Béret & Comédie Musicale

Cela faisait une semaine depuis la soirée d'Halloween. Cela faisait donc sept putains de jours depuis que Taehyung et Jungkook étaient en froid. Pour une semaine intense en émotions, c'en était une. Le noiraud s'était disputé avec Taehyung deux fois et avait lamentablement échoué à arranger la situation. Quand on vous disait qu'il y avait une manière de bien faire les choses et d'innombrables façons de les foirer, ce n'était pas des mots pour faire joli. Jungkook en était bien la preuve, non ?

Des excuses...Ce n'était pourtant pas bien compliqué. Mais il se trouve que Jungkook avait tout simplement du mal à trouver ses mots face à Taehyung. Pour une raison foutrement bizarre, le joli discours qu'il préparait soigneusement à chaque fois se faisait la malle une fois qu'il se retrouvait devant l'étudiant en art. D'ailleurs, préparer des discours, être nerveux et tous ces trucs couillons n'étaient pas non plus dans ses habitudes. Voilà une chose qui avait changé. Il se découvrait presque timide, maintenant.

Actuellement, il est presque quinze heures lorsque Jungkook attend patiemment devant l'entrée du bâtiment des arts. Et, évidemment, il était en train de se bouffer les ongles. Cette manie, il pensait l'avoir abandonnée depuis bien longtemps. Force était de constater qu'elle s'était solidement accroché à lui, finalement. Il aurait bien aimé se cramer une clope pour patienter, mais il allait parler à Taehyung et, étrangement, il se sentait quelque peu honteux à l'idée de sentir le tabac devant le plus âgé. Peut-être aussi qu'il ne voulait pas que cette odeur se mélange à ses douces effluves de cannelle et n'empoisonne ce délicat parfum.

Lorsqu'il entend du brouhaha derrière lui, il sait que la classe de Taehyung vient de terminer son dernier cours. Il ferme les paupières quelques instants, essayant de rassembler tout son courage. Le passage de Yoongi et le fait qu'il ait couché avec Iseul l'avait rendu encore plus honteux de toute cette situation et il ne sait pas s'il sera capable de regarder ce joli garçon dans les yeux. La situation entre les deux meilleurs amis avait été si pesante, une fois Jungkook rentré du travail, que Soren avait squatté la chambre de Namjoon et les deux garçons étaient restés ensemble tout le weekend, prenant bien soin de les éviter consciencieusement.

Yoongi avait sûrement dû grommeler sur son comportement et ses agissements à la base parce que, dès qu'il était rentré, il avait affronté le regard confus de Namjoon et l'expression déçu de Soren. C'était génial. Désormais, tout le monde savait qu'il était un connard fini.

L'espace d'un instant, Jungkook hésite à faire demi-tour, à venir une autre fois avec les idées plus claires de ce qu'il pourrait lui dire. Peut-être qu'il paniquait, et peut-être qu'il détestait Taehyung de le rendre aussi vulnérable.

Lorsqu'il entend sa douce voix derrière, il serre les dents. Allez,tu peux le faire. Effectivement, il pouvait le faire. Après tout, il ne pouvait décemment pas balancer à Jimin que ses couilles avaient la proportion de deux raisins secs si lui agissait comme ça.

Soren lui avait proposé deux trois trucs qu'il pourrait dire à Taehyung dans l'espoir de se faire pardonner. Il les a bien mémorisés, ces trucs un peu gnangnan et maladroits. Et pourtant, lorsqu'il se tourne et que son regard capte la divine silhouette de Taehyung, son cerveau les a comme effacés. Quelle est cette sorcellerie ? Taehyung s'arrête face à lui et Jungkook ne fait rien d'autre que de le fixer, l'air incroyablement bête. Tout s'était évaporé, ne restait plus que le stress.

Pourtant, ce n'était absolument pas lui, d'être stressé. Jungkook était un adepte du mode de vie je-m'en-foutisme, mais l'étudiant en art semblait avoir réduit à néant chacune de ses petites habitudes. Ça ne lui plaisait pas vraiment, d'ailleurs. Cette réaction, il savait pourquoi il l'avait. C'est parce qu'il ne voulait pas le perdre.

Putain.

Comment voudrait-il perdre un être comme Taehyung ? Il ajoute des couleurs à sa vie sans le vouloir. L'étudiant en art fronce les sourcils à sa vue avant de remonter maladroitement sa besace sur son épaule.

-Pourquoi t'es là, Jungkook ?

L'étudiant en marketing n'avait pas affronté son regard. Lorsqu'il remonte doucement la tête, ce qu'il aperçoit à travers les pupilles de Taehyung le surprend. Il n'y a que de l'indifférence qui se dégage de ses beaux yeux. C'était une émotion qu'il n'avait pas vu depuis longtemps. Depuis les premiers jours où il avait rencontré Taehyung, à vrai dire. Et pourtant...et pourtant il est là, face à lui, toujours aussi merveilleusement beau. Le noiraud prend le temps d'étudier sa tenue, son long manteau marron, sa jolie chemise avec des roses sur le col, son pantalon à pinces noir et peut-être -peut-être- que Jungkook trouve que le béret qui décore sa petite tête est très mignon et qu'il lui va très bien. Peut-être qu'il réalise encore une fois que Taehyung est l'un des plus jolis garçons qu'il n'ait jamais vu et que, pourtant, il lui faisait du mal, à ce joli garçon. Faut vraiment être trop con.

Taehyung semblait doux et précieux face à lui et Jungkook avait la soudaine envie de le toucher. Il ne sait pas quelle partie de son corps il a envie de toucher, exactement, mais il a envie de l'effleurer, de sentir sa peau contre la sienne et d'apprécier sa texture lisse et délicate. Peut-être qu'il a envie de caresser ses joues. Ses joues si douces, si pleines et qui se colorent merveilleusement. D'ailleurs, elles sont rouges, là. Taehyung pouvait bien revêtir ce masque d'indifférence, le fait est que ses pommettes le trahiront toujours. Jungkook trouve ça incroyable. Putain, il a ce pouvoir-là...celui de colorer des joues. C'est merveilleux. Les gens n'apprécient que trop peu cet art. Jungkook, lui, réalisait sa beauté  maintenant. Ou peut-être a-t-il l'envie d'enfoncer ses doigts dans la chair tendre de sa taille, comme il l'avait déjà fait deux fois auparavant, mais dont il n'avait jamais été pleinement satisfait, trouvant le moment trop court. Y'a pleins de trucs qu'il voudrait toucher, finalement. Mais il sait aussi que tout cela lui est lucidement interdit. 

-Tu vas bien ?

Taehyung hoche lentement la tête et replace son béret sur sa tête. L'impression qu'ils renvoient actuellement est celle de deux âmes que l'amour s'amuse à manier cruellement. Comme elle le fait dans bien des cas, à vrai dire.

-Oui, merci, et toi ?

Jungkook hausse les épaules avant de fixer un point au loin. Peut-être que ça lui donnerait plus de courage.

-Ouais, répond-il. En fait je - je suis désolé d'être parti comme ça.

Jungkook avait honte. Taehyung était vraiment merveilleux, face à lui. Et c'est lorsqu'il baisse le regard qu'il remarque que son t-shirt à une tâche de café et que son jean a un trou. Il était juste négligé et il ne trouvait pas ça vraiment correct. Mais c'était lui.

-Ce n'est pas grave, ne t'inquiètes pas.

Jungkook relève brusquement la tête, surpris. Il voit le sourire de Taehyung. Sourire qui n'est pas aussi éclatant que ceux de d'habitude. C'était les sourires que l'étudiant en art esquissait à chaque fois qu'il était trop poli pour admettre qu'il était mal à l'aise. Le noiraud fronce les sourcils à ce constat parce que, putain, il connaissait les différents sourires de Taehyung et ça c'était pas normal.

-Je ne voulais pas t'abandonner lâchement comme ça c'est juste que...ouais j'ai paniqué et je ne m'attendais pas du tout à ça.

-Jungkook, je t'ai dit que ce n'était rien, laisse tomber.

Ce n'était rien ? Comment pouvait-il cracher ainsi sur ses propres sentiments ? Jungkook soupire avant de passer nerveusement sa main dans ses cheveux.

-Écoute, je pense quand même qu'on devrait en discuter.

Taehyung baisse la tête et c'était étrange, de sentir cette inaccessibilité, cette barrière que Taehyung s'était construite en l'espace d'une semaine pour le repousser et protéger son cœur. Il était comme une étoile. Il était visible, mais intouchable.

-Il n'y a rien à dire.

Jungkook frotte sa langue sur son palais, légèrement agacé.

-Moi j'ai des choses à dire, rétorque-t-il. Mais on ne va pas rester là. Viens, je vais te raccompagner.

Jungkook pointe Bessy du doigt derrière son épaule et Taehyung hésite peut-être quelques secondes avant d'abdiquer. Il suit alors le garçon de ses rêves jusqu'à cette vieille voiture déglinguée qu'il apprécie bien, finalement, et en ouvre la portière qui laisse échapper ce crissement si familier. Il s'assoit lourdement sur le siège, le regard fixé sur l'horizon, tandis que Jungkook s'installe à ses côtés et referme violemment la portière. Peut-être un peu trop, d'ailleurs. Sa vieille caisse en a presque tremblé. Pauvre Bessy...

Jungkook penche la tête en arrière sur son fauteuil et admire quelques secondes son plafond avant de lancer un regard en biais à Taehyung. Le joli garçon avait le dos voûté et triturait maladroitement le tissu de son pantalon. Le noiraud savait qu'il était nerveux à ce simple geste.

-Je t'écoute, déclare timidement Taehyung.

Jungkook s'empêche de sourire au ton de sa voix parce que, voir Taehyung aussi vulnérable était juste adorable. Il bouge alors légèrement sur son fauteuil et remarque tristement que l'étudiant en art en fait de même, comme s'il voulait s'éloigner le plus possible de lui. Sauf que, bon, Bessy c'était loin d'être une limousine.

-Je...

Que dire, putain, que dire ? Fallait-il qu'il lui parle de Sora ? Bordel, non. Il en était hors de question. Ça, il ne le pouvait pas. Il se racle alors bruyamment la gorge avant de révéler les raisons de ses agissements.

-J'ai toujours cru que tu me détestais, murmure-t-il. J'avais l'impression d'être un con quand j'étais à tes côtés, ou un gros boulet. Je n'arrive juste pas à comprendre, Taehyung. Pourquoi tu agissais ainsi ?

Il rencontre le regard de l'étudiant en art et Jungkook voit alors ce qu'il ne voulait surtout pas voir. De la tristesse.

-Je n'arrive pas à comprendre comment tu peux ressentir ces choses-là pour moi. Apparemment j'ai été aveugle de ne pas le remarquer, mais comment j'aurais pu le réaliser alors que tu agissais ainsi ? Je suis perdu.

Taehyung range l'une de ses mèches derrière son oreille avant de baisser les yeux et de déglutir, maltraitant encore son beau pantalon.

-Tu te souviens, la première fois qu'on s'est rencontrés ?

Sa voix était si basse, si faible, et pourtant, elle vibrait avec tant d'émotions qu'on aurait dit qu'il allait se mettre à pleurer. Jungkook ne voulait surtout pas ça.

La première fois qu'il s'était rencontré...Oui, Jungkook s'en souvient. Il aurait d'ailleurs  dû être plus avenant. Ses salutations avaient été bâclées et il ne lui avait porté que très peu d'intérêt tout le reste de la soirée. Il avait été naze alors pourquoi Taehyung mentionnait cette première rencontre peu glorieuse ?

-Tu m'a à peine salué et tu étais tellement indifférent..., ça m'a blessé, tu sais ? chuchote-t-il. Mais après, tu es allé rejoindre Hoseok et tu as fait une blague nulle sur les pélicans. C'était vraiment pas drôle mais toi, tu t'es mis à rigoler comme un débile et - je sais pas-  tu avais l'air si authentique ? Ton visage s'est éclairé et tu étais si charmant...je me suis demandé pourquoi je n'avais pas eu le droit à ça, moi. Pourquoi je n'ai pas eu une blague nulle sur les pélicans...J'aurais aimé.

Une larme roule le long de sa joue rebondie et il l'essuie rapidement. Jungkook aurait aimé le faire, juste pour pouvoir le toucher et le conforter. Ses jolis yeux brouillés s'ancrent dans les siens et il sent son cœur se fendre à cette vision.

-C'est le fait que je ne peux pas résister à tous ces trucs stupides qui font de toi ce que tu es que je t'ai détesté. C'est parce que tu fronces tout le temps les sourcils quand il y a un truc que tu ne comprends pas. C'est parce que tu mets un peu trop de beurre sur tes tartines. C'est parce que tu es tout le temps loyal envers tes amis. C'est parce que tu aimes Jane Austen ou que ta voiture s'appelle Bessy. C'est parce que tu as un rire enfantin et un sourire charmant et c'est un tout, finalement. Et je vois la façon dont te regarde les autres, je vois à quel point ils te trouvent attirant, eux aussi. Je sais que tu peux avoir n'importe qui, alors pourquoi est-ce que tu voudrais de moi ?

Il baisse les yeux de nouveau avant de renifler.

-Alors je t'ai détesté. Je t'ai détesté parce que je ne pouvais pas t'avoir et c'est toujours le cas. C'est plus simple de te détester que de t'aimer en sachant que ce ne sera jamais réciproque. C'est moins douloureux. 

Jungkook n'avait même pas les mots à ce stade-là. C'était juste wow. La voix de Taehyung laissait transparaître tellement de tristesse que c'en était douloureux. Il ne savait pas quoi répondre. Que pourrait-il dire ? Le noiraud se sent incroyablement nul car il est incapable de trouver quoique ce soit pour le conforter. Ça lui faisait mal, de voir que c'était lui le responsable de toute cette douleur qui ternissait les beaux yeux face à lui.

Il aurait aimé être Soren. Parce que Soren avait toujours les bons mots pour consoler les maux. Son aîné était bien plus éloquent que lui. Son esprit est juste un bazar immense où il n'arrive plus à retrouver la moindre familiarité ou à distinguer la plus minime émotion.

-Je peux t'aider, finit-il par souffler.

À ses côtés, Taehyung fronce les sourcils.

-Qu'est-ce que tu veux dire ?

-Je peux t'aider à oublier tes sentiments pour moi.

Taehyung croit avoir mal entendu. Brusquement, un rire amer s'échappe d'entre ses lèvres.

-Ça ne marche pas comme ça, Jungkook.

Le noiraud se tourne de sorte à lui faire face et pince ses lèvres quelques instants.

-On peut toujours essayer, insiste-t-il. Je peux te faire rencontrer des gens ou, mieux encore, je serais tellement insupportable avec toi que tu ne voudras même plus me voir.

Un doux sourire courbe les lèvres de Taehyung. Un sourire lent et merveilleux et Jungkook est infiniment rassuré à cette vue. Et alors, il laisse le sien prendre place sur ses lèvres à son tour. Peut-être que Jungkook voulait aussi sentir son sourire contre son cou, mais il était trop con pour le réaliser.

Taehyung se tourne vers lui et bats des cils, ceux-ci venant frôler ses pommettes. À cette vue merveilleuse, Jungkook sent son ventre se serrer douloureusement. Putain, il était si joli. Et alors, il réalise que l'une de ces petites tiges avait abandonné ses amies pour se poser sur sa joue. Jungkook ne contrôle pas la suite de ses actions. Il se penche brusquement vers lui avant de poser sa main sur le côté de son visage, enlevant le cil solitaire à l'aide de son pouce. C'était comme une caresse, cette façon qu'il avait de laisser glisser sa peau contre sa joue.

Il entend l'étudiant en art déglutir bruyamment et c'est à ce moment précis qu'il réalise leur soudaine proximité. Ils étaient beaucoup trop proches. Jungkook sent sa respiration lourde s'échouer sur son visage tandis que son regard se baisse machinalement sur ses lèvres rougies, douces, et légèrement entrouvertes de sorte à laisser échapper un souffle irrégulier.

À cette vue, sa main sur sa joue se fait alors plus présente. Son index rejoint délicatement son pouce et il se remet à caresser sa pommette. Cela faisait bien longtemps que le cil n'était plus là. Et pourtant, il est émerveillé par la vision de ses joues qui se colorent doucement, lentement, rien que pour lui. À cause de lui. Taehyung n'ose pas bouger, peut-être parce qu'il ne le veut pas, et Jungkook ne fait rien non plus pour s'éloigner. Sa peau est chaude, satinée, et le noiraud à l'impression que le monde autour d'eux s'évapore dans un brouillard. Hagard, il remonte son regard dans le sien.

-Jungkook.

Cette façon qu'il a de chuchoter son prénom de façon aussi basse et douce est juste - adorable.

-Hum ?

Taehyung passe furtivement sa langue sur sa lèvre inférieure et - merde - Jungkook a l'impression de devenir dingue. Son esprit et son cœur sont pleins de contradictions. C'est une bataille sur laquelle il n'a absolument aucun pouvoir. Il était si sûr de ne pas l'aimer et, pourtant, il ne pouvait s'empêcher de trouver ça sexy, la façon dont sa langue avait glissé sur sa lèvre inférieure, la rendant brillante. Il trouvait ça absurde, de s'imaginer l'embrasser. De s'imaginer le tirer contre lui plus près encore et de l'entendre chuchoter son prénom au creux de son oreille. Il savait qu'il ne devait pas imaginer tout ça alors qu'il prétendait ne pas l'aimer de cette façon.

L'idée qu'il ressente peut-être la même chose que Taehyung effleure son esprit et il en est terrifié. Ses yeux s'agrandissent doucement tandis qu'il stoppe sa caresse sur sa joue.

-Jungkook...

Putain de bordel de merde. Sa voix était désormais un gémissement, une sorte de supplique délicieuse et Jungkook a actuellement d'innombrables scénarios indécents sur la façon dont il pourrait lui faire gémir son prénom encore et encore. C'était une sonate merveilleuse. Les yeux de Taehyung brillent de tellement d'émotions que Jungkook se voit aspiré malgré lui. Il espère que l'étudiant en art n'est pas capable de déceler le doute et la peur qui se lit dans le sien. Il était vraiment foutu.

Tout à coup, Taehyung ferme les yeux, fermant ainsi les portes de ce palais merveilleux et plein de douces promesses. Il s'éloigne de sa prise et détourne le regard.

-Ne fais pas ça, murmure-t-il.

L'instant brisé, Jungkook reste en suspens, la main en l'air, comme un con. Soudainement,Taehyung se munit à nouveau de ses remparts imprenables. Le noiraud sent comme un immense vide autour de lui, maintenant que celle bulle d'intimité n'était plus. Avec violence, il réalise alors qu'il avait sûrement eu faux sur toute la ligne concernant ses sentiments. Mais il avait aussi la sensation que c'était trop tard, désormais. Il ne pensait pas être fait pour Taehyung, de toute façon.

Mais, wow, il avait vraiment envie de l'embrasser.

-Aide-moi à t'oublier.

Jungkook le détaille, le regard hagard, ayant encore du mal à réaliser que, putain, ouais, c'était peut-être bien réciproque finalement. Il doit se faire une raison. Il ne peut plus se voiler la face, encore moins alors que son cœur danse un foutu tango dans sa poitrine.

-Je veux t'oublier, répète Taehyung. Alors fais-le.

Jungkook hoche machinalement la tête tandis que, dehors, le temps s'assombrit. La pluie crache contre les vitres de Bessy dans une mélodie apaisante. Étrangement, il a la sensation que ce temps est le reflet de son cœur.

-Ouais, d'accord, chuchote-t-il.


Seokjin et Hoseok préparent à manger ensemble. Enfin, la réalité c'était que l'étudiant en cinéma préparait des ramens vite fait et que le gars issu d'une partouze entre des êtres féeriques l'observait, assis sur le plan de travail. Taehyung, lui, était rentré il y a peu, l'air perdu, avant de se poser directement sur la table à manger du salon pour dessiner son amoureux avec une passion démesurée. Soit. Les deux garçons n'avaient pas cherché à en savoir plus pour l'instant. De toute façon, Jimin n'était pas encore rentré. 

D'ailleurs, ça commençait à les inquiéter.

Enfin, ça inquiétait Seokjin parce que cela faisait bien dix minutes qu'il écoutait Hoseok babiller à propos de Soren Singh comme un amoureux transi.

-...Mais il a pas accepté ma demande d'abonnement. Pourquoi à ton avis ?

Seokjin le regarde en biais, l'air blasé.

-Je sais pas, Hoseok. Peut-être parce que ta photo de profil c'est Buzz l'éclair ?

L'étudiant en théâtre tire la moue, déçu. Bah c'était bien Buzz l'éclair, non ? Au grand dam de Seokjin, il se remet alors à déblatérer à quel point il était beau et à quel point il voulait le revoir. Il était déjà en train de planifier une sortie au restaurant tous ensemble pour qu'il puisse avoir le privilège de le voir manger. Il vasouille aussi pendant cinq minutes sur cette histoire de potager et de caleçons et Seokjin se fait la réflexion que son ami vit vraiment dans un univers parallèle. Pour Hoseok, une relation épanouie était une relation qui comprenait un potager, des caleçons assortis et peut-être aussi atteindre le but d'avoir une photo avec Ronald de Macdonald ou de s'amuser à résoudre les casse-tête sur les dessous de plats pour enfants dans les restaurants. C'était tout.

Dans un sens, c'était mignon. Il paraissait vraiment innocent. Alors qu'il l'écoute parler de l'idée de s'incruster à la fête d'anniversaire d'un gosse pour en voler le gâteau, la porte d'entrée s'ouvre, laissant place à une scène pour le moins surprenante. Qu'est-ce que...

Jimin est rentré, oui, mais il y a deux trois choses qui ne vont pas, là. De un,  il est sur le dos de Yoongi. De deux, il est en chaussettes. Et de trois, les deux garçons sont habillés en tenues de sport. C'est sûrement les mecs les moins sportifs que Seokjin connaissent, alors qu'est-ce que c'était que ce bordel ? L'étudiant en médecine s'avance péniblement dans le vestibule sous les regards curieux des trois garçons. À cette vision, Taehyung s'inquiète directement. Il se relève avant de s'avancer jusqu'à eux.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé ? s'affole-t-il.

Un petit silence prend place avant que Jimin et Yoongi ne se regardent et se mettent soudainement à exploser de rire. Cette vision a quelque chose de merveilleux mais aussi de profondément curieux. Taehyung ne les avait jamais vu comme ça, l'air aussi heureux et amusés. L'étudiant en médecine repose doucement le blond au sol et celui-ci secoue la tête avant de lisser les plis de son jogging.

-On a eu notre premier rendez-vous.

À ces mots, Hoseok descend brusquement du plan de travail pour s'approcher. Seokjin, quant à lui, baisse le feu de la gazinière pour pouvoir les rejoindre à son tour. Le premier rendez-vous de Jimin avec Min Yoongi, putain. Ça méritait toutes leurs attentions.

L'étudiant en cinéma s'approche, l'air totalement perdu.

-Pourquoi vous êtes en tenues de sport ? Elles sont passées où tes chaussures ? C'était comment ?

Yoongi se tourne vers lui avant de ricaner faiblement.

-C'était...Wow.

Wow ? Comment ça, wow ? Ça y est, un rendez-vous et Min Yoongi est sous le charme ? Jimin était vraiment un sorcier. Il fallait qu'ils sachent quel avait été le plan du blondinet pour que Yoongi ait l'air aussi ravi de sa sortie.

Jimin prend alors une expression timide avant de sourire discrètement.

-Alors, ce qu'il s'est passé...

3 heures auparavant

-Tu te fous d'ma gueule, Park ? Tu m'emmènes où là, au juste ?

Yoongi détaille le dos du blond qui avance devant lui d'un pas assuré. Sauf que, là, Min il était légèrement inquiet. Hier, Jimin lui avait envoyé un message lui disant qu'il était temps de faire leur premier rendez-vous. Le dresscode avait été le suivant : y'en a pas, prend des fringues moches et confortables. D'accord, ça déjà c'était bizarre.

Ainsi, il se retrouvait en jogging avec une vieille chemise à carreaux et des chaussures au bord de la mort. Jimin aussi avait un jogging, mais lui portait un sweat noir et des putains de Balenciaga aux pieds. Sérieusement, il voulait niquer sa paire de luxe, ce crétin ? Quoique, Yoongi ne savait toujours pas ce qu'ils allaient faire. La seule chose qu'il savait, c'est qu'ils s'éloignaient de plus en plus de la ville. Ils étaient en bordure de Séoul et avaient dû prendre d'innombrables transports pour arriver là où ils en sont. Il n'y a rien autour d'eux. C'est juste une longue route bordée par une forêt. Des fois, il y a des voitures qui passent, mais c'est quand même vachement rare.

-C'est quoi le plan ? Tu vas me buter et cacher mon cadavre dans la forêt, c'est ça ?

Jimin se tourne vers lui avant de marcher à reculons, le regard brillant de malice.

-Ça alors, on est vraiment âmes-soeurs ! Tu lis même dans mes pensées maintenant.

-Haha, très drôle.

Jimin glousse avant de se retourner, les mains derrière le dos. Il fait savoir à l'étudiant en médecine qu'ils sont bientôt arrivés et celui-ci laisse presque échapper un soupir de soulagement. Encore heureux, parce qu'il n'en pouvait plus de marcher. D'autant plus qu'il ne connaissait pas leur destination. À sa grande surprise, Jimin prend un virage à droite, là où la forêt ne prend plus place, remplacé par une sorte de trou. Il semblait donc qu'un lieu se trouvait là. Il le suit à son tour, relève le regard et là, se fige.

C'était forcément une blague.

Jimin danse devant lui, l'air bienheureux, avant de tendre ses mains de chaque côté de son corps.

-Tada !

Yoongi détaille la vieille bâtisse derrière l'épaule du blondinet avant de grimacer. C'était quoi cette idée de rendez-vous, franchement ? Park était vraiment un phénomène. Il ne pouvait pas l'emmener dans un café ou au cinéma comme tout le monde ? Non, à la place, celui-ci avait choisi...

-Un hôpital désaffecté, laisse-t-il échapper d'une voix blanche.

Jimin tape dans ses mains avant de couiner d'excitation. Lui, il a l'air vraiment emballé par l'idée.

-Oui ! On va faire de l'urbex.

Yoongi l'observe, l'air de dire "nan mais tu m'as bien vu ?" mais cela n'affecte pas Jimin. L'étudiant en médecine voulait repartir. À vrai dire, ce n'était pas le rendez-vous en lui-même qui lui posait problème, mais le lieu. S'il y a un bien un truc qu'il a appris sur Park Jimin depuis qu'il le connaît, c'est le fait qu'il était incroyablement malchanceux. Il se mettait tout le temps dans des situations merdiques, volontairement ou non. Donc là, faire de l'urbex dans un hôpital désaffecté en compagnie du Dieu de la poisse, c'était moyen.

-Jimin, j'ai vu suffisamment de films d'horreurs pour savoir que c'est une idée merdique.

Jimin glousse adorablement avant de s'approcher de lui avec un grand sourire.

-Oh, t'as la trouille ?

Yoongi grommelle quelques instants avant de porter son regard sur la grande bâtisse délabrée. Il avait un mauvais pressentiment, vraiment. Il y avait quelque chose qui ne lui inspirait pas confiance dans la façade austère de cet hôpital désaffecté. Ouais, peut-être que ça lui fout quelques frissons. Mais il est trop fier pour l'avouer.

-T'as déjà fait de l'urbex, au moins ?

Jimin secoue négativement la tête. Super. Génial. L'étudiant en marketing se baisse alors avant de s'emparer de son sac de colonie de vacances. Apparemment, il avait été scout. Mais c'est pas parce qu'il a gagné une médaille pour avoir vendu des cookies à des vieilles que ça le rassure. Loin de là. Il ouvre son sac de fidèle membre des Castors de Busan avant d'en sortir deux lampes torches.

-Voilà, on est parés.

-Oui, c'est sûr qu'avec une lampe torche on peut tout affronter. Comment ça marche ce truc ?

Jimin s'approche pour lui montrer l'utilisation complexe de leur future source de lumière. Il prend la manivelle sur le côté avant de la tourner à fond comme un mec à deux doigts de lâcher la purée. L'image le fait rire intérieurement. Surtout en voyant les joues rouges de Jimin et sa langue sortie sous la concentration.

-Tu te fous de ma gueule, t'as pris des putains de lampes torches dynamos ?

Jimin lui tend la lampe torche avant de remettre son sac sur son épaule.

-Chez les Castors de Busan on privilégie l'écologie.

Yoongi lève les yeux au ciel. Non mais ce gosse n'était pas croyable.

-Ah ouais, et chez les Castors de Busan vous alliez dans des hôpitaux désaffectés, peut-être ?

Jimin s'avance en direction de l'hôpital et Yoongi sait alors que son destin est scellé, qu'il n'y a plus aucune échappatoire possible. Il serre alors la lampe dans sa main avant de jurer.

-Je te préviens Park, si y'a un truc bizarre on se casse. Moi je cours sans savoir si tu me suis ou pas. De toute façon, les blondasses c'est les premières à crever donc ça me laisse de la marge.

Yoongi ricane comme une hyène et Jimin lui frappe l'épaule, scandalisé. L'étudiant en médecine rigolait à moitié. S'il y avait un tueur en série sanguinaire, il n'attendrait pas que Jimin branle sa lampe torche pour tailler la route.

Les garçons s'avancent alors jusqu'à la grande porte et Yoongi se retient presque de pleurer de rire lorsqu'il entend des corbeaux voler au-dessus de leurs têtes. C'était vraiment une idée de merde.

Jimin détaille la porte condamnée par des planches en bois, l'air pensif. Il s'agenouille et  place son oreille contre le bois avant de tapoter doucement dessus, les lèvres pincées. Il foutait quoi, là ? Yoongi l'observe, l'air franchement blasé. Tout à coup, le blond s'empare d'une des planches avant de la tirer aussi fort que possible près de lui dans un gémissement étouffé qui rappelle à Yoongi un mec qui a du mal à lâcher sa pêche. Cette situation était bien trop ridicule pour ses yeux. Son regard se perd alors sur le côté tandis que, d'une oreille distraite, il entend encore Jimin se battre avec la planche en bois.

Là, Jimin se fout la honte, et il le sait. Il se relève donc vivement avant d'épousseter ses mains sur son jogging. Il faut faire bonne impression. Il essaye alors de se rappeler de ce qu'il avait appris avec les Castors de Busan avant de se rendre compte qu'à part vendre des gâteaux et griller des chamallows, bah ils faisaient pas grand chose, en fait. Pris d'une pulsion, il donne un violent coup contre la planche. Une seconde passe, peut-être plus, avant que Jimin ne se mette à crier de douleur tout en sautillant comme un unijambiste. Il s'approche à nouveau de la porte, désormais fou de rage et, oubliant apparemment qu'il était en plein rendez-vous romantique. De toute façon c'est pas comme si c'était bien parti.

-Espèce de sale pute, connasse de merde, ouvre toi ! Faut que j'te suce, c'est ça ? Y'a un mot de passe ? Raaaah !

Yoongi croise ses bras contre son torse, appréciant le spectacle navrant juste devant ses yeux. Un régal. C'était un putain de régal.

Voyant que ses injures ne servent à rien, Jimin se laisse alors tomber à genoux avant d'ouvrir ses mains en prière, l'expression solennelle.

-Oh, Dieu gay, je te contacte aujourd'hui...

-Qu'est-ce que tu fous ? 

Jimin tourne la tête vers lui et le foudroie du regard.

-Je suis en discussion avec mon créateur.

On avait dit bonne impression, non ? Oubliez tout.

-Ah ouais, Dieu est gay ?

-Le mien oui, mais sa toge est arc-en-ciel.

Ah, d'accord. Yoongi l'observe alors faire sa prière, murmurant à quel point il est un fidèle membre - ouais, c'était bien le cas après tout - tout en lui faisant la promesse de brûler une photo de Lee Byung-hun comme offrande. Y'a un grain chez ce petit, sincèrement.

Yoongi fronce les sourcils au fur et à mesure qu'il entend sa prière. C'était le truc le plus tristement drôle qu'il n'ait jamais entendu. Yoongi se retient de lui dire que ce Dieu imaginer à l'arrache est sûrement la chose la moins crédible de l'univers. Et, putain, d'où il sortait au juste ? À entendre les paroles insensées du blond, on dirait une invention tout droit sortie du cerveau d'Hoseok ou de Yugyeom, ou même les deux carrément.

Brusquement, il s'approche de lui avant de le choper par le colback pour le relever sur ses deux pieds, ce couillon. Yoongi n'imagine même pas la tête de sa mère si elle entendait ces mots. Il le foudroie du regard, lui faisant comprendre que, les conneries, ça allait deux minutes.

-Bon, ça suffit.

-Mais la porte s'ouvre pas, chouine Jimin.

Yoongi le tient toujours comme un chiot alors qu'il l'amène sur le côté droit de l'hôpital désaffecté. Lorsque Jimin fait face à l'immense fenêtre brisée juste devant ses yeux, il se sent légèrement con. Voire carrément con, en fait. Ça faisait cinq minutes qu'il faisait son cirque alors qu'il y avait une foutue fenêtre brisée juste à ses côtés ?

Sans lui laisser le temps de bredouiller sa honte, Yoongi l'enjambe tout en rechargeant sa lampe dynamo. Il ne s'en remettrait pas, de cette erreur de casting. Il pouvait pas prendre une lampe à pile, franchement ? Alors qu'il pointe la lumière sur les murs au papier peint craquelé, il sent Jimin derrière son dos. Mais genre carrément proche. Le blond est presque accrocher à lui comme un koala.

-T'as peur ? demande Yoongi.

-Non.

Jimin se pousse alors vivement sur le côté avant de pointer sa lampe un peu partout. Sauf que Yoongi remarque bien qu'il a la frousse. Le simple bruit d'une goutte d'eau qui tombe au sol le fait presque sursauter. Pourquoi il avait eu cette idée s'il était aussi trouillard ?

D'un commun accord, les garçons commencent alors à arpenter les différents couloirs de cet hôpital, sur les gardes. Il fallait dire que voir des peluches abandonnées au sol ou des biens personnels appartenant à des patients avait quelque chose d'assez glauque et de malaisant. Tandis que Jimin s'empare d'une veste disposée sur le fauteuil d'une chambre, Yoongi décide de le taquiner un peu.

-Tu sais peut-être que tous les patients morts dans cet hôpital, bah ils sont encore là.

Jimin se tourne vers lui avec lenteur avant de lâcher prestement la veste qui se rétame au sol. Yoongi apprécie de voir son sourire forcé.

-Qu'est-ce que tu veux dire ?

Yoongi ne lui répond pas. À la place, il observe le mouvement étrange qu'il aperçoit juste aux côtés du blond.

-Oh mon Dieu, regarde ! crie-t-il.

Lorsque Jimin baisse la tête et aperçoit le rat juste à ses côtés, il pousse un hurlement à glacer le sang. Ouais, il pourrait clairement jouer un dans un film d'horreur. Il recule maladroitement avant de se prendre un drap dans les pieds et de trébucher sur le lit. À sa réaction, Yoongi explose de rire. Jimin n'arrive même pas à apprécier le son tant il est en colère. Il se relève vivement avant de s'approcher de lui d'une démarche menaçante.

-Ça te fais rire, espèce de crétin ?

-Ouais, carrément.

-Moi ça ne me fait pas-

Boum.

Jimin devient tout à coup silencieux. C'était quoi, ce bruit ? Ça venait de loin, mais il l'avait quand même entendu. L'étudiant en marketing s'approche alors de son prince avant de s'accrocher fermement à son bras.

-C'était quoi ?

-Les fantômes des patients morts.

Jimin gifle faiblement son épaule, absolument pas amusé. Là, il avait vraiment peur.

-Non, sérieusement ?

Yoongi se dégage de sa prise avant de se mettre face à lui, positionnant sa lampe torche branlette juste en-dessous de son visage, s'apprêtant à balancer sa légende horrifique.

-Je suis sérieux. Ils sont venus se venger des plateaux repas dégueux qui leur ont été servis. Les compotes acides, la viande trop dure, la purée liquide...Nous allons affronter des esprits très, très en colère, Jimin.

Le blond le fixe, blasé. Il se croit drôle, en plus ? Le fait qu'il dénonçait un fait véridique était encore plus risible. Jimin porte alors ses deux raisins secs et décide d'aller voir.

Yoongi sur les talons, l'étudiant en marketing débouche sur une immense salle avec une petite scène au fond. Ça avait sûrement été une salle de spectacle pour divertir les patients. Jimin pointe avec sa lumière les différents rats qui cavalent, aveuglés, avant que sa lampe climax ne capture une silhouette sombre qui se cache directement derrière le rideau après avoir été découverte. Là, la bouche de Jimin se met à trembler comme celle d'un marmot à deux doigts de brailler. Apeuré, il s'empare de la manche de Yoongi.

-Y'a un t-truc là-bas, balbutie-t-il faiblement.

Yoongi observe le corps tremblant de son cadet avant de froncer les sourcils. Il dirige sa lampe vers la direction que pointe Jimin, mais n'y découvre absolument rien.

-Ça devait être un rat.

-Non, c'était pas un rat...

Alors que Yoongi s'apprête à ouvrir la bouche pour lui répondre et tenter de le rassurer, quelque chose d'inexplicable se produit devant leurs yeux. Tout à coup, une autre lumière s'ajoute. En effet, un tonneau est placé au centre de la scène à l'intérieur duquel brûle un feu ardent. L'étudiant en médecine a à peine le temps de comprendre que plusieurs voix s'élèvent au loin.

-Tiens, tiens, tiens...

-Mais qu'avons nous là ?

-Des jeunes égarés ?

C'étaient plusieurs voix qui chantaient et, putain, c'était quoi ça encore ? Sous l'effarement des deux garçons, six silhouettes sortent alors de l'ombre avant de se mettre à tourner autour du tonneau en feu. À leurs apparences, Yoongi comprend de suite qu'il s'agit de sans-abris. Et merde...Évidemment. Il avait totalement occulté le fait que ceux-ci squattaient les endroits désaffectés. Il avait pensé à la possibilité d'un tueur sanguinaire, mais pas à des démunis ? Il réfléchissait vraiment à l'envers, des fois.

Jimin est simplement figé. Les six personnes face à lui se mettent à danser et le blond est plus ahuri par cette scène que réellement apeuré. Il se penche alors vers Yoongi, le regard ancré sur ce spectacle de fortune.

-C'est une comédie musicale ?

Yoongi hausse les épaules. Broadway c'est plus c'que c'était. Les quatre hommes continuent de danser en faisant des galipettes douteuses tout en souriant et l'étudiant remarque que certains d'entre eux n'ont plus vraiment de quoi sourire, justement.

-Que va-t-il leur arriver ? chante l'un

-Prenez garde ! Prenez garde ! prononce l'une des femmes, les mains près du feu et l'air d'une illuminée.

-Nous voici, nous voilà !

Les six silhouettes se rassemblent au centre de la scène avant de se prendre, bras-dessus, bras-dessous, et de faire des claquettes avec leurs pieds.

Vous savez, il y en a, des choses improbables qui se passent tous les jours. Sérieusement, des fois il y a des évènements ou l'on doute de leurs réalités tant il sont indescriptibles et si peu communs. Mais alors là...

-Nous sommes la bande de joyeux clodos !

Là c'était sûrement l'un des trucs les plus improbables du monde. C'était sans aucun doute dans le top dix des évènements les plus insolites. Ils avaient même un foutu nom de scène.

Les deux garçons sont trop pris par la vision qui leur fait face pour se soucier de quoique ce soit. Genre, est-ce que c'était réel ? Yoongi cligne des paupières, mais cette mascarade reste pourtant bien sa réalité. Il se penche alors à son tour vers Jimin sur le ton de la confidence.

-On dirait une chanson de mauvais méchants Disney.

À ses mots, Jimin hoche vivement la tête. Il avait foutrement raison, après tout.

-Fini les tickets restos, fini les petites pièces !

-Ou les sourires et les clopes !

-On prend notre destin damné en main !

L'un des hommes pointe ses pieds des mains tout en dansant et les deux garçons remarquent alors que ses chaussettes ont un trou au niveau du gros orteil.

-Mes chaussettes sont trouées, je veux les habiller ! hurle-t-il.

La plus âgé des deux femmes, une brune au visage émacié qui ressemblait étrangement à la sorcière dans Blanche Neige, s'avance sur la scène avant de pointer Jimin du doigt, le faisant légèrement reculer de surprise.

-Regarde donc ce qu'il a, le petiot là-bas !

-Quelle paire ! Quelle paire ! Mes amis, j'en suis étourdi.

Yoongi baisse le regard sur les chaussures de Jimin avant de pouffer doucement. Il le savait que c'était une mauvaise idée, les Balenciaga. Qui faisait de l'urbex avec une paire pareille ? Sans qu'ils ne puissent empêcher quoi que ce soit, les quatres hommes descendent de la scène avant de leurs offrir un sourire édenté et franchement peu rassurant.

Ouais, Jimin avait vraiment une chance de merde. Yoongi savait que c'était une mauvaise idée dès le début que d'aller explorer cet hôpital désaffecté. Son instinct ne le trompait jamais.

-Je vais m'en emparer !

-Moi d'abord !

-Non, moi !

Les trois sans-abris font semblant de se battre avant que la plus jeune des deux femmes ne se mettent devant eux dans une posture théâtrale digne d'une tragédie de Shakespeare. Sauf que même pour lui, cette situation aurait dépassé son imagination.

-Que celui qui a le plus de magnésium se les approprie ! chantonne-t-elle de sa voix de soprano.

Ce fut les dernières paroles de cette chanson.

Dix minutes plus tard, Jimin se retrouvait en chaussettes sur le dos de Yoongi alors qu'ils faisaient le chemin du retour.

Le blond, embarrassé par ce premier rendez-vous, plonge son nez dans les cheveux de l'étudiant en médecine. Il n'arrivait pas à croire qu'il s'était fait subtiliser ses chaussures par des clodos chantants. C'était ahurissant.

-Je suis désolé, grommelle-t-il.

Les mains à l'arrière de ses cuisses, Yoongi le remonte légèrement sur son dos dans un geste maîtrisé.

-Pourquoi ?

-Ce rendez-vous était un fiasco.

Yoongi réfléchit quelques instants. Oui, c'était un fiasco total, c'était la vérité. Rien ne s'était déroulé normalement cet après-midi. Mais c'est ça, qui lui plaisait, aussi. Jimin pouvait avoir des défauts, certes, mais il était aussi imprévisible et pleins de surprises et c'était juste extraordinaire. On ne savait jamais à quoi s'attendre avec lui. Est-ce que Yoongi se serait imaginé une seule seconde qu'il allait faire un jour de l'urbex dans un hôpital désaffecté et se faire prendre en sandwich par une troupe de comédiens dont le nom était La joyeuse bande de clodos ? Non bien sûr que non. Qui aurait imaginé qu'un truc pareil puisse être possible ? Alors, oui, peut-être que certains se seraient cassés à la minute même où il a fait appel au Jésus gay, mais pas Yoongi. Il devait être honnête, il s'était bien amusé. Il secoue alors lentement la tête avant de sourire doucement au blond.

-Ce n'était pas si mal, murmure-t-il. Et puis, je suis content que le mec aux chaussettes trouées ait enfin de nouvelles chaussures. Je pensais pas que ce serait lui qui gagnerait.

Jimin sourit niaisement contre la nuque de Yoongi avant de ricaner faiblement. Il avait aimé, wow. Les rendez-vous romantiques ont principalement pour but de s'approcher de l'être tant convoité, de le séduire. Et peut-être que Jimin n'avait pas vraiment réussi aujourd'hui à s'approcher de lui de cette façon là, c'est vrai. Les seuls rapprochement qu'il a eu avec Yoongi était lorsque cette bande de sans-abris loufoques s'était mise à chanter. Peut-être que sa main avait frôler la sienne, peut-être aussi qu'il avait avait senti son souffle lent contre sa joue à chaque fois qu'ils se chuchotaient des mots pour parler de cet évènement curieux. Alors, finalement ce n'était pas si mal, si ? Il fallait aussi rajouter que, merde, ces six individus chantaient incroyablement bien. Ça les avait surpris.

-Moi non plus j'aurais pas cru.

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Oui, vous inquiétez pas, moi aussi il me fout la haine.

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