Chapitre 37 - Gabriel
Jacob : Qu'est-ce que tu foutais chez les Hosen ?
Il avait rangé son téléphone sans répondre, puis était descendu du tramway qui l'avait déposé en plein centre-ville. Le froid mordait la peau de son visage, rare parcelle de son corps à découvert. La fraîcheur avait déguerpi sur les derniers jours passés, les surprenant chaque fois un peu plus lorsqu'ils quittaient le Manoir ou leurs domiciles. Aaron avait troqué ses belles vestes brodées contre un manteau épais dont il déplorait l'esthétique, mais appréciait vraisemblablement la chaleur qu'il maintenait autour de son corps. Il n'en passait pas moins de temps au Manoir, comme ce jour-là. Tanguy était aux commandes pour la journée, dans une acceptation du bout des lèvres "faute d'avoir mieux à faire", de ses propres mots. Gabriel ne savait pas vraiment que penser de ce comportement, ou de la façon dont il passait d'une humeur à l'autre. Cependant, ses amis en sécurité au Manoir, il avait de nouveau un jour de liberté pour lui. Ce n'était pas de trop, lui semblait-il ce matin-là. Le ciel était blanc, et aurait pu annoncer de la neige s'il faisait plus froid encore. Et, surtout, s'ils n'étaient pas à Bordeaux. Trois flocons à l'année, ce ne serait certainement pas en cette fin d'octobre que cela arriverait.
Les pavés du vieux centre étaient souvent décalés, parfois même absents, et présentaient des trous un peu partout sur les trottoirs. Les éviter était une seconde nature pour la plupart des habitants de la ville. Entre cela et les déjections de tout type, ils grandissaient en slalomant continuellement dès qu'ils avaient le pied dehors.
Gabriel ne s'était pas rendu en ville depuis trop longtemps, se rendit-il compte en observant autour de lui. Du moins, pas pour des raisons purement personnelles, et il dégageait totalement la rencontre avec Tian de cette liste. Le long des vitrines, il y avait des boutiques dont il n'avait jamais vu les noms et qui ne semblaient pourtant pas si récentes. Qu'avait-il manqué, reclus dans son petit monde pendant tout ce temps? Les places publiques qu'il traversa n'avaient pas changé, ou peu. Quelques arbres de plus ou de moins çà et là, un banc qui avait bougé... Une, en revanche, avait été entièrement refaite par la municipalité et Gabriel ignorait quoi penser de ce changement, s'il aimait ou détestait ce qu'ils avaient fait de cet endroit qu'il connaissait depuis enfant. Il revoyait son petit frère se laisser tomber sur les parterres d'herbes, à présent déplacés et sillonnés par de petits chemins cimentés. C'était une époque qui lui semblait si loin, tandis qu'il traversait la grande place, qu'il se demanda un instant où s'était arrêtée la réalité. En ce temps-là, tout paraissait simple et vrai. Ils ne savaient rien. Jusqu'où leur père avait-il menti, il ne l'apprendrait probablement jamais, et Gabriel avait conscience que Jacob emporterait tous ces secrets avec lui, seul homme encore dans la confidence. Les autres n'étaient plus là, pour une raison ou une autre – une qu'il n'avait pas véritablement envie de connaître, bien qu'il ne soit pas stupide.
Un coup de vent coupa court à ses pensées pendant un instant. Se trouver là, à l'extérieur pendant que le Manoir devait tourner sans lui était étrange. Lorsqu'il n'y était pas et ne travaillait pas de chez lui non plus, il se sentait bizarrement... perdu. Il ne se considérait pourtant pas comme un ermite, cependant il devait se rendre à l'évidence : les dernières années l'avaient coupé des activités classiques. Une simple virée en ville ressemblait au bout du monde, quand autrefois son quotidien ressemblait à une fête. Une fête interminable, qui déguisait trop de choses.
Une fête qui avait changé de visage sans crier gare.
— Salut.
Il sursauta quand une main se posa sur son épaule. A ses côtés, le souffle un peu rapide, probablement d'avoir marché vite pour le rattraper, Tian souriait de toutes ses dents. Une écharpe rouge entourait son cou et son menton, un grand manteau que Gabriel n'avait jamais vu camouflant son corps. Ça aussi, c'était différent. Lorsque Tian l'avait invité à sortir, en pleine journée pour rompre la monotonie du Manoir et couper dans ces impératifs qu'avait Gabriel, ce dernier s'était demandé s'il était de bon ton de se laisser aller. Il y avait du travail, toujours. Beaucoup. Et en même temps, son besoin de lever le pied lui avait semblé vital pendant un instant. Sortir, penser à autre chose, voir autre chose. Si c'était en tête à tête avec cet homme, c'était un petit plus non négligeable.
— Bonjour, Tian.
Les yeux du vigile disparurent en deux fentes sombres derrière son sourire. Son cœur fit un petit saut agréable, avec un petit battement supplémentaire entre deux.
— Le retard n'est pas dans tes habitudes.
— Je me suis trompé de bus. Tu n'as pas eu mon message ?
— Si, si. C'était juste bizarre.
— Désolé.
— On est encore dans les temps, ce n'est pas grave.
Tian avait refusé de lui dire ce qui était prévu sur cette petite sortie. Les mains au fond de ses poches pour les protéger du froid, il sursauta quand un bras s'enroula autour du sien et glissa un regard de biais à son compagnon.
— Pas en public ? demanda celui-ci en commençant à ôter sa main, mais Gabriel le retint aussitôt.
— Je ne t'ai pas dit de l'enlever. J'ai juste été surpris, ça ne me semblait pas être ton genre.
— Ce n'est pas en une semaine que tu vas me connaître.
Un clin d'œil.
— Ni en quatre ans à me croiser dans les couloirs.
Ils se connaissaient mieux que cela, Gabriel le savait, mais Tian avait tout de même raison. Ils ne se connaissaient qu'en surface. Du moins, il l'espérait. Si cet homme si droit et fier en savait plus à son sujet, il disparaîtrait probablement. A moins de l'enchaîner ? Gabriel ignorait à quel point Tian s'intéressait à lui pour accepter ou non tout ce qui le constituait.
— Tu as raison, dit-il doucement. Est-ce là le but de cette sortie ? Se connaître un peu mieux ?
Au fond de sa poche, la forme de son portable glissait sous ses doigts froids. Jacob attendait, encore. Il répondrait. Plus tard. Comme il le faisait toujours.
— J'avais envie d'un moment juste tous les deux, dit Tian. Loin du boulot, loin des collègues.
C'était mignon. Il n'était pas habitué à ce genre de chose, aussi Gabriel se contenta-t-il d'un léger hochement de tête avant de se rappeler que Tian n'était pas dans ses pensées.
— J'aime l'idée. Tu as prévu quelque chose ? Ou c'est au fil de l'eau ?
— J'ai fait une petite réservation dans quelque chose qui devrait nous changer les idées.
Voilà qui était intéressant. Avec une certaine surprise, Gabriel se sentit apprécier que Tian ait pris des initiatives. Ce n'était pas la première fois, s'il pensait à cette intrusion chez lui le premier soir de leur relation, mais le désespoir avait peut-être été mis à contribution. Du moins, il l'avait analysé ainsi. Sourire en coin, Gabriel serra son bras contre lui, sécurisant celui du vigile au creux de son coude.
— Je t'en prie.
*
Les Dieux Épars était une petite guinguette qui ne payait pas de mine de l'extérieur, mais qui s'avérait un véritable plaisir pour les yeux dès que l'on franchissait sa porte. Le plafond était porté par d'épaisses poutres de bois, conférant une ambiance à l'ancienne qui n'était pas des plus désagréables. Placés loin des fenêtres qui donnaient sur le centre-ville grisâtre, ils pouvaient à loisir observer la décoration chargée des lieux. Les murs de pierre étaient couverts de cadres occupés par de vieilles photographies sépia, des articles de presse datant de dizaines d'années ou encore des publicités qui leur rappelèrent leur enfance des années quatre-vingt. Quelques-unes, face à l'actualité, paraissaient un peu douteuses, mais la nostalgie l'emportait sur la bienséance et les firent sourire de concert.
— Tu as l'air de connaître, lui fit remarquer Tian.
— Je suis déjà venu quelques fois, oui.
— Accompagné ?
— Pour le travail.
Il avait tenté d'obtenir un poste ici, s'il devait être honnête, pour sortir de l'engrenage de toute une vie. Des jours à prouver qu'il avait de la valeur, qu'il était capable. C'était l'expérience d'un vétéran qui l'avait emporté, à son grand désespoir. Il s'était retrouvé seul face à son désarroi, à cacher ce qu'était la situation réelle à son entourage. Il n'y avait eu que Jacob pour l'écouter et hocher la tête en silence, dans une compréhension mitigée.
— Ce n'est pas plus mal, dit doucement Tian en accrochant son manteau et son écharpe au dossier de sa chaise.
— Mh ?
— Qu'ils ne t'aient pas embauché. C'est ça, non ? Grâce à ça, tu as pu fonder le Manoir. Je pense que pas mal de type t'en sont reconnaissants.
— Je t'avoue que certains jours, je doute.
Tian fronça les sourcils en s'asseyant, mais ne releva pas. Douter de soi et de son œuvre était quelque chose de commun. Il n'y avait que ceux qui ne faisaient rien qui ne doutaient jamais, d'après Jacob, mais là aussi Gabriel avait un peu de mal à suivre cet homme. Son parcours n'était pas de ceux qu'il aimait suivre, mais il devait avouer s'en être accommodé. Le sentiment de honte qui s'emparait de lui lorsqu'il y pensait trop fort était suffisant pour qu'il souhaite avoir vécu une autre vie que celle-ci, peu importait les belles choses qui pavaient son quotidien.
— Ils ont quelques spécialités, dit Tian pour changer rapidement de sujet.
Les menus posés sur la table étaient simples, pas de plats complexes, et ils se comptaient sur les doigts des deux mains tout au plus. Gabriel apprécia plus que de raison le fait de ne pas avoir à s'y perdre. Peut-être que son cerveau avait besoin d'un moment de repos, après tous les chiffres qu'il avait ingurgités ces derniers jours.
— Qu'est-ce que tu préfères, toi ? demanda-t-il, plus par curiosité que nécessité pour commander lui-même.
Le pli entre les sourcils de Tian, étonnamment, se creusa plus fort que tantôt. C'était intéressant. Définir son plat favori dans un restaurant lui prenait plus de ressources que sa désapprobation face à la réaction de Gabriel.
— J'ai un faible pour les lasagnes, dit-il enfin en reposant son menu.
— C'est lourd, non ?
— Ils font de belles portions, mais la qualité est au rendez-vous.
Il se pencha légèrement et ajouta dans un murmure :
— Et crois-moi, je m'y connais en bouffe.
— Gourmand ?
— Je passe la moitié de mes journées à la salle de sport, y'a bien une raison.
Surpris, Gabriel lui dédia une œillade intéressée. Sous cette chemise et ce pantalon se cachaient donc un palais qui n'attendait pas même le dessert pour se faire plaisir.
— Je n'aurais pas imaginé, avoua-t-il. Un faible pour l'italien, donc ?
— Un faible pour tout, tant que c'est bon, grommela Tian en levant les yeux au plafond. Bon sang, c'est tout sauf sexy de dire ça, dis-moi que je ne ruine rien en te délivrant mes plus obscures secrets.
Gabriel ricana doucement.
— Tes secrets seront bien gardés avec moi. Il y a d'autres choses que la nourriture qui sont bonnes, alors ton aveu sonne bien.
Le voir rougir était adorable. Pour la première fois depuis des années, Gabriel avait ce sentiment, celui qui lui permettait d'y voir clair sur une relation. Celle-ci n'était peut-être pas vouée à durer toute une vie, mais il ne disait certainement pas non pour quelques semaines à découvrir ce qu'était le plaisir du couple. Dans tous les sens du terme, tant qu'à faire. Tian montrait un visage respectueux, tant dans son attitude que dans ses gestes et ses mots. C'était étrange de sentir son cœur palpiter à son contact, et non pas parce qu'il redoutait un coup ou un mot dur. C'était également plus facile qu'il ne l'aurait pensé, peut-être à cause de tout ce temps qui s'était écoulé.
Rien ne s'effaçait, cependant, et les souvenirs étaient toujours aussi vifs qu'au premier jour. Les mots. Les coups. La peur. Le sang. Cesse de t'apitoyer et avance, avait un jour dit Jacob. Il n'y avait jamais eu plus juste que ces mots-là.
Il avançait.
— Tu as revu Mei, au fait ?
— Demain. Elle m'a envoyé ses recommandations, elle a déjà travaillé pour des chaînes en restauration. Son expérience est intéressante.
— Donc ce n'était pas une demande au pif ?
— Visiblement, non, elle savait où elle voulait en venir.
Ce qui était d'autant plus intéressant. La jeune femme avait finement joué son rôle devant les matrones, avant de foncer tête baissée dans le tas. C'était une façon de faire inhabituelle, surtout en prenant en compte qu'il s'agissait d'un déjeuner pour un mariage arrangé. Depuis quand lorgnait-elle sur le Manoir exactement ?
— Tu penses intégrer une nana dans l'équipe ?
— Et pourquoi pas ? Nous avons une clientèle féminine également, sur les trois bâtiments. Ça donnerait un vent de nouveauté.
— Je ne sais pas si nos divas vont apprécier.
— S'ils sont incapables d'accepter la différence, qu'ils se demandent pourquoi ils sont eux-mêmes au Manoir.
Tian ouvrit de gros yeux. Gabriel soupira.
— Je ne l'ai pas encore engagée, Tian. Si elle ne convient pas moralement à cet endroit, tu sais qu'elle n'y travaillera jamais.
— Je sais. C'est juste... C'était inattendu de t'entendre dire ce genre ce chose.
— Ils sont parfois un peu difficiles, avoua Gabriel. Malgré cela...
— Tu ne peux pas les laisser.
— Exactement.
— Qu'est-ce qui t'a fait vouloir être ce sauveur ?
C'était direct. C'était Tian. Il appréciait ce fait tout autant qu'il le déboussolait. Ou plutôt, son propre désir de répondre à toutes les interrogations de cet homme le perturbait.
— La mort de mon père, s'entendit-il répondre avec tant de franchise qu'il sentit son estomac se serrer.
Tian changea d'expression en une fraction de seconde.
— Désolé. On peut passer à un autre sujet si tu...
— C'était il y a presque vingt ans, c'est bon.
Un petit froncement de sourcil lui signala que Tian faisait des liens avec la situation de Gabriel au même moment, et il ne pouvait lui donner tort. Si son père n'avait pas disparu à ce moment-là, il aurait peut-être eu la chance de s'en sortir sans trop de fracas.
La vie n'était pas un conte de fée.
— Comme je te l'ai dit l'autre fois, il s'est suicidé, reprit-il plus bas pour ne pas déranger les tables les plus proches.
Des billes rondes et noires. Les yeux de Tian étaient toujours emplis d'une émotion, quelle qu'elle soit.
Gabriel attendit que l'on vienne prendre leur commande avant de reprendre doucement :
— Il y a eu pas mal de problèmes dans ma famille. Et dans son boulot.
Surtout dans son boulot, voulait-il dire. Avant que la vérité n'éclate, leur famille se portait à peu près bien, sinon sa mère qui se demandait comment faire avec un garçon qui n'avait pas d'intérêt pour les jeunes filles. A la tête d'un atelier de couture, son père n'avait pas les mêmes questions, plus habitué à la chose malgré l'époque. Axel, lui, n'avait jamais parlé de ses préférences et voguait d'une femme à un homme sans difficulté. « Les avantages sans les inconvénients, » avait-il dit un jour en riant.
— J'imagine qu'à un moment, ce n'était plus supportable. Ma mère était déjà partie depuis longtemps.
Il soupira.
— Je vivais déjà avec ce type.
Gabriel vit les mâchoires de Tian se serrer brièvement. Il laissa un instant passer, le temps de leur servir de l'eau à tous les deux. Sa bouche était sèche, non pas de parler, mais à l'idée de ce qu'il disait. Aaron et Tanguy étaient les seuls à savoir les éléments importants de sa vie, sans les détails qui les entouraient. Des bribes tout au plus, loin de la réalité.
— C'est mon parrain qui m'a sorti de ce pétrin.
Et ce n'était rien de le dire. L'homme avait payé pour lui. Si aujourd'hui ils entretenaient une relation d'amour-haine qui convenait à Gabriel, ce dernier ne pouvait cependant nier le lien qui les tenait tous les deux.
— Jacob, statua Tian.
— Il est comme il est.
— Mais il est présent.
C'était un soupir un peu résigné, cependant compréhensif. Gabriel n'avait pas besoin de plus. Et Tian n'aurait pas besoin d'en savoir davantage, de toute façon.
— Il a été d'un grand soutien pendant toutes ces années.
— Et ton frère ? Est-ce que Jacob a été présent pour lui aussi ?
— C'était différent.
Tout était différent avec Axel. Il était plus sensible, plus doux, plus apeuré. Il avait fui à l'autre bout du pays dès qu'il l'avait pu, la peur au ventre, sous couvert de ses études. Il y avait pourtant tout ce qu'il fallait à Bordeaux en termes d'école de danse, mais il avait trouvé « l'endroit idéal ». Cela n'avait, finalement, été que le petit plus pour le précipiter à la suite de leur père, peu importait les années qui séparaient les deux drames.
— J'ai entendu parler du procès.
— Nous avons obtenu gain de cause.
— Je comprends.
Ce que comprenait Tian, c'était surtout que le sujet n'était pas ouvert. C'était frais, trop frais, et Gabriel peinait déjà à trouver le temps de faire son deuil. Peut-être était-ce mieux pour lui de ne pas pouvoir se poser et s'appesantir sur le contenu de sa vie ? Parfois, il parvenait à se poser la question. Ses fondations se devaient d'être solides pour continuer à avancer jour après jour.
— Tout ceci pour dire qu'en termes d'emmerdes, je sais que c'est parfois compliqué et qu'on n'y peut rien. Le Manoir est né un peu tard, peut-être, et pas forcément pour les bonnes raisons, mais... il est là. Je pense que c'est le plus important à avoir en tête.
— Tu dis vrai. Le passé forge, hein ?
— Et toi, qu'est-ce qui t'a forgé ?
— Messieurs, vos plats !
Tian cligna des yeux, surpris du retour de question. Avant de pouvoir répondre, ils attendirent d'être servis, le fumet des assiettes serrant leurs ventres de manière à les faire saliver.
— Ça fait des années que je n'étais pas venu, grommela Gabriel.
— Tragédie, rétorqua Tian.
— Tu viens souvent ?
— J'essaie tous les mois.
— Seul ?
— Parfois avec ma sœur.
— Vous paraissez proches.
— Un peu.
— Et tes petites sœurs ? Les deux démons. Je pensais qu'elles seraient là pour le repas chez les Hosen ?
— Je le pensais aussi, mais apparemment elles étaient chez notre tante. Il semblerait que maquer l'aîné n'était finalement pas le repas idéal pour des gosses de dix ans. Bon appétit.
— Mh, merci. Et ta mère ? Elle s'est remise de ses émotions ?
Fourchette dans son petit plat où des lasagnes frémissaient, brûlantes, Tian haussa une épaule. Un léger tic agita le bout de son nez, seul signe de son inconfort.
— Elle se remettra, dit-il dans un grognement. Ce n'est pas comme si j'avais amené des femmes chez moi ne serait-ce qu'une fois.
— Comment faisais-tu ? Je veux dire, avant les hôtels et tout ça.
Tian émit un petit rire au souvenir.
— Ado, j'avais un prof particulier. Un étudiant, quoi. On avait pas plu de trois ans d'écart, ne fais pas cette tête. Quand il venait à la maison les premiers temps, c'était dans ma chambre, largement assez pour savoir que ce qui m'intéressait le plus, ce n'était pas le diamètre de son putain de cercle, mais celui de sa queue.
Gabriel s'étouffa sur sa bouchée.
— Je te passerais les détails sur le théorème de Pythagore quand je l'ai appliqué sur lui.
— L'hypoténuse, c'est ça ?
— Je laisse ton imagination faire le reste.
— Je pense qu'il faudra que tu me fasses un cours de rattrapage.
Gabriel lui décocha un clin d'œil. Le rougissement de Tian fut léger sur le haut de ses joues, et il ne sut jamais s'il s'agissait d'un de ces petits moments de gêne timide, ou de son plat qui était trop chaud.
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