry se fermer. Puis j'ai cru entendre de la tristesse lorsqu'il m'a demandé si j'étais intéressé. J'ai directement répondu que non, et il s'est détendu.
A moins qu'il ne me cache le contraire, Harry ne fréquente personne. Et je sais que ça me ferait beaucoup trop mal si je l'apprenais un jour. Je ne sais même pas si je serais capable de rester amis avec lui malgré le fait que je ne me vois pas sans lui aujourd'hui. Il fait parti de mon quotidien.
J'ai l'impression que c'est la personne que j'ai attendu toute ma vie sans pour autant attendre quoi que ce soit.
Je sors de mes pensées en voyant tout le monde se mettre à bouger autour de moi. Et je réalise au même moment qu'on est arrivé? Ça y est, je suis à Paris. Mon ventre se retourne dans tous les sens parce que je sais que Harry est arrivé depuis une heure déjà et qu'il est quelque part dans la gare, en train de m'attendre. Je vais le voir. C'est ce que je me répète en rangeant mes affaires et en me faufilant dans la queue pour sortir du train. Je vais voir Harry. J'y pense depuis que j'ai eu sa place. Et si ça ne se passait pas comme à travers nos écrans? Et s'il me trouvait plus moche en vrai? Et si on ne savait pas comment agir? On se raconte nos joies et nos peines depuis un an, ça serait horrible d'agir comme si on était de parfaits inconnus.
Le coeur en vrac, j'arrive finalement à sortir du train. Je me dirige rapidement vers un hall de la gare de Lyon et, putain, c'est bien plus grand que la gare de Montpellier. C'est immense. Je crois que je suis déjà perdu sans même avoir fait un pas de plus.
Lorsque mon téléphone se met à sonner, je sais déjà qui c'est avant même d'avoir raccroché. Et, parce que je suis tendu, parce que j'appréhende, je fais comme je fais toujours pour cacher ma nervosité: je décide de dire des conneries. L'humour, meilleure arme contre la peur.
-« Salut, Harry. » Je dis en répondant à l'appel. « On est arrêté en plein milieu de la voie, on va apparement avoir un retard de six heures au moins et...
-Menteur. » Rit Harry de l'autre côté du téléphone.
Je soupire avant de rire à mon tour en lui répondant:
-« Je suis un si mauvais comédien?
-Non, mais je sais que t'es perdu.
-Quoi?
-Regarde sur ta droite. »
Je me tourne alors sur ma droite et mon coeur explose en un rien de temps lorsque je vois Harry à quelques mètres seulement, souriant en tenant son téléphone. Je souris instinctivement aussi et mon coeur bat tellement fort que je pourrais en avoir mal à la poitrine. Nous restons immobiles comme ça un instant, peut-être le temps de réaliser qu'on est plus à des kilomètres de distance mais bien qu'à quelques mètres. Après un an.
Harry est magnifique. C'est encore plus frappant en vrai. Il porte un gros sweat violet pastel avec un jean troué noir. Il tient contre lui sa petite valise, ce qui me fait rire puisque j'ai opté pour un simple sac de mon côté. Il a coupé ses cheveux qui lui arrivent de nouveau un peu au dessus des épaules. Je lui ai déjà dit qu'il ressemblait à un prince comme ça.
C'est lui qui fait le premier pas vers moi, alors je fais le second. On se rapproche de plus en plus rapidement et Harry me surprend lorsqu'il fonce directement dans mes bras. Je ne le remercierais jamais assez pour l'avoir fait car j'en avais terriblement envie mais peut-être pas le courage.
Mon sac sur les épaules, j'enroule mes deux bras autour d'Harry pour le serrer contre moi. Mon visage s'enfouit instinctivement contre son épaule. Je découvre pour la première fois son odeur et je pourrais très vite en être accro. Non, en fait j'en suis déjà accro. Notre étreinte est aussi naturelle que nos échanges depuis cette dernière année. Comme si c'était simplement la suite logique. Je ne ressens aucune gêne et je pense que Harry non plus.
-« J'ai du mal à réaliser que tu sois vraiment là. » Il me dit lorsqu'on met fin à notre étreinte.
-« Attends un peu que je râle dans tout Paris et tu le réalisera rapidement. »
Harry secoue la tête en riant et qu'est-ce que c'est bon de l'entendre sans les grésillements de nos appels. Je craque, je craque, je craque. Mon regard s'attarde un peu plus sur son profil, sur les traits de son visage, sur sa mâchoire, et je déglutis difficilement lorsqu'il surprend mon regard. Il me sourit tendrement, un sourire auquel je réponds avant qu'il ne me demande:
-« Tu as fait bon voyage?
-C'était rapide et à la fois atrocement long tellement j'avais hâte d'arriver. En plus il y avait un retard de cinquante minutes à la gare de Montpellier!
-Je sais, Louis. Tu m'as envoyé quarante messages au moins pour ça.
-Je paniquais.
-Il est vingt-heures et le concert est seulement demain soir. Tu avais de la marge.
-Mais c'est pas au concert que je pensais en ayant peur d'être en retard. »
A l'entente de ma phrase, plusieurs lueurs traversent le regard de Harry. Son sourire se fait plus timide et l'atmosphère change soudainement lorsqu'il m'avoue doucement:
-« Je suis vraiment content que tu sois arrivé. Je faisais les cent pas dans la gare en t'attendant.
-Je suis vraiment content d'être enfin avec toi aussi, Harry. »
Nos sourires n'arrivent plus à disparaître et je crois que je pourrais l'embrasser là maintenant si je n'avais pas peur de tout gâcher en ne connaissant pas ses envies. On est censés être amis, on a jamais dit être plus que ça. Même si je le souhaite de mon côté, je ne veux pas prendre le risque de faire quelque chose que Harry ne souhaiterait pas.
-« Il y a un détail qui m'a choqué quand je regardais à travers la fenêtre du train. » Je lance à Harry alors qu'on traverse la gare.
D'ailleurs je lui fait confiance parce que je ne suis jamais venu sur Paris seul avant. Je suis venu une fois en voyage scolaire mais on était encadré et je cherchais même pas à savoir comment me repérer dans le métro. Je me souviens juste de l'auberge de jeunesse et de cette statue du petit-jésus en face de ma fenêtre.
-« Et c'est quoi ce détail qui t'a perturbé?
-Vos vaches. »
Harry s'arrête pour tourner la tête vers moi, les sourcils froncés.
-« Nos...vaches?
-Elles sont pas toute noires!
-Bah non, elles sont blanches et noires à la limite, ou marron...
-C'est fou.
-On dirait que tu débarques sur une autre planète.
-Le nord est une autre planète. »
Harry secoue la tête, amusé par mes réponses et je suis soulagé de constater que, ça aussi ça ne change pas. J'arrive toujours à le faire rire, même en face.
-« Tu sais quel ligne de métro on doit prendre? » Je lui demande alors qu'on marche depuis quelques minutes.
-« Oui, je suis allé la repérer pendant que je t'attendais. Elle mène directement à l'Olympia et on sera à dix minutes de l'hôtel, comme prévu.
-Je serais déjà perdu sans toi. » J'avoue en regardant toutes les lignes colorées d'un plan devant lequel on passe.
Avec Harry, on a décidé de prendre une chambre d'hôtel ensemble pour se partager les frais. On a choisi un hôtel à côté de l'Olympia puisqu'on va se lever très tôt pour aller dans la file. On aimerait être bien placé dans la fosse mais on a été d'accord sur le fait de ne pas camper ce soir. On compte y aller très tôt dans la matinée, peut-être trois ou quatre heures du matin. Je n'ai jamais fait ça pour un concert alors je redoute un peu. J'ai peur d'avoir trop froid, de faire un malaise demain au concert à cause de la fatigue...Mais en même temps je suis surexcité.
Lorsqu'on arrive enfin sur le quai du métro, ce dernier arrive en moins de deux minutes. On entre rapidement à l'intérieur et, évidemment, il n'y a pas de places assise. On est déjà assez serré debout. Tellement que je me retrouve collé à Harry, mon dos contre son torse.
-« Tu devrais te tenir. » Me conseille Harry en enroulant ses doigts autour de la barre en fer.
-« Il y a pire que le covid là-dessus. » Je lui répond en grimaçant.
Harry sourit mais je n'ai pas le temps de rajouter quoi que ce soit que le métro démarre. Je bascule légèrement sur le côté mais j'arrive à tenir. Enfin, jusqu'à ce que le métro freine soudainement en plein milieu du trajet et que je me retrouve propulsé sur le côté.
Rapidement, Harry enroule son bras autour de ma taille et une douce chaleur traverse ma cage thoracique. Je relève la tête vers lui et son sourire est à la fois amusé et timide. Autant que le mien, je crois.
-« Merci. » Je dis doucement.
Puis, la seconde d'après, je décide de poser ma main sur celle d'Harry, accrochée à la barre. J'essaie d'ignorer les frissons qui me traversent à ce nouveau touché, me contentant de lui dire:
-« Merci de te sacrifier pour moi. »
Harry baisse la tête vers moi, son souffle s'échouant presque dans ma nuque. Je crois que j'aime déjà beaucoup trop être près de lui et que ce n'est définitivement pas le moment de déjà penser au départ.
-« C'est bien parce que c'est toi. » Il me répond finalement.
Je souris doucement après avoir détourné le regard.
Je ne pense pas que mon coeur soit prêt pour ces prochains jours.
♦
Lorsqu'on sort de la bouche de métro, j'ai l'impression d'être une petite fourmis. Bon, être plus petit que Harry n'aide déjà pas. Je regarde autour de moi, impressionné. Certaines partie de la ville me font penser à Montpellier mais d'autres me font bien réaliser qu'on est à Paris. Comme les géantes publicités sur certains bâtiments. Ou le fait que les gens traversent au passage piéton que ça soit rouge ou non. Je crois qu'on est les seuls à attendre que ça soit vert avec Harry.
-« Par où on doit aller? » Je demande à Harry en lançant un regard vers son portable où il a ouvert un plan.
-« Toujours tout droit pour l'Olympia. » Il dit en me montrant le trajet tracé en bleu. « On peut y passer avant de prendre la direction de l'hôtel si tu veux. »
Je hoche la tête, c'est l'idée que j'avais eu aussi. On marche donc tout droit et, à un moment, un motard me klaxonne. Il me klaxonne alors que je suis sur le trottoir. Je fronce les sourcils, ne comprenant pas. Je me retourne vers lui, attirant l'attention de Harry alors que le motard continue de vouloir forcer le passage sur le TROTTOIR.
-« Je crois qu'il veut qu'on se pousse. » Me dit Harry en me faisant me décaler avec lui.
Et, effectivement, sous mes yeux écarquillés, le motard dépasse la file de voiture en passant tranquillement par le trottoir, n'hésitant pas à klaxonner les piétons.
-« Mais c'est la jungle ici! » Je lâche à Harry alors qu'on se remet à avancer.
Il rit en hochant la tête.
-« C'est Paris.
-Ça se voit que tu as l'habitude de venir.
-Dès que je peux, oui. Quand tu aimes l'art, tu aimes forcément une partie de Paris. Il y a tout le temps des spectacles, des représentations, des artistes de rue... Et je ne parle même pas de la butte Montmartre. »
Je souris, fasciné de voir Harry aussi passionné. On a déjà eu cette discussion sur l'art et sur ses visites à Paris mais je suis heureux de l'entendre me le répéter en face. Ce que j'aime aussi chez Harry, c'est cette passion qui ne quitte jamais ses yeux. Un rien le fascine. Et lorsqu'il parle de ce qu'il aime, c'est rare de réussir à l'arrêter. Et je ne souhaite jamais le faire. Il remarque des détails que je ne vois pas, parce que je regarde toujours tout en surface. Mais Harry ne fait jamais ça. Il prend le temps. Le temps de regarder, le temps d'aimer, le temps d'apprendre tout ce qu'il y a à apprendre sur une oeuvre, sur une personne, sur un lieu...
Il me fait penser à une amie à moi, Laureen. Elle est très cultivée, surtout en histoire. A chaque musée où elle m'a emmenée, elle connaissait par coeur la vie des personnalités historiques. Elle était avec moi, lors de ma sortie scolaire à Paris. Elle m'a donné quelques idées pour le six avril, d'ailleurs. Des lieux à visiter avec Harry. Laureen est partie faire ses études à Angers et elle me manque beaucoup. Les gens qu'on aime le plus sont toujours trop loin de toute façon!
-« Louis, regarde! » S'exclame soudainement Harry.
Je sors de mes pensées et relève la tête pour voir l'enseigne de l'Olympia à seulement quelques pas. J'ouvre grand les yeux, sentant l'adrénaline me remuer l'estomac. On échange un regard avec Harry avant d'accélérer le pas et de nous retrouver devant la salle de spectacle où certain.e.s fans semblent déjà camper.
-« Ils n'ont pas encore affiché le nom de l'artiste. » Remarque Harry.
-« Non. Mais, demain, je veux notre photo devant!
-Evidemment. » Confirme Harry en me souriant. « Mon meilleur ami, Antonin, veut que je lui envoie une photo avec toi de toute façon.
-Pourquoi Anto veut une photo de nous? »
Je sais très bien qui est Antonin, Harry n'avait même pas à me rappeler que c'est son meilleur ami. Il s'est déjà incrusté lors de nos appels et c'est vraiment un garçon super sympa. Bon, même s'il n'hésite pas à faire des sous-entendus sur notre relation avec Harry et qu'il lui a déjà dit avant de raccrocher « on le voit quand ton mec? ». On en a jamais reparlé avec Harry mais j'y pense toujours depuis. Il tient une chaine youtube, principalement pour le makeup. Il fait des maquillages magnifiques et, un jour, il a posté une vidéo avec Harry. Une vidéo mon meilleur pote essaie de reproduire mon makeup. C'est devenu ma vidéo préférée.
-« Hm, je sais pas, juste comme ça. » Répond finalement Harry en fuyant mon regard. « Il est content qu'on se voit enfin. »
Je souris en hochant la tête et nous sommes coupés dans notre conversation par mon ventre qui se met à gargouiller violemment. Harry hausse les sourcils avant de rire face à mon air gêné.
-« Pour ma défense, j'ai rien mangé à midi tellement j'avais hâte d'arriver.
-Honnêtement? Moi non plus. Tu veux manger dehors ou on se fait livrer à l'hôtel? »
Je me pince les lèvres en réfléchissant. Dans tous les cas on doit poser nos affaires à l'hôtel. Et on doit essayer de se reposer au maximum avant de venir faire la queue dans la nuit. Je ne sais pas si j'ai le courage d'aller patienter dans un restau ou fast food après cette longue journée de transports et après la longue journée de demain qui nous attend. Puis, l'idée de manger en tête à tête avec Harry sur nos lits d'hôtel est vraiment tentante et réconfortante.
-« A l'hôtel? » On propose en même temps.
Nos regards se croisent et on rit tous les deux avant que je reprenne:
-« Je crois qu'on a notre réponse.
-Je rentre l'adresse sur mon téléphone.
-Comment ils faisaient à l'époque pour se retrouver dans Paris, sérieux?
-Ils avaient des cartes? Tu sais, l'ancêtre du fameux Plan.
-Trop compliqué. On aurait dû s'envoyer des pigeons voyageurs pour se retrouver dans la gare de Lyon. »
Harry ne se retient pas de rire à ma blague, passant son regard de son écran à moi plusieurs fois. On reste silencieux durant le reste du trajet. Mais ce n'est pas un silence gênant. C'est un silence où Harry observe les rues par lesquelles on passe tandis que je l'observe lui, tentant de rester discret et faisant comme si je regarde son écran lorsqu'il tourne la tête vers moi.
-« C'est celui-là. » M'informe Harry en montrant l'hôtel en question. « Il a l'air aussi beau que sur les photos.
-J'espère bien, j'y ai laissé un rein. »
Mais bon, un rein contre deux nuits ici avec Harry, je trouve que ça va. On y reste cette nuit, enfin le peu qu'on y restera, et la nuit prochaine après le concert. Même si on compte se lever tôt pour visiter Paris avant de repartir chacun de notre côté...
A l'intérieur, un jeune homme nous accueille avec le sourire. La décoration est moderne et réconfortante avec ces quelques fleurs. Harry donne son nom pour la réservation, confirme quelques dernières formalités jusqu'à ce que l'homme nous dise:
-« Nous avons eu un petit soucis dans la gestion des chambres. Du coup, vous avez été surclassé pour le même prix que vous avez payé, évidemment.
-Ce n'est pas vraiment un soucis. » Je plaisante.
L'homme rit aussi avant de nous avouer:
-« Le problème c'est qu'il n'y a qu'un seul lit dans cette chambre alors que vous aviez demandé des lits séparés. Nous sommes sincèrement désolés et si vous souhaitez qu'on trouve une solution le plus rapidement possible...
-C'est bon. » Le coupe Harry, à ma grande surprise. « Il est déjà tard et... » Il hésite avant de répondre, me regardant. « Ce n'est pas un problème...? »
Je comprends donc qu'il demande mon autorisation et cette chaleur dans ma cage thoracique s'échappe dans tout mon corps. Apparement, partager le même lit n'est pas un problème pour Harry. Et ça n'en est pas vraiment un pour moi non plus malgré cette attirance que j'ai pour lui. Je ne suis pas un sauvage, je saurais dormir tranquillement de mon côté. Même si dormir dans les bras d'Harry est une image qui traverse mes pensées.
-« Non, ce n'est pas un problème. » Je rassure Harry et l'homme de l'accueil en même temps.
-« Oh, très bien. Je vous donne donc la clef de votre chambre, au troisième étage. Vous avez les escaliers ou l'ascenseur à votre disposition.
-Merci beaucoup.
-Merci à vous. »
Je me dirige naturellement vers l'ascenseur mais je m'arrête en voyant Harry prendre la direction des escaliers. Je le regarde comme si c'était un ovni et il rit en m'avouant:
-« J'ai peur des ascenseurs.
-Harry! » Je râle dramatiquement. « Des escaliers sur trois étages c'est quand même plus effrayant!
-Toi t'as pas déjà été coincé dans un ascenseur. » Il se défend, amusé malgré tout.
Je râle à nouveau mais décide de le suivre dans les escaliers, à sa grande surprise.
-« C'est à mon tour de me sacrifier. » Je lui dis. « Donne-moi ça. »
Harry n'a pas le temps de comprendre que je lui prend sa valise des mains. Il tente de la récupérer mais je l'en empêche avec un sourire fier. Il se met alors à rire avant de me remercier doucement et de me suivre dans les escaliers qui sont en spirale.
-« Je vais gerber. » Je commente en arrivant enfin à notre étage.
-« Je descendrais pour la commande.
-Mon héros. » Je souffle en posant ma main sur l'épaule de Harry.
Il rit en levant les yeux au ciel avant de biper notre clef, ce qui ouvre la porte de notre chambre pour les deux prochaines nuits.
-« Ah ouais... pas mal pour un rein en moins. » Je siffle.
La chambre est spacieuse mais surtout super belle. Il y a un grand lit au milieu et je me retiens de rougir lorsque Harry croise mon regard. On visite rapidement la salle de bain avec une baignoire, une douche, un lavabo et des toilettes. Mais surtout...
-« Des peignoirs! » Je m'exclame face à ce détail.
-« D'abord les vaches, maintenant les peignoirs... Je suis sûr que voir la tour Eiffel te fera moins d'effets. » Commente Harry.
Je ris en le regardant et le pousse volontairement en voulant retourner vers le lit. Sauf que Harry me retient par la taille et, en voulant me débattre, je nous fait trébucher jusqu'au lit sur lequel on tombe violemment en riant. On tombe tous les deux sur le côté mais Harry est à moitié sur moi, son regard amusé ancré dans le mien. Mais l'amusement nous quitte petit à petit lorsqu'on réalise notre position. Nos jambes sont emmêlées et les bras de Harry sont toujours autour de moi.
-« Hm... Le lit est confortable. » Je dis pour briser le silence.
Harry hoche la tête avant de se séparer de moi, se redressant pour être assis au bord du lit alors que je reste allongé sur le dos, la tête tournée vers lui.
-« Je peux me doucher en premier? » Il demande sans me regarder.
-« Vas-y, je vais chercher ce qu'on peut commander en attendant.
-Super, merci. » Il répond en me souriant rapidement avant de partir s'enfermer dans la salle de bain.
Une fois seul sur le lit, je prends quelques secondes pour réaliser où je suis. A Paris, dans cette chambre d'hôtel, à vingt-quatre heures du concert de ma vie mais surtout près de celui que j'aime en secret.
Quelle jungle.
♦
Notre budget nous a fait commander des pâtes. Au saumon pour Harry et pesto pour ma part. On est en ce moment-même installé sur le lit, l'un à côté de l'autre, en train de manger devant des vidéos youtube qu'on regarde à peine tellement on arrête pas de parler du concert qui arrive.
-« Je réalise pas qu'on va le voir. » Me dit Harry. « Ça fait... des années que je suis fan de lui. Il m'a aidé tellement de fois alors qu'il ne me connaît même pas. J'ai l'impression qu'il est seulement virtuel, qu'il existe qu'à travers les vidéos qu'on a de lui.
-Pourtant il est bien réel et on le voit demain soir. » Je dis en souriant doucement. « Mais je comprends ce que tu veux dire, je ne réalise pas non plus. Même toi j'avais peur que tu ne sois que virtuel avant aujourd'hui.
-Ah oui? » S'intéresse Harry avec un sourire.
-« Oui. » Je ris doucement. « Je veux dire, il y a tellement de personnes qu'on rencontre sur internet et qu'on ne voit jamais malheureusement. Puis il y a la peur que ça ne soit pas les même personnes en face. Quand on a commencé à se parler, toi et moi, j'avais peur qu'à tout moment quelque chose vienne briser le fait que ça soit trop...
-Trop...?
-Trop parfait. » J'avoue timidement.
Harry sourit tendrement, fixant ses pâtes un instant avant de me regarder à nouveau et de me répondre:
-« C'est ce que je me suis dit aussi, pour être honnête. On s'est très bien entendu tout de suite et j'ai tendance à me dire qu'il y a forcément quelque chose qui va mal tourner lorsque ça se passe trop bien.
-Tu n'es pas déçu alors? » Je lui demande en me désignant avec mes mains.
Harry rit en secouant négativement la tête.
-« Pas du tout. Et toi?
-Absolument pas. » Je réponds sincèrement en ancrant mon regard dans le sien.
L'ambiance se fait alors plus légère, mais plus tendue aussi. Nos regards se croisent mais ne se lâchent plus. C'est comme si on réalisait seulement maintenant qu'on est bien l'un en face de l'autre. Qu'il n'y a plus de kilomètres qui nous séparent ni d'écran entre nos visages, au moins le temps de deux jours... Même si c'est trop court.
-« On a pas envoyé de photos à Anto. » Réalise soudainement Harry.
-« C'est vrai. » Je réponds en essuyant ma bouche avec une serviette. « On a qu'à lui envoyer maintenant. »
Harry sourit en hochant la tête et nous posons nos restes de nourritures plus loin. Presque timidement, alors que j'ai déjà été dans ses bras plus tôt, je me rapproche de Harry. Lui aussi est timide lorsqu'il passe son bras autour de mes épaules pour nous coller l'un à l'autre, mais je profite de cette proximité pour me coller un peu plus. Harry relève son téléphone en face de nous et je souris instinctivement en nous voyant ensemble sur l'écran.
Harry sourit de toutes ses dents et il prend la photo au moment où je me mets à rire. Lorsqu'il ramène le téléphone entre nous, aucun de nous ne s'éloigne. On baisse tous les deux la tête vers l'écran et je surprends Harry à sourire tendrement en regardant notre photo.
-« Elle est vraiment belle. » Il commente dans un murmure.
Je souris doucement en hochant la tête et le regarde l'envoyer à son meilleur ami qui répond directement par un : Vous êtes BEAUX. Profitez !!!
On rit tous les deux en lisant la réponse et, lorsqu'on relève la tête l'un vers l'autre, nous sommes plus proches que jamais. Mais je n'ai pas envie de m'éloigner et je crois que Harry non plus. Une mèche retombe sur son front et ce simple détail me fait sourire. Doucement, j'y glisse mes doigts pour la remettre en arrière et mon coeur rate un battement lorsque des frissons apparaissent sur le bras nu de Harry. Par peur de le mettre mal à l'aise, je fais comme si je n'avais pas remarqué. En réalité, mon pull cache mes propres frissons.
-« Louis?
-Oui?
-Je voulais te parler d'un truc et... »
Harry fuit soudainement mon regard, semblant chercher ses mots. Je fronce les sourcils, ne sachant pas si je dois être inquiet ou pas. Il prend une grande inspiration et me lance plusieurs regards avant de finalement soupirer et de me dire:
-« J'ai ramené des couvertures de survie pour cette nuit.
-Ah...euh...super. » Je réponds, m'attendant à quelque chose d'autre.
Harry me sourit rapidement avant de soudainement s'éloigner de moi pour aller jeter nos cartons de nourritures et les sacs qui allaient avec. Je le regarde faire, essayant de me convaincre que Harry ne voulait pas me dire autre chose. Lorsqu'il revient sur le lit, il laisse une distance entre nous, se concentrant sur la vidéo qui tourne sur mon téléphone.
A cet instant, un creux prend place dans ma poitrine. Je me demande si Harry est mal à l'aise? S'il voulait me dire qu'il a compris qu'il me plaisait mais qu'il préfère qu'on reste amis? Surtout avec la distance qui nous sépare? Plusieurs mauvaises pensées me viennent et ne me rassurent pas. Mais cette journée était fatiguante et mes pensées le deviennent aussi. Je dois penser au concert et, surtout, me reposer avant que le réveil ne sonne à quatre heures du matin.
Allongé à ma place, loin de Harry dans ce grand lit, je sens mes yeux papillonner en même temps que le sommeil me vient.
Mais, juste avant de m'endormir, je crois voir Harry regarder son écran une dernière fois.
Pour regarder la photo de lui et moi.
...
J'espère que cette première partie vous aura plu?
La prochaine arrive demain ou jeudi! Avec l'attente du concert, le concert, et l'après...
Merci infiniment d'être là. Je vous envoie tout mon amour.❤️
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