Pizza Planet & Flocon

-T'as eu quoi ?

Assis sur le canapé de la véranda, une clope entre les mains, Jungkook regarde distraitement le vieil arbre mort au fond du jardin. Arbre que son père aurait dû couper depuis bien longtemps déjà. C'était déjà le cas lorsqu'il était gosse. Jung-wan ne l'avait jamais fait malgré les gueulantes de sa femme. C'était un gros flemmard.

Ils étaient désormais le vingt-six décembre, Noël était passé. Chacun avait fait savoir ce qu'il avait reçu comme cadeau dans leur groupe de conversation. Sans grand étonnement, Jimin était celui qui s'était le plus vanté. Étant donné que le blond fêtait Noël avec toute sa famille - cousins, oncles et tantes réunis- il avait reçu un bon nombre de paquets. Sauf qu'il pouvait bien se vanter comme Dudley, il fallait quand même préciser qu'il avait reçu des échantillons de parfums de la part de sa tante. Toujours privilégier la qualité à la quantité.

Mais même si chacun d'entre eux avait reçu des trucs plutôt cools, ils avaient hâte de fêter leur Noël ensemble une fois qu'ils seraient rentrés. Ils étaient impatients de s'offrir leurs cadeaux. Étrangement, Jimin était le plus impatient, disant qu'il avait un cadeau de qualité pour Yoongi. L'étudiant en médecine mentirait s'il disait ne pas être légèrement sceptique face à l'enthousiasme du blond. Ça ne présageait rien de glorieux.

Il y a avait un truc assez curieux chez Jimin que Jungkook avait remarqué : celui-ci parlait toujours du futur. Il l'écoutait, et il se rendait compte que le blond se projetait toujours des jours, voir des années plus loin. La plupart des gens se contentent de vivre au présent, et y s'en trouvent bien. Mais les gens comme Jimin sont persuadés que les lendemains sont toujours meilleurs, et ils s'y précipitent en massacrant le jour d'aujourd'hui.

Il entend alors un bruit de froissement à travers le combiné avant que Yugyeom ne se racle la gorge.

-De l'argent, répond celui-ci.

Jungkook fronce les sourcils à cette réponse. Pourquoi lui offrir du fric alors qu'il était déjà blindé ? Ses parents ne s'étaient vraiment pas fait chier. Mais Yugyeom s'en fichait, il ne voulait rien de particulier. C'était peut-être la partie la plus barbante d'être riche. Avoir tellement de thune que tout ce que l'on veut posséder, on peut l'avoir en un claquement de doigts. On en vient à ne plus rien convoiter. Jungkook acquiesce distraitement et un silence reposant retombe entre eux pendant quelques secondes avant que Yugyeom ne prenne de nouveau la parole.

-Et toi ?

Jungkook écrase sa cigarette dans le cendrier face à lui avant de baisser le regard sur l'affreux pull de Noël que Junghyun lui avait offert. Il était vraiment moche. Pour commencer, il grattait. Ensuite, le bonhomme de neige qui était représenté dessus avait l'air de sortir tout droit d'un film d'horreur avec son sourire malsain et ses yeux qui dégoulinent. Jungkook ne saurait même pas décrire cette horreur, il fallait la voir pour réaliser toute l'ampleur de ce cadeau de mauvais goût. Sa mère lui avait offert une journée au spa entre mère et fils. C'était pas un truc qui lui ressemblait vraiment, ça, de puer l'huile et de se faire masser. Aucun doute que sa mère lui avait offert ça juste pour l'emmerder tout en sachant qu'il serait incapable de refuser. Eun-hye allait le tirer là-bas par la peau du cul s'il le fallait juste pour le plaisir de voir sa tête déconfite lorsqu'il se ferait masser les pieds. Pourquoi Junghyun n'avait pas eu le droit à ça, lui ? Jungkook savait que c'était de la pure vengeance. S'il rentrait un peu plus souvent à la maison, il aurait pu y échapper. Maintenant le voilà coincé pour une journée entière avec sa mère diabolique qui, il le savait, lui poserait des questions envahissantes sur un certain garçon. Jungkook avait encore en travers de la gorge la trahison de Junghyun.

Étrangement, c'est son père qui ne lui avait pas offert un truc bizarre. Celui-ci lui avait donné en héritage un bien précieux qu'il possédait lorsqu'il était plus jeune. Il avait reçu le vieux polaroid de son père. Il était magnifique et il se souvient que, lorsqu'il était petit, il le piquait tout le temps pour faire des photos. Des photos dignes d'un gosse, c'est-à -dire du paquet de chips qui traîne sur le plan de travail ou de la cheminée. Souvent des photos floues, d'ailleurs, mais il s'était tellement amusé avec. En revanche, son père n'avait pas apprécié de voir son fils gaspiller ses pellicules pour prendre des photos de la brosse des chiottes ou une connerie du genre.

-Un polaroid sx-70, répond-il.

-Parle pas comme C-3PO.

Jungkook bat des cils, perplexe. Qu'est-ce que racontait ce crétin, encore ?

-J'ai juste dit un nombre, mec.

Yugyeom ricane doucement quelques secondes, son cerveau s'étant sûrement perdu bien loin, dans une contrée lointaine et inaccessible, là où Hoseok et lui s'amusaient à danser avec des licornes et à fumer du shit avec des lutins. Ouais ça devait être un truc du genre.

-Tu vas offrir quoi à Taehyung ?

Jungkook regarde l'heure sur son téléphone. Il allait bientôt devoir rejoindre la boutique d'antiquités de son parrain, là où se trouvait le fameux cadeau qu'il comptait offrir à ce garçon qui illumine sa vie. Lorsque le noiraud fait part à Yugyeom de ce qu'il compte lui offrir, celui-ci siffle, épaté.

-D'où tu sors le fric pour lui acheter un truc pareil ? Aux dernières nouvelles, tu décolle les chewing-gums sous ta caisse, tu gères pas une multinationale. T'es quoi, un héritier ?

Jungkook grimace. Il allait bientôt commencer à regarder les caméras de vidéo surveillance de la petite épicerie pour choper les porcs qui s'amusaient à foutre leurs chewing-gums sous la caisse. Ça le rendait dingue. Les gens n'avaient vraiment aucun savoir-vivre, c'était hallucinant.

-J'ai mis de l'argent de côté.

C'est vrai, il avait mis de l'argent de côté. Très tôt, il avait voulu être indépendant financièrement parlant. Il ne voulait pas compter sur ses parents pour payer son loyer et encore moins ses clopes ou conneries du genre. Alors, oui, il n'était pas riche, peut-être qu'il allait devoir diminuer sa consommation de cigarettes après cet achat, mais c'était pour le mieux, de toute façon. Yugyeom reste silencieux quelques secondes. Jungkook devait l'imaginer avec sa tête de con, le regard dans le vide comme un poisson mort. Celui-ci reprend la parole, l'air inquiet.

-Jungkook, est-ce que tu te prostitues auprès de vieux croûtons blindés ?

Jungkook lève les yeux au ciel à ce non-sens. Non mais et puis quoi encore ?

-Ouais, d'ailleurs je dois te laisser, je vais aller sucer Elon Musk.

Alors qu'il s'apprête à raccrocher, la voix précipité et désespérée de Yugyeom le stoppe dans son geste.

-C'est vrai ? Tu pourras lui demander s'il veut bien m'emmener à Pizza Planet ? Avec Louis Armstrong ?

Ça sortait d'une école d'élite, ça ? pense piteusement Jungkook. Il y avait trop de débilités sorties d'un seul coup que son propre cerveau a du mal à filtrer tout ça. Finalement, il ouvre la bouche pour laisser passer un soupir. Il devrait être habitué depuis le temps, mais il réalise peu à peu que ce ne sera jamais vraiment le cas, finalement. Que ce soit Hoseok ou lui, ils finiront toujours par le surprendre.

-C'est Neil Armstrong, déjà, corrige-t-il. Et il est mort.

-Oh...

Yugyeom reste silencieux face à cette dure nouvelle avant que Jungkook ne fronce soudainement les sourcils.

-Et, putain, c'est quoi Pizza Planet ?

-C'est là où il y a le vaisseau spatial que doit prendre Buzz l'éclair pour retourner sur Karn.

Jungkook se pince l'arête du nez. Buzz l'éclair avait eu une influence plus que mystérieuse sur ses deux amis. Il n'a aucune idée de pourquoi et il n'a pas franchement envie de savoir. Il regarde une dernière fois l'heure sur son téléphone avant de faire savoir à Yugyeom qu'il allait vraiment devoir raccrocher.

-Ça marche, dit celui-ci, mais tu promets de demander à Monsieur Musk après lui avoir sucer la bite, hein ?

Jungkook s'étouffe avec sa salive à l'entente de cette question. Combiné le mot bite plus la voix enfantine de Yugyeom, ça donnait un truc étrangement dérangeant. Il acquiesce distraitement et son ami lui fait la promesse de ne pas dire à Taehyung qu'il le trompe s'il arrive à lui obtenir un ticket pour Pizza Planet. Ce gosse était épuisant.

Il verrouille son téléphone avant de s'étirer, faisant craquer ses os et relever son t-shirt, dévoilant la peau de son ventre. En voyant ses abdos, Eun-hye, qui passait par-là, ne peut s'empêcher de lui mettre une petite claque qui le fait alors couiner comme un misérable chiot.

-Maman !

Celle-ci ricane diaboliquement avant de venir ébouriffer tendrement ses cheveux.

-Tu vas voir ton parrain ?

Jungkook acquiesce et sort de la véranda, sa mère sur les talons. Il se dirige vers le hall d'entrée avant d'enfiler son long manteau noir et un bonnet sur la tête. Lorsqu'il se retourne, il est surpris de voir le regard de pur tendresse que lui adresse sa mère. Celle-ci l'observe quelques instants avant de lever son index pour caresser sa joue du bout du doigt.

-Ce que tu ressembles à ton père..., chuchote-elle, ébahie.

Oui, Jungkook le savait déjà, ça. Sa mère semblait toujours en être surprise, comme si elle le réalisait pour la première fois. Il avait toujours été le portrait craché de Jung-wan, même lorsqu'il était enfant. Au moins ça lui donnait une idée de ce à quoi il ressemblerait lorsqu'il aurait cinquante ans et le résultat n'était pas si déplaisant. Il s'empare de sa main avant d'en embrasser le dos comme un vrai gentleman, ce qui la fait glousser stupidement. Elle pose son autre main contre son cœur, l'air conquise.

-Tu lui ressemble vraiment, appuie-t-elle. Taehyung a de la chance.

Jungkook relâche sa main avant de sourire et de fourrer ses mains dans les poches de son manteau. Il se balance maladroitement sur ses pieds avant de hausser les épaules et de s'amuser à retourner le tapis avec le bout de ses vieilles rangers usées.

-Je pense que c'est moi le plus chanceux.

Il le pensait sincèrement. Comment pourrait-il penser autrement ? Taehyung était -putain- il était parfait. Comme une étoile descendue du ciel juste pour lui. C'était la lumière de son univers autrefois plongé dans les ténèbres. Le soleil de sa petite galaxie. Il le rendait juste heureux. Heureux à un point inimaginable. En voyant l'air sincère de son fils, Eun-hye sent son cœur se remplir de fierté et de soulagement. Ce garçon semblait vraiment être quelqu'un de bien. Jungkook n'en parlait pas beaucoup, par timidité ou discrétion, mais lorsqu'il le faisait, c'était son être entier qui se métamorphosait. Il était sublimé par l'expérience d'un amour sincère, d'une relation saine. Elle sourit franchement avant de lui ouvrir la porte d'entrée et de le pousser dehors sans ménagement.

-Allez, va lui acheter son cadeau à ton prince, glousse-t-elle.

Jungkook grogne pour la forme avant de replacer son bonnet sur ses cheveux ondulés et de rougir légèrement en voyant un couple juste devant lui qui balade leur chien et qui l'observe curieusement. Alors qu'il s'apprête à partir, sa mère laisse sa douce voix se faire entendre encore une fois avant qu'elle ne referme définitivement la porte derrière elle.

-Je suis contente que cet amour-là te rende enfin heureux.

Jungkook se retourne vivement vers la porte désormais close, la bouche grande ouverte et les yeux grands comme des soucoupes.

Cet amour-là.

Il y a trois ans, Jungkook avait changé et pas de la meilleure des façons. Au fil des mois Eun-hye avait vu son fils s'éloigner de plus en plus d'elle, devenir de plus en plus irrité et absent du monde qui l'entourait. Il s'était renfermé sur lui-même, se terrant dans sa coquille invisible. À chaque fois que Jung-wan et elle avaient voulu lui parler, il devenait agressif. Elle n'avait plus reconnu son garçon et s'était sentie infiniment impuissante. Quelqu'un était en train de bousiller son fils et elle l'avait compris.

Ne jamais sous-estimer le pouvoir d'une mère. Elles savent tout, toujours.


Kang Dong-won avait rencontré Jeon Jung-wan il y a plus de vingt ans. Sa moto était tombée en panne sur une route déserte et après qu'il l'ait traîné sur deux kilomètres, Jung-wan était apparu comme par magie à bord d'une voiture rouge cabossée. Celui-ci s'était arrêté et, avant de le saluer, lui avait d'abord fait remarquer qu'il adorait son t-shirt à l'effigie du groupe The Doors. Après avoir échangé quelques mots et lui avoir proposé de monter dans sa voiture tout en soulignant d'une voix douteuse qu'il avait des bonbons pour lui, Dong-won et Jung-wan ne s'étaient plus jamais lâchés.

Ils avaient monté leur groupe The Brats ensemble avec des copains d'école, Jung-wan au chant et lui à la batterie. Ils avaient fait de nombreuses conneries ensemble, s'étaient battus ensemble et avaient aussi parfois chopper les mêmes nanas. Mais ça, c'était une époque lointaine. Jung-wan avait fini par tomber amoureux d'une fille d'une bonne famille, d'une princesse de leur petite ville. Si Dong-won devait être honnête, il avait tout d'abord pensé que Jung-wan n'avait aucune chance avec elle. C'était une fille bien trop classe. Mais finalement, avec acharnement, il a réussi à la séduire. Il n'aurait jamais dû sous-estimer ses talents de séducteur en premier lieu.

Lui et le reste de leurs potes s'amusaient à les espionner pendant qu'ils étaient en rendez-vous. Pas pour voir leurs échanges de salive, non non...Mais juste pour le plaisir de voir l'air crispé de Jung-wan à chaque fois qu'il devait ramener sa douce à son père qui l'attendait de pied ferme, les bras croisés contre son torse. Le vieux de Eun-hye était conservateur, de la vieille école, et quand il ne beuglait pas aux oreilles de Jung-wan qu'un vrai mâle, ça portait pas des pantalons en cuir de tarlouze, il lui parlait de la guerre tout en chargeant son vieux fusil de chasse sous l'air complètement terrorisé du pauvre Jung-wan. Ce qu'ils s'étaient amusés de voir ce mec, d'habitude si sûr de lui, à deux doigts de chier dans son froc à chaque fois que le vieux rechargeait son flingue devant lui comme s'il était le futur gibier à chasser pour nourrir sa petite famille.

Avec un beau-père comme ça, Dong-won aurait déjà lâché l'affaire. Mais Jung-wan a tenu bon. Il a épousé la fille de ses rêves et lui a donné deux magnifiques garçons. Deux beaux bébés aux grands yeux qui gazouillaient adorablement. Il se souvient encore du jour où il a tenu Jungkook dans ses bras pour la première fois. Il était si minuscule. Une crevette. D'ailleurs, il l'a surnommé comme ça pendant bien longtemps. C'était son filleul, bordel. Jung-wan ne pouvait pas lui faire de plus grand honneur que celui-ci. Ça, encore, c'était la bonne époque.

Puis, un jour, Dong-won s'est réveillé et quelque chose n'allait plus. C'était il y a un peu plus de dix ans maintenant, mais ce moment l'a tant marqué qu'il a l'impression que c'était encore hier. Un matin, il a ouvert les yeux et s'est rendu compte que quelque chose n'allait pas. Il ne voyait plus les choses comme il avait l'habitude de les voir. C'est apparu d'un coup pour se dégrader au fil des années.

Dégénérescence rétinienne, qu'ils appellent ça. C'est chiant et c'est incroyablement frustrant. La vision périphérique de Dong-won s'est fait la malle et, à peine âgé de cinquante ans, il se retrouve à taper des messages sur son téléphone, l'écran loin de son visage, comme un putain de vieux. Dire qu'il avait la rage serait un euphémisme. La dégénérescence est, dans la plupart des cas, liée à l'âge. La sienne ne l'était pas. La sienne était génétique. Peut-être que son père avait omis de lui dire que, dans sa famille, ont a des yeux bousillés. Ça aurait été cool de le prévenir, histoire qu'il ne se réveille pas un beau matin, complètement terrorisé. Néanmoins, même si sa vision était partiellement obscurcie, cela ne l'empêchait pas de vivre. Chaque matin, il ouvrait sa boutique et, deux soirs par semaine, il continuait de répéter avec son groupe. La batterie avait été un moyen pour lui de hurler sa frustration autrement qu'en gueulant dans le vide comme un débile. Ça marchait plutôt bien.

Après quelques années à marcher sur des œufs à propos de sa maladie, Jung-wan avait fini par en rire et Dong-won préférait qu'il en soit ainsi. Son meilleur ami lui avait même offert une canne avec une tête de mort pour la blague, mais il l'adorait cette canne. Il avait limite hâte d'être aveugle pour l'utiliser pleinement, elle avait du style. Ainsi, assis derrière le comptoir de sa petite boutique, Dong-won est obligé de plisser les yeux lorsqu'il voit une silhouette rentré dans son magasin. Plus celle-ci s'approche, plus il a l'impression de faire un bond dans le passé et de voir le jeune Jung-wan téméraire et couillon d'autrefois. Mais ce n'est pas le cas. Même si lui et Jungkook se ressemblent énormément, le fils a une attitude plus rationnelle, plus calme et posée que son père. Il est plus mature, en gros. Niveau casse-cou, il fallait se tourner vers l'aîné. Jungkook s'approche de lui, un grand sourire sur le visage et Dong-won ouvre grand ses bras, prêt à accueillir sa crevette.

Les deux hommes se serrent longuement dans les bras. Cela faisait tellement longtemps que Dong-won n'avait pas vu ce gosse qu'il sent son coeur se serrer d'émotions. Il se recule légèrement, l'observe de haut en bas et pousse un bruit d'appréciation en admirant sa carrure robuste et sa beauté brute. Ça, c'était un beau morceau, mesdames et messieurs. Dong-won ne comprend pas d'où il sort toute cette masse musculaire, Junghyun et Jung-wan, eux, font partie de la catégorie gringalet. Ce môme était juste béni, franchement.

-Lorsque tu m'as appelé pour savoir si j'avais toujours le set, je n'étais pas surpris. Je savais que le jour arriverait où tu le voudrais, tu n'arrêtais pas de baver dessus lorsque tu étais enfant.

Jungkook rit doucement. Oui, c'était vrai. Enfant, à chaque fois qu'il allait à la boutique d'antiquité de Dong-won, son regard ne cessait de se diriger vers ce magnifique set de bijoux et il collait alors sa truffe contre la vitre et pouvait l'admirer pendant des heures. Maintenant, il allait enfin se l'approprier.

-Je pensais que c'était un cadeau pour ta mère, mais Jung-wan m'a appelé il n'y a pas longtemps. Alors, comme ça tu es en couple ?

Dong-wan s'appuie contre le comptoir et jubile intérieurement en voyant l'air déconfit de Jungkook qui ne semble plus savoir où se mettre.

-C'est pas vrai, il te l'a dit..., murmure-t-il pour lui-même.

-Tout le monde est au courant.

Jungkook relève vivement la tête à ces mots. Lorsqu'il comprend le sens de ces paroles, il maudit son père. Tous les membres du groupe étaient au courant qu'il était en couple. Jung-wan avait dû porter un t-shirt avec écrit dessus "mon fils choppe comme son père" ou une connerie du genre. Il en était capable, en plus.

-Alors, dis-moi, comment tu l'as rencontré ?

Dong-won observe curieusement son filleul en attendant sa réponse. Jungkook se souvient très bien du soir de leur rencontre. Jimin avait tenu à tout prix à faire un comité d'accueil pour Taehyung. Jungkook avait eu la flemme d'y aller pour être honnête. Ce jour-là il avait travaillé à la supérette avant de se rendre à la coloc pour cette petite soirée. Il s'était très vite éclipsé sur le balcon pour fumer et boire. Il avait eu un certain problème avec l'alcool après sa précédente relation désastreuse et Yoongi et Namjoon avaient assisté à tout ça. Il attendait la nuit et buvait suffisamment pour oublier. Suffisamment pour trouver le sommeil. Et bientôt il en arrivait à un stade où il n'attendait même plus la nuit.

Il avait admiré la nuit noire de longues minutes, la lumière des réverbères qui jetait son éclat froid sur la rue tout en appréciant distraitement le vent qui emmêlait ses cheveux ondulés. Puis, il avait fini par rentrer. Jimin l'avait hélé et il s'était tourné vers lui, le regardant un bref instant avant que ses yeux ne s'accrochent à cette nouvelle silhouette. La première chose qu'il avait pensé en voyant Taehyung était "wow". Parce que ce garçon avait peut-être eu l'air mal à l'aise face à tout beau ce monde, caché sous son gros pull, il restait tout de même magnifique. Il était doté d'une beauté dont lui-même ne semblait pas avoir conscience. La deuxième chose qu'il avait pensée, c'est qu'il avait le même genre de beauté que son ex : naturelle, douce et délicate. C'était une beauté dangereuse.

Mais ce qu'il avait eu du mal à détacher son regard de sa personne...

Plus il s'était approché de lui, plus cette odeur de cannelle l'avait asphyxié d'une façon étrangement agréable. Elle s'était imprégné de lui. Taehyung avait eu tout de suite un genre d'effet tranquillisant sur lui. Il y avait quelque chose chez lui de putain d'indescriptible. Il avait remis l'une de ses mèches de cheveux grises derrière son oreille tout en l'observant timidement et Jungkook l'avait trouvé instantanément précieux. Le genre de garçon trop doux pour un mec comme lui.

Franchement, il va être honnête, il avait eu l'envie fugace d'avoir ce joli garçon nu dans son lit. Parce qu'il était comme ça, parce que c'était lui. Ouais, il avait eu envie de le baiser. Et maintenant qu'il se souvient de ça, il se sent légèrement honteux du genre de mec qu'il était. Maintenant, cela faisait deux mois qu'il était avec Taehyung et il ne l'avait toujours pas baisé. Comment pourrait-il le baiser, de toute façon ? Il voulait faire tellement plus que ça. Il réalise encore une fois à quel point Taehyung l'avait changé, à quel point cette relation était différente de toutes celles qu'il avait expérimenté par le passé. Est-ce que l'ancien lui aurait attendu deux mois avant de passer à l'acte ? Putain, non. Ça l'aurait sûrement fait royalement chier.

Il grogne quelques instants et grommelle d'une voix inaudible que c'était à une soirée avant de sortir son portefeuille et de tendre une liasse de billets à Dong-won qui l'observe, ahuri.

-Qu'est-ce que tu fous ? demande-t-il.

Jungkook, la main tendue, se retrouve penaud et regarde son parrain avec des yeux de merlan frit. Il ouvre plusieurs fois la bouche avant de finir par hausser un sourcil.

-Bah, heu, je te paye ?

Dong-won secoue la tête avant de repousser sa main sous l'air surpris de Jungkook.

-Range ça, murmure-t-il.

Il se retourne avant de se diriger vers le meuble vitrine. Il sort un trousseau de clé avant de l'ouvrir et de s'emparer du set de bijoux et de le remettre dans sa boîte de velours. De sa main, il vient en enlever la poussière avant de la tendre à son filleul avec un petit sourire. Lorsque Jungkook comprend, il recule, carrément scandalisé.

-Je ne peux pas.

Dong-won lève les yeux au ciel avant de s'emparer de sa main de force et de lui fourrer la petite boîte dans sa paume. Lorsqu'il se retourne et qu'il tente de s'emparer de son trousseau de clé, il doit s'y prendre à trois fois avant de le trouver. Jungkook mentirais s'il disait que ce spectacle ne l'attristait pas, mais il fait comme s'il n'en était rien.

-Tu sais, c'est marrant, chuchote Dong-won. Ce set de bijoux a une signification particulière et c'est assez beau de voir que tu étais émerveillé dessus en étant gosse et que, maintenant, tu aies trouvé la personne à qui les offrir. C'est comme s'il t'était destiné, finalement. Tu ne trouves pas ?

Jungkook baisse le regard sur la boîte avant de l'ouvrir et d'observer le collier et le bracelet d'un regard brillant. Oui, c'était assez étrange. Il avait toujours eu un intérêt particulier pour ces bijoux et Taehyung lui avait fait part de sa théorie sur les univers les concernant...C'était foutrement terrifiant, en fait. Il avait hâte de lui offrir. Ça, ainsi que le petit cactus dont il avait peint maladroitement le pot.

C'est pour ça que ce Noël serait inoubliable.

Parce que, cette fois-ci, il y avait Taehyung.


Jungkook avait parlé encore une heure avec Dong-wan, discutant de tout et de rien, racontant les conneries de jeunesse de son père parce que, franchement, le noiraud n'en avait jamais assez d'apprendre les péripéties de son vieux. C'était toujours extra d'écouter tous les bourbiers dans lesquels il s'était fourré et dont Dong-wan avait dû le sortir à maintes reprises. Évidemment, son parrain lui avait posé des questions à propos de Taehyung, le gênant. Il avait répondu évasivement et Dong-wan s'était foutu de sa gueule, un peu comme ses parents l'avaient fait. Pourquoi chaque humain qui gravitait autour de son existence était-il tous aussi insupportables ?

Le petit sac contenant le cadeau de Taehyung dans la main, Jungkook longe son quartier tout en sifflotant, serein. Yoongi était apparemment chez lui et Junghyun et lui s'amusaient à regarder un documentaire sur la pêche. Ils lui avaient ordonné de rentrer sur le champ, comme si manquer de voir un homme pêcher une truite allait foutre sa vie en l'air. Il aurait pu s'en passer. Alors qu'il regarde distraitement ses pieds, un flocon se pose sur le bout de son nez, il grimace légèrement au froid avant de relever la tête et d'ouvrir la bouche, ébahi. Un flocon vient, suivis d'un autre, puis d'une pluie de flocons. Enfin, il neigeait à Gumi. Il espérait sincèrement que la neige tienne pour qu'il puisse ressentir la satisfaction de marcher dessus et avoir l'impression que ses semelles rencontrent du coton. Il adorait ça.

Il prend une photo d'un flocon sur sa main avant de l'envoyer à Namjoon, lui écrivant qu'il n'était désormais plus le seul à avoir de la neige chez lui. Il range ensuite son téléphone et accélère sa marche pour rentrer le plus tôt chez lui. Ce n'était pas qu'il n'aimait pas la neige, mais il avait quand même foutrement froid. Il avait juste envie de rejoindre Yoongi et son frère et de se prélasser devant la télé avec un bon chocolat chaud. Il manque de glisser une fois avant de glousser comme un enfant et de se remettre à marcher. Les lampadaires de son quartier sont allumés, la nuit tombe doucement et si il y a bien une chose que Jungkook n'aime pas en hiver, c'est les débuts de soirées. Il y a quelque chose de déprimant là-dedans. Le monde n'est que plus que gris et morose. Il pense un instant au fait qu'il aurait peut-être dû prendre une écharpe avant de partir avant de souffler de soulagement en voyant le perron de sa maison.

Avec hâte, il franchit le portillon et monte les petits escaliers jusqu'à la porte d'entrée. Au moment où il s'apprête à mettre la clé dans la serrure, un flocon se fraye un chemin le long de son cou avant de venir glisser sur sa peau jusqu'à s'incruster sous son pull, lui arrachant un frisson.

Mais un malheureux flocon ce n'était rien.

-Bonsoir Jungkook.

Parce qu'il n'y avait rien de plus glaçant que d'entendre à nouveau cette voix.

Le noiraud se fige soudainement. Le flocon continue de glisser le long de sa colonne vertébrale. La chaleur de sa peau l'a désormais transformé en une perle liquide. Mais ce n'est pas ce qui lui arrache ce violent tressaillement, non. Car il n'y a qu'une personne qui possède le pouvoir de lui glacer le sang de cette façon. Le noiraud n'ose pas se retourner. Il espère sincèrement qu'il est en proie à une illusion auditive. Parce que, bordel, ça ne peut pas être vrai. C'est impossible. Son regard écarquillé fixe résolument la porte d'entrée, attendant cinq secondes. Pourquoi cinq secondes ? Parce que s'il ne se passe rien durant ce laps de temps, alors il estimera que tout ceci n'était en rien la réalité.

Il espère si fort.

1...2...

Sa main se met à trembler doucement.

3...

Il exhale un souffle fébrile.

4...

Il clôt fermement ses paupières.

-Ce n'est pas très poli d'ignorer quelqu'un qui te parle, tu sais ?

Pitié, non.

Il n'avait même pas fini son décompte. Jungkook laisse sa main glisser le long de la poignée et retomber mollement le long de son corps. Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Il sent qu'il pourrait vomir d'une seconde à l'autre tant le choc lui retourne l'estomac. C'était un putain de cauchemar éveillé qu'il était en train de vivre.

Par une force extérieure, il arrive à trouver le courage d'enfin se retourner vers cette voix. Lorsque son regard rencontre les émeraudes qui le fixent déjà, il ne ressent aucune chaleur qui émane d'elles comme cela est le cas pour Soren. Il n'y a rien. Une couleur de yeux magnifiques, et pourtant un vide terrifiant qui les habitent. Un regard indéchiffrable, froid, putain de saisissant et incroyablement dérangeant. C'était bien Sora face à lui.

Ses yeux se perdent sur le visage de celui qui fut son tout et il se répugne de penser qu'il est magnifique. Parce que c'était malheureusement bien le cas. L'une des raisons pour lesquelles il était un pervers narcissique dangereux était bien par le fait que son physique était tout simplement à couper le souffle. Ça lui donnait un avantage non négligeable. Il observe les éphelides qui décorent ses joues, les boucles crépusculaires de ses cheveux qui caressent ses sourcils et son regard, admire ses lèvres, le petit sourire qui les habitent, et Jungkook a tout simplement la sensation que le monde autour de lui s'effondre. Pourquoi Sora est là, devant lui ? Pourquoi n'est-il pas en Angleterre ?

Le démon déguisé en ange amorce un mouvement dans sa direction et Jungkook plaque presque son dos contre la porte d'entrée par automatisme. Il a envie de lui hurler de partir, mais il en est incapable. Sa gorge et sèche et les mots lui manque, il est incapable de faire un truc aussi simple que d'ouvrir sa putain de bouche alors même que Sora s'approche de lui. Lorsque son regard hagard se perd par-dessus son épaule, il voit sa Bentley garée non loin. Il n'y a que les Singh et les Min pour se permettre d'avoir une bagnole de ce genre. Et les membres de la famille de Yoongi roulent tous en Mercedez. S'il avait été moins stupide à être diverti par des foutus flocons, peut-être qu'il aurait tilté. À vrai dire, cela faisait bien longtemps qu'il aurait dû tilter. Mais il nageait dans un tel bonheur avec Taehyung que son esprit n'avait capté aucun des indices qui avaient flotté autour de lui.

Et le voilà maintenant dans cette situation, pris de court, surpris et profondément horrifié. Parce que son Némésis, son bourreau, le garçon qu'il avait tant aimé continue de s'approcher de lui et qu'il est incapable de faire quoique ce soit. Il se contente seulement d'observer le long manteau vert de Sora qui s'allie parfaitement aux joyaux de ses yeux pour ne pas avoir à confronter son regard de plein fouet. C'était putain de ridicule. Il était plus grand et plus fort que lui et pourtant, il savait qu'il était incapable de le repousser. Il était si faible. Sora s'arrête devant lui et l'observe de haut en bas avant que son regard ne se mette à briller étrangement et que le sourire sur ses lèvres ne s'agrandisse d'une façon malsaine.

-Ce que tu as changé...

Il observe Jungkook, plus particulièrement son regard terrorisé. Et dire que Soren n'avait cessé de lui dire qu'il ne faisait plus partie de sa vie. Cette réaction prouvait tout le contraire. Il avait encore de l'emprise sur lui, même après trois années. Il passe furtivement sa langue sur sa lèvre inférieure avant de venir soudainement enlacer l'homme face à lui. À ce contact, Jungkook sent son cœur s'affoler dans sa cage thoracique et les larmes poussées au coin de ses yeux. Il se sent simplement impuissant et démuni.

Parce que, oui, peut-être est-il des cicatrices sur l'esprit, le coeur qui ne se referment jamais. Peut-être est-il des ombres qui vous hantent à jamais. Peut-être ne sommes-nous pas si forts que ça en fin de compte. Peut-être mentons-nous au monde, et en mentons au monde nous mentons à nous-mêmes.

Kyung-mi, la mère de Soren et Sora achetait toujours la même lessive, celle à la lavande. Enfant, il adorait cette odeur que portait constamment les deux frères sur eux. Elle était apaisante et lui rappelait l'été. Mais il était tellement habitué à la douce odeur de cannelle de Taehyung que celle-ci lui avait laissé une puissante empreinte olfactive. Et là, la lavande se battait avec la cannelle, elle voulait prendre le dessus. Peu à peu, l'odeur de son cinnamon boy se brouille, et Jungkook ne veut pas ça. Il ne veut que son odeur en mémoire et, pourtant, il est tellement vulnérable. Il laisse à Sora le pouvoir d'altérer cette odeur de cannelle qu'il aime tant. Les deux odeurs finissent par fusionner entre elles et Jungkook n'a jamais senti un parfum aussi fort et écoeurant de toute sa vie. Ça le dégoûte profondément.

Au bout de quelques secondes, voilà qu'il ne se souvient plus de l'odeur de Taehyung.

Parce que celle de Sora est bien plus puissante.

-Tu m'as tellement manqué, chuchote-t-il contre son oreille.

Jungkook frissonne, les bras ballants et le regard dans le vide. Juste pousse-le, putain ! hurle sa conscience. Pourquoi ses membres ne bougeaient-ils pas ? Il avait l'impression qu'ils pesaient une tonne. Sora glisse sa bouche sous son oreille avant de venir embrasser furtivement sa peau. Enfin, il finit par se reculer et observe la larme qui glisse malgré elle le long de la joue de Jungkook. Il tend sa main et vient la cueillir du bout du pouce avant de l'apporter à ses lèvres et de la goûter tout en le fixant de cette façon candide et innocente.

Jungkook détestait qu'un tel monstre puisse se cacher derrière cette apparence enfantine et faussement douce. Il observe la langue serpentine de Sora qui vient recueillir son unique larme, le résultat honteux de toute son impuissance, de sa peur et de son désespoir. Finalement, il finit par se reculer avant de lui sourire de toutes ses dents.

-Je suis tellement heureux de te retrouver.

Jungkook était effrayé par cette façon qu'avait Sora de parler, comme s'ils étaient encore amis, comme s'il avait pu oublier toutes les horreurs qu'il lui avait fait subir. Comme s'il pouvait effacer ces deux années où il l'avait détruit lentement jusqu'à bousiller le pauvre garçon bêtement amoureux qu'il était. À cause de lui, à cause de cette unique personne, Jungkook avait fini par croire qu'il ne vivrait jamais une romance comme celle de ses parents. À cause de son esprit tordu, il avait fini par penser que la seule chose qui comptait dans une relation, c'était la luxure. Sora l'avait amené à croire que la seule chose qui avait de la valeur chez lui, c'était son corps. Que c'était tout ce qu'il pouvait offrir. À ce constat, il étouffe un sanglot.

Mais Jungkook ne se retient pas de pleurer seulement pour toutes les horreurs qu'il lui a fait subir, non. Il se retient aussi de pleurer parce qu'il se souvient que ce garçon n'avait pas toujours été comme ça. Il fut une époque où Sora était juste fabuleux, un ami merveilleux, un garçon extraordinaire. Alors, il pleure parce que le revoir, c'est revoir un fantôme, un mirage, une illusion, un vestige, un mort. Le revoir maintenant, toujours aussi tordu, c'est réalisé avec brutalité que Sora n'avait pas changé, qu'il ne voudrait sûrement jamais le faire, que jusqu'à la fin de sa vie, il pourrait ne pas accepter ce qu'il est. Et parce que Jungkook l'avait profondément aimé en tant qu'ami avant qu'en tant qu'amant, c'était tout simplement brisant. Que s'était-il passé ? C'était l'un des mystères qui travaillait non seulement Jungkook, mais aussi Yoongi, Soren et Junghyun. Pourquoi ? Peut-être qu'aucun d'entre eux n'aurait jamais la réponse à cette question.

Qu'est-ce qui a tué Sora Singh ?

Sora le fixe encore quelques instants avant de se retourner sans rien dire et de partir de cette démarche élégante et discrète qui le caractérise si bien. Jungkook observe sa silhouette s'engouffrer dans la voiture luxueuse et, lorsque celle-ci finit enfin par disparaître le long de l'allée, Jungkook pousse un cri silencieux. Un cri qu'il avait vraiment eu du mal à retenir. Les mains tremblantes, il se retourne vers la porte d'entrée et tourne hâtivement la clé dans la serrure. Enfin, lorsqu'il l'ouvre et qu'il sent l'odeur rassurante qui émane de sa maison d'enfance et le bruit de la télévision au loin, il se laisse glisser le long de la porte avant de ramener ses genoux contre son torse et de fourrer sa tête entre ses mains, finissant par fondre en larmes comme un enfant.

De telles expériences éveillent souvent par leur violence subite une souffrance si terrible et si pénétrante qu'elle n'est plus ressentie comme telle, parce que, sous l'impétuosité du choc, on perd la faculté de comprendre et d'éprouver consciemment. On se sent simplement tomber, sombrer du haut des sommets vertigineux, le souffle court, sans volonté et sans résistance, dans un abîme encore inconnu. C'est ce que ressent Jungkook en ce moment-même.

Vous savez, Hayun avait coutume de dire à Hoseok que le passé ne reste jamais vraiment derrière nous. Le simple fait de se souvenir le fait revenir au présent. Il sera inévitablement notre futur, aussi longtemps que les souvenirs vivent en nous et que notre esprit les berce. Ce n'est pas grave. Que ce soit bon ou mauvais, il est essentiel de se rappeler du passé, pour prendre conscience du chemin parcouru, de ce qui a fait de nous ce que nous sommes. Se souvenir ne dure que quelques instants, ce n'est pas dangereux. En revanche, le revivre, il n'y a rien de plus terrifiant. Expérimenter une seconde fois le passé, ça peut rendre fou même le plus sain des hommes.

Jungkook avait suffisamment d'expérience pour savoir qu'on ne rembobine pas dans la vie, on peut seulement aller de l'avant, le coeur un peu plus solide là où il a été brisé. Mais rejouer sa partie, refaire son tour de manège, impossible, il n'y a qu'une seule route pour s'en sortir. Droit devant, dans le noir. Et voilà que le passé, cette monstrueuse ombre noire métamorphoser en un garçon à l'apparence angélique, venait de le ramener au fond des abysses alors même qu'il commençait tout juste à voir enfin la lumière.

C'était injuste et cruel.



━━━༺❀༻━━━━

Ce chap c'est votre cauchemar, moi c'est mon but ultime. 30 chap que j'attends ce moment, c'est maintenant l'heure de passer à table mes p'tits potes. Mon bébé est enfin dans la place hihihi.

Omg, dsl de ne pas avoir posté la semaine derrière, mais mon stage est franchement crevant, entre ça et voir les copains je me suis rendue compte que je manquais cruellement de temps. Puis, je voulais pas foirer ce chap. Finalement, j'le trouve pas ouf, mais si je fais des modifications toutes les cinq minutes, on en serait jamais venu à bout alors bon...

Bon jusqu'ici vous aimez toujours ? Enfin, là je crois que non mais ptdr vous allez devoir faire avec un bon bout de temps, on entre dans la phase angst intense. Ça va aller promis...

Bref je vais essayer de faire en sorte que le prochain chap sorte la semaine pro. Il va être trop coooool. Fin, je crois.

Bisous ✨

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top