Donuts & Plaquage
C'est avec sa grand-mère que Hoseok avait appris que les sentiments étaient propres à chacun, qu'ils nous appartenaient. Que ce n'était pas eux qui nous définissaient, mais que c'était nous qui les modelons à notre façon. C'était un peu comme une pâte à gâteau qui prenait une forme différente selon le moule de chacun. C'est ainsi que l'étudiant en théâtre avait pu remarquer l'amour sous différentes formes auprès de ses amis. C'était d'ailleurs fascinant à regarder.
Durant son enfance, Hayun avait longuement prôné l'amour et lui en avait parlé rêveusement. Elle en parlait d'une manière si douce et si magique que, longtemps, Hoseok avait pensé que sa grand-mère avait vécu dans un monde fantastique où il n'y avait aucune différence entre rêver et vivre. Le petit garçon qu'il était à l'époque n'avait pas compris. Son amour avait été tragique et lui avait été arraché brutalement. Comment pouvait-elle encore idéalisé l'amour ? Hayun lui avait souri, avait tendu un cookie à son petit-fils et croisés ses mains sous son menton tout en l'observant tendrement.
L'amour, disait-elle, a un pouvoir magique sur notre cœur, notre âme et, surtout, nos souvenirs. Penser à l'être aimé, c'est se rappeler une époque où tout semblait hors du temps. Peut-être qu'il y avait des moments qu'elle avait oublié, certes. Mais elle se souvient des mains de l'homme qu'elle aimait profondément, des histoires qu'il lui chuchotait à l'oreille les soirs d'été tandis qu'ils admiraient les étoiles et de son rire cristallin.
Des relations, il y en a partout et pour tout le monde, c'est un fait. Mais trouver quelqu'un avec qui l'on se sent capable d'être totalement vulnérable sans avoir peur, c'est plus rare. Aimer et être aimer à la même valeur, ça semblait idyllique. C'était trop beau. Et pourtant, sa grand-mère lui avait toujours dit qu'on remarquait les gens réellement amoureux non pas par les présents qu'ils pouvaient s'offrir, non pas par de simples baisers, mais par quelque chose qui leur est propre, quelque chose qui les métamorphose.
Hoseok n'avait pas compris de quoi il pouvait s'agir.
Mais maintenant, grâce à ses amis, il savait. Il y avait chez Taehyung, au-delà de ses dessins, quelque chose de si pudique dans son amour que ça le rendait d'autant plus précieux. L'étudiant en théâtre s'était mis à l'observer lorsqu'il était avec Jungkook et n'avait jamais rien vu d'aussi joli que la façon dont Taehyung réagissait à l'une de ses innombrables pitreries.
Il souriait.
Pas d'un sourire normal. D'un sourire qui, lorsqu'il s'atténuait, planait encore sur ses lèvres comme un fantôme. Le genre de sourire que l'on adresse qu'aux personnes que l'on aime du plus profond de notre être. Le genre de sourire qui ne s'éclipse jamais totalement. Un sourire qui veut dire « merci ». Un sourire reconnaissant pour l'existence de la personne en face de nous.
Alors, oui, il y a différentes façons d'aimer. Il y a celle discrète de Taehyung. Celle criarde de Jimin. Celle protectrice de Jungkook ou encore, celle maladroite de Yoongi.
Et parce que Jimin aimait de façon criarde et que - de manière générale- c'était un gueulard né, évidemment qu'ils étaient tous au courant que, lui et Min Yoongi, c'était dorénavant du sérieux. Est-ce que Seokjin l'avait cru ? Bordel, non. Lorsque le soir après leur troisième rendez-vous, Jimin était revenu à la coloc, sa main entrelacée à celle de Yoongi, l'étudiant en cinéma s'était approché doucement du brun tout en posant une main compatissante sur son épaule et en lâchant un : « si t'es retenu en otage, Yoon, cligne des yeux » qui lui a valut un écrasement de pied dont son petit orteil se souvient encore aujourd'hui.
Jimin et Yoongi...c'était bizarre comme couple. Un mélange farfelu, si vous voulez son avis. Actuellement Hoseok les observait assis au bout du canapé, tandis que Jimin, la tête posée sur les genoux de son prince, ronronne aux caresses effectuées sur sa tignasse blonde. Yoongi, le visage impassible, regarde de façon tout à fait amorphe le film qui passe sur l'écran, ses mains s'emmêlant dans les mèches de son blondinet d'un geste mécanique. Quelquefois, il lui jetait un regard du coin de l'œil, de manière si furtive et gêné qu'on aurait dit un ado qui guette du coin de l'œil la porte de sa chambre pour s'assurer que maman risque pas de débouler pendant sa p'tite séance de ponçage de quille.
Yoongi a toujours l'expression d'un mec qui s'apprête à aller à l'échafaud ou d'un grand-père dont la vie s'étend jusqu'à ce qu'il en devienne las. À son âge, il semblait déjà attendre la fin de son existence avec une résolution sans pareille. On pouvait jamais vraiment savoir ce qui se tramait derrière ces petits yeux de chat et ce visage qui, en de rares moments, se fendaient en un sourire capable de vous retourner la tête entière. Il l'observe encore, encore, encore, puis, finit par parler.
-Yoongi, je sais que Seokjin te l'a déjà dit, mais cligne des yeux si t'as besoin d'être secouru.
Sur ses genoux, Jimin fronce les sourcils et se redresse à la vitesse de l'éclair, ses cheveux formant un épis bizarre sur le dessus de son crâne.
-Oh mais fermez-la avec ces conneries, il est heureux avec moi, ok ?
Tout en disant cela, le blond s'accroche au poignet de son mec et pour Hoseok, cela lui semble tout l'air d'être une prise d'otage. Qui sait ce dont Jimin est capable. Si ça se trouve, il a foutu du poison sous ses ongles et à la moindre griffure, Yoongi pouvait dire adieu à sa carrière de cardiologue accompli.
-Oui, je suis très heureux, répond Yoongi d'une voix robotique.
Jimin sourit de toutes ses dents et frotte son visage contre le bras de son amoureux tandis que celui-ci a le regard vissé sur la télévision, semblant presque hypnotisé par la pub pour un médoc contre les hémorroïdes qui défile devant ses yeux.
Cette vision inquiète légèrement Hoseok. Tout à coup, la situation lui semble aussi claire que de l'eau de roche et c'est au moment où Jungkook entre dans le salon, finissant d'enfiler son sweat-shirt sur la tête, que le rouquin se précipite sur lui et enroule ses bras autour de sa taille.
-Il l'a lobotomisé ! hurle-t-il.
Jungkook veut revenir en arrière, n'être jamais rentré dans cette pièce et rester dans la chambre de son cinnamon boy à l'admirer peindre. Pourquoi il était sorti déjà ? Ah oui, c'est vrai...
-Bouge, crétin, assène-t-il, t'as un truc plus important à faire que de t'occuper de Yoongi qui est en train de se questionner sur la plus grosse bourde de son existence.
Jimin se relève prestement et s'apprête à remonter les manches de son pull en tricot, prêt à en découdre avec ce petit con. Lorsque Jungkook avait appris pour leur couple, ses yeux s'étaient élargis avant qu'il ne se pince les lèvres et lance un regard désolé à son meilleur tout en le gratifiant d'un « toute mes condoléances » qui avait réveillé la furie Jimin.
-T'es un homme mort, viens que j'te règle ton compte, espèce de sac à foutre, marmonne-t-il.
Jungkook secoue la tête et s'empare de ses clés de voiture, un sourire planant sur ses lèvres.
-Charmant.
Il ne rajoute rien de plus, décidant de ne pas s'attarder sur blondie et jette un regard curieux à son meilleur ami. Celui-ci a le regard résolument ancré sur la télévision, grattant machinalement son jean avec ses ongles sans ne prêter aucune attention à la petite querelle à ses côtés. Ouais, d'accord, il était quand même bizarre. Mais là, il n'avait pas le temps de s'occuper de ça. Il avait un autre gros problème qui s'apprêtait à pointer le bout de son nez. Il se retourne vers Hoseok, admire sa dégaine - et plus particulièrement son pyjama avec des donuts et ses cheveux en pétards - avant de soupirer dramatiquement.
-Hoseok, pourquoi t'es pas encore prêt ?
Le roux l'observe, penaud, tout en penchant la tête sur le côté.
-Prêt pour quoi ?
Jungkook passe une main lasse sur son visage avant de grommeler des paroles incompréhensibles. C'est au même moment que Taehyung arrive dans le salon, un sourire resplendissant sur son visage, sa jolie silhouette sublimée par un long manteau marron qui lui donnait l'air - d'après Namjoon- d'un détective privé super sexy.
-On y va ? chantonne-t-il.
Jungkook ne dit rien. Non. À la place, il lève seulement son bras en direction d'Hoseok et pointe du doigt l'énergumène en face d'eux. Taehyung regarde l'étudiant en théâtre de haut en bas, l'air confus.
-Pourquoi t'es pas prêt ?
Hoseok a envie d'exploser. Être prêt pour quoi, bordel de merde ? Il pose ses mains sur ses hanches et fronce les sourcils.
-Prêt pour quoi ? répète-t-il, agacé.
Jungkook enfile son gros bombers noir et ses rangers usées, avant d'éclairer la lanterne magique de Hoseok qui s'est pas faite frotter depuis belle lurette.
-Samuel Collins, répond-il, abasourdi. C'est aujourd'hui qu'il arrive.
Yoongi décroche son regard de la télévision pour observer la réaction du roux. Tous ont le même réflexe. Ils s'attendent tous à voir son visage se décomposer sous la panique, le voir détaler à toute vitesse pour changer de tenue ou même se mettre à hurler et à courir dans tous les sens. En bref, ils avaient à peu près tous prévu cette réaction. Et pourtant, ils se retrouvent tous sur le cul lorsque Hoseok...
-Hein ?
Oh, le con, pense Jimin.
Samuel Collins était royalement dans la merde. Son propre parrain avait oublié son existence. C'était vraiment ce gus qui devait s'occuper de lui pendant six mois ? Et bah putain. Yoongi sourit discrètement, amusé, tandis que ce sont les visages de Jungkook et Taehyung qui se décomposent en synchronisation.
-T'es sérieux ? demande Jimin. T'as oublié le gars que t'es censé parrainer ?
Hoseok cligne des yeux à vive allure et observe Jimin comme s'il sortait d'un doux rêve. Il se perd dans le regard profondément éberlué de son ami avant que la réalité ne le frappe et que sa bouche s'ouvre en grand, à deux doigts d'aller titiller le tapis.
-Oh mon dieu, mais c'est aujourd'hui que Samuel arrive ! beugle-t-il.
C'est pas possible, faut l'emmener faire une IRM à ce stade. Jungkook le rattrape par le col de son pyjama alors qu'il s'apprêtait à détaler dieu sait où.
-C'est ce que je viens de te dire !
Hoseok se détache de sa prise et lève un sourcil.
-Nan, t'as pas dit ça, t'as dit un truc bizarre, on aurait dit du yaourt.
Jungkook cligne des yeux, complètement abasourdi. Il avait seulement prononcé Samuel Collins avec un léger accent. Il l'avait dit en anglais parce que, bah merde quoi, il était anglais. Il avait passé son enfance à prononcer les prénoms des frangins Singh de la même manière donc c'était devenue une habitude pour lui. Enfin, ce n'était pas non plus un truc incompréhensible, n'importe qui aurait saisi ce qu'il avait dit. Est-ce qu'il avait parlé trop vite ? En voyant les expressions toutes aussi perdues de Jimin, Taehyung et Yoongi, Jungkook comprend que non, ce n'était pas le cas. Hoseok était juste Hoseok.
-Tu comptes faire comment pour parler avec lui, Hoseok ? demande-t-il, sincèrement curieux. Samuel est anglais, il ne parle rien d'autre et son accent va être bien plus incompréhensible à comprendre pour toi...
Hoseok lui sourit d'un air énigmatique avant de poser sa main sur son épaule et de le dépasser pour aller chercher son manteau.
-T'inquiètes, il y a une chose qui réunit tous les hommes.
Et Jimin réalise alors : Hoseok ne s'était pas changé.
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Yoongi et Jungkook détournent le regard, refusant de prétendre qu'ils ont un quelconque lien avec Hoseok alors que Jimin se frotte les mains d'impatience et que Taehyung sourit d'un air gêné à chacun des étudiants -étrangers ou non- qui observent curieusement Hoseok.
Jungkook veut juste se barrer. Ils ne pouvaient rien faire normalement. Le plan, c'était d'aller chercher Samuel avec Hoseok et Taehyung, lui offrir le meilleur accueil dont ils étaient capables et basta. Mais non, Jimin et Yoongi ne voulaient manquer ça pour rien au monde. C'est au moment où le blond avait remarquer que Hoseok allait accueillir son poulain avec un pyjama donuts qu'il avait flairer l'animation venir et avait donc tout naturellement rameuter son beau brun qui, après deux trois grognements de protestation, avait céder.
Jimin sourit diaboliquement en voyant le pyjama ridicule de Hoseok tandis que celui-ci plonge son regard parmi l'immense foule réunie sur la pelouse universitaire, cherchant son petit protégé. Son gros sac à dos rectangulaire - comme ceux des enfants- le fait glousser stupidement.
-Bon, tu te décides à faire un truc Franklin ?
Hoseok ne lui répond pas. À la place, il enlève sa carapace -ou son sac à dos, c'est une manière de voir les choses- et sort un rouleau de papier. Il le déroule et, au moment où Jimin réalise ce que c'est, il explose de rire. Yoongi jure tout bas, baisse résolument le regard au sol et, avec un peu de chance, espère que la fin du monde n'arrive avant que Samuel Collins voit tout ce bordel. Après ça, Hoseok sort une enceinte de son sac et Jungkook s'attend presque à le voir sortir un tapis rouge et peut-être même le président. C'était quoi ce sac, sérieusement ? Il semblait y avoir tout un tas de trucs farfelus dedans.
Ne comprenant rien à rien, il s'approche de son ami, observe quelques instants la pancarte avec le nom de son poulain écrit en gros agrémenter de petits cœurs pailletés, et l'enceinte à ses pieds.
-Mais tu t'es cru à un concert ou quoi, c'est quoi ça ?
Il prend la pancarte dans ses mains et l'évalue avec intérêt. Hoseok avait écrit le nom de Samuel en différente couleurs, il y avait des cœurs, des étoiles et, pire encore, une trace de lèvres. Vous savez, le genre de marque de rouge à lèvres qui vient en compagnie d'une lettre parfumée et tout ce bordel...ouais, précisément ça. Il fronce les sourcils et pointe la trace à Taehyung qui, gêné, se balance sur ses pieds.
-Il m'a dit que c'était pour une bonne cause.
Jungkook lève les yeux au ciel et fixe Hoseok qui pianote quelques instants sur son téléphone.
-C'est un étudiant ou Justin Bieber que tu vas rencontrer, là ? C'est quoi la prochaine étape, quand tu vas le voir tu vas lui balancer un de tes slips à la tronche ?
Hoseok grogne et lui arrache la pancarte des mains. Rien à faire. Il est impossible à raisonner. Jungkook a envie de rajouter quelque chose, mais Yoongi le devance.
-Comment on va le trouver parmi tout ce monde ?
Et pour appuyer ses dires, il balaye la foule immense du regard. Des milliers de visages inconnus passent devant eux, sourient à la vue de leurs parrains ou discutent entre eux. Il n'a aperçu aucune tête blondinette avec des boucles à l'horizon et ce constat le fait soupirer lourdement. À cette question, Hoseok tourne la tête vers lui et lui sourit grandement.
-En braquant l'attention sur nous.
Génial, pense Yoongi. Tout ce qu'il adore.
Jimin regarde l'enceinte aux pieds de l'étudiant en théâtre et commence à comprendre peu à peu ce qu'il s'apprête à faire.
-Wow, c'est vraiment un concert, murmure-t-il.
À ses côtés, Taehyung acquiesce vivement, comme émerveillé par ce qu'il se passe sous ses yeux.
-Ce qui uni les hommes entre eux et qui dépasse la barrière de la langue, c'est la musique ! s'exclame gaiement Hoseok. C'est pour ça que Yugyeom a préparé une playlist spécialement pour l'arrivé de Samuel.
Jungkook avait carrément peur là. Il s'apprête à dire quelque chose, mais a à peine le temps d'ouvrir la bouche que Hoseok range son téléphone dans sa poche, brandit sa pancarte, et que l'enceinte se met à cracher le premier son de cette fameuse playlist.
You might think I'm crazy
The way I've been cravin'
If I put it quite plainly
Just gimme them babies
So, what you doing tonight?
Better say, "Doin' you right"
Watchin' movies, but we ain't seen a thing tonight
Jungkook et Yoongi s'échangent un regard surpris et complètement morts de honte. Autour d'eux, les étudiants les observent avec attention, certains riant. Jimin aime bien le spectacle, mais s'est quand même éloigné de quelques pas pour faire genre qu'il connaît absolument pas Hoseok. Fallait pas déconner, là c'était l'humiliation publique.
Un grand merci à Yugyeom pour ce choix de playlist tout à fait adapté. Jimin était sûr qu'il l'avait fait exprès, cet enfoiré.
Hoseok, quant à lui, reste droit dans sa dignité, la pancarte levée en l'air et son regard de faucon balayant la foule à la recherche de sa proie.
Et sa proie en question était loin de se douter que la voix d'Ariana Grande qu'il entendait au loin était pour lui. Il ne s'attendait pas à ce que l'université mettent ce genre de musique pour accueillir des étudiants étrangers en son sein. C'était osé. Néanmoins, il n'y prête pas plus attention que ça. Une chanson qui détonne dans une playlist, ça peut arriver, même si la musique en question, c'est le genre qu'on passe dans un moment d'intimité ou qui reste dans les écouteurs, pas du genre à célébrer un échange universitaire.
Samuel, épuisé par son long voyage et par son installation dans le dortoir étudiant, s'approche d'un pas las en direction de la musique. Il y a peut-être une scène là-bas, qui sait. Il a passé vingt minutes à chercher son parrain, sans succès. Il savait à quoi il ressemblait. Oxford lui avait fait parvenir un petit dossier sur lui avec une photo. Il avait alors vu un garçon a l'air jovial qui souriait grandement à l'objectif. Ouais, Hoseok avait l'air cool. Il pensait que ça allait être du gâteau de le trouver, vu sa couleur de cheveux, mais quelle terrible erreur. Ils étaient des centaines et ses amis s'étaient déjà fait la malle, se retrouvant alors seul et abandonné à lui-même.
Samuel traverse la foule avec peine et, lorsqu'une fille devant lui se déplace de quelques centimètres, il aperçoit alors le spectacle le plus improbable qui soit : un rouquin en pyjama qui tient une pancarte avec son nom écrit avec tant de couleurs que ça en ferait gerber une licorne. Il détaille les cœurs, les étoiles, la trace de rouge à lèvre et, enfin, son regard croise celui de l'étudiant.
De son parrain. Son parrain qui tient une foutue pancarte rose bonbon avec son nom et, en musique de fond, cette chanson plutôt osée.
Can you stay up all night?
Fuck me 'til the daylight
34, 35
Can you stay up all night?
Fuck me 'til the daylight
34, 35
C'était une invitation ?
Au moment où Hoseok réalise que Samuel Collins le fixe de loin, il agite sa pancarte comme un forcené et pointe un doigt dans sa direction. Le pauvre blond voit alors quatre autres paires de yeux se tourner vers lui et il flippe complètement.
You drink it just like water
You say, "It tastes like candy"...
-Hell no, panique-t-il.
Au moment où Hoseok amorce un pas dans sa direction, Samuel se met tout simplement à courir dans le sens inverse.
Il venait de fuir.
De l'autre côté, les cinq garçons admirent ledit Samuel Collins qui s'est fait la malle en beauté, sans même avoir approché Hoseok à moins de dix mètres. Vous en pensez ce que vous voulez, mais pour Yoongi, ça voulait dire beaucoup. Il s'approche de Hoseok, s'abaisse pour éteindre l'enceinte, avant de poser une main amicale sur son épaule qu'il frotte vigoureusement.
-Bon, c'était à prévoir, assène-t-il sans détour.
Mais la main sur son épaule n'est d'aucun réconfort. Hoseok abaisse la pancarte d'un air défaitiste tout en tripotant son pantalon donuts.
-Il a pas aimé mon accueil ?
Jimin époussette d'une main princière une poussière imaginaire sur son manteau avant de répondre d'une voix indifférente.
-Écoute, Hoseok, c'est pas pour te vexer, mais avec la pancarte et la chanson, c'était pas un accueil, c'était une invitation pour qu'il aille explorer ton braquemart.
Yoongi lui lance un regard ennuyé mais le blond n'y fait pas attention et reprend dans sa lancée.
-À mon avis, l'idée lui a fait peur et je le comprend totalement.
Hoseok ne sait pas quoi faire. En voyant son air tristounet, Taehyung lance un regard entendu à Jungkook qui, comprenant bien son rôle, se met à faire des exercices d'échauffement. Ils avaient un deal, après tout. Un deal que le noiraud comptait bien respecter vu ce que Taehyung lui avait chuchoter au creux de l'oreille. Il allait accueillir Samuel comme il se doit et après allait réaliser un fantasme sexuel de fou furieux. C'était le terme, ouais.
Il enlève son bombers qu'il balance sur Jimin qui se le prend en pleine gueule avant de remonter les manches de son sweat sur ses avants-bras.
-Tu fais quoi ? questionne curieusement Yoongi.
Jungkook sourit en coin, les yeux pétillants de malice. Il jette un rapide regard à Taehyung avant de fourrer une main dans ses mèches rebelles pour dégager son front.
-Je pars à la chasse.
Sans plus de cérémonie il s'élance à toute allure dans la foule. Pour Jimin on aurait pas dit un humain, non, mais une putain de panthère. Il avait à peine cligner des yeux qu'il avait l'impression que Jungkook avait déjà fait plusieurs mètres. Ah, la vache.
Courir quand on a objectif, c'est plus facile. Et Jungkook avait un sacré objectif en tête. Il court, le visage impassible et à une vitesse qui surprend les étudiants encore présents sur la pelouse universitaire. Samuel, à bout de souffle et rouge comme une tomate, se retourne pour apercevoir cette putain d'armoire à glace qui fonce sur lui comme un bulldozer. De quoi le rassurer, vraiment. Le mec court comme les sauveteurs dans alerte à Malibu : avec une agilité et une classe sans nom. Courir pouvait rendre des gens séduisants, alors ? Parce que les trois quarts des filles se retournaient à son passage alors que lui, avec sa respiration de labrador, ses joues rouges et son front transpirant, il avait juste l'air à l'article de la mort. Le monde était injuste.
Il commence à avoir la même respiration qu'un pauvre malheureux en pleine crise d'asthme et à ce goût métallique désagréable dans la bouche qui lui donne la sensation qu'il pourrait être capable de cracher ses poumons d'un moment à l'autre, de quoi lui faire regretter d'avoir quitter son patelin douillet et Rosalie, sa vache préférée.
Il se retourne une dernière fois, voit que le mec en question le prend tellement pas au sérieux qu'il s'est mis à trottiner et, ouais ça fout en vrac sa fierté. Mais il est fatigué, merde. Son énergie s'est fait la malle et il est en train de faire ses prières à demi-voix d'un ton dramatique, remerciant maman, papa, et tous ses ancêtres, lorsqu'il se fait soudainement plaquer au sol comme une grosse merde. L'armoire à glace s'est littéralement jetée sur lui et l'a plaqué au sol, l'envoyant ventre à terre, le visage fourré dans l'herbe froide. Ouais, rien à redire pour son premier jour en Corée du Sud. C'était top.
Non mais franchement, qu'est-ce qu'il allait dire à sa famille ? Que son prétendu parrain l'a accueilli avec une pancarte suspecte et une chanson l'invitant à le soulever et qu'après il s'est fait plaquer par son doberman pour avoir pris la fuite ? Ce mec était un rugbyman professionnel, c'était pas possible parce que, pour un plaquage réussi, il était réussi, pour sûr.
Samuel a à peine le temps de grogner sa douleur contre une tige d'herbe qu'il se fait retourner sur le dos et que le type de k-drama pose une main sur son torse pour bien le tenir en place. Samuel le dévisage, admirant le sourire tombeur du mec au-dessus de lui qui ne semble absolument pas essoufflé par cette course qu'il trouvait pourtant endiablé. Son regard s'attarde sur ses yeux rieurs qui semblent prendre un malin plaisir à détailler sa vulnérabilité.
-Got you, chuchote Jungkook.
Samuel ne sait pas vraiment quoi répondre. Mal à l'aise, il jette un regard circulaire autour de lui pour voir que bon nombres de personnes les observent avec intérêt. Enfin, les filles particulièrement. Elles gloussent entre elles et se chuchotent des trucs à voix basses. L'anglais est pas stupide pour réaliser que c'est pas vraiment lui qui les émoustilles, avec sa silhouette de brindille et son visage couvert de terre et de brins d'herbes. Non, l'objet de leur attention, c'est plutôt le beau mal ténébreux au-dessus de lui au sourire enjôleur. Ok, Samuel vient de comprendre qu'il s'est fait plaquer au sol par la célébrité du campus apparemment.
Il a à peine le temps d'ouvrir la bouche qu'un jeune homme avance dans leur direction, vêtu tout de noir. Samuel a presque l'impression de voir la faucheuse s'avancer vers eux, les mains enfouies dans un long manteau noir et le regard ennuyé. Lorsque la mort arrive juste devant eux, elle s'agenouille à leurs côtés et l'observe longuement, le scrutant même, de ces yeux impénétrables. Après quelques secondes, un sourire amusé fend ses lèvres. Un joli sourire quand même. Il était doux.
-Bienvenue en enfer.
Samuel le dévisage, apeuré, et ose poser craintivement sa question comme s'il s'agissait là du dernier débit de paroles de son existence et que celui-ci allait changer miraculeusement son destin. Son salut quoi en gros.
-Quel enfer ?
Jungkook et Yoongi s'échangent un regard entendu avant que Samuel n'entendent une voix nasillarde au loin semblant crier son prénom -ou plutôt le bousiller, vu la manière dont il le prononçait. Il tourne légèrement la tête pour voir son parrain accourir vers lui, pancarte entre les mains et un sourire immense sur le visage.
Dès que Hoseok se retrouve aux côtés de son poulain, sa bouche déverse tous les mots en anglais qu'il connaît, un ramassis de n'importe quoi qui donne à Samuel un mal de crâne colossal. Ou peut-être bien que c'est le plaquage qui lui a fait une commotion cérébrale, qui sait. Hoseok lui dit comment il s'appelle, dit qu'il adore la couleur bleue, qu'il cuisine du théâtre et étudie les pancakes. Ouais, son niveau d'anglais était catastrophique.
À ce constat, ses yeux s'écarquillent, ahuri. Ce mec s'était porté volontaire pour être son parrain et il avait le même niveau d'anglais qu'un gosse de primaire ? Et encore, c'était gentil.
En voyant l'air déconfit de Samuel, Jungkook explose de rire.
-Cet enfer-là.
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Namjoon et Seokjin, eux, sont à la bibliothèque universitaire. Pour l'étudiant en physique, c'était histoire de bien bosser sur son projet sur le principe d'incertitude de Heisenberg qui lui cassait littéralement les couilles depuis une semaine maintenant et pour Seokjin, c'était pour travailler sur son projet scénaristique en cours et aussi pour - il fallait se l'avouer - trouver du calme. Un concept totalement inconnu dès le moment où on posait un pied au sein de la coloc, il fallait être honnête.
Seokjin, son genre de film, c'était les films de gangster, du genre les Affranchis, Casino, Il était une fois l'Amérique et tous ces trucs du genre. Il y avait quelque chose qui le fascinait dans ces films. Lorsqu'il était plus jeune, ça l'avait obsédé. C'était peut-être bien Robert De Niro, Joe Pesci, Al Pacino ou Ray Liotta qui l'avait poussé dans cette voix professionnelle. Ouais, c'était sûr. Seokjin voulait écrire un film qui serait retranscrit à l'écran par des acteurs de la même trempe qu'eux. Ce serait le jackpot. Il voulait quitter la Corée, tenter sa chance à Hollywood et vivre son rêve américain.
Il écrivait donc une histoire qui racontait les aventures d'une bande de gamins soudés dans les rues malfamés d'un quartier italo-americains de New-York où tout le monde se connaissait, et où des hommes durs menaient une existence dure. Après un événement tragique, ce groupe ne serait plus aussi soudé qu'auparavant et les gamins qui se baignaient dans l'Hudson n'auraient plus que leurs souvenirs comme seul lien. Trois d'entre eux finiraient par devenir des crapules, sombreront dans la délinquance, le côté noir si l'on veut. Tandis que les deux autres, au contraire, seraient des amis de la justice.
L'étudiant en cinéma avait raconté son scénario à Taehyung. Celui-ci avait adoré et l'avait vivement encouragé dans son projet. L'idée que cette bande d'amis vole en éclat suite à un drame et que chacun prenne un chemin totalement opposé aux uns et aux autres lui avait particulièrement plu. Les personnages de Seokjin avait leurs façons bien à eux de réagir à ce drame. On sombre ou on se relève. C'était intéressant que d'exploiter ces deux faces. Celle du bien et du mal étroitement liées par une tragédie.
-Comment elle s'appelle, la crapule de ton histoire déjà ? demande Namjoon.
Seokjin relève le regard de son écran d'ordinateur, accueillant cette question avec un soulagement dissimulé. Il était en train de bloquer depuis une heure, à vrai dire.
-Alessio Vaglieri.
Namjoon hoche la tête.
-Ok, et c'est qui ? Le grand parrain ?
Seokjin secoue la tête.
-Non, c'est l'assassin d'exception de la famille Bonnano. Il inspire la peur sans avoir ni besoin de menace ni de flingue.
Namjoon hoche la tête, penaud. Seokjin l'émerveillait d'une certaine façon. C'était incroyable tout ce qu'il avait créé grâce à son imagination et deux trois recherches historiques.
Les deux garçons se sourient mutuellement avant qu'un groupe assis à une table non loin d'eux se mettent à glousser, les nez scotchés sur l'écran d'un téléphone, semblant regarder quelque chose de fortement amusant.
Ils n'y prêtent pas plus attention et essayent de se concentrer sur leurs projets respectifs, mais Namjoon capte l'un des garçons à la table d'à côté prononcé un nom qu'il connaît bien.
-Seokjin, chuchote-t-il.
Le châtain hume pour toute réponse, lui faisant savoir qu'il avait toute son attention - enfin, une bonne partie.
-Je crois qu'ils parlent de Jungkook.
Le châtain hausse un sourcil et plonge son regard en direction du groupe d'amis qui ricanent toujours devant le même téléphone. Ils regardent une vidéo, mais l'étudiant en cinéma n'a aucune idée de son contenu. Il soupire alors dramatiquement.
-Je quitte la coloc exprès pour pas être emmerder par ces énergumènes et voilà que leurs fantômes me suivent jusqu'à la bibliothèque, grogne-t-il.
Namjoon se pince les lèvres, réfléchit quelques instants, avant de se pencher vers le groupe d'étudiant et de leurs chuchoter sur le ton de la confidence :
-Qu'est-ce qu'il se passe avec Jeon Jungkook ?
Le groupe se tourne vers lui en synchronisation et la fille qui tient le téléphone en main sourit grandement avant de le lui tendre.
-Il a plaqué un pauvre étudiant étranger contre la pelouse de l'université ce matin.
Un de ses amis acquiesce, l'air solennel.
-Le malheureux a sûrement envie de rentrer chez lui à l'heure actuelle.
Namjoon et Seokjin, abasourdis, se concentre alors sur la vidéo qui défile devant leurs yeux. Ils reconnaissent le pauvre Samuel Collins, l'air d'avoir couru un marathon, qui tente d'échapper à une entité maléfique inconnue. Les deux amis s'échangent un regard sceptique. Tout à coup, une paire de bras s'ajoute à la vidéo et ils voient la silhouette de Jungkook plaquer au sol ce pauvre garçon d'à peine soixante kilos avec une force inutile. Aïe, ça a dû faire mal ça.
La vidéo défile et, au fur et à mesure, ils voient Yoongi apparaître, puis Hoseok avec une pancarte ridicule et un pyjama avec des donuts sur le dos.
Ils se pincent les lèvres, ne sachant pas vraiment quoi dire. C'était ça, l'accueil mémorable qu'ils avaient fait à Samuel Collins ? Bah putain, pour être mémorable, il l'était.
Seokjin, sans piper mot, tend le téléphone à la jeune fille qui s'en empare, un immense sourire amusé sur le visage.
-Franchement, ils sont complètement tarés.
Avant que Namjoon n'ait pu dire quoique ce soit, Seokjin sourit à la jeune fille d'un air entendu et quelque peu scandalisé.
-Tout à fait d'accord, ils acceptent vraiment n'importe qui dans cette université, c'est aberrant.
Et sans plus de cérémonie, il retourne à son scénario, tapotant à une vitesse affolante sur son clavier, le visage impassible.
C'est pas seulement dans son scénario que le groupe de potes est pas soudés, pense alors distraitement Namjoon.
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Bon la pause s'est éternisée, je l'avoue. Deux trois trucs à régler dans ma vie perso, oral de fin d'études et la nostalgie des vacances qui ne me faisaient pas accepter le fait que j'avais quitté un paysage de rêves pour revenir à celui fort divertissant des pigeons parisiens n'ont fait que rallonger cette pause.
Donc après deux mois tadaaaaaa le grand retour.
Un retour de qualité, je sais pas, mais c'est un retour quand même donc c'est toujours à prendre jppp.
Donc oui, pour les échanges avec Samuel, je vais mélanger l'anglais et l'italique. Anglais quand ce sera des petits trucs simples et italiques pour des trucs plus complexes, je pense que le concept est pas mal...ça vous va, vous ? Comme ça je perds pas tout le monde.
Bref, bisous sur vos fronts mes estrellitas. À très vite j'espère ✨
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