Cigarette Duet
L'air était trop lourd, l'atmosphère pesante et Maxime avait du mal à respirer. Étrangement, il avait besoin de nicotine. Il n'avait commencé à fumer qu'il y a quelques jours, lors d'une petite soirée entre amis. C'était donc assez nouveau pour lui, mais il en ressentait le besoin, le manque; il voulait sentir ses poumons brûler sous la fumée agressive et amère d'une cigarette. La soirée était plutôt bonne, l'anniversaire de Léna les ayant réunis pour une occasion à ne pas manquer. Mais il y avait trop de monde. Du beau monde, certes, mais trop pour lui.
Maxime repéra la porte du balcon et se décida à se lancer dans sa recherche. Son problème? Il n'avait pas encore acheté de quoi fumer, et son envie se faisait de plus en plus pressante. Il décida alors de s'aventurer parmi les invités à la recherche du graal. Une personne, deux, trois... et aucune cigarette en vue. Mais qui fumait dans son entourage?
Il aperçut Sidjil en pleine conversation avec Manas, et une étincelle prit forme dans son esprit. Il se rappelait bien l'avoir vu clope en bouche plusieurs fois. Il s'avança alors vers celui qui le délivrerait de sa souffrance, et s'élança.
-Sid! s'écria Maxime. Tu aurais une clope à me dépanner?
Le grand brun se retourna vers lui, coupant court à sa conversation. Son regard se fit brillant lorsqu'il remarqua Maxime, avant que ses sourcils se froncent. Il apporta son bras autour de ses épaules, rapprochant le plus petit vers lui.
-Depuis quand tu fumes? demanda-t-il.
-Euh... Pas longtemps. Tu en as du coup? marmonna-t-il avec espoir.
Une lueur d'espoir dans les yeux, Maxime se perdit dans le regard confus de Sidjil.
-Non, j'ai arrêté Max, dit-il d'un ton dur. Et tu devrais faire de même.
Maxime ne cacha pas sa déception, et Sidjil dut le remarquer, car son sourire s'atténua. Un sentiment de vide se créa dans son ventre, et il ignora le bras de Sidjil en cherchant du regard quelqu'un qui pourrait le dépanner. Une main vint attraper sa mâchoire afin de tourner son visage vers le plus grand. Sidjil avait maintenant toute son attention sur Maxime, et son air préoccupé arracha à Maxime un petit sourire timide.
-Max, c'est pas grave, tu peux te changer les idées avec nous si tu veux!
-Je... souffla-t-il. Attends, j'en peux vraiment plus, je dois chercher encore...
Alors qu'il se détachait du plus grand, Maxime sentit son cœur faillir. La perte de contact avec la main de Sidjil laissa un vide encore plus grand que celui du manque de nicotine. Mais c'était trop important, il devait trouver, il le fallait absolument. Le cœur lourd, il prit une grande inspiration et continua sa recherche. Après plusieurs refus désolés, il tomba sur son sauveur: Lucas. Ce dernier lui en donna une, comprenant sa détresse, et Maxime s'empressa d'aller sur le balcon pour prendre un grand bol d'air frais, et de fumée.
Il alluma sa clope, admirant la flamme orange de son briquet. Après une première taffe, Maxime ferma les yeux en crachant sa fumée. Tandis que son rythme cardiaque ralentissait, il posa sa tête contre le mur derrière lui et ferma les yeux. Enfin. De l'air, de la fumée, du silence.
Maxime inhala la fumée, et la sentit descendre jusqu'à ses poumons. Pauvres poumons qui étaient jusqu'à maintenant en bonne santé, se voyaient maintenant attaqués par une fumée toxique pour l'homme. Environ cinq cent millions de minuscules alvéoles furent prises au dépourvu quand la fumée de son tabac vint détruire les cellules qui les tapissaient. En bouche, cette fumée lui apportait de nombreuses sensations de chaleur, et apportait à ses papilles de nouvelles perceptions gustatives et olfactives. Qu'est-ce que ça lui avait manqué!
La porte du balcon s'ouvrit et il entendit quelqu'un se poser contre le mur, à ses côtés.
-Salut toi.
Sidjil se tenait là, tout proche, et son regard pourtant d'habitude si doux se faisait plus dur. Il fixait la cigarette entre les lèvres de Maxime d'un air mécontent.
-C'est juste une cigarette, ça peut pas être si mauvais Sid...
-Tu sais que ça me rend triste, p'tit ange.
Alors que son cœur faisait un bond, Maxime sentit ses joues rougir. Ce surnom, il l'avait entendu pour la première fois il y a quelques semaines. Il était pris de court, et n'avait été capable que de bégayer face au sourire taquin du grand brun. Pour ne pas laisser paraître sa gêne, il choisit de répondre sur la défensive.
-Tu fumais avant, et je ne t'ai jamais rien dit! cracha-t-il.
Sidjil haussa un sourcil.
-C'est différent. J'ai changé, j'ai pas besoin de ça pour être cool, annonça-t-il avec un petit sourire.
Maxime, attendri par Sidjil, ne répondit pas tout de suite. Il prit une taffe et souffla la fumée vers le haut, tentant de cacher son propre sourire.
-Je fais pas ça pour être cool. Juste pour... moins stresser. Et ça me fait du bien, chuchota-t-il.
-Et moi je te dis que ça abîme tes jolis poumons.
Encore une fois, Maxime rougit. Sidjil avait toujours les mots pour le faire rougir. Ça faisait partie de leur petit jeu. Il tourna sa tête vers son interlocuteur, qui penchait la sienne vers lui, afin de s'abaisser à son niveau.
-C'en est qu'une de temps en temps Sid, le rassura-t-il. Il y a peu de chances que ça me blesse.
Le grand brun souffla, sûrement agacé par la répartie incessante de Maxime.
-Bientôt, ça en sera dix. Crois moi.
-Je te promets que j'arrête quand je veux. Je suis pas accro, fais moi confiance.
Sidjil fronçait les sourcils. Son visage était dur, et son ton moins tendre. Il se décolla du mur et se mit en face de Maxime, s'approchant doucement. D'une main ferme, il attrapa la cigarette de sa bouche, et la jeta au sol. Le mégot presque terminé s'écrasa sur le béton du balcon en envoyant dramatiquement de petites étincelles partout autour de lui.
-Sid! Tu sais pas comment j'ai galéré à en avoir! Tu fais chier.
Mais le plus grand n'en avait que faire des insultes que Maxime marmonnait dans sa barbe. Il posa une main contre le mur, juste au-dessus de son épaule.
-Cette merde te rendra addict, que tu le veuilles ou non, murmura Sidjil. C'est plus facile d'arrêter maintenant.
Maxime regardait tristement le mégot éteint par terre, et fit la moue. Il ne savait plus quoi faire de ses mains, alors il triturait ses doigts entre eux, cherchant un moyen de faire passer le stress. Et puis, il était quand même vachement intimidé par la proximité que Sidjil avait mis entre eux.
D'un doigt orné de bagues argentées, Sidjil releva le menton de Maxime.
-Ça te rendra malade, p'tit ange.
Alors que son visage se trouvait à quelques centimètres du sien, Maxime inspira profondément. Il pouvait apercevoir l'espoir dans les yeux de Sidjil, l'espoir qu'il l'aurait convaincu.
-Mais j'en ai besoin... Si c'est pas une cigarette, ça sera autre chose, Sid.
-Et ce "autre chose", ça pourrait être quelqu'un.
-Hein?
Son cœur battait de plus en plus vite, car il avait du mal à interpréter les paroles de Sidjil. Quelqu'un? Voulait-il dire que...
-Tu as besoin d'être addict à quelque chose.
Maxime décida de jouer au con. C'était trop d'émotions pour lui, d'affirmer ce que le plus grand sous-entendait.
-Je ne vois pas où tu veux en venir...
Sidjil souffla en baissant la tête. Il avait l'air désemparé, presque même aussi stressé que Maxime, ce qu'il trouva étonnant. Lui qui d'habitude était si confiant, si sûr de lui.
-Maxime, je suis sérieux... Je veux pas que tu te pourrisses la santé, je tiens à toi.
Maxime fronça les sourcils. Il aurait préféré savoir ce que le plus grand avait en tête, au lieu de revenir sur ce sujet fâcheux. L'envie de fumer était toujours là, mais amoindrie par la proximité entre les deux jeunes hommes.
-Tu as raison, j'ai besoin d'une addiction.
-Ah, tu vois! J'ai toujours raison, p'tit ange.
-Tu parlais de quelqu'un.
-Oui.
Il se lança alors, les yeux rivés vers le sol, bien décidé à finir cette conversation sur une note positive. Il n'avait rien à y perdre, et les bières bues plus tôt lui montaient à la tête, brouillant sa perception de la réalité. Il ne pensait qu'à la nicotine et à Sidjil. Et ses pensées sur le plus grand gagnaient du terrain sur celles du tabac.
-Tu voulais dire toi?
Il osa relever la tête en lâchant ses mots, et il cru comprendre que Sidjil s'empêcher de sourire, en vain.
-Peut-être. Ça dépend...
-De quoi ça dépend? répondit-il un peu trop vite.
Son cœur martelait sa cage thoracique, faisant trembler son corps. Il espérait que le froid serait un bon alibi.
-De ce que tu ressens.
-Dans quel contexte?
Sidjil avait l'air d'en avoir marre de quelque chose, et Maxime espérait que ce n'était pas de lui. Alors qu'il commençait à angoisser, il remarqua les détails de son reflet dans les pupilles du plus grand. Ses grands yeux brillants et perçants lui donnaient des frissons sur tout son corps, et il commençait à avoir froid, contrairement à l'intérieur de lui où une certaine émotion lui brûlait le cœur.
-Dans ce contexte, chuchota-t-il.
Maxime n'avait pas réalisé à quel point la distance entre eux était devenue si faible, tellement faible que ce serait une erreur de l'appeler distance. Le souffle de Sidjil venait réchauffer la peau glacée de son visage, et il y trouva un réconfort si puissant qu'il en arrêta de trembler de froid. Il tremblait maintenant d'impatience, ayant mit un terme à sa décision de jouer au con.
Alors que le plus grand attrapait son visage dans ses grandes mains, réchauffant encore et toujours sa peau meurtrie, Maxime ferma les yeux. Il ne savait pas vraiment à quoi s'attendre, mis à part peut-être qu'il finirait par cramer son cœur avec toute cette chaleur qu'il ressentait.
Il sentit donc une paire de lèvres se coller hargneusement aux siennes, mélangeant dent contre dent et échange de salive, ne lui laissant aucun répit. Et c'était étrangement doux, cette façon de l'embrasser comme si c'était une punition.
Ces quelques secondes eurent l'air de durer des heures, si bien que Maxime, ayant oublié de respirer, se sentit comme le maître de l'apnée. Une main dans ses cheveux, l'autre se reposant contre son torse, son dos à l'appui contre le mur froid derrière lui, et un parfum si intense qu'il en oubliait la nicotine.
Le tabac. Il avait oublié son caprice de nouveau fumeur, tant il était attentif à cette obsession qu'il avait laissé au fond de son cerveau il y a de ça quelques mois, résigné à devoir rester ami avec l'objet de ses désirs. Le voilà alors surpris, autant qu'heureux, d'avoir tout près de lui Sidjil qui non seulement l'enlaçait fort mais en plus faisait valser leurs langues.
Sidjil se détacha de lui et le regarda d'un air surpris. Peut-être était-il surpris de la réaction plus qu'enjouée de Maxime, ou bien surpris du goût de ses lèvres. Son regard, lui, était ancré dans les yeux du plus petit, et semblait attendre une autre réaction, impatient de savoir s'il avait fait le bon choix. Maxime ne put retenir un sourire, ses lèvres bougeaient d'elles-même.
-Alors? Toujours envie de fumer? dit-il en retenant son propre sourire.
-Tais-toi et embrasse-moi! chuchota Maxime.
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