Mars - 5 / TW
Les Nazguls sont des fantômes, ce qui les classe malgré eux directement dans la catégorie de méchants (les fantômes gentils, ce n'est pas très commun). Ce sont des anciens rois qui ont reçu des anneaux du pouvoir, comme l'Anneau Unique, et qui les aimait tellement que lorsqu'ils sont morts, ils sont restés entre les deux mondes : celui des vivants, et celui des morts. Ils chevauchent des chevaux noirs absolument horribles, ainsi que des wyvernes (des machins qui volent) qui ont une sérieuse tendance à vous briser les tympans.
TW : Je suis tentée de vous mettre un TW John, mais comme certaines personnes ne savent pas encore qui est cette magnifique personne, je vais décrire ses méfaits. Balancer des propos homophobes est comme une seconde nature chez lui.
— Oh bon sang, John, mais qu'est-ce qui t'est arrivé ?
Je grince des dents. Malgré mes écouteurs, la voix de mon coéquipier est parvenue jusqu'à mes oreilles. Je pense qu'il a fait exprès de parler fort, pour que tout le monde soit interloqué. Après tout, c'est normal. C'est un ami du déchet intergalactique.
— Je me suis pris un poing sur le nez et personne ne m'a défendu.
John évitait les entraînements depuis mon coup de sang de la dernière fois. Ça faisait mes beaux jours, et je pense ne pas m'avancer en avouant que c'est aussi le cas pour Rio. Celui-ci fronce les sourcils, alors qu'il a également ses écouteurs.
— Oh mon pauvre ! Et comment c'est arrivé ?
— Samuel ne sait pas se tenir. Il a le sang chaud.
Je respire tout doucement. Ça me démange une nouvelle fois, mais répondre à sa provocation ne ferait qu'envenimer les choses. Je suis d'ailleurs surpris de n'avoir rien reçu de la part de l'administration de Clear Lake. Étant donné que le père de John siège au conseil, ça serait plus que normal.
— Et tu comptes le dire à ton père ? Pour qu'il fasse quelque chose contre lui ?
— Non. Le coach ne veut pas. Il a besoin de lui pour les matchs.
Je suis retourné, si bien qu'on ne me voie pas — et personne ne sait que j'écoute leur conversation en même temps, puisque j'ai fait semblant d'augmenter le volume de ma musique. Je souris de toutes mes dents. Je suis heureux que le coach ait pris ma défense vis-à-vis de mon exclusion potentielle. Et je le suis encore plus en entendant que c'est parce que je suis bon.
— Mais il ne paie rien pour attendre.
John adore faire des menaces. C'est comme une seconde nature. Je dirais même qu'il est bien meilleur en menace qu'en football. C'est pour ça que je lâche un minuscule soupir — qui n'échappe pas à Rio — et que je m'assois tranquillement, priant pour que le coach arrive vite pour les explications des exercices d'aujourd'hui.
J'écoute tout d'une oreille. J'essaie de canaliser mon énergie et mon envie de meurtre sur John, et la réutiliser sur le terrain. Ce n'est qu'un entraînement avant ce soir, qui est le grand soir — j'ai même invité Curtis. Mais quand même, je compte me donner à fond. Plusieurs recruteurs d'universités pour lesquelles j'ai postulé seront présents, et même si je ne veux pas en faire mon métier comme Rio, c'est le seul moyen dont je dispose pour avoir une bourse. Je dois montrer le meilleur de moi-même.
Alors que je sors du vestiaire, je me risque à regarder derrière moi. John, de toute sa hauteur, avec son regard noir et sa figure déformée, observe Rio. Je dirais même qu'il lui parle. Au vu de son langage corporel, il est en train de se retenir de ne pas hurler, ou de le frapper. Et c'est moi qui ai le sang chaud ?
Il quitte le vestiaire avec une rage folle, et me bouscule au passage. Il ne s'excuse pas, parce que ce serait trop beau, et remonte vers le terrain en courant à toute vitesse. Moi, j'observe Rio et j'hésite. J'hésite à lui parler, car c'est à cause de moi que John s'en prend à lui. C'est à cause de moi que John est parti en vendetta.
— Je suis contre la violence. Je suis vraiment contre la violence. Mais je te préviens Samuel, si tu oses ouvrir la bouche pour t'excuser, je te balance mon poing dans la figure.
J'ai les yeux écarquillés. Rio est venu me rejoindre, et nous marchons ensemble vers le terrain. Nous avons adopté une vitesse lente, pour que l'on puisse discuter sans nous faire reprendre par le coach.
— Mais...
— Ce n'est pas de ta faute. John ne peut pas me voir parce qu'il estime que la capitainerie, ce n'est pas la place d'un petit boursier, qui n'est pas sa copie conforme et qui est sans doute gay. Le coach est incorruptible et fonctionne au talent. Et j'en ai, contrairement à cette ordure.
— Ce déchet intergalactique.
Contre toute attente, Rio pouffe en m'offrant un sourire. Il y a quelques mois, ça m'aurait retourné le cœur. Maintenant, ça me rend juste content qu'il ne me haïsse pas.
— Hein ?
— C'est comme ça que je le surnomme. Le déchet intergalactique. Tu peux me prendre mon expression. Elle n'est pas soumise aux droits d'auteurs.
Il rit encore plus, alors que nous arrivons au terrain. Le coach n'a pas besoin de nous expliquer quoi faire. Nous commençons immédiatement à courir. Et encore une fois, Rio s'adapte automatiquement à mon rythme.
— Je te la pique avec plaisir. Ton expression. Même si en soi, je n'ai plus grand monde avec qui la partager.
Je soulève un sourcil — je suis très doué pour le faire. Rio sans Miho ? Ce n'est pas possible.
— Enfin bref. On avait dit qu'on ne parlerait pas de ça. Ça ne te concerne pas et ça ne doit pas t'intéresser. Juste... sache que j'ai demandé au coach pour que tu joues avec moi. Au poste de Miho, pour le match de ce soir. On a besoin de gagner, parce qu'on affronte les tenants du titre, et je veux uniquement les meilleurs à mes côtés. Et tu es le meilleur à ce poste-là.
J'écarquille les yeux comme des billes. Je ne m'y attendais pas. Vraiment pas.
— Merci Rio. Je te renvoie le compliment, même si en soi, tu le sais déjà.
Il rit à nouveau, et me donne même un petit coup de coude. Comme si nous étions amis. Comme si je n'étais pas un connard qui l'a embrassé sans lui demander son avis.
— Tu flattes l'égo de ton capitaine, dis donc.
— C'est vrai. Peut-être que je veux être bien vu ?
— Avec les coéquipiers qu'on a, ce n'est pas très compliqué.
Nos regards se fixent sur John et sa bande. Ils sont quatre — ce qui n'est pas énorme sur les vingt-quatre garçons que nous sommes — mais ils font beaucoup de bruit. Et les autres ont tellement peur des représailles, que ça soit dans le vestiaire ou dans l'école en elle-même, qu'ils ne font aucune remarque. Je pourrais les traiter de lâches, mais je ne suis pas mieux. Si John ne m'avait pas cherché, je pense que j'aurais continué à encaisser sans ouvrir la bouche.
— Parfois, je me dis que je suis pressé de rentrer à l'université. Pour être débarrassé de cette bande de... déchets intergalactiques, reprend Rio.
— Je te comprends. Mais normalement, ça devrait aller pour toi. Tu sais qui sera là ce soir ?
— Honnêtement, je n'en ai retenu qu'une seule. La principale. Durham.
— La fameuse. Tu en parles depuis quoi ? Trois ans maintenant ?
Il rit, peut-être un peu sarcastiquement. il se moque sans doute de lui-même.
— Je suis obsédé par cette université depuis que j'ai douze ans. À peu près. Tu sais, à cet âge-là, tu gobes tout ce que tu entends sur les grandes écoles. Mon frère avait dix-sept ans, alors je suis allé avec mes parents pour écouter les speechs sur les facs. Oxford et Cambridge, je n'en avais rien à faire. Quand Durham a été annoncée, j'ai su.
Son regard est peut-être dur, mais je suis certain que c'est à cause de sa détermination. Il fera tout pour atteindre son rêve. Même si celui-ci l'amène loin de l'Irlande du Nord.
— Ça ne m'étonne pas. Tu es du genre à être comme ça. Quand tu sais... tu sais.
Je le regarde dans les yeux, pour essayer de lui faire comprendre que je ne parle pas uniquement de l'université. Avec Miho, c'est la même chose. C'est l'évidence. Et je me sens particulièrement stupide d'avoir tenté de m'immiscer entre eux. Même si sans cette aventure, je n'aurais pas rencontré Curtis.
— Mais il s'avère que parfois, je me trompe. Je ne suis plus si bon que ça.
Et là, je comprends. Je comprends sans qu'il dise plus de mots. Avec Miho, c'est terminé.
— Je suis désolé. Ça doit te briser le cœur de te tromper. Quand c'est le cas, j'entends.
— Tu n'as pas à l'être. Ce n'est pas ta faute. Loin de là. C'est comme ça. J'ai douté, je suis tombé, et après j'ai su. J'ai su pour de bon. Mais c'était trop tard.
Son sourire mélancolique à souhait m'invite à ne pas continuer. Je ne suis pas la bonne personne avec qui parler de tout cela. Moi, je ne suis que le collègue de football, qui accepte tout ce qu'on lui donne.
— C'est pour ça que je ris jaune lorsque John m'annonce qu'il va découvrir mon secret. C'est con, la seule chose sur laquelle il va mettre la main, c'est le fait que je me suis fait larguer. Rien de très intéressant pour lui. Il n'aura pas de preuve que je suis un déviant.
— Je déteste ce mot.
— Moi aussi. J'ai l'impression que c'est l'étiquette la plus affreuse de tous les temps. La plus... je ne sais même pas comment la qualifier autrement.
— Une étiquette de déchet intergalactique ?
Rio pouffe et je fais de même, en gonflant mes joues comme un hamster. John est près de nous. Nous l'avons rattrapé.
— Oh, tiens, y a les deux tarlouzes qui se font des messes basses.
Au lieu de nous démonter, nous nous regardons. Et nous déclarons en même temps.
— Ta gueule, John.
***
Le coach nous laisse rentrer chez nous avant le grand match de ce soir pour nous détendre et nous restaurer « avec autre chose que ces merdes trop chères de la cafétéria ». Bien entendu, dans les vestiaires, nous avons eu tout le descriptif de la principale occupation de John. Rio a bien fait de partir directement, sans prendre la peine de se changer.
— Ma copine m'attend chez moi. Je lui ai fait sécher les cours cette aprèm avec l'aide d'un petit tampon que j'ai piqué à mon paternel, et je lui ai demandé de se préparer. Parce que dès que je rentre, on va baiser comme des fous.
Et bien entendu, je ne peux pas m'empêcher de grimacer. Je déteste ce mot, il me vrille les oreilles. Je ne suis pas un prude qui est incapable de dire ce que deux personnes attirées l'une par l'autre font dans un lit, mais là, j'ai juste l'impression d'être face à deux primates au fond de leur cage dans le zoo.
— Qu'est-ce que t'as Samuel ? Ça te dérange ? T'es hétérophobe ? Ou alors, t'es deg de ne pas pouvoir faire la même chose, parce que personne ne veut d'un gay comme toi ?
Cette fois-ci, je ris de toutes mes forces. Je le fixe avec un immense sourire, avant de répondre.
— Merci de t'en inquiéter John. Oui oui, moi aussi je baise comme un fou et je prends vraiment mon pied. Et c'est avec un mec, si tu veux tout savoir.
Ce mot a beau m'arracher la gorge, la tête que m'offre John est absolument sans prix — surtout que je ne mens même pas. Il écarquille ses yeux de poisson globe et j'en profite pour m'en aller. À la sortie, je me fais héler par Carter, un de ceux qui ne disent rien quand John ouvre sa bouche.
— Fais gaffe, Sam. Ça risque de te retomber dessus. Il n'aime pas quand on le cherche.
— Il faut bien lui répondre. Y en a marre qu'il fasse comme si chaque endroit dans cette école lui appartenait. Et quelqu'un doit avoir du courage. Cette équipe en manque cruellement.
Je le laisse sur cette réplique et j'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles. J'en ai assez qu'on me dise de faire attention. Je sais ce que je fais. John n'est qu'un moucheron qui vole à côté de nous en faisant bzzz. Il ne se pose pas, il ne pique pas. Il est juste incroyablement ennuyant. Il est temps que quelqu'un prenne une tapette à mouches. Que quelqu'un mette les déchets à la poubelle.
Alors que je suis dans le bus, je reçois un message de Curtis. Je souris immédiatement en voyant son prénom s'étaler sur l'écran de mon téléphone.
> Quand rentres-tu ?
Je réponds aussitôt.
> Je suis en route, justement.
> Bien. Je suis devant la porte de ta maison. Il faut qu'on parle.
Mon cœur dérape dans ma poitrine. Je déteste cette phrase. Je la hais de toutes mes forces, même. J'ai peur qu'il me largue parce que je ne sais pas... je suis trop gentil avec lui. Cette phrase, elle ne veut rien dire de bon.
Je tape un simple OK et je trépigne d'impatience dans le bus. Dès que mon arrêt s'annonce, je saute à moitié sur la route et je marche à toutes jambes vers chez moi. J'espère que Heather ne l'a pas vu. Je ne suis pas encore prêt pour les présentations. Je ne sais pas vraiment ce que j'attends. Ou alors, peut-être que je n'ai pas envie de partager Curtis ?
Mon regard s'illumine lorsque je croise les deux iris vert d'eau, mais lui semble effroyablement sérieux. Mon cœur s'emballe encore plus. J'essaie de me préparer psychologiquement. Ce n'est pas la première fois que je me fais larguer, mais c'est la première fois que j'ai des sentiments pour quelqu'un. Que j'aime. Je ne sais pas comment je vais réagir. Vais-je le supplier de me garder ? Ou partir la tête haute ?
— Tu veux rentrer ?
Un endroit familier pourrait me réconforter. Au moins, je tacherais mes propres coussins de mes larmes.
— Non. Je n'en ai pas pour longtemps. On peut s'asseoir devant ta maison ?
C'est une fierté de ma mère. Le banc rouge après le portail. Elle trouve que ça donne un aspect élégant à notre habitation qui ne l'est pas le moins du monde. Je ne vois pas en quoi un peu de fer légèrement forgé fait chic, mais je la laisse dans ses idées. Je sais que ça lui fait plaisir.
— Oui. D'accord.
Dès qu'il est parti, je m'enfuis à l'intérieur pour pleurer. Je ne veux pas que les voisins me surprennent en plein déballage de sentiments.
— Je ne viendrais pas voir ton match.
C'est direct. Nous sommes à peine assis qu'il commence à parler. J'écarquille légèrement mes yeux.
— Pourquoi ?
« Parce que je te quitte », répond mon cœur.
— Parce que Clear Lake n'est pas un endroit pour moi. Je pensais dépasser tout ça, me camoufler sous une casquette des Beavers, et mettre des lunettes de soleil. Mais je n'y arrive pas. Je suis désolé, Samuel.
Je me pince l'arête du nez en insultant mon cœur. Je suis agacé par toute l'histoire qu'il s'est montée. Mais je le suis également par ce que j'entends.
— Je te soutiendrais ! Tu n'as qu'à me fixer pendant le match, c'est tout simple. Et ensuite je viendrais te chercher et on rentrera directement chez moi. Je prendrais ma douche ici, avec ou sans toi.
Je lui envoie un sourire équivoque, mais ça fait un parfait flop. Son visage ne bouge pas d'un cil et il continue.
— Je suis allé chez une psychologue aujourd'hui. Une psychologue qui est spécialiste des problèmes que rencontrent les personnes non-blanches, parce qu'elle est elle-même non-blanche. Et j'ai vu Eliot. Il sortait, alors que j'entrais, si bien que j'ai baissé la tête pour qu'il ne me reconnaisse pas. Comme j'ai changé de couleur de cheveux, c'est sans doute passé. Mais tu sais quoi ? Je suis sûr qu'il était là à cause de moi. À cause de ce que je lui ai dit, à cause de ce que je lui ai fait lorsque nous étions plus jeunes. Il ne va pas bien à cause de moi. Parce que je suis un monstre qui n'est pas capable de s'accepter comme il est.
— C'est à cause d'Eliot que tu ne veux pas venir ? Tu sais, il n'aime pas le football. Je ne pense pas qu'il sera là.
— Peut-être, mais Daisy, si. Elle est liée aux deux personnes que j'ai attaquées. Elle sort avec Callahan, le frère d'Eliot, qui me connaît très bien. Et c'est la meilleure amie de Valentin. Si elle m'aperçoit, elle risque d'être touchée par mon aura de monstre. J'ai fait souffrir assez de monde. Donc je ne viendrais pas. C'est mieux comme ça.
— Tu préfères me sacrifier moi, qui tiens à toi plus que n'importe qui, qui est certain que tu es quelqu'un de bien et qui a besoin de toi lorsque je serais sur le terrain, par rapport à des personnes qui te traitent à longueur de journée et qui ne veulent pas voir ton évolution ?
— Je ne te sacrifie pas. Je fais juste quelque chose pour moi, et uniquement moi. Je n'ai pas envie d'aller à Clear Lake parce que pour l'instant, c'est à mes victimes à qui je pense, pas à toi. Tu me dis que je suis quelqu'un de bien, mais tu es aveuglé par ton amour pour moi, même si tu ne peux pas me le dire. J'ai fait souffrir des gens. Violemment. C'est grave, et ça ne peut pas être supprimé par de simples paroles. Je dois faire un travail dessus, et je pensais que tu m'accompagnerais dans ce processus douloureux. Apparemment, je me trompais.
Il se lève de sa place et me fixe avec un air incroyablement triste.
— Bonne chance pour ton match. J'espère que les recruteurs se battront pour t'avoir.
Je suis incapable de le retenir. Incapable de prononcer son nom et courir vers lui pour le rassurer. Parce que je ne sais pas ce qu'il vient de se passer. Je crois bien que le monstre a déballé tout son égoïsme. Et qu'il a fait des dégâts.
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