chapitre 2
Mefouko Hélène Cindy, série D,mention Bien...
Je relis encore et encore ces mots écrits en noir sur blanc sur la liste des résultats du baccalauréat.
- Si tu as vu ton nom laisse la place aux autres ! s'écrie l'élève derrière moi.
Je m'exécute, gênée, et m'éloigne du panneau d'affichage. Il y'a foule et pour réussir à me placer devant ces fameuses listes, j'ai dû donner des coups de coude à gauche à droite. Comble du bonheur, mon nom y figure et cerise sur le gâteau j'ai obtenu la mention "Bien". Quel soulagement ! Je suis fière de moi ! Mon dur labeur a payé. Des nuits blanches à étudier, toutes ces soirées passées aux cours de répétition... Tout ça a payé. Je dois tout de suite l'annoncer à ma mère mais avant je dois rejoindre Lisa.
Arrivée devant les listes des A, je ne trouve mon amie nulle part. J'ai peur qu'elle n'ait eu la même idée que moi et ne soit allée vers les listes des M. Elle a dû prendre un autre chemin, raison pour laquelle on ne s'est pas croisé. Je vais l'attendre. Si dans trente minutes elle ne revient pas, je vais devoir partir sans elle. En attendant, je vais vérifier son nom sur les listes. Il y'a moins de monde qu'au début.
- Abena Messi Princesse Elisabeth, série D, mention passable.
Elle a réussi ! Je suis fière d'elle. C'est mérité même si sa mention est moins bien que la mienne. Mais où est-elle allée ? J'ai assez attendu, je rentre au marché. J'irai la voir demain ou au mieux je vais l'appeler. Son père lui a offert un téléphone dernière génération alors que moi j'utilise celui de ma mère. Qui sait ? un jour peut être moi aussi j'aurai droit à un téléphone portable.
Même s'il est vrai que le marché n'est pas loin du lycée, ça reste du sport de faire l'aller-retour. J'arrive essoufflée devant ma mère.
- Tu sors d'où fatiguée comme ça ? me gronde-t-elle. Tu m'as laissée sans même me dire où tu allais.
- J'étais... J'étais... Au lycée...
- Au lycée ? Pourquoi ?
- Les résultats du bac... Lisa m'a emmenée.
- Les résultats sont sortis ? Tu attends quoi pour m'annoncer la nouvelle ?
- J'ai réussi avec mention bien.
- Hiéééé ! Ma fille Cindy a réussi le bac ohhh ! Oulililililili ! hurle-t-elle à en perdre la voix.
Elle me serre dans ses bras tout en criant de joie. D'autres femmes dans le marché poussent aussi des cris de joie. Certainement leurs enfants ont également réussi. Cela me rappelle l'an dernier quand les résultats du probatoire étaient apparus. C'était la joie dans tout le marché. Quelques vendeuses voisines se rapprochent.
- Toutes mes félicitations, petite, dit l'une.
- Merci.
- Tu faisais quelle série ? demande une autre.
- La D, série scientifique, SVT, biologie...
Elle hoche joyeusement la tête.
- Et tu as eu quelle mention ? intervient une autre.
Je tarde à répondre pour mettre du suspense.
- Bien.
- Ça veut dire treize de moyenne ?
- Non, c'est entre quatorze et quinze je crois, répond une autre.
- Waouh ! Tu es très intelligente. Bravo.
- Merci, merci beaucoup.
Ces compliments, même teintés de jalousie, me font plaisir.
- Ma fille, tu mérites une grosse assiette de ton plat préféré plus une bouteille de jus, reprend ma mère. Vas au restaurant-bar passer ta commande, me dit-elle en plaçant un billet dans ma main. Je dois appeler ton oncle et tes grands parents. Ton homonyme sera si heureuse d'entendre la nouvelle.
- Je veux aussi lui parler mais je vais d'abord aller manger. J'ai couru d'ici jusqu'au lycée. Ça m'a creusé l'estomac. J'aimerais aussi appeler Lisa. On était ensemble mais en rentrant je ne l'ai trouvée nul part.
- Ok. Vas-y. À ton retour je te donnerai le téléphone.
Je lui souris et me dirige vers le restaurant-bar qui alimente presque tous les commerçants du marché. À cette heure de la soirée il n'y a plus grand monde. Je m'assois à l'une des tables et fais signe au jeune garçon qui joue le rôle de serveur.
- Bonsoir. Je veux un plat de Eru¹ avec le water fufu² plus un jus bien glacé. Apporte d'abord le jus. J'ai très soif.
Il acquiesse puis s'en va chercher le nectar dans un des réfrigérateurs du restaurant. Il revient assez vite avec la bouteille. Je n'attends pas plus longtemps pour engloutir le contenu. Je l'ai bien mérité. Les bulles de gaz descendent dans mon estomac puis remontent pour ressortir sous forme de rot. Personne ne me gère. Chacun s'occupe de ses affaires ici. Seulement quelques minutes après, le jeune garçon vient déposer deux assiettes devant moi. Une contient le mélange de légumes appelé Eru. Quant à l'autre, elle contient le fufu. Je le remercie sans oublier de le payer et de laver mes mains avant d'entamer mon repas. Les goûts sucrés et salés s'entremêlent dans ma bouche tel un feu d'artifice. Je ne peux m'arrêter de manger jusqu'à ce que tout le contenu de mon assiette ne disparaisse. Une fois terminé, j'ai du mal à marcher. Mon estomac me semble peser une tonne. Je tire mon corps jusqu'à l'étale de ma mère. Elle est au téléphone à mon arrivée.
- Oui Samuel, Cindy a eu le bac.
Elle discute avec oncle Samy. Je me demande quelle est sa réaction en ce moment.
- Elle a eu la mention "Bien". Ça veut dire qu'elle a eu une très bonne note.
Cette annonce ne doit pas lui faire plaisir vue qu'aucun de ses enfants qui ont déjà fini le lycée, n'a obtenu une telle moyenne. Peut-être était-ce mieux qu'il ne le sache pas. Je doute qu'il voudra me donner de l'argent pour m'inscrire aux concours. Je soupire en y pensant. Je n'écoute pas vraiment le reste de leur conversation puis elle raccroche.
- Tu as bien mangé ?
- Très bien même. Merci maman.
- Ce n'est rien. J'ai déjà appelé ton homonyme³, Mefouko Hélène, ta grand mère. Elle est très contente et dit qu'elle va t'envoyer un cadeau d'ici peu.
- Je suis certaine que ce sera des produits de ses champs. Tout cadeau est le bienvenu, déclarai-je.
- Tu dis vrai. Au moins on aura de quoi manger pendant quelques temps.
En effet, j'ai le même nom que la mère de ma mère. Et comme si ça ne suffisait pas, nous nous ressemblons assez. Ma mère a gardé de bonnes relations avec ses parents, ce qui n'est pas le cas avec ceux de mon père. Ils étaient en quelque sorte ravis que ce dernier l'ait quittée vue que leur mariage était forcé. Néanmoins ils ont semblé le regretter lorsque nous nous étions rencontrés chez oncle Samy il y'a trois ans pendant les vacances scolaires. Ils voulaient renouer avec nous, les enfants, mais pas avec ma mère. Ils avaient suggéré que nous allions passer les vacances chez eux, à l'Ouest du pays. Heureusement, ma mère avait été informée par l'un de leurs proches qu'il s'agissait d'une excuse pour nous enlever à elle. Depuis ce jour, nous n'avons plus aucun contact avec eux. Comment peut-on penser arracher des enfants à une mère qui n'a qu'eux ? Je ne comprendrai jamais ce côté de mon sang.
- Tiens ! Tu voulais appeler Lisa.
- Ah oui c'est vrai. Je vais m'éloigner un peu. Il y'a trop de bruit.
- Ok.
Je compose son numéro. La sonnerie d'attente se met à jouer. Finalement elle décroche.
- Allô !
Son ton est agressif, désagréable.
- Oui, euh... Je t'ai cherchée après avoir vu mes résultats mais tu étais déjà partie apparemment. Tout va bien ?
- Non, ça ne va pas. Moi aussi je t'ai cherchée et j'ai vu que tu avais eu la mention Bien. Mes félicitations.
Sa voix n'a pas du tout l'air de me féliciter.
- Merci. Mes félicitations aussi. J'ai aussi vu tes résultats en revenant te chercher.
Un moment de silence radio.
- Mon père n'est pas content. Il m'a grondée et punie. Il voulait que j'ai au-moins la mention Assez bien, sanglote-t-elle. Selon lui, ceux qui ont eu la mention Passable ne mériteraient pas de passez le bac.
- Je suis désolée d'entendre ça, vraiment.
- Bref... On ne pourra plus se voir pendant un certain temps. Il veut me priver de téléphone aussi. Je dois te dire au-revoir.
Je soupire bruyamment.
- D'accord, je comprends. Au-revoir Lisa. Du courage ! Les choses vont se calmer très vite tu verras.
- Merci. Au-revoir.
Elle raccroche. J'ai de la peine pour elle mais c'est toujours après qu'on dit "si je savais". Durant l'année, elle a passé plus de temps au téléphone qu'à étudier à cause de ses nombreux prétendants.
Lisa a la chance d'être belle. Fille de la région du Centre, elle a hérité du teint clair de sa mère en plus d'être formée comme une guitare. Son visage ovale, ses yeux rieurs et ses lèvres pulpeuses viennent compléter le tableau. Autant d'adjectifs qui plaisent aux garçons. Ils ont commencé à lui courir après en classe de troisième. À noter qu'elle a un an de plus que moi. Son défaut c'est qu'elle ne sait pas dire non. Son désir d'être aimée et admirée l'a poussée dans de nombreuses relations avec des élèves, étudiants et même enseignants. Le dernier en date étudie les lettres modernes à l'université. Ils passaient leur temps à se texter. C'était difficile de la faire étudier. J'en suis tout de même fière puisqu'elle a réussi et j'espère que cela lui servira de leçon. Ça aurait été dommage d'aller à l'université sans elle. Ses histoires de cœur sont une source de distraction et d'amusement pour moi. J'espère qu'on continuera cette aventure ensemble.
Maintenant que l'étape du baccalauréat est franchie, je dois plus sérieusement réfléchir à mon avenir.
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