Mars - 1
Le Contrôle n'est pas une feuille de papier remplie de signes mathématiques, et qui est déposée devant vous une fois toutes les deux semaines par vos adorables professeurs. Non, c'est une sorte d'entité robotique qui a sa propre conscience et qui souhaite par dessus tout s'échapper de sa prison, soit le centre de contrôle de Starfleet (les gentils de Star Trek). C'est un méchant assez flippant, et les héros ont été obligés de filer dans le futur pour lui échapper. Oui, oui, à ce point-là.
Tu comprendras.
— Hum...
Je ferme les yeux de bonheur. C'est définitivement trop bon, il faut que je profite. Mes lèvres se resserrent, et je continue.
— C'est tellement délicieux, déclaré-je encore une fois.
— Je te l'avais dit.
Je lâche la paille que j'ai dans la bouche pour fixer Curtis. Nous sommes dans sa cuisine, devant deux grands verres de milk-shake à la menthe poivrée. Et c'est un vrai délice. Je me régale et je suis vraiment très heureux qu'il m'ait fait goûter cette petite merveille.
— En été, ça doit être génial. La fraîcheur de la menthe dans la gorge doit faire encore plus de bien.
— Exactement. On en buvait souvent à cette saison. Avant. On les faisait dans un verre en plastique ou en carton, et on l'emmenait près de la piscine.
— La piscine ?
Il me sourit, en s'éloignant légèrement de son verre.
— Oui. On a une piscine couverte. Tu veux la voir ?
Je hoche la tête. La natation est un sport que j'apprécie tout particulièrement. Je ne suis pas doué — j'ai tenté de rentrer dans l'équipe lorsque je suis arrivé à Clear Lake et je me suis fait refusé — mais j'aime ça. J'envie soudainement Curtis d'avoir une piscine à sa disposition. Il peut nager quand il a envie. Moi, je le fais rarement, parce que même si ce n'est pas trop cher lorsqu'on est étudiant, ça reste une dépense superflue.
Nous nous levons donc de nos sièges, en prenant nos verres avec nous. Il est hors de question que je laisse mon milk-shake de côté. Il m'en reste un fond, je compte bien le finir. Et peut-être même lécher le restant avec mon doigt.
Je suis Curtis dans le dédale des couloirs de sa maison, et j'observe son dos. Il est en t-shirt, bien qu'il ne fasse pas spécialement chaud dehors. Son jeans colle à sa peau, et c'est très compliqué de se détacher de son balancement de hanches, ou même de ses fesses. J'ai l'impression d'être un véritable obsédé, et ça me gêne vraiment beaucoup. Je me gifle intérieurement et je remonte vers des cheveux, dans lesquels j'adore passer mes doigts. Oui, ses cheveux sont parfaits.
Je suis tellement dans la lune que je ne remarque pas qu'il s'est arrêté devant une porte. Je lui fonce à moitié dedans, mais heureusement, je garde mes réflexes et ne fais pas tomber mon verre. Par contre, nos corps sont tout proches l'un de l'autre, et Curtis en profite pour se retourner. Ses yeux verts sont malicieux à souhait, et je sens qu'il a une idée.
— Bah alors, on ne sait plus marcher ?
Sa main libre est sur ma joue. Je frissonne.
— J'étais perdu dans mes pensées.
Son pouce caresse ma peau. C'est encore pire, je vais finir par craquer.
— Puis-je connaître le contenu de ces pensées, ou c'est un secret ?
Il joue avec moi. Il joue avec les réactions de ma peau lorsqu'il la touche. Je décide donc de rentrer dans ce jeu. J'avise un guéridon non loin de moi, avec une petite plante verte. Je pose mon verre de milk-shake pour avoir le champ libre, et je reviens à ma place initiale. Curtis m'a imité, et désormais ses deux mains sont sur mes joues. Son sourire est toujours malicieux.
— Je pensais à toi, murmuré-je en me rapprochant de lui.
C'est lui qui engage le mouvement. Il ne désire pas en savoir plus, grand bien m'en fasse. J'avoue ne pas vouloir expliquer la teneur de mes pensées. C'est trop gênant.
Je profite donc du baiser qui m'est offert. Ses lèvres ont un goût de menthe. C'est vraiment agréable comme sensation, si bien que je l'approfondis. Ou c'est Curtis ? Tout en continuant à m'embrasser, il ouvre la porte derrière lui, et recule pour que nous entrions. Je ne fais pas attention à mon environnement, mais je remarque que nous sommes dehors. La piscine est là, sous sa véranda de verre. C'est magnifique, et je m'imagine déjà faire des longueurs dedans.
— T'as ton téléphone dans ta poche ? glisse Curtis en se séparant trente secondes de moi.
— Non. Je n'ai pas de poches. C'est le désavantage de ce pantalon.
— Parfait.
Il revient tout contre mes lèvres et nous amène vers la piscine. J'écarquille légèrement les yeux. Qu'essaye-t-il de faire ?
— Curtis ?
— Allez, viens, ça peut être marrant.
— Je n'ai pas d'habits de rechange.
— Je peux t'en prêter sans problème. On fait la même taille. Enlève tes baskets si tu veux.
Il balance les siennes avec rapidité et style. Je suis sûr qu'il avait déjà son idée en tête. Au vu de l'expression qu'il m'offre, c'est certain. Et je peux de moins en moins résister à son sourire.
— Okay.
Je suis faible devant lui. Non, en fait, je suis fort. Parce que mes sentiments pour lui gardent le monstre enfermé dans son armoire. Celui qui l'aurait repoussé, en le traitant de tous les noms. Le monstre n'a pas encore réussi à retrouver la clef au fond de mon estomac. Et mon moi attiré par Curtis devient de plus en plus fort. Parce que maintenant, il développe des sentiments.
J'ai demandé à Heather comment elle savait qu'elle était amoureuse. Forcément, j'ai eu le droit à un interrogatoire en bonne et due forme, et pendant de nombreuses minutes, je me suis détesté d'être venu lui poser des questions. Mais, voyant que j'étais aussi muet qu'une carpe, elle m'a dit ce que je voulais savoir. Elle m'a décrit quelques symptômes.
Le fait que la tête soit bloquée sur cette fille en question. Le fait qu'elle se demande sans cesse ce qu'elle fait, si elle pense à elle. Le fait que lorsqu'elle la voit, une joie immense l'envahît. Le fait qu'elle n'espère que des contacts entre elles, même si c'est fugace. Le fait que parfois, elle la fixe en se rendant compte que c'est présentement, à ce moment précis, la personne la plus belle au monde, sous tous ses aspects. C'est comme ça qu'Heather sait qu'elle est amoureuse. Lorsque ce ne sont que des flirts, il n'y a que le physique qui compte. De belles lèvres pulpeuses, des seins rebondis et bien galbés — pas forcément gros — et des hanches. Heather a un truc pour les hanches, et j'avoue que ça m'a fait rire quand elle me l'a annoncé.
Le soir même, j'ai tenté d'établir une liste. Une liste des choses que Curtis me fait ressentir. Et force était de constater que j'avais pas mal des symptômes d'Heather. J'ai carrément pris peur, et j'ai enfoncé ma tête dans un coussin. Le pire, c'est que je sais que c'est totalement réciproque. Même s'il ne me l'a pas répété depuis sa gaffe de fin février, Curtis m'aime. Et cette simple pensée fait démarrer mon pauvre cœur.
J'ai toutes les conditions réunies pour tomber amoureux. Je suis attaché à lui, et il m'aime. En fait, en réalité, je suis très certainement déjà tombé pour lui. Je suis simplement dans le déni. Et ce déni est de plus en plus dérangeant, parce que j'ai l'impression que c'est une zone de confort. Et qu'il faut que je m'en sorte, pour aller explorer l'extérieur. Pour aller explorer l'amour et tout ce qui l'entoure.
L'eau sur mes vêtements me ramène dans le présent et à ce que je suis en train de faire. Soit entrer dans une piscine tout habillé. Elle n'est absolument pas froide — ça ne m'étonne pas qu'elle soit chauffée — et c'est agréable. Surtout de suivre les ondulations de Curtis, la main dans la mienne, alors qu'il m'amène sur un rebord. Il y repose son dos et je comprends. Je reviens tout contre lui, et l'embrasse à nouveau.
Je serais incapable d'expliquer pourquoi, mais il est plus beau encore lorsqu'il est mouillé. L'eau se colle sur ses longs cils et met en valeur la couleur presque translucide de ses yeux. Ses cheveux ne sont pas encore aplatis contre son crâne, et je passe mes doigts dedans en continuant à l'embrasser. J'ouvre la bouche, la déplace parfois vers son cou. Il se retourne d'un coup, profitant de l'eau, pour m'offrir sa nuque. Je sais que j'ai tout d'un vampire, mais j'adore vraiment cette position. Et je suis particulièrement fan de la peau de son cou. Il avale de l'air pour se retenir de gémir, mais je lui donne l'autorisation de s'exprimer comme bon lui semble. Il se retourne encore une fois, et revient vers moi comme un loup affamé. Je me rapproche de lui, comme si c'était possible.
Nos corps sont collés par l'eau, et nos vêtements épousent parfaitement nos formes. C'est à ce moment-là que je remarque que nous sommes tous les deux assez à l'étroit dans nos pantalons. Forcément, ça ne m'étonne pas. Il fait chaud là-dedans, c'est nouveau et particulièrement sexy. Normal que mon corps ait envie de plus.
La main de Curtis descend vers mon dos, et je sens qu'il hésite. Je me presse contre lui, pour lui montrer que je désire continuer. Les regrets essaient de percer mon cœur, mais les sentiments que j'entretiens pour Curtis les envoient valser loin de moi. Il est hors de question que je m'arrête en si bon chemin.
— Tu veux ? glisse-t-il, alors que ses paumes sont sur mes fesses.
— Oui.
Et il revient vers moi, en fermant les yeux d'aise. Vraiment, plus le temps avance, plus je sens que je suis en train de tomber pour lui.
***
Le séchage de mes vêtements après notre petite baignade est une excellente excuse pour rester plus longtemps avec Curtis. Celui-ci propose que nous terminions de regarder les Hunger Games, commencés il y a deux semaines. Lorsque je lui ai dit que je n'avais ni lu les livres ni vu les films, il a manqué de m'assommer avec un coussin. Heather n'a jamais été intéressée par cette série — bien que Jennifer Lawrence soit magnifique — et donc, je n'ai jamais pris le temps de me coller devant. Pour Curtis, c'est un must-see, si bien que j'ai été embarqué là-dedans après ma révélation.
Nous sommes au quatrième film, la partie deux du tome trois. Curtis m'a avoué que lorsqu'ils l'ont sorti au cinéma, il n'était pas pour ce découpage. Ça reprenait la mode engendrée par Harry Potter. Mais en réalité, une fois l'attente mise de côté, ce découpage est une bonne idée. J'ai particulièrement apprécié la première partie, où l'on ressent toute l'impuissance de Katniss face à ce qui lui arrive.
Je pense aussi que je me retrouve beaucoup dans le personnage de Katniss. Sa relation vis-à-vis des autres êtres humains. Le fait que parfois, elle se considère comme un monstre. Son rapport à l'amour. À mes yeux, il est clair et net qu'elle est amoureuse de Peeta. Il suffit de voir sa réaction lorsqu'il est ramené du Capitole complètement changé, parce qu'il a subi des tortures psychologiques. Elle voudrait l'aider, tout en oubliant ses propres problèmes, ses propres tortures, ses propres démons.
C'est aussi ce qui l'éloigne de Gale. Il ne sait pas ce que c'est. L'enfer de l'arène et le fait d'être une cible sur pattes. Curtis, lui, le déteste cordialement. Je ne comprends pas pourquoi : Gale est extrêmement passionné par la révolution et c'est intéressant. Lorsque je lui ai demandé pourquoi il ne l'aimait pas, il m'a répondu que je comprendrais. Alors je me tais et je me focalise sur ce qu'il y a à l'écran.
Les personnages montent la garde en pleine nuit. Peeta, qui est toujours aussi dérangé psychologiquement, interroge Katniss sur des choses réelles ou non sur sa vie. Comme les méchants ont complètement refaçonné sa personnalité, il a peur qu'ils aient implanté de faux souvenirs, et de faux goûts. J'aime beaucoup ce concept, si bien que je glisse à mon voisin, qui repose tout contre moi.
— Ta couleur préférée, c'est le rouge. Réel ou pas réel ?
Il se tourne doucement vers moi et me sourit. Il a compris que je voulais jouer à ce petit jeu, et semble également l'apprécier.
— Réel. Et toi c'est... le gris. Réel ou pas réel ?
J'écarquille les yeux. Pour lui, c'est assez simple. De nombreux objets dans sa chambre sont rouges, et il suffisait de voir sa couleur de cheveux précédente. Pour moi, c'est plus compliqué. Je n'ai jamais expressément expliqué mon amour pour le gris.
— Réel.
Il me sourit encore plus et se penche vers moi pour me glisser un rapide baiser sur les lèvres, avant de se reporter sur l'écran. Moi, je reste pantois, le serrant tout doucement contre moi, ma main gauche posée sur son épaule. Je la caresse lentement, tout en pensant au gris. Pendant quelque temps, ma couleur préférée était le noir. Le sombre, l'absence de lumière. Peut-être parce que je me considérais comme un monstre — pour ce que j'avais fait à Miho et ce que je ressentais pour lui. Peut-être parce que je ne méritais pas de lumière à mes yeux. Je n'en sais rien. Et à un moment, ça a changé. Peut-être pendant les vacances de Noël, après ma rencontre avec Curtis. J'avais toujours un problème avec moi-même, mais une petite touche de lumière était apparue. Cette petite touche de blanc qui a transformé le noir en gris.
C'est sans doute pour ça qu'il le sait. Parce qu'il s'est rendu compte que c'est une lumière pour moi. Et plus j'avance, plus mon gris se transforme.
Pendant le reste du film, cette sensation me réchauffe le cœur. Je tiens Curtis tout contre moi lorsqu'une scène qu'il n'aime vraiment pas apparaît à l'écran. Alors qu'il a la tête contre mon torse, il murmure.
— C'est encore pire maintenant. Parce que j'aime beaucoup Finnick, mais en plus, tu lui ressembles. J'ai l'impression que c'est toi qui te fais manger par ces mutations génétiques.
Il s'accroche à mon haut — qui est en réalité le sien — et je sens un peu d'eau. Mon cœur bat la chamade par ce qu'il me dit. Depuis qu'il m'a plus ou moins annoncé qu'il m'aimait, ce genre de phrase sonne tellement vraie dans mon cœur que j'en ai peur. Sauf que d'après Heather, c'est normal.
— Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais si c'est ce que tu ressens pour ton Mystère, si c'est ce qui se passe quand vous êtes proches et ensemble, ça veut dire que tu es amoureux. Et ce n'est pas grave. C'est même plutôt bien. N'aie pas peur de toi-même et de tes sentiments. Je sais que c'est effrayant aux premiers abords, mais crois-moi, après, c'est chouette, m'avait-elle déclaré.
Peu après, je finis par comprendre la détestation de Gale par Curtis. Je partage totalement ce sentiment, et tout ce que j'espère, c'est que Katniss le chasse de sa vie. Mes espérances sont comblées, et je retrouve avec joie le district douze, peuplé uniquement de ces trois pauvres gagnants traumatisés. Ils réapprennent à vivre, à aimer la vie et à s'aimer eux. Les scènes sont belles, surtout celles où Katniss et Peeta observent la pluie tomber depuis la porte ouverte de la maison. C'est tout bête, mais le regard de la jeune femme veut tout dire. Et notre ressemblance me frappe encore plus. Je suis comme elle. Je fixe Curtis de la même manière, surtout lorsqu'il est focalisé sur autre chose.
Et finalement, ils se révèlent leur amour. Ce n'est pas une grande déclaration, elle ne le dit même pas. Mais c'est là, et bon sang ce que c'est beau. Au moment de changer de scène, je sens Curtis se tendre légèrement contre moi. Il respire bruyamment. Et lorsque le générique s'affiche, et que je suis prêt à bouger, il ouvre la bouche.
— Tu m'aimes. Réel ou pas réel.
C'est mot pour mot la réplique de Peeta, alors que Katniss et lui sont dans la même position que nous — ils sont juste dans un lit et non sur un canapé. Encore une fois, il a lu en moi. Parce qu'il a tout d'un Peeta — le garçon rapidement amoureux, qui est romantique. Et que je suis totalement Katniss — complètement novice à l'amour, qui tient aux personnes qui l'entourent sans réellement le leur dire. C'est nous. C'est pour ça que je réponds.
— Réel.
Ce n'est pas pour imiter le film. Ce n'est pas parce que je suis à fond dans mon personnage, parce que Katniss aime Peeta. C'est parce que c'est vrai. C'est parce que c'est effrayant, mais c'est vrai. Et ça fait du bien de l'avouer.
Oui, je vous parle de Hunger Games dans les chapitres de Mars alors que les méchants de cette saga étaient à l'honneur en février. Je ne suis pas logique.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top