chapitre 5
Je suis de très mauvaise humeur. Ma mère se plaignait de ne pas avoir les moyens de m'inscrire à un concours et pourtant elle est prête à payer mes frais de scolarité. Elle s'est même occupée de la préinscription, ce qui me force à aller en cours.
L'université célèbre la coopération entre le Cameroun et le Japon à travers des conférences et des stands sur l'ensemble du campus. Les cours n'ont pas été annulés pour autant, de quoi aggraver ma mauvaise humeur. Ça me rappelle l'époque où j'apprenais le japonnais en primaire. J'ai continué au lycée mais la prof était souvent absente. En parlant de langue, je me dirige en salle de cours d'anglais où quelques étudiants seulement sont présents. Mon ex camarade de lycée à présent camarade de fac, est assise sur la première table près de la fenêtre. Je l'y rejoints. Venir à l'université m'aura au-moins permis de me rapprocher de quelqu'un avec qui je n'aurais jamais cru cela possible.
- Salut Isabelle, lui dis-je en m'assaillant.
- Salut. Bien dormi ? marmonne-t-elle.
- Assez. On dirait que je te réveilles.
- En fait, J'essayais de rattraper les heures de sommeil que ma fille m'a volée.
- ohh, désolée pour toi.
Isabelle et moi sommes devenues amies après quelques semaines passées ici. Elle m'a avouée avoir eu une fille en classe de première lui vallant de redoubler cette année là. L'année suivante, elle s'était inscrite dans mon lycée pour fuir ses anciennes fréquentations. D'après elle, les mauvais conseils de ses "copines" l'avaient conduite à ce résultat. Avant je la trouvais extravagante, trop bruyante. Je l'évitais à cause de cela. Raison pour laquelle je ne l'ai pas reconnue le premier jour où nous nous sommes rencontrées à l'université. Je ne me rappelais même plus de son nom. Le père de son enfant a nié la paternité et fuit ses responsabilités, la forçant à s'en occuper seule. Ses parents ont préféré la confier à sa tante, la sœur de son père, chez qui elle vit avec sa fille. Sa tante et elle s'entendent plutôt bien. Quand à sa fille, elle est encore trop jeune pour comprendre ce qui lui arrive.
- Tu as fait les exercices de physique ? me demande-t-elle.
- Bien-sûr que oui.
- Laisse moi copier, s'il te plaît. Je n'ai rien pu faire à cause de la petite. Elle a eu de la fièvre tout le weekend.
- C'est d'accord mais fais un effort pour réviser. Les examens c'est dans bientôt.
Elle hoche la tête. Je sais que ce n'est pas évident de poursuivre ses études avec un enfant en bas âge mais c'est son choix. Le prof d'anglais choisie le moment où je lui donne mon cahier d'exercice pour faire son entrée.
- Good morning everyone. How are you doing ?
- Fine, nous répondons.
- Okay. Aujourd'hui nous n'aurons pas cours mais nous allons réviser ce que nous avons fait la dernière fois. Les hautes sphères ont demandé qu'on vous libère pour que vous puissiez profiter de cette journée de célébration.
- Qui a envie d'assister à une conférence sur les relations entre notre pays et le Japon ? lance un étudiant.
- Dès qu'on fini, je rentre direct me coucher, ajoute un autre.
- Vous ne trouvez pas que la salle est plus vide que d'habitude ? Les autres ont été plus sages que nous.
Même s'il est vrai que peu d'étudiants assistent aux cours d'anglais, aujourd'hui la salle est moins bondée. Si j'avais su plutôt je ne serais pas non plus venue. J'aurais profité de cette journée pour dormir à la maison. J'ai bossé des nuits sur mes devoirs de chimie et physique.
- D'accord. Dépêchons-nous de commencer pour en finir au plus vite, déclare l'enseignant.
Il est assez gentil pour nous parler en français au lieu de la langue qu'il est censé nous enseigner contrairement à la précédente prof. Elle n'en avait rien à faire qu'on comprenne ce qu'elle disait ou pas. Pour elle, durant le cours on ne devait parler qu'en anglais. Heureusement qu'on a changé de prof. Le cours se déroule bien et se termine vite. Chacun prend sa direction après le départ du prof. Isabelle a tellement sommeil qu'elle ne pense qu'à rentrer. Quant à moi je fais un tour des stands. Je n'ai pas envie d'assister à une conférence car ça a l'air ennuyeux.
La plupart des stands ont pour thème la gastronomie mais je n'ai pas de quoi m'offrir un de leurs plats. Il y'a aussi des entreprises qui recrutent apparemment et des ONG. Mes pas me mènent jusqu'au stand d'une organisation nommée "Saving hope".
- Bonjour, m'adresse la réceptionniste.
C'est une japonaise à la prononciation désastreuse mais le plus important c'est d'avoir compris ce qu'elle a dit.
- Bonjour, je réponds.
- Êtes-vous intéressée par notre projet ?
J'hésite et finalement j'accepte.
- Bien! Notre projet se nomme "Saving hope" et est en partenariat avec plusieurs organismes internationaux. Ça consiste simplement à offrir aux jeunes africains démunis la possibilité de s'installer au Japon.
- Plus précisément, de quoi s'agit-il ?
- Eh bien, les candidats dont les dossiers auront été acceptés vont tout simplement pouvoir aller au Japon. Ils seront installés dans des familles d'accueil et recevront une aide financière à chaque fin de mois jusqu'à ce qu'ils soient indépendants financièrement.
- Attendez un peu, je l'arrête. Vous voulez dire que vous payez des gens pour vivre au Japon ?
Ma question la fait rire pourtant ce n'était pas ça mon but. Elle me donne un prospectus.
- Toutes les informations sont là et aussi sur le site de l'ambassade du Japon. Il y'a des conditions requises pour faire partie du projet. Entre autre, avoir moins de vingt ans et titulaire d'un baccalauréat ou autre diplôme équivalent.
Je parcours le papier assez rapidement.
- Est-ce qu'il faut payer ou ?...
- Oui des frais d'inscription non remboursables sont exigés mais rien de très... Coûteux. L'ambassade vous donnera un visa et l'association se chargera de votre sécurité et de votre bien être une fois sur place.
Pourquoi ils feraient ça ? Payer des gens pour vivre chez eux... La situation démographique du Japon est si grave que ça ? Je ravale mes questions pour ne pas la vexer.
- Merci pour vos explications. J'en parlerai à ma mère. Bonne journée.
- Merci à vous aussi. Bonne journée.
J'ai encore du mal à croire ce que je viens d'entendre. J'attends d'être à la maison pour lire le prospectus à tête reposée. Je remarque le nom plusieurs organisations comme partenaires du projet. C'est un projet et une association qui portent le même nom.
Saving hope
Dans ce monde où règne le désespoir, ce projet tombe à pic.
- Une action qui vise à améliorer le niveau de vie des jeunes défavorisés tout en résolvant le problème de main d'oeuvre au Japon, je lis.
"Dans le souci de venir en aide aux jeunes africains défavorisés, le gouvernement Japonais en association avec des partenaires internationaux a mis en place l'organisation saving hope. Elle a pour rôle de recruter des jeunes de basses couches sociales, de les guider dans leur installation au Japon au sein de familles d'accueil japonnaises et de veiller sur eux durant tout leur séjour."
Je saute les pages de photos pour aller directement à la partie "comment en faire partie ?".
- Avoir moins de vingt ans, faire partie des pays éligibles, avoir obtenu son baccalauréat ou tout diplôme équivalent, posséder un passeport, déposer un dossier en double exemplaire à l'ambassade du Japon...
Je lis attentivement les pièces à fournir pour le dossier. Ce n'est pas différent de ce qu'on demande pour les concours. Les frais d'inscription s'élèvent à cinquante mille*. Ce n'est pas grand chose comparé à tout ce qu'il y'a à gagner. Je lis une note en bas de la page.
- Les candidats ayant été acceptés devront passer un test de langue. En fonction de ce test, ils seront envoyés dans des établissements d'enseignement secondaire à travers le pays. Ils iront en dernière année afin de passer l'examen de fin d'année.
Ça veut dire qu'on va devoir retourner au lycée ? J'imagine que cet examen c'est comme le baccalauréat. Et après quoi ? On ira à la fac ? Vont-ils continuer de nous payer pour rester ? Qu'en sera-t-il des familles d'accueil ? Seront-elles accueillantes ? Et s'ils ne nous aiment pas ? Et s'ils sont racistes ? Tant de questions et personne pour me répondre. La date limite de dépôt des dossiers est en janvier. Nous sommes vers la fin d'octobre. Il me faudrait un passeport d'ici-là sans compter le reste.
Qu'est-ce que je raconte ? Qu'est-ce qu'il m'arrive de croire que je pourrais vivre au Japon ? Si ma mère n'a pas voulu financer mon inscription à un concours ici, je doute fort qu'elle accepte de m'inscrire à ce projet. Alors autant oublier tout ça et passer à autre chose. Chaque jour qui passe m'éloigne de mon utopie.
*****
Saving hope est totalement fictive *~
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